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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

PEYRESC PHYSICS 12

26 Juin 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #J.C.G.

PEYRESQ PHYSICS 12

peirec.jpg  

Les 19 et 20 juin 2007, D.G. et moi-même avons pu suivre  Peyresq Physics 12, 12° congrès de cosmologistes initié par Edgard Gunzig. Merci à lui de nous avoir invités et à tous d'avoir permis ce reportage pour internet.

Je conseille très vivement la lecture du roman d'Edgard Gunzig et Élisa Brune:
Relations d'incertitude
Ramsay, 2004 (paru aussi en poche chez Labor)
ISBN: 2-84114-700-2, 21 euros.
Ce roman autobiographique ("tout ce qui est raconté est vrai mais tout n'est pas raconté" m'a dit Edgard Gunzig) que j'ai lu comme un manuel de survie est d'une richesse incroyable tant la vie d'Edgard Gunzig, de sa naissance en Espagne pendant la guerre civile, ses parents ayant rejoint les brigades internationales à la cosmologie, est remplie de catastrophes (la solitude en Pologne "communiste", un des pays de l'avenir radieux où sa mère, juive, communiste a voulu s'installer après la guerre par conviction, l'impossibilité de sortir d'Autriche sans passeport, l'horrible séjour dans les prisons de la douane indienne...) dont il se sortira par la pratique du bootstrap qui permet au baron de Münchhausen de se sortir de la vase dans laquelle il s'enfonce en tirant sur ses chausses.

Le 19 au soir, à 22 H 29, comme on nous l'avait annoncé, nous avons vu passer ISS, la station spatiale internationale avec dans son sillage, la navette américaine qui doit s'y amarrer. Cela se passe pas loin, à 250-300 kilomètres d'altitude. La traversée du ciel, sur un axe NO-SE, proche de l'écliptique où l'on voyait alignées 4 planètes: Vénus, Jupiter, Neptune, Mars, la lune à son premier quartier, par les 2 engins, très lumineux, a duré 2 minutes. Très beau spectacle que n'ont pas vu la plupart des gens et qu'il est peu probable de revoir, la station changeant de latitude à chaque passage.

Peyresq Physics 12: aventure exceptionnelle pour deux néophytes qui se sont fondus dans le groupe des chercheurs aux confins ou de l'origine et dans le cadre du village-éperon pour en vivre l'intensité.

Découverte d'un village réhabilité de façon magistrale à partir de 1954 par des humanistes belges, site devenu un centre de rencontres diverses de niveau international comme ce congrès qui nous a fait rencontrer les plus grands cosmologistes actuels.

Peyresq, village de bout du monde, la petite route de 4 kms y conduisant s'arrêtant là, et village de proue, établi sur un promontoire. Village paradoxal qui doit sans doute à ce caractère et à l'enthousiasme de milliers d'étudiants bâtisseurs, son renouveau et son rayonnement.

Un livre raconte l'aventure de la reconstruction:
L'architecte et le berger, Peyresq 2004, Mady Smets et autres contributeurs
ISBN 2-930165-05-7, 10 euros.

Cette aventure peut être résumée par deux formules, gravées sur des poutres:
celle de Sophocle, à l'entrée du village
"Je ne suis pas né pour haïr mais pour aimer"
celle de Saint-Exupéry
"Si vous voulez que les hommes s'entendent, faîtes-les bâtir ensemble"


Un livre raconte le congrès de cosmologie de 2003, Peyresq Physics 8:
Le goût piquant de l'univers, Élisa Brune
Éditions Le Pommier, 2004
ISBN2-74650177-5, 20 euros.
Si vous voulez apprendre où on en est sur l'expansion accélérée actuelle de l'univers, sur l'énergie négative du vide quantique, sur le principe d'anthropie, ce livre rend accessible les faits les plus inattendus et les théories les plus audacieuses.
Un film a été tourné par Élisa, Alexandre, Olivier et Damien qui attend d'être monté et diffusé. Avis aux producteurs de choses rares, la science en tâtonnements, les chercheurs au quotidien.


J'ai ramené 6 heures de reportage: conférences, entretiens, ambiance.
3 vidéos sur le village et l'organisation sont visibles sur le blog des 4 Saisons du Revest:
la première vidéo montre le village, ses maisons, ses toits en bardeaux de mélèze, l'ambiance: musique à l'église (viole de gambe, flûtes), guitares à La Retrouvance, paysages et visages sur une chanson d'Axiom: Les yeux vers le ciel et une chanson de Dasha Baskakova-Lauren Vörse: Avant le début.
la seconde vidéo est une interview d'Edgard Gunzig sur le fonctionnement des rencontres de cosmologie.
La 3° vidéo en ligne montre en fragments, la causerie de Ted Jacobson, de l'université de Maryland, et l'ambiance qui règne, avec les interruptions des auditeurs présents, les discussions qui s'engagent sur la terrasse au rossignol.

Voici 3 vidéos d'un entretien avec Brandon Carter, présent à Peyresq, interrogé par un journaliste, Nicolas Constans, pour un N° spécial de la revue La Recherche sur la cosmologie quantique, à paraître en octobre-novembre 2007.
Brandon Carter est entre autres le concepteur du principe d'anthropie.


 
 
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Les entretiens de Peyresq Physics 12

26 Juin 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #J.C.G.

PEYRESQ PHYSICS 12
 
peirec.jpg
Les 19 et 20 juin 2007, D.G. et moi-même avons pu suivre  Peyresq Physics 12, 12° congrès de cosmologistes initié par Edgard Gunzig. Merci à lui de nous avoir invités et à tous d'avoir permis ce reportage pour internet.

J'ai ramené 6 heures de reportage: conférences, entretiens, ambiance.
3 vidéos sur le village et l'organisation sont visibles sur le blog des 4 Saisons du Revest:
La première vidéo montre le village, ses maisons, ses toits en bardeaux de mélèze, l'ambiance: musique à l'église (viole de gambe, flûtes), guitares à La Retrouvance, paysages et visages sur une chanson d'Axiom: Les yeux vers le ciel et une chanson de Dasha Baskakova: Avant le début.
La seconde vidéo est une interview d'Edgard Gunzig sur le fonctionnement des rencontres de cosmologie.
La 3° vidéo en ligne montre en fragments, la causerie de Ted Jacobson, de l'université de Maryland, et l'ambiance qui règne, avec les interruptions des auditeurs présents, les discussions qui s'engagent sur la terrasse au rossignol.

Voici l'entretien en 3 parties avec Gregory Gabadadze et Cédric Deffayet, cosmologistes à New York, réalisé par un journaliste, Nicolas Constans, pour un N° spécial de La Recherche consacré à la cosmologie quantique, à paraître en octobre-novembre 2007.
Au piano, pour la 1° vidéo, Dasha Baskakova, enregistrée à La Maison des Comoni au Revest, le 25 octobre 2001.


Entretiens non mis en ligne: ceux de Bill Unruh (Vancouver), Ted Jacobson, Bei-Lok Hu.
Conférence non mise en ligne: celle de Steve Carlip.

 
Résumé de notre séjour par Dominique Glasson

Nous sommes arrivés à Peyresq, Jean-Claude et moi-même, le mardi 19 juin  en fin d’après-midi. Le soir même à 22 heures 29 min, ô hasard du calendrier, nous avons pu observer le passage au-dessus de nos têtes, de la Station Spatiale Internationale (ISS) et de la navette spatiale. Deux satellites très brillants (magnitude -1, autant que Vénus elle-même) se suivant comme reliés par un câble … mais seulement sur la même orbite et voguant de concert distants d’environ 1°, soit  environ une centaine de kilomètres, avant une phase de contact.

Les organisateurs de ce congrès annuel sont Edgard et Diane Günzig. Il s’agissait de la 12ème rencontre à Peyresq  de quelques-uns des plus grands théoriciens de cosmologie et physique théorique mondiaux !  Il y a 13 ans, Edgard Günzig, lui-même cosmologiste de renom, de l’Université libre de Bruxelle, qui travaillait avec quelques collègues, leur propose de continuer la discussion, ailleurs … Quelques autres cosmologistes de Paris se joignent à eux et c’est dans ce petit village de Haute Provence que ces  rencontres vont commencer. Edgar et Diane vont d’abord créer une Fondation pour la Recherche Fondamentale (OLAM) en un temps record de 12 à 15 mois ; celle-ci deviendra une Association pour la Recherche Fondamentale (loi 1901). L’année suivante, tout a continué, puis l’association a monté en puissance …

La caractéristique essentielle de ce congrès, c’est d’abord le nombre limité de ses participants, entre 15 et 20, nombre qui s’est révélé optimum au cours des années vu l’infra structure locale … Il n'y a pas d’hôtel à Peyresq. Ce nombre limité de participants permet une beaucoup plus grande spontanéité dans les discussions, qui durent le soir et parfois, jusqu’à tard dans la nuit. Les physiciens restent regroupés ; il faut dire que le village, situé à 1500 mètres d’altitude,  ne compte que quelques dizaines de maisons, que la route se termine ici en cul de sac et qu’il faut une demi-heure, en voiture, pour descendre à la petite ville d’Annot. Pas de passage de voitures, pas de curieux… un paradis pour physiciens théoriciens en somme !

Chaque journée comporte quatre exposés ; à chaque fois un physicien fait une présentation avec « Power Point » d’un sujet portant sur sa recherche ; l’intervention est beaucoup moins formelle que dans un congrès conventionnel, où le temps de parole est souvent limité à 20 minutes ; là les exposés durent plutôt une heure trente minutes, souvent interrompus par les autres cosmologistes, qui posent une question, ou bien font part de leur sentiment sur un point particulier, ou discutent sur un résultat de recherche de leur collègue sur lequel ils ont  une vue différente…

Comme nous le commente Monsieur Günzig, une grande qualité est atteinte depuis 6 ou 7 ans. Grâce à quelques collègues Américains, Canadiens et Espagnols participants, ces rencontres de Peyresq, commencent à être connus, mais « pas trop », car il ne faut pas que la demande devienne explosive par rapport aux capacités d’accueil du petit village … Par exemple, il n’y a pas lancement d’information sur internet.

Un congrès est bon s’il apporte une « valeur ajoutée » ; les Rencontres de Peyresq ne sont pas là pour faire part des dernières découvertes ; les participants, qui viennent avec leurs conférences, ont déjà publié leurs travaux, dans la littérature spécialisée. Comme le dit Edgard Günzig, on n’est pas là pour apprendre, l’essentiel est dans la rencontre prolongée des participants, la vie partagée pendant une semaine ; des collaborations internationales sont ainsi nées, qui n’auraient pas eu lieu sans cela.

A mentionner aussi la place faite  aux jeunes, pour qui la rencontre prolongée avec des maîtres aussi confirmés et prestigieux, est une expérience unique que les congrès traditionnels ne permettent pas. Ainsi, ces deux jeunes Espagnols, dont un qui va présenter sa thèse la semaine prochaine à Barcelone …

Remarquons aussi, les annales de ce congrès, paraissent dans un numéro spécial d’ IJTP (International Journal Theorical Physics) qui leur est totalement dédié ; la longueur des articles est à la discrétion des auteurs, alors qu’habituellement les textes dans ces journaux spécialisés sont très « formatés ».

Que Diane et Edgar Günzig qui nous ont offert le couvert et permis d’assister aux conférences et interview de quelques cosmologistes par un journaliste de « La Recherche » soient ici vivement remerciés pour leur gentillesse.
                            D. Glasson

Je ne saurais terminer ce petit compte-rendu sans donner la liste des prestigieux participants à ces Rencontres de Peyresq (cherchez ces noms sur internet):


- Edgard Günzig
- Valeri Frolov               
- Bill Unruh              
- Renaud Parentani           
- Don Marolf              
- Brandon Carter          
- Misha Volkov              
- Don Page               
- Gregory Gabadadze           
- Cédric Deffayet
- Diego Blas
- Steve Carlip
- Ted Jacobson
- Albert Roura
- Guillem Pérez-Nadal
- Larry Ford
- Bei-Lok Hu

Pendant ces deux jours passés à Peyresq, nous n’avons entendu parler que de « black hole », les fameux trous noirs, car tous les participants, cosmologues théoriciens, d’une façon ou d’une autre travaillent sur ces objets… En effet ceux-ci constituent l’objet physique clé où les différents domaines de la science peuvent se rencontrer, comme par exemple la relativité générale et la mécanique quantique que pour l’instant on ne sait toujours pas unifier en une théorie unique. Pour prendre une image, on pourrait dire que les trous noirs jouent, vis-à-vis de ces deux piliers de la physique moderne, le rôle qu’avait joué dans les années 1913, l’atome de Bohr (modèle planétaire des électrons se déplaçant autour du noyau) pour la  mécanique, l’électromagnétisme et la théorie des quanta naissante…

Un trou noir résulte de l’effondrement final d’une étoile massive et la gravitation à sa surface est tellement importante qu’aucune particule ne peut s’en échapper y compris les « particules » de lumière, c’est pour cela qu’il apparaît  noir  à tout observateur extérieur. C’est, dans le principe, un objet « très simple » puisque 3 grandeurs physiques suffisent à le caractériser entièrement : sa masse, sa charge et sa vitesse de rotation (plus exactement son moment cinétique) (c’est le théorème de calvitie, que John Wheeler a résumé ironiquement par l’expression : « un trou noir n’a pas de cheveux »)

Quand un objet quelconque de notre Univers tombe dans un trou noir, il y a perte d’entropie ; or l’entropie de l’Univers (qui est un système isolé) ne peut que croître : le second principe de la thermodynamique semble être mis en défaut… C’est pour préserver ce dernier qu’en 1972 Jacob Bekenstein énonce que la surface d’un trou noir (plus exactement la surface de son « horizon des événements ») est une mesure de son entropie et que celle-ci ne peut que croître.

C’est à l’étonnement quasi général, qu’en 1975, Stephen Hawking propose que les trous noirs rayonnent. En effet, le vide quantique n’est pas vide … En permanence des particules virtuelles (trop rapides) sont créées puis annihilées par paires (particule/anti-particule) à cause de la deuxième relation d’incertitude de Heisenberg (_E __t ≥ _).
Si une paire est créée proche de l’horizon du trou noir et que l’une d’entre elles est capturée par ce dernier, alors l’autre peut s’éloigner et devient ainsi une particule réelle pour un observateur extérieur. Tout se passe donc comme si le trou noir « rayonnait » ; on l’appelle maintenant le rayonnement de Hawking.

Les calculs montrent que le spectre de ce rayonnement est un spectre thermique (rayonnement de « corps noir » qui est un corps idéal de la physique classique). On peut donc définir une température du trou noir. Celle-ci est d’autant plus faible que le trou noir est massif : par exemple un trou noir de 6 masses solaires a une température d’un cent millionième de degré au-dessus du zéro absolu (qui vaut nous le rappelons – 273 ° Celsius). Une explication plus rigoureuse de ce rayonnement a été donnée par Hawking qui s’appuie sur une analogie avec le rayonnement de Unruh ; en effet William Unruh a montré en 1976 qu’un observateur uniformément accéléré dans le vide verrait un rayonnement de corps noir dont la température est proportionnelle à l’accélération.

Ainsi apparaît, via ce rayonnement, un lien très étroit entre accélération, gravitation, thermodynamique et mécanique quantique. En fait, comme nous le disions au début, les trous noirs sont un objet d’étude où physique classique, relativité générale et mécanique quantique sont inextricablement liées et sur lesquels tous les spécialistes réunis à Peyresq continuent de travailler avec acharnement et passion, car c’est sans aucun doute une fenêtre qui permet d’avancer sur la compréhension de l’Univers.                                                          
D. Glasson

 
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Échanges entre Robert et grossel sur la politique et la démocratie

25 Juin 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #R.P., #J.C.G., #agora, #écriture- lecture

M'étant rendu compte que par erreur, j'avais fait disparaître, lors de mon nettoyage de l'écume politique, le 24 juin 2007, ma réponse à Robert, lors de notre débat sur la démocratie, (c'était entre le 30 novembre 2006 et le 7 décembre 2006) je remets en ligne ma réponse d'alors et je fais remonter l'article dont la pertinence me semble d'actualité. (grossel)

 

L 109
OPINIONS
 
“D’abord, il me semble qu’il faut réaffirmer que la politique c’est le domaine des opinions, au moins en démocratie, que ce n’est pas le domaine de la vérité, que les opinions de chacun sont souvent changeantes comme sont changeantes celles du grand nombre.”
Opinion et postulat que pose Jean-Claude Grosse sur son site. Pour en savoir plus et même pour tout savoir :


(François à Robert: le postulat de grossel est-il une opinion ou une vérité?
Pour grossel, c'est une opinion: la politique c'est de l'action, ça relève de l'efficacité, non de la vérité; la philosophie a peut-être à voir avec la vérité; une opinion n'est pas prouvable, elle n'en a pas moins une valeur, elle vaut une voix lors d'élections)

"La politique ? Faire de la politique ? L’exercice du Pouvoir ne relève pas, dans son essence, d’une opinion aléatoire ; participer ? L’exercice du vote est un choix à faire en regard d’intérêts multiples et contradictoires et la raison y est prépondérante par principe.
Lorsque Périclès - ou l’idée que nous nous faisons de lui - arrêtait un principe de connaissance et de mesure absolu qui devait guider le choix des citoyens électeurs, qu’il définissait la démocratie comme la volonté du plus grand nombre, qu’il mesurait le service rendu, ou que pourrait rendre un citoyen en proportion de ses capacités, il ne donnait pas son opinion, il énonçait une règle. La démocratie est une construction cohérente forgée à travers l’histoire chaotique des sociétés et des Etats, se construisant tantôt avec, tantôt contre eux. La démocratie, politique rationalisée, ne doit pas chercher à plaire mais à gouverner la cité pour le bien du plus grand nombre. Du moins pour ce qui relève de la tradition classique, différentes seraient les conceptions d’une “pratique démocratique” dans les civilisations africaines, asiatiques ou d’Amérique du Sud aujourd’hui.

 

Plate-forme de la Pnyx d'où parle l'orateur public.
 


Athènes, dans l’antiquité lointaine et encore dans sa période classique, est une entité facilement repérable, visible dans ses contours, dénombrable avec assez de précision, les classes sociales y sont facilement répertoriées et, pour les plus puissantes, c’est-à-dire les moins nombreuses, nominativement désignées. Néanmoins, la démarche fut lente et sanglante qui conduisit les Athéniens à la démocratie - une minorité de citoyens puisque les esclaves, puisque les femmes et les étrangers ne concourraient pas à l’élaboration politique de la cité. Sa gestation fut soumise aux pires exactions de familles avides de puissance et sans plus de scrupules qu’un chevalier d’industrie du XIX° siècle ou qu’un requin de la finance contemporain. De la cruauté de ces affrontements émergera la puissance draconienne de la raison posant la loi, puis Solon, fondements juridiques sur lesquels reposera la démocratie politiquement achevée avec la constitution de Clisthènes. Et pourtant Athènes ne cessa jamais d’être parcourue d’opinions versatiles ou contradictoires de plus en plus imprévisibles, en raison même de sa puissance toujours grandissante ; l’opinion fut une menace pour son existence avant de devenir son linceul.

 

Solon


Rome en fit presque autant : quand le trône impérial eut surgi des hésitations d’une opinion versatile - influencée par ses appétits de puissance - et que l’Empire put s’épanouir grâce à son inconstance.

Il aura fallu une certaine “hauteur de vue” pour imposer à la cité athénienne l’indispensable ordre de marche capable de rétablir sa politique sur des bases réalistes c’est-à-dire efficaces, en rapport avec ses ambitions et ses capacités. Le vaisseau sombra corps et âmes quelques siècles plus tard - c’était une civilisation, elle était donc mortelle - sans que pour autant sa contribution à l’histoire politique fut soustraite au patrimoine de l’humanité. Bien au contraire, la vivacité du débat, qui n’a jamais vraiment cessé, retrouve une nouvelle intensité aujourd’hui, sous nos yeux.
C’est en ce sens que je veux contredire la contribution de Jean-Claude Grosse qui me paraît très loin de l’héritage d’une raison constructive et arbitrale. Avancer c’est marcher contre toutes les opinions et idées reçues aveuglantes, contre l’appel à “l’opinion publique”, cette abstraction confortable qui habille la mauvaise foi et prépare les coups tordus. “Superstition verbale” dira d’elle Fernando Pessoa (dont je ne partage pas plus les orientations politiques qu’il se serait inquiété de ce que j’en pense...) et je crois voir dans la somme des opinions individuelles se neutralisant les unes les autres, “l’opinion publique” dont on ne sait jamais quelle réalité s’y dissimule. Hitler par ici, Gandhi par ailleurs, les dés sont jetés et ne retombent jamais, à vrai dire. Quelqu’un les ramasse avant et compose la somme qui lui convient pour en faire ce que ses suppôts voudront qu’il en fasse.

 

Klérotérion, machine à tirer au sort les jurys

Partant je sens un vent mauvais qui nous emporte quand je lis, sous la plume de Jean-Claude Grosse, qu’il me faudrait “prendre en compte l’état d’esprit des gens” et accepter de surcroît ce second postulat apodictique selon quoi “la politique en démocratie d’opinion n’est pas qu’affaire d’argumentation, il faut entrer en résonance avec l’état d’esprit des gens, voire avec l’âme d’un peuple...”. Renan, déjà, reniflait autour de la notion de Nation et trouvera, par dépit, que la “Nation est une âme”. Durant la première guerre mondiale, c’est Gustave Le Bon qui s’inquiète, tire les premières conséquences de la guerre et affirme : “...l'âme profonde d'un peuple change très peu dans le cours des siècles. (Gustave Le Bon, Premières conséquences de la guerre; 1916). En 1895 déjà, il posait sa définition en toute clarté : “Les caractères moraux et intellectuels, dont l’association forme l’âme d’un peuple, représentent la synthèse de tout son passé, l’héritage de tous ses ancêtres, les mobiles de sa conduite.” (1895 G. Le Bon ; Les caractères psychologiques de l’évolution des peuples). Il poussait le raisonnement dans ses derniers retranchements : “Ni les changements de milieu ni les conquêtes ne suffisent à modifier l'âme d'un peuple. Sa transformation n'est possible qu'au moyen de croisements répétés. Le sol, les institutions, la religion même ne changent pas l'âme d'une race.” assénait-il et afin que rien ne soit laissé dans l’ombre : “ Entre peuples de mentalité trop différente, (les croisements) sont désastreux {...}.Les peuples de métis, tels que ceux du Mexique et des républiques espagnoles de l'Amérique, restent ingouvernables par cette seule raison qu'ils sont des métis.” (id°).
Je sais que ce n’est pas ce que J.C. Grosse veut dire, pourtant je ne doute pas que cela soit implicitement contenu, à son insu, dans cette vision des choses. Ces propos trimbalent une logique irrémédiable qui tire ceux qui s’en font les hérauts vers les envoûtements d’un nationalisme irrationnel. Plus rien ne tient dès que “l’âme d’un peuple” irradie le citoyen subitement métamorphosé en “sujet” de la Nation...
“Le sommeil de la raison produit des monstres” a écrit Goya, et ce n’est vraiment pas le moment de lui préparer sa couche, mais au contraire de la secouer pour un réveil brutal !

Une remarque presque incidente pour finir : la démocratie aujourd’hui a perdu les atours que lui conféraient les pratiques athéniennes du temps de Périclès. Les jeunes éphèbes prononçant, mains tendues au-dessus de l’autel des dieux, en présence de l’honorable assemblée (la Boulée), et prêtant solennellement le “serment civique”, serait du plus mauvais goût. Bien entendu, Athènes au IV° siècle c’est le berceau mais personne ne passe sa vie dans son berceau...
Mais la République, la “chose publique” (Res publica) qui nous est échue, peut-elle admettre dans ses institutions “...les hommes et femmes politiques que nous méritons collectivement ? Donc médiocre pour beaucoup, comme nous.” ? C’est ce qu’affirme le texte. Outre la désobligeance du propos qui touche non seulement les citoyens que nous sommes mais aussi et surtout la candidate de son choix - “Pour moi Ségolène correspond à ce que nous sommes” - outre l’obscurité du diagnostic que j’attribue à une rédaction hâtive et fiévreuse - “...pour beaucoup, comme nous” - et pour peu que le chœur reprenne ce chant ténébreux, voilà qui ferait présager un grand malheur..."
Robert
 
Liens à consulter
http://agora.qc.ca/biblio/democratie.html
http://membres.lycos.fr/stromhg2/cours/seconde/hist/antiquite/demoathen.htm
http://hellada.free.fr/democratie.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ath%C3%A8nes_antique
http://www.educnet.education.fr/musagora/citoyennete/citoyennetefr/democratie-droits.htm
http://www.assemblee-nationale.fr/juniors/democratie.asp

 
Merci à Robert.
Réponse de grossel:

 
Réponse de grossel à Robert

D’abord sur le côté désobligeant de ma remarque sur notre médiocrité.
1- Je me suis compris dans l’ensemble
2- Cet ensemble concerne l’ensemble des gens ; c’est une vision statistique ; ça ne vise personne en particulier ; je sais que chaque vie est singulière, chaque personne aussi et je n’ai pas de jugement là-dessus ; je dirai même que j’apprécie souvent d’écouter telle ou telle personne (car on n’écoute jamais l’ensemble) quand je réussis à me taire ; alors me demandera-t-on : pourquoi parler de médiocrité de l’ensemble ? Étymologiquement, médiocre vient de : qui est  au milieu, qui est moyen. Sens qui a évolué vers : en dessous de la moyenne, autour de la moyenne. Par opposition à : grand, parfait, excellent, supérieur. Il ne me semble donc pas désobligeant de parler de médiocrité en ce sens que les élections départageront une moyenne d’une autre moyenne (l’un aura un peu plus que l’autre, à 1 ou 2% près, voire moins de 1%).
3- Si je me situe maintenant sur un terrain de jugement de valeur, terrain assez miné et assez détestable mais hélas, on n’arrête pas de porter des jugements de valeur sur autrui, en toute méconnaissance (ça s’appelle des a priori, des préjugés, des étiquettes), je pense que chacun est un mixte de qualités et de défauts et que ça fait une moyenne ; je pense aussi que s’il y a des salauds, il y a aussi des gens bons et ça fait une moyenne ; s’il y a des gens qui meurent tôt, d’autres meurent plus tard ; s’il y a des malades de longue durée, il y a aussi des gens en bonne santé…Bref, la moyenne, le milieu comme moyenne d’extrêmes ou moyenne de moyens, ça me semble une vision assez proche de la réalité dans son ensemble.Évidemment, l’essentiel me semblant être la singularité de chacun et de sa vie dont chacun fait l’usage qu’il peut, quelquefois qu’il veut.
Ensuite sur Ségolène Royal. Non, non, je n’ai pas rédigé à la hâte. Je pense qu’elle est une femme politique pouvant nous permettre de battre Sarkozy et c’est cela qui m’importe d’abord pour la prochaine échéance. Élue, sera-t-elle la femme politique dont le pays et les gens ont besoin ? Là, c’est un pari : la politique par la preuve  l’emportera-t-elle sur les promesses non tenues auxquelles nous avons été habitué depuis Mitterrand, je n’en sais rien. Je pense que sa conviction de faire de la politique autrement, un peu autrement, pas radicalement autre, est forte. Sa volonté, appuyée sur nos volontés que ça change, peut partiellement faire bouger les choses, nationalement, en Europe, dans le monde. Sans doute devra-t-elle aller plus loin que le projet du PS et sa déclaration sur la BCE va dans le bon sens si au pouvoir, elle convainc les autres de soumettre les monétaristes de la BCE au pouvoir politique européen. Sinon, il faudra corriger le tir, revenir sur Maastricht ce que disait le Non au TCE de mai 2005, revenir à une banque nationale…
En ce qui concerne la politique comme exercice de la raison constructive et arbitrale, contre toutes les opinions aveuglantes, que fait Robert du tirage au sort des citoyens à Athènes, lesquels jurys décidèrent par exemple la condamnation à mort de Socrate ? Que fait Robert des sophistes, fournisseurs d’opinions contre lesquels bataillaient Socrate puis Platon, lequel n’était pas pour la démocratie.
Je serais plutôt d’accord avec ce qu’il dit sur les dés sont jetés qui ne retombent jamais, ramassés par un profiteur du bon moment, ayant su saisir sa chance : oui, je crois que c’est plutôt comme ça que ça se passe ; on peut le regretter mais moi, ça me plaît assez, car celui qui ramasse les dés ne savait pas qu’il allait les ramasser. Ce jeu de hasard à somme nulle si je me souviens de ce que des mathématiciens ont produit dans les années 50 me semble correspondre à ce qui se passe. Et ça va contre la toute puissance de la raison, aussi dangereuse que le sommeil de la raison.
Quand dans l’isoloir, je mets mon bulletin de vote dans l’enveloppe, que mon choix soit raisonné, irrationnel, un mixte de raison et de sentiments (il m’a semblé lire chez Platon que le politique tricotait avec des sentiments comme la peur, l’espoir), arbitraire de dernière seconde, quand je mets ensuite cette enveloppe dans l’urne (si je vote), ma voix est une opinion qui vaut comme toutes les autres, pas plus que les autres. La démocratie d’opinion est une démocratie qui comme la mort égalise toutes les voix et les plus capables, les plus autorisées valent comme les plus farfelues (comptabilisées en nul). Et le total des voix ne fait pas une opinion publique mais un vainqueur et un vaincu à peu près à égalité dans nos démocraties, soit deux opinions publiques, lesquelles étant donnée la stabilité du corps électoral évoluent assez peu : il a fallu pour faire émerger le FN le glissement des voix populaires de gauche (les déçus du PC et du PS) vers le rejet du système représentatif car le FN a d’abord servi à ça : une tentative irrationnelle de donner un coup de pied dans la mangeoire des élites culs et chemises.
Si j’essaie de faire de la politique en 2007, selon la règle dégagée par Robert, je retiens Cheminade et le candidat-maire d’en bas impulsé par le PT. Avec le candidat des « travailleurs », j’ai l’option la plus radicale de rupture avec la V° République et avec Maastricht. Mais je n’ai pas un programme très net : ce sera une question de rapports de force le moment venu, autour du maintien des acquis et des services publics ; c’est important, ce n’est pas suffisant ; et pourtant voilà bien un mouvement accompagnant les masses, leurs besoins mais aussi leur niveau de conscience, leur état d’esprit donc, à ce moment de la lutte des classes, toujours moteur de l’histoire, un mouvement d’éducation pas à pas, un pas en avant des masses, pas plus. Avec Cheminade, j’ai aussi un candidat de la rupture avec Maastricht, avec le système monétaro-financier, avec les néo-cons bushistes : le programme est des plus convaincants sur tous les sujets dans le cadre de la V° République revisitée. Avec le PT, un candidat d’en bas, un candidat de la démocratie presque directe, issu d’un Rassemblement national, expression de délégués venus de loin en train, autocar…Avec Solidarité et Progrès, un candidat qui se dit de caractère, qui adopte une posture d’homme providentiel, seul capable de nous sortir de la crise imminente (krach boursier planétaire ou guerres), auto-désigné, son mouvement réuni en AG n’ayant pas eu à le désigner.
Mais aucun de ces deux candidats potentiels n’aura peut-être les 500 signatures pour pouvoir se présenter. Et à supposer qu’ils franchissent l’obstacle, vais-je leur accorder ma voix comme je l’ai fait tant pour l’un que pour l’autre, en raison, alors qu’il y a eu le 1° tour de 2002 ? Je n’ai pas de regrets quant à mon vote du 1°tour : Jospin lui-même a dit que son programme n’était pas socialiste mais au 2° tour, je n’ai pas choisi Chirac contre Le Pen comme me le demandait, une gauche inconséquente.
Aujourd’hui, la situation me semble différente : il y a eu débat à l’intérieur du PS, une candidate  a été choisie, (c’est la première fois que cela se pratique dans un parti), il y a débat à l’extérieur avec les débats participatifs ouverts à tous,(que ceux qui s’en méfient aillent lire les synthèses sur Désirs d’avenir), il y a une candidate qui me semble tenir des propos fermes contre ceux qui s’en prennent aux conditions de vie et de travail des gens et des propos pouvant regagner les déçus d’hier et d’aujourd’hui, les exclus, licenciés, délocalisés,sans papiers, SDF…, bref une candidate du rassemblement… contre un candidat conseillé par un cabinet de consultants américain, le Boston Consulting Group : le BCG, vaccin libéral, faisant allégeance à Bush au moment où celui-ci est en perte de vitesse et sera peut-être destitué avant la fin de son 2° mandat (je préfère le voyage de Ségolène au Proche-Orient au voyage de Sarkozy aux Etats-Unis : la portée est toute autre), un candidat de droite d’une droite de moins en moins complexée (voir Laurence Parisot du Medef), de plus en plus offensive, de plus en plus « idéologique » (qu’on pense à Liberté chérie, fournisseuse d’actions et d’arguments). Bref, la raison m’incite à aller vers Ségolène Royal, mon petit machisme aussi : une femme-femme, comme j’ai dit, ça pourrait contribuer à une égalité dont je n’ai pas été toujours à la hauteur.
Dernier point que je veux aborder : « l’esprit des gens, voire l’âme d’un peuple ». Les deux expressions ne sont pas équivalentes pour moi d’où le « voire ». L’esprit des gens, c’est l’esprit « collectif » qui aujourd’hui est plutôt individualiste et cet aspect me plaît assez si c’est pour se démarquer de l’homme collectif, conformiste, étiqueté, étiquetant, se soumettant aux normes, modes et autres modèles comportementaux ; si cet individualisme conduit à plus d’usage de sa liberté, de sa singularité, cela me semble bénéfique et donc je ne crains pas ce que craint Robert, à savoir un envoûtement pour un nationalisme irrationnel ; à mon humble avis, les gens n’ont plus envie de ça et ne sont pas prêts à un vouloir-vivre ensemble qui serait synonyme de réduction de leurs libertés au nom d’un intérêt supérieur ; ce qui rend d’ailleurs difficile la définition du bien commun, de la res publica : le sens de la vie privée est devenu plus important que les intérêts supérieurs de la Nation et donc ce que les gens (les Français) attendent parce qu’ils ont les mêmes problèmes, c’est une politique non au service de la France mais des Français ; les problèmes des individus sont devenus les problèmes collectifs et la politique tend à devenir l’auxiliaire de la vie privée, au service des gens; 68 est passé par là, assez durablement et tant mieux; les gens aspirent au bonheur, idée des Lumières, inscrite dans la Constitution américaine, pas la nôtre et ils attendent que la politique les aide à atteindre cet objectif ( ce n’est pas le mien, à cause de la mort).  Je sais qu’aujourd’hui, pas mal de gens critiquent 68 ou les soixante-huitards (les cheminadiens mais aussi Sarkozy et des gens ordinaires, des trentenaires nous accusant de ne pas leur avoir préparé d’avenir) ; je réponds que c’est bien à une révolution culturelle que nous avons participé, que ce n’est pas une sous-culture  qui est née de 68  mais des aspirations de liberté, de mouvements de libération donc, dont nous n’avons pas épuisé le compte. D’où le slogan sous lequel je me présente sur la plupart des forums : Je m'inscris dans le mouvement d'hier, d'aujourd'hui, de demain pour que ce pays se trouve en accord, un jour, avec sa devise: LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, valable pour tous.
L108
 
PRESTIDIGITATION
 
Prestidigitation : exercice préféré de l’INSEE qui, par “l’adresse de ses calculs, produit des illusions en faisant disparaître, apparaître, changer de place ou d’aspect les objets.” (Petit Robert), la “pauvreté” étant un objet parmi d’autres.
788 Euros par mois, étant le seuil de pauvreté. Quiconque franchira ce seuil sera un homme pauvre. Quiconque, ayant franchi le seuil, s’enfoncera dans la pauvreté sera un homme mort, prématurément. Plus vous vous tiendrez en amont du seuil moins vous mourrez. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Oui, pour le moment. Je veux dire que pour le moment ils vivent encore...
La discussion est désormais engagée pour savoir si oui ou non le nombre des pauvres a diminué en France depuis 10 ans. L’INSEE fait trois passes derrière le foulard rouge de ses statistiques et dit : OUI ! 7,6 millions de pauvres en 1996 (année funeste) contre 6,8 millions en 2006 (embellie), on en discute.
Les riches s’occupent des pauvres et les font vivre pour qu’ils ne meurent pas trop tôt et trop visiblement pauvres. Une institution bien connue fait des miracles : Emmaüs. Fille de l’Abbé Pierre, elle est dirigée par un énarque, conseiller d’Etat et ancien directeur de cabinet de Bernard Kouchner, il a 42 ans et vient de signer un bouquin édité chez Laffont : “La pauvreté en héritage : 2 millions d’enfants pauvres en France” il s’appelle Martin Hirsh. Renseignements puisés dans Libération le 23 novembre.
Tonino Serafini, journaliste à Libération pose les questions au PDG d’Emmaüs : “L’INSEE fait état d’une baisse du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté. Est-ce aussi votre constat ?” et Martin Hirsh : “ Il y a eu incontestablement une baisse de la pauvreté parmi les personnes de plus de 60 ans. {...} Mais attention cette tendance est en train de se retourner.” Dans sa dernière question Tonino Serafini n’y va pas par quatre chemins : “Que faire selon vous pour réduire durablement la pauvreté ?” Martin Hirsh :”Je plaide pour un revenu de solidarité active, qui complète les revenus des travailleurs pauvres et de leurs familles et favorise une transition mieux accompagnée vers un emploi plus rémunérateur, car plus qualifié et plus pérenne. C’est l’une des quinze propositions que nous défendons sans relâche contre l’inacceptable pauvreté des enfants !”. Martin Hirsh président d’Emmaüs France, très riche et très puissante institution internationale, est aussi un homme d’action gouvernementale, une note du journal précise que “En avril 2005, la commission familles, vulnérabilité, pauvreté, présidée par Martin Hirsh, a remis au gouvernement un rapport “Au possible nous sommes tenus : la nouvelle équation sociale”. Il présente quinze résolutions pour combattre la pauvreté des enfants.”. Nous pouvons donc affirmer que la réduction durable de la pauvreté inacceptable est possible en quinze propositions et que le gouvernement a désormais tous les éléments pour procéder aux ajustements nécessaires.
Quant à savoir ce que devient la pauvreté acceptable, Monsieur Hirsh n’a pas répondu. Encore une affaire de statistique ? L’enfant dont la limite d’âge pourrait se situer aux alentours de 13 ans par exemple, pourrait devenir un adolescent pauvre jusqu’à l’âge de 18 ans, un adulte sous le seuil de pauvreté jusqu’à l’âge de la retraite enfin un mort vivant pour les quelques années qui lui resteraient à survivre dans un extrême dénuement. L’équilibre universel n’en serait pas affecté et la morale préservée. Resterait à choisir la catégorie sociale la mieux adaptée pour ce genre de vie, car c’est un “genre de vie”, rien de plus, rien de moins, que d’être “un Pauvre”. Cette catégorie est à l’exercice depuis longtemps, nous la connaissons : le prolétariat, disparu aux yeux du capitaliste, qui l’a effacé du vocable officiel employé par la plupart des économistes et politiques. En dernier ressort les pauvres sont des Pauvres catégoriels, inévitables et indispensables.
Emmaüs France continuera donc son petit bonhomme de chemin la conscience tranquille. Si le gouvernement ne saisit pas sa chance ce n’est plus vraiment l’affaire de Monsieur Hirsh qui va attendre que le temps passe et que la pauvreté s’accroisse - ce qui somme toute est son gagne-pain, un peu à la manière du banquier nobélisé - alors il reviendra peut-être à la charge à la tête de sa commission, fera une ou deux déclarations, accordera quelques entretiens à des journaux complices etc... Que chacun reste à sa place et les pauvres seront bien gardés derrière des barbelés d’illusions.

En outre, rien de ce qui peut amasser mousse n’échappe au politique, surtout à quelques mois de l’échéance que l’on sait. Or la pauvreté est bien installée et ne semble pas vouloir disparaître avant 2007. Par conséquent si l’insécurité sociale se développe elle devient, aux yeux des politiques, un thème “porteur”. Dans un journal comme Libération (qui consacre trois pages au sujet), sous le titre “L’insécurité sociale, sujet politique porteur”, ça se dit ainsi, : “{...} à côté de l’insécurité, qui devrait être le thème de campagne favori de la droite, la question de l’insécurité sociale pourrait retrouver une petite place dans le jeu électoral”. Un député PS quant à lui dira : “Tous les candidats devront se prononcer sur cette question des inégalités, des revenus et de l’émergence des travailleurs pauvres. Les chiffres sont là et la gauche est légitime sur ces questions”, parlons-en mais n’y touchez pas : je suis le “Légitime” !

Enfin, durant tout ce temps se nouent et se peaufinent les éléments d’une reprise en mains de l’Europe par la Chrétienté organisée et militante avec, à sa tête, le Pape Benoît. J’ai en mémoire les quelques quolibets que m’avait valus mon article publié dans Libération, ces “critiques” figuraient dans le journal en ligne et semblaient vouloir dénoncer l’inanité de mon analyse (“pitoyable” “nul” “je suis écœurée”, “c’est déprimant” à quoi s’ajoutaient un verbe, un sujet indéterminé et un complément plus ou moins direct). Un mois s’écoule et, dans le même journal, à la même rubrique, Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne, responsable pour les affaires de justice, liberté et sécurité, apporte sa contribution à l’œuvre de reconquête, qu’il associe à l’intervention papale de Ratisbone. “Le religieux ciment de l’UE” est le titre de sa contribution. “Poser le thème des racines chrétiennes revient aujourd’hui à lancer un triple défi : celui de notre identité européenne, celui d’un univers religieux qui s’affirme, celui d’un christianisme qui n’est pas seulement mémoire du passé mais {...} une partie de notre avenir” (c’est moi qui souligne), il ne s’agit pas d’un lapsus mais d’une véritable refonte du programme offensif qui défie tous les peuples de l’Europe. Du haut de sa superbe, le vice-président de la Commission européenne donne le ton et brandit sabre et goupillon. Et ce ne sont pas les réflexions servies avec componction sur la “raison et religion qui vont ensemble” qui nous rassurent. Il est aussi question d’un “statut politique de la religion dans la société” dont il faudrait s’inquiéter et qui nous inquiète !

De l’Europe, il n’a été que très peu question dans la campagne présidentielle ou, quand on en parle, c’est sous les manteaux du Parti socialiste pour y réfuter et déconsidérer ceux qui ont voté “non” au référendum sur la Constitution européenne. Témoin cette remarque de couloir d’un proche de Strauss-Kahn : “Le non au référendum n’était pas “de gauche” mais populaire, populiste” (Le Monde 19/20 septembre). Ce qui est populaire est populiste, et la sociale démocratie, emmenée par Strauss-Kahn son champion, est contre le populisme... Elle est pour une bonne gestion de l’économie libérale tempérée, ce qui n’est possible qu’avec des mots. La réalité, elle, est carnassière, les mots et ceux qui les portent sont pulvérisés dans ses mâchoires quotidiennement. Et même la Mecque suédoise du libéralisme éclairé a de plus en plus de difficultés à résister à la pression.
La gestion du capital se fait de plus en plus obscure, les grenouillages dans les eaux troubles du tunnel sous la Manche en donnent une bonne image. Qui en a profité, qui a plus ou moins (bien) tiré les ficelles du tripotage financier ? Qui sont-ils ? On ne le saura probablement jamais. Les “petits actionnaires”, innocents aux mains vides, seront les premiers à payer les pots cassés de leur grande illusion. Mais, rassurons-nous l’affaire est une bonne affaire qui reste rentable et obtient même des marges bénéficiaires records. Tout le rationalisme de l’exploitation capitaliste se trouve concentré, à titre exemplaire, dans ce faux paradoxe : l’exploitation est très rentable, la société est au bord de la faillite. Le tunnel a coûté trois ou quatre fois plus cher que prévu (prévu par qui ? Comment ? Pourquoi cet écart ? Qui en profite ? Voilà un travail intéressant pour un audit curieux, studieux et courageux...) l’endettement dépasse les capacités de remboursement (à qui rapporta-t-il cet endettement ? Quelles sont les banques qui ont prêté et combien ont-elles gagné ?), y avait-il un rapport quelconque entre ceux qui ont exécuté le devis et ceux qui ont prêté ? Des questions qui resteront sans réponse à moins qu’un journaliste aussi obstiné que Denis Robert veuille s’y coller.

À ce sujet, comme le précise le blogue de Denis Robert lui-même, nous n’oublierons pas que ce journaliste est poursuivi sans relâche par Clearstream, le Parquet et le premier Ministre : 200 visites d’huissiers à son domicile, 30 procédures judiciaires en cours. * Que font ses collègues de reporters sans frontières ? Ont-ils mené campagne sérieuse qui serait à la hauteur de l’enjeu dans le “Monde Libre” ? Que disent ses collègues-tronc des journaux télévisés pour être eux-aussi à la hauteur de l’évènement ? Une allusion par-ci, une autre par-là, s’agit-il d’un combat ? Le Grand Scrutateur des perversités médiatique, Daniel Schneidermann, est-il exempté de prendre part à ce combat ? Nous avons pris connaissance d’une recette infaillible pour qu’on en parle subitement, fortement mais éphémèrement quand même : un “contrat”, quatre tueurs à gage, un couloir, deux balles dans la tête - se souviennent-ils de celle “qu’ils n’ont pas réduite au silence” ? Oui, cette journaliste russe, “mondialement connue” qui faisait la une il y a quelque temps déjà : Anna Politkovskaïa... et pourquoi déjà ? C’est si court 2 mois et ça n’en finit pourtant pas un silence de deux mois.

Pour conclure dans l’ambiance de ce pandémonium dont beaucoup cherchent à étouffer les cris et masquer les bûchers, ces quelques mots d’un économiste iconoclaste, Bernard Maris, “Antimanuel d’économie” éd. Bréal, interrogé par Libération (Christian Losson) : “ Je vois des chercheurs, pas des trouveurs” disait De Gaulle. C’est stupide... Si on avait cherché l’Internet on ne l’aurait pas trouvé. La face émerger de l’iceberg, la valeur marchande, ne voit pas la face immergée : la recherche. Les fourmis égoïstes, épargnantes, ne sont rien sans les cigales. Pour créer de la richesse il faut de la gratuité, de la beauté inutile. De l’anticapitalisme en quelque sorte...”, beauté inutile ? Gratuité ? Oui, dit la cigale, à ce prix je chanterai l’incinération du capitalisme sans rien réclamer en retour.

 
Cordialement, Robert Pollard...

* Deux pistes pour aller prendre des nouvelles de Denis Robert et le lire en direct :
son blogue : www.ladominationdumonde.blogspot.com
ou bien : http://les4saisons.over-blog.com


 

 

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Conférence filmée de Pierre Marage: la physique moderne

22 Juin 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #agora

Les Conseils Solvay
et les débuts de la physique moderne
 
Présentation par Pierre Marage

Les Conseils Solvay ont constitué des moments mythiques de l’histoire de la physique moderne : naissance de la « théorie des quanta » en 1911, affrontement des titans, Einstein et Bohr, sur l’interprétation de la mécanique quantique en 1927 et 1930.
Ils furent aussi les témoins des enthousiasmes et des malheurs de leurs temps.
On tentera ici de raconter ces grands moments de la science et de la pensée humaine, et de rendre vivantes les figures des principaux protagonistes.

 
Résumé

Le 30 octobre 1911 s’ouvrait à Bruxelles, à l’Hôtel Métropole, une « sorte de Congrès privé » à l’invitation d’Ernest Solvay, industriel richissime, humaniste progressiste, penseur autodidacte à la recherche de l’unité du savoir – de la physique à la physiologie, à la psychologie et à la sociologie.

A une époque où les réunions scientifiques internationales étaient rares et où la physique théorique existait à peine en tant que discipline autonome, une vingtaine de savants, parmi les plus brillants du siècle, étaient réunis pour « discuter une série de points controversés des théories physiques modernes » : Max Planck, Henri Poincaré, Hendrick-Antoon Lorentz, Marie Curie, Albert Einstein, Paul Langevin, ...

Pourtant, personne ne pouvait prévoir à quel point cette réunion allait contribuer à forger le visage de la science contemporaine.

C’est que, outre les savants, figuraient parmi les invités l’atome, le rayonnement, le « corps noir », et ces insaisissables « quanta d’énergie » qui sont au cœur de la physique microscopique et de ses propriétés insolites : le thème des débats, proposé par Walther Nernst et Planck, était « La théorie du rayonnement et les quanta ».

Sous la conduite de Lorentz, dans un climat de liberté de pensée et de créativité extraordinaires, cette semaine de discussions appuyées sur des rapports préliminaires fouillés, allait révéler que la physique était décidément entrée dans une ère nouvelle – aussi déroutante qu’inattendue. Déjà la théorie de la Relativité d’Einstein et Poincaré, datant d’à peine six ans, faisait figure de « vieille physique ».

Einstein qualifia la réunion de « sabbat de sorcières », ajoutant : « Personne n’y voit clair. Il y aurait dans toute cette affaire de quoi ravir une compagnie de jésuites démoniaques. » C’est l’ouverture de cette ère nouvelle que les remarquables « Comptes-Rendus » rédigés par Langevin et Maurice de Broglie allaient bientôt révéler à toute la communauté savante. On déchiffre littéralement dans ces comptes-rendus l’intelligence à l’œuvre et la science qui se construit.

L’intensité des discussions, la parfaite adéquation de cette forme de réunion aux questions posées à la science de l’époque … et aussi la qualité de l’accueil des Solvay et du Roi et de la Reine allaient convaincre les participants de revenir avec enthousiasme à Bruxelles en 1913 pour discuter le thème « La structure de la matière ». Ils seraient accueillis cette fois dans le cadre de l’Institut international de Physique créé par Solvay en 1912, conjointement avec l’Institut de Chimie.

Mais la science et les savants n’allaient pas échapper aux malheurs des temps. La guerre de 1914-1918 allait non seulement voir périr toute une génération de jeunes chercheurs brillants, mais aussi laisser des traces cruelles dans les relations entre savants. Aux Conseils de 1921 et 1924, les Allemands sont exclus, et même le pacifiste Einstein n’est pas le bienvenu.

Pendant ce temps, pourtant, la nouvelle physique se développe impétueusement. Juste avant la guerre, Ernest Rutherford avait mis en évidence la structure nucléaire de l’atome, et Niels Bohr avait utilisé les quanta pour expliquer sa stabilité, a priori incompatible avec la physique classique. Et en quelques années, à Copenhague avec Max Born, Werner Heisenberg, Wolfgang Pauli groupés autour de Bohr, à Cambridge avec Paul Dirac, à Paris et Vienne avec Louis de Broglie et Erwin Schrödinger, une nouvelle théorie prend forme, au milieu des débats passionnés d’écoles opposées, – jusqu’à ce que son unité mathématique profonde se révèle : l’ancienne « théorie des quanta » a débouché sur la « Mécanique quantique ».

Mais comment réconcilier avec nos intuitions cette théorie révolutionnaire qui, dans les objets microscopiques, associe aspects ondulatoires et corpusculaires, et surtout qui implique, selon les tenants de l'Ecole de Copenhague un indéterminisme fondamental.

Einstein avait été, avec Planck, l’un des fondateurs de cette nouvelle physique. Comment réagirait-il aux audaces de la jeune génération ?

Encore une fois, après celui de 1911, les Conseils Solvay de 1927 et de 1930 formeront la scène de la tragédie – l’affrontement des titans, Einstein et Bohr. Einstein ne pouvait se résigner à abandonner le déterminisme intégral du monde physique, il ne pouvait admettre que « Dieu joue aux dés ». Par ses objections, ses expériences de pensée, le scalpel de sa réflexion, il allait mettre en difficulté les tenants de ce que nous appelons aujourd’hui l’« interprétation orthodoxe », et les obliger à affiner davantage leurs approches. La théorie quantique en sortira considérablement solidifiée.

Mais une fois de plus, la tourmente approche. Au Conseil de 1933, Einstein est absent : à son retour d’un voyage aux Etats-Unis, il n’a pu rentrer dans l’Allemagne nazie et, après une halte à la côte belge, il est parti en exil.

Ce Conseil pourtant, réunira une fois de plus, comme ses successeurs de 1948, 1954, 1960 … l’élite la plus prestigieuse de la physique moderne.

Lieux d’accueil de la plus haute pensée humaine et témoins des tragédies du siècle, les Conseils Solvay ont non seulement marqué la science, mais toute notre culture.

 
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