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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

Échanges entre Robert et grossel sur la politique et la démocratie

25 Juin 2007 , Rédigé par Jean-Claude Grosse Publié dans #R.P., #J.C.G., #agora, #écriture- lecture

M'étant rendu compte que par erreur, j'avais fait disparaître, lors de mon nettoyage de l'écume politique, le 24 juin 2007, ma réponse à Robert, lors de notre débat sur la démocratie, (c'était entre le 30 novembre 2006 et le 7 décembre 2006) je remets en ligne ma réponse d'alors et je fais remonter l'article dont la pertinence me semble d'actualité. (grossel)

 

L 109
OPINIONS
 
“D’abord, il me semble qu’il faut réaffirmer que la politique c’est le domaine des opinions, au moins en démocratie, que ce n’est pas le domaine de la vérité, que les opinions de chacun sont souvent changeantes comme sont changeantes celles du grand nombre.”
Opinion et postulat que pose Jean-Claude Grosse sur son site. Pour en savoir plus et même pour tout savoir :


(François à Robert: le postulat de grossel est-il une opinion ou une vérité?
Pour grossel, c'est une opinion: la politique c'est de l'action, ça relève de l'efficacité, non de la vérité; la philosophie a peut-être à voir avec la vérité; une opinion n'est pas prouvable, elle n'en a pas moins une valeur, elle vaut une voix lors d'élections)

"La politique ? Faire de la politique ? L’exercice du Pouvoir ne relève pas, dans son essence, d’une opinion aléatoire ; participer ? L’exercice du vote est un choix à faire en regard d’intérêts multiples et contradictoires et la raison y est prépondérante par principe.
Lorsque Périclès - ou l’idée que nous nous faisons de lui - arrêtait un principe de connaissance et de mesure absolu qui devait guider le choix des citoyens électeurs, qu’il définissait la démocratie comme la volonté du plus grand nombre, qu’il mesurait le service rendu, ou que pourrait rendre un citoyen en proportion de ses capacités, il ne donnait pas son opinion, il énonçait une règle. La démocratie est une construction cohérente forgée à travers l’histoire chaotique des sociétés et des Etats, se construisant tantôt avec, tantôt contre eux. La démocratie, politique rationalisée, ne doit pas chercher à plaire mais à gouverner la cité pour le bien du plus grand nombre. Du moins pour ce qui relève de la tradition classique, différentes seraient les conceptions d’une “pratique démocratique” dans les civilisations africaines, asiatiques ou d’Amérique du Sud aujourd’hui.

 

Plate-forme de la Pnyx d'où parle l'orateur public.
 


Athènes, dans l’antiquité lointaine et encore dans sa période classique, est une entité facilement repérable, visible dans ses contours, dénombrable avec assez de précision, les classes sociales y sont facilement répertoriées et, pour les plus puissantes, c’est-à-dire les moins nombreuses, nominativement désignées. Néanmoins, la démarche fut lente et sanglante qui conduisit les Athéniens à la démocratie - une minorité de citoyens puisque les esclaves, puisque les femmes et les étrangers ne concourraient pas à l’élaboration politique de la cité. Sa gestation fut soumise aux pires exactions de familles avides de puissance et sans plus de scrupules qu’un chevalier d’industrie du XIX° siècle ou qu’un requin de la finance contemporain. De la cruauté de ces affrontements émergera la puissance draconienne de la raison posant la loi, puis Solon, fondements juridiques sur lesquels reposera la démocratie politiquement achevée avec la constitution de Clisthènes. Et pourtant Athènes ne cessa jamais d’être parcourue d’opinions versatiles ou contradictoires de plus en plus imprévisibles, en raison même de sa puissance toujours grandissante ; l’opinion fut une menace pour son existence avant de devenir son linceul.

 

Solon


Rome en fit presque autant : quand le trône impérial eut surgi des hésitations d’une opinion versatile - influencée par ses appétits de puissance - et que l’Empire put s’épanouir grâce à son inconstance.

Il aura fallu une certaine “hauteur de vue” pour imposer à la cité athénienne l’indispensable ordre de marche capable de rétablir sa politique sur des bases réalistes c’est-à-dire efficaces, en rapport avec ses ambitions et ses capacités. Le vaisseau sombra corps et âmes quelques siècles plus tard - c’était une civilisation, elle était donc mortelle - sans que pour autant sa contribution à l’histoire politique fut soustraite au patrimoine de l’humanité. Bien au contraire, la vivacité du débat, qui n’a jamais vraiment cessé, retrouve une nouvelle intensité aujourd’hui, sous nos yeux.
C’est en ce sens que je veux contredire la contribution de Jean-Claude Grosse qui me paraît très loin de l’héritage d’une raison constructive et arbitrale. Avancer c’est marcher contre toutes les opinions et idées reçues aveuglantes, contre l’appel à “l’opinion publique”, cette abstraction confortable qui habille la mauvaise foi et prépare les coups tordus. “Superstition verbale” dira d’elle Fernando Pessoa (dont je ne partage pas plus les orientations politiques qu’il se serait inquiété de ce que j’en pense...) et je crois voir dans la somme des opinions individuelles se neutralisant les unes les autres, “l’opinion publique” dont on ne sait jamais quelle réalité s’y dissimule. Hitler par ici, Gandhi par ailleurs, les dés sont jetés et ne retombent jamais, à vrai dire. Quelqu’un les ramasse avant et compose la somme qui lui convient pour en faire ce que ses suppôts voudront qu’il en fasse.

 

Klérotérion, machine à tirer au sort les jurys

Partant je sens un vent mauvais qui nous emporte quand je lis, sous la plume de Jean-Claude Grosse, qu’il me faudrait “prendre en compte l’état d’esprit des gens” et accepter de surcroît ce second postulat apodictique selon quoi “la politique en démocratie d’opinion n’est pas qu’affaire d’argumentation, il faut entrer en résonance avec l’état d’esprit des gens, voire avec l’âme d’un peuple...”. Renan, déjà, reniflait autour de la notion de Nation et trouvera, par dépit, que la “Nation est une âme”. Durant la première guerre mondiale, c’est Gustave Le Bon qui s’inquiète, tire les premières conséquences de la guerre et affirme : “...l'âme profonde d'un peuple change très peu dans le cours des siècles. (Gustave Le Bon, Premières conséquences de la guerre; 1916). En 1895 déjà, il posait sa définition en toute clarté : “Les caractères moraux et intellectuels, dont l’association forme l’âme d’un peuple, représentent la synthèse de tout son passé, l’héritage de tous ses ancêtres, les mobiles de sa conduite.” (1895 G. Le Bon ; Les caractères psychologiques de l’évolution des peuples). Il poussait le raisonnement dans ses derniers retranchements : “Ni les changements de milieu ni les conquêtes ne suffisent à modifier l'âme d'un peuple. Sa transformation n'est possible qu'au moyen de croisements répétés. Le sol, les institutions, la religion même ne changent pas l'âme d'une race.” assénait-il et afin que rien ne soit laissé dans l’ombre : “ Entre peuples de mentalité trop différente, (les croisements) sont désastreux {...}.Les peuples de métis, tels que ceux du Mexique et des républiques espagnoles de l'Amérique, restent ingouvernables par cette seule raison qu'ils sont des métis.” (id°).
Je sais que ce n’est pas ce que J.C. Grosse veut dire, pourtant je ne doute pas que cela soit implicitement contenu, à son insu, dans cette vision des choses. Ces propos trimbalent une logique irrémédiable qui tire ceux qui s’en font les hérauts vers les envoûtements d’un nationalisme irrationnel. Plus rien ne tient dès que “l’âme d’un peuple” irradie le citoyen subitement métamorphosé en “sujet” de la Nation...
“Le sommeil de la raison produit des monstres” a écrit Goya, et ce n’est vraiment pas le moment de lui préparer sa couche, mais au contraire de la secouer pour un réveil brutal !

Une remarque presque incidente pour finir : la démocratie aujourd’hui a perdu les atours que lui conféraient les pratiques athéniennes du temps de Périclès. Les jeunes éphèbes prononçant, mains tendues au-dessus de l’autel des dieux, en présence de l’honorable assemblée (la Boulée), et prêtant solennellement le “serment civique”, serait du plus mauvais goût. Bien entendu, Athènes au IV° siècle c’est le berceau mais personne ne passe sa vie dans son berceau...
Mais la République, la “chose publique” (Res publica) qui nous est échue, peut-elle admettre dans ses institutions “...les hommes et femmes politiques que nous méritons collectivement ? Donc médiocre pour beaucoup, comme nous.” ? C’est ce qu’affirme le texte. Outre la désobligeance du propos qui touche non seulement les citoyens que nous sommes mais aussi et surtout la candidate de son choix - “Pour moi Ségolène correspond à ce que nous sommes” - outre l’obscurité du diagnostic que j’attribue à une rédaction hâtive et fiévreuse - “...pour beaucoup, comme nous” - et pour peu que le chœur reprenne ce chant ténébreux, voilà qui ferait présager un grand malheur..."
Robert
 
Liens à consulter
http://agora.qc.ca/biblio/democratie.html
http://membres.lycos.fr/stromhg2/cours/seconde/hist/antiquite/demoathen.htm
http://hellada.free.fr/democratie.html
http://fr.wikipedia.org/wiki/Ath%C3%A8nes_antique
http://www.educnet.education.fr/musagora/citoyennete/citoyennetefr/democratie-droits.htm
http://www.assemblee-nationale.fr/juniors/democratie.asp

 
Merci à Robert.
Réponse de grossel:

 
Réponse de grossel à Robert

D’abord sur le côté désobligeant de ma remarque sur notre médiocrité.
1- Je me suis compris dans l’ensemble
2- Cet ensemble concerne l’ensemble des gens ; c’est une vision statistique ; ça ne vise personne en particulier ; je sais que chaque vie est singulière, chaque personne aussi et je n’ai pas de jugement là-dessus ; je dirai même que j’apprécie souvent d’écouter telle ou telle personne (car on n’écoute jamais l’ensemble) quand je réussis à me taire ; alors me demandera-t-on : pourquoi parler de médiocrité de l’ensemble ? Étymologiquement, médiocre vient de : qui est  au milieu, qui est moyen. Sens qui a évolué vers : en dessous de la moyenne, autour de la moyenne. Par opposition à : grand, parfait, excellent, supérieur. Il ne me semble donc pas désobligeant de parler de médiocrité en ce sens que les élections départageront une moyenne d’une autre moyenne (l’un aura un peu plus que l’autre, à 1 ou 2% près, voire moins de 1%).
3- Si je me situe maintenant sur un terrain de jugement de valeur, terrain assez miné et assez détestable mais hélas, on n’arrête pas de porter des jugements de valeur sur autrui, en toute méconnaissance (ça s’appelle des a priori, des préjugés, des étiquettes), je pense que chacun est un mixte de qualités et de défauts et que ça fait une moyenne ; je pense aussi que s’il y a des salauds, il y a aussi des gens bons et ça fait une moyenne ; s’il y a des gens qui meurent tôt, d’autres meurent plus tard ; s’il y a des malades de longue durée, il y a aussi des gens en bonne santé…Bref, la moyenne, le milieu comme moyenne d’extrêmes ou moyenne de moyens, ça me semble une vision assez proche de la réalité dans son ensemble.Évidemment, l’essentiel me semblant être la singularité de chacun et de sa vie dont chacun fait l’usage qu’il peut, quelquefois qu’il veut.
Ensuite sur Ségolène Royal. Non, non, je n’ai pas rédigé à la hâte. Je pense qu’elle est une femme politique pouvant nous permettre de battre Sarkozy et c’est cela qui m’importe d’abord pour la prochaine échéance. Élue, sera-t-elle la femme politique dont le pays et les gens ont besoin ? Là, c’est un pari : la politique par la preuve  l’emportera-t-elle sur les promesses non tenues auxquelles nous avons été habitué depuis Mitterrand, je n’en sais rien. Je pense que sa conviction de faire de la politique autrement, un peu autrement, pas radicalement autre, est forte. Sa volonté, appuyée sur nos volontés que ça change, peut partiellement faire bouger les choses, nationalement, en Europe, dans le monde. Sans doute devra-t-elle aller plus loin que le projet du PS et sa déclaration sur la BCE va dans le bon sens si au pouvoir, elle convainc les autres de soumettre les monétaristes de la BCE au pouvoir politique européen. Sinon, il faudra corriger le tir, revenir sur Maastricht ce que disait le Non au TCE de mai 2005, revenir à une banque nationale…
En ce qui concerne la politique comme exercice de la raison constructive et arbitrale, contre toutes les opinions aveuglantes, que fait Robert du tirage au sort des citoyens à Athènes, lesquels jurys décidèrent par exemple la condamnation à mort de Socrate ? Que fait Robert des sophistes, fournisseurs d’opinions contre lesquels bataillaient Socrate puis Platon, lequel n’était pas pour la démocratie.
Je serais plutôt d’accord avec ce qu’il dit sur les dés sont jetés qui ne retombent jamais, ramassés par un profiteur du bon moment, ayant su saisir sa chance : oui, je crois que c’est plutôt comme ça que ça se passe ; on peut le regretter mais moi, ça me plaît assez, car celui qui ramasse les dés ne savait pas qu’il allait les ramasser. Ce jeu de hasard à somme nulle si je me souviens de ce que des mathématiciens ont produit dans les années 50 me semble correspondre à ce qui se passe. Et ça va contre la toute puissance de la raison, aussi dangereuse que le sommeil de la raison.
Quand dans l’isoloir, je mets mon bulletin de vote dans l’enveloppe, que mon choix soit raisonné, irrationnel, un mixte de raison et de sentiments (il m’a semblé lire chez Platon que le politique tricotait avec des sentiments comme la peur, l’espoir), arbitraire de dernière seconde, quand je mets ensuite cette enveloppe dans l’urne (si je vote), ma voix est une opinion qui vaut comme toutes les autres, pas plus que les autres. La démocratie d’opinion est une démocratie qui comme la mort égalise toutes les voix et les plus capables, les plus autorisées valent comme les plus farfelues (comptabilisées en nul). Et le total des voix ne fait pas une opinion publique mais un vainqueur et un vaincu à peu près à égalité dans nos démocraties, soit deux opinions publiques, lesquelles étant donnée la stabilité du corps électoral évoluent assez peu : il a fallu pour faire émerger le FN le glissement des voix populaires de gauche (les déçus du PC et du PS) vers le rejet du système représentatif car le FN a d’abord servi à ça : une tentative irrationnelle de donner un coup de pied dans la mangeoire des élites culs et chemises.
Si j’essaie de faire de la politique en 2007, selon la règle dégagée par Robert, je retiens Cheminade et le candidat-maire d’en bas impulsé par le PT. Avec le candidat des « travailleurs », j’ai l’option la plus radicale de rupture avec la V° République et avec Maastricht. Mais je n’ai pas un programme très net : ce sera une question de rapports de force le moment venu, autour du maintien des acquis et des services publics ; c’est important, ce n’est pas suffisant ; et pourtant voilà bien un mouvement accompagnant les masses, leurs besoins mais aussi leur niveau de conscience, leur état d’esprit donc, à ce moment de la lutte des classes, toujours moteur de l’histoire, un mouvement d’éducation pas à pas, un pas en avant des masses, pas plus. Avec Cheminade, j’ai aussi un candidat de la rupture avec Maastricht, avec le système monétaro-financier, avec les néo-cons bushistes : le programme est des plus convaincants sur tous les sujets dans le cadre de la V° République revisitée. Avec le PT, un candidat d’en bas, un candidat de la démocratie presque directe, issu d’un Rassemblement national, expression de délégués venus de loin en train, autocar…Avec Solidarité et Progrès, un candidat qui se dit de caractère, qui adopte une posture d’homme providentiel, seul capable de nous sortir de la crise imminente (krach boursier planétaire ou guerres), auto-désigné, son mouvement réuni en AG n’ayant pas eu à le désigner.
Mais aucun de ces deux candidats potentiels n’aura peut-être les 500 signatures pour pouvoir se présenter. Et à supposer qu’ils franchissent l’obstacle, vais-je leur accorder ma voix comme je l’ai fait tant pour l’un que pour l’autre, en raison, alors qu’il y a eu le 1° tour de 2002 ? Je n’ai pas de regrets quant à mon vote du 1°tour : Jospin lui-même a dit que son programme n’était pas socialiste mais au 2° tour, je n’ai pas choisi Chirac contre Le Pen comme me le demandait, une gauche inconséquente.
Aujourd’hui, la situation me semble différente : il y a eu débat à l’intérieur du PS, une candidate  a été choisie, (c’est la première fois que cela se pratique dans un parti), il y a débat à l’extérieur avec les débats participatifs ouverts à tous,(que ceux qui s’en méfient aillent lire les synthèses sur Désirs d’avenir), il y a une candidate qui me semble tenir des propos fermes contre ceux qui s’en prennent aux conditions de vie et de travail des gens et des propos pouvant regagner les déçus d’hier et d’aujourd’hui, les exclus, licenciés, délocalisés,sans papiers, SDF…, bref une candidate du rassemblement… contre un candidat conseillé par un cabinet de consultants américain, le Boston Consulting Group : le BCG, vaccin libéral, faisant allégeance à Bush au moment où celui-ci est en perte de vitesse et sera peut-être destitué avant la fin de son 2° mandat (je préfère le voyage de Ségolène au Proche-Orient au voyage de Sarkozy aux Etats-Unis : la portée est toute autre), un candidat de droite d’une droite de moins en moins complexée (voir Laurence Parisot du Medef), de plus en plus offensive, de plus en plus « idéologique » (qu’on pense à Liberté chérie, fournisseuse d’actions et d’arguments). Bref, la raison m’incite à aller vers Ségolène Royal, mon petit machisme aussi : une femme-femme, comme j’ai dit, ça pourrait contribuer à une égalité dont je n’ai pas été toujours à la hauteur.
Dernier point que je veux aborder : « l’esprit des gens, voire l’âme d’un peuple ». Les deux expressions ne sont pas équivalentes pour moi d’où le « voire ». L’esprit des gens, c’est l’esprit « collectif » qui aujourd’hui est plutôt individualiste et cet aspect me plaît assez si c’est pour se démarquer de l’homme collectif, conformiste, étiqueté, étiquetant, se soumettant aux normes, modes et autres modèles comportementaux ; si cet individualisme conduit à plus d’usage de sa liberté, de sa singularité, cela me semble bénéfique et donc je ne crains pas ce que craint Robert, à savoir un envoûtement pour un nationalisme irrationnel ; à mon humble avis, les gens n’ont plus envie de ça et ne sont pas prêts à un vouloir-vivre ensemble qui serait synonyme de réduction de leurs libertés au nom d’un intérêt supérieur ; ce qui rend d’ailleurs difficile la définition du bien commun, de la res publica : le sens de la vie privée est devenu plus important que les intérêts supérieurs de la Nation et donc ce que les gens (les Français) attendent parce qu’ils ont les mêmes problèmes, c’est une politique non au service de la France mais des Français ; les problèmes des individus sont devenus les problèmes collectifs et la politique tend à devenir l’auxiliaire de la vie privée, au service des gens; 68 est passé par là, assez durablement et tant mieux; les gens aspirent au bonheur, idée des Lumières, inscrite dans la Constitution américaine, pas la nôtre et ils attendent que la politique les aide à atteindre cet objectif ( ce n’est pas le mien, à cause de la mort).  Je sais qu’aujourd’hui, pas mal de gens critiquent 68 ou les soixante-huitards (les cheminadiens mais aussi Sarkozy et des gens ordinaires, des trentenaires nous accusant de ne pas leur avoir préparé d’avenir) ; je réponds que c’est bien à une révolution culturelle que nous avons participé, que ce n’est pas une sous-culture  qui est née de 68  mais des aspirations de liberté, de mouvements de libération donc, dont nous n’avons pas épuisé le compte. D’où le slogan sous lequel je me présente sur la plupart des forums : Je m'inscris dans le mouvement d'hier, d'aujourd'hui, de demain pour que ce pays se trouve en accord, un jour, avec sa devise: LIBERTÉ, ÉGALITÉ, FRATERNITÉ, valable pour tous.
L108
 
PRESTIDIGITATION
 
Prestidigitation : exercice préféré de l’INSEE qui, par “l’adresse de ses calculs, produit des illusions en faisant disparaître, apparaître, changer de place ou d’aspect les objets.” (Petit Robert), la “pauvreté” étant un objet parmi d’autres.
788 Euros par mois, étant le seuil de pauvreté. Quiconque franchira ce seuil sera un homme pauvre. Quiconque, ayant franchi le seuil, s’enfoncera dans la pauvreté sera un homme mort, prématurément. Plus vous vous tiendrez en amont du seuil moins vous mourrez. Est-ce ainsi que les hommes vivent ? Oui, pour le moment. Je veux dire que pour le moment ils vivent encore...
La discussion est désormais engagée pour savoir si oui ou non le nombre des pauvres a diminué en France depuis 10 ans. L’INSEE fait trois passes derrière le foulard rouge de ses statistiques et dit : OUI ! 7,6 millions de pauvres en 1996 (année funeste) contre 6,8 millions en 2006 (embellie), on en discute.
Les riches s’occupent des pauvres et les font vivre pour qu’ils ne meurent pas trop tôt et trop visiblement pauvres. Une institution bien connue fait des miracles : Emmaüs. Fille de l’Abbé Pierre, elle est dirigée par un énarque, conseiller d’Etat et ancien directeur de cabinet de Bernard Kouchner, il a 42 ans et vient de signer un bouquin édité chez Laffont : “La pauvreté en héritage : 2 millions d’enfants pauvres en France” il s’appelle Martin Hirsh. Renseignements puisés dans Libération le 23 novembre.
Tonino Serafini, journaliste à Libération pose les questions au PDG d’Emmaüs : “L’INSEE fait état d’une baisse du nombre de personnes sous le seuil de pauvreté. Est-ce aussi votre constat ?” et Martin Hirsh : “ Il y a eu incontestablement une baisse de la pauvreté parmi les personnes de plus de 60 ans. {...} Mais attention cette tendance est en train de se retourner.” Dans sa dernière question Tonino Serafini n’y va pas par quatre chemins : “Que faire selon vous pour réduire durablement la pauvreté ?” Martin Hirsh :”Je plaide pour un revenu de solidarité active, qui complète les revenus des travailleurs pauvres et de leurs familles et favorise une transition mieux accompagnée vers un emploi plus rémunérateur, car plus qualifié et plus pérenne. C’est l’une des quinze propositions que nous défendons sans relâche contre l’inacceptable pauvreté des enfants !”. Martin Hirsh président d’Emmaüs France, très riche et très puissante institution internationale, est aussi un homme d’action gouvernementale, une note du journal précise que “En avril 2005, la commission familles, vulnérabilité, pauvreté, présidée par Martin Hirsh, a remis au gouvernement un rapport “Au possible nous sommes tenus : la nouvelle équation sociale”. Il présente quinze résolutions pour combattre la pauvreté des enfants.”. Nous pouvons donc affirmer que la réduction durable de la pauvreté inacceptable est possible en quinze propositions et que le gouvernement a désormais tous les éléments pour procéder aux ajustements nécessaires.
Quant à savoir ce que devient la pauvreté acceptable, Monsieur Hirsh n’a pas répondu. Encore une affaire de statistique ? L’enfant dont la limite d’âge pourrait se situer aux alentours de 13 ans par exemple, pourrait devenir un adolescent pauvre jusqu’à l’âge de 18 ans, un adulte sous le seuil de pauvreté jusqu’à l’âge de la retraite enfin un mort vivant pour les quelques années qui lui resteraient à survivre dans un extrême dénuement. L’équilibre universel n’en serait pas affecté et la morale préservée. Resterait à choisir la catégorie sociale la mieux adaptée pour ce genre de vie, car c’est un “genre de vie”, rien de plus, rien de moins, que d’être “un Pauvre”. Cette catégorie est à l’exercice depuis longtemps, nous la connaissons : le prolétariat, disparu aux yeux du capitaliste, qui l’a effacé du vocable officiel employé par la plupart des économistes et politiques. En dernier ressort les pauvres sont des Pauvres catégoriels, inévitables et indispensables.
Emmaüs France continuera donc son petit bonhomme de chemin la conscience tranquille. Si le gouvernement ne saisit pas sa chance ce n’est plus vraiment l’affaire de Monsieur Hirsh qui va attendre que le temps passe et que la pauvreté s’accroisse - ce qui somme toute est son gagne-pain, un peu à la manière du banquier nobélisé - alors il reviendra peut-être à la charge à la tête de sa commission, fera une ou deux déclarations, accordera quelques entretiens à des journaux complices etc... Que chacun reste à sa place et les pauvres seront bien gardés derrière des barbelés d’illusions.

En outre, rien de ce qui peut amasser mousse n’échappe au politique, surtout à quelques mois de l’échéance que l’on sait. Or la pauvreté est bien installée et ne semble pas vouloir disparaître avant 2007. Par conséquent si l’insécurité sociale se développe elle devient, aux yeux des politiques, un thème “porteur”. Dans un journal comme Libération (qui consacre trois pages au sujet), sous le titre “L’insécurité sociale, sujet politique porteur”, ça se dit ainsi, : “{...} à côté de l’insécurité, qui devrait être le thème de campagne favori de la droite, la question de l’insécurité sociale pourrait retrouver une petite place dans le jeu électoral”. Un député PS quant à lui dira : “Tous les candidats devront se prononcer sur cette question des inégalités, des revenus et de l’émergence des travailleurs pauvres. Les chiffres sont là et la gauche est légitime sur ces questions”, parlons-en mais n’y touchez pas : je suis le “Légitime” !

Enfin, durant tout ce temps se nouent et se peaufinent les éléments d’une reprise en mains de l’Europe par la Chrétienté organisée et militante avec, à sa tête, le Pape Benoît. J’ai en mémoire les quelques quolibets que m’avait valus mon article publié dans Libération, ces “critiques” figuraient dans le journal en ligne et semblaient vouloir dénoncer l’inanité de mon analyse (“pitoyable” “nul” “je suis écœurée”, “c’est déprimant” à quoi s’ajoutaient un verbe, un sujet indéterminé et un complément plus ou moins direct). Un mois s’écoule et, dans le même journal, à la même rubrique, Franco Frattini, vice-président de la Commission européenne, responsable pour les affaires de justice, liberté et sécurité, apporte sa contribution à l’œuvre de reconquête, qu’il associe à l’intervention papale de Ratisbone. “Le religieux ciment de l’UE” est le titre de sa contribution. “Poser le thème des racines chrétiennes revient aujourd’hui à lancer un triple défi : celui de notre identité européenne, celui d’un univers religieux qui s’affirme, celui d’un christianisme qui n’est pas seulement mémoire du passé mais {...} une partie de notre avenir” (c’est moi qui souligne), il ne s’agit pas d’un lapsus mais d’une véritable refonte du programme offensif qui défie tous les peuples de l’Europe. Du haut de sa superbe, le vice-président de la Commission européenne donne le ton et brandit sabre et goupillon. Et ce ne sont pas les réflexions servies avec componction sur la “raison et religion qui vont ensemble” qui nous rassurent. Il est aussi question d’un “statut politique de la religion dans la société” dont il faudrait s’inquiéter et qui nous inquiète !

De l’Europe, il n’a été que très peu question dans la campagne présidentielle ou, quand on en parle, c’est sous les manteaux du Parti socialiste pour y réfuter et déconsidérer ceux qui ont voté “non” au référendum sur la Constitution européenne. Témoin cette remarque de couloir d’un proche de Strauss-Kahn : “Le non au référendum n’était pas “de gauche” mais populaire, populiste” (Le Monde 19/20 septembre). Ce qui est populaire est populiste, et la sociale démocratie, emmenée par Strauss-Kahn son champion, est contre le populisme... Elle est pour une bonne gestion de l’économie libérale tempérée, ce qui n’est possible qu’avec des mots. La réalité, elle, est carnassière, les mots et ceux qui les portent sont pulvérisés dans ses mâchoires quotidiennement. Et même la Mecque suédoise du libéralisme éclairé a de plus en plus de difficultés à résister à la pression.
La gestion du capital se fait de plus en plus obscure, les grenouillages dans les eaux troubles du tunnel sous la Manche en donnent une bonne image. Qui en a profité, qui a plus ou moins (bien) tiré les ficelles du tripotage financier ? Qui sont-ils ? On ne le saura probablement jamais. Les “petits actionnaires”, innocents aux mains vides, seront les premiers à payer les pots cassés de leur grande illusion. Mais, rassurons-nous l’affaire est une bonne affaire qui reste rentable et obtient même des marges bénéficiaires records. Tout le rationalisme de l’exploitation capitaliste se trouve concentré, à titre exemplaire, dans ce faux paradoxe : l’exploitation est très rentable, la société est au bord de la faillite. Le tunnel a coûté trois ou quatre fois plus cher que prévu (prévu par qui ? Comment ? Pourquoi cet écart ? Qui en profite ? Voilà un travail intéressant pour un audit curieux, studieux et courageux...) l’endettement dépasse les capacités de remboursement (à qui rapporta-t-il cet endettement ? Quelles sont les banques qui ont prêté et combien ont-elles gagné ?), y avait-il un rapport quelconque entre ceux qui ont exécuté le devis et ceux qui ont prêté ? Des questions qui resteront sans réponse à moins qu’un journaliste aussi obstiné que Denis Robert veuille s’y coller.

À ce sujet, comme le précise le blogue de Denis Robert lui-même, nous n’oublierons pas que ce journaliste est poursuivi sans relâche par Clearstream, le Parquet et le premier Ministre : 200 visites d’huissiers à son domicile, 30 procédures judiciaires en cours. * Que font ses collègues de reporters sans frontières ? Ont-ils mené campagne sérieuse qui serait à la hauteur de l’enjeu dans le “Monde Libre” ? Que disent ses collègues-tronc des journaux télévisés pour être eux-aussi à la hauteur de l’évènement ? Une allusion par-ci, une autre par-là, s’agit-il d’un combat ? Le Grand Scrutateur des perversités médiatique, Daniel Schneidermann, est-il exempté de prendre part à ce combat ? Nous avons pris connaissance d’une recette infaillible pour qu’on en parle subitement, fortement mais éphémèrement quand même : un “contrat”, quatre tueurs à gage, un couloir, deux balles dans la tête - se souviennent-ils de celle “qu’ils n’ont pas réduite au silence” ? Oui, cette journaliste russe, “mondialement connue” qui faisait la une il y a quelque temps déjà : Anna Politkovskaïa... et pourquoi déjà ? C’est si court 2 mois et ça n’en finit pourtant pas un silence de deux mois.

Pour conclure dans l’ambiance de ce pandémonium dont beaucoup cherchent à étouffer les cris et masquer les bûchers, ces quelques mots d’un économiste iconoclaste, Bernard Maris, “Antimanuel d’économie” éd. Bréal, interrogé par Libération (Christian Losson) : “ Je vois des chercheurs, pas des trouveurs” disait De Gaulle. C’est stupide... Si on avait cherché l’Internet on ne l’aurait pas trouvé. La face émerger de l’iceberg, la valeur marchande, ne voit pas la face immergée : la recherche. Les fourmis égoïstes, épargnantes, ne sont rien sans les cigales. Pour créer de la richesse il faut de la gratuité, de la beauté inutile. De l’anticapitalisme en quelque sorte...”, beauté inutile ? Gratuité ? Oui, dit la cigale, à ce prix je chanterai l’incinération du capitalisme sans rien réclamer en retour.

 
Cordialement, Robert Pollard...

* Deux pistes pour aller prendre des nouvelles de Denis Robert et le lire en direct :
son blogue : www.ladominationdumonde.blogspot.com
ou bien : http://les4saisons.over-blog.com


 

 

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