Poésie vivifiante
vendredi 1° septembre, 18 H 15, on toque à la porte.
Une amie de retour à Corsavy me dit qu’elle va à l’église pour une rencontre poétique internationale. Je tombe des nues. Je n’ai vu aucune affiche. Je vais me changer et sous parapluie vais à l’église.
Nous sommes 15, les 9 poètes (5 catalans, 2 suédois, 1 autrichien, 1 roumaine), des complices des poètes et 3 pèlerins du village dont celui qui accueille la manifestation. Il fait partie de l’association des amis de l’église Sainte-Marie de Corsavy et assure la restauration des vitraux avec une vitraliste suédoise, par ailleurs organisatrice de cette manifestation qui a déjà 4 éditions, avec interruption de la covid.
Les poètes qui ont lu en catalan, allemand, suédois, parfois français,: Toni Clapés, Doloris Udina, Corina Oproae, Udo Kawasser, Teresa Wennberg, Marta Pera Cucurell, Teresa Shaw Urioste, Svante Svahnstrom, Rosa Creixell.
Vous me croirez ou non, cette manifestation pour les anges se révéla riche, inutile, gratuite, pour très peu d’oreilles donc pour l’amour des mots; de la poésie, donc par amour tout court, amour sans objet ni sujet.
J’ai retenu le poème consacré à l’ascension du Ventoux par Pétrarque, le poème consacré à Sils Maria en Engadine là où il eut la révélation. Quelques haïkus. Les poèmes du suédois étaient très cosmogenèse. Du haut niveau.
J’ai sympathisé avec l’autrichien, Udo, le suédois, Svante et la vitraliste, Teresa, la roumaine Corina.
Ce samedi 2 septembre, ils se sont produits dans la crypte de l’abbaye d’Arles sur Tech.
Je n’étais jamais entré dans la crypte, pas du tout sous terre comme l’immense crypte de la basilique de Saint-Denis mais légèrement surélevée sur un côté du cloître. En fait, une belle salle autrefois de prière, aujourd’hui à usage culturel.
Accueillis par l’adjointe à la culture. Avec un pot de l’amitié à la fin. Acoustique excellente.
Et choix de textes souvent différents de la veille.
Deux poèmes sonores : Mango de Udo et Insectes de Svante m’ont particulièrement accroché.
Bien échangé avec la roumaine Corina. Nous avons évoqué Matei Visniec en particulier dont j’ai accueilli deux spectacles, salle Pétrarque, aux Comoni.
Petit conseil à Teresa : la prochaine édition devrait intégrer des poètes : occitan, français languedocien. Pas question de rivaliser avec le festival de poésie de Sète, les voix de la Méditerranée.
Les poèmes lus par Udo Kawasser
verflossene fische
die augusttage fallen anders vom himmel
als die tage im juli und auch die füße stolpern
verwandelt durch die fallschlingen der schatten
in den alleen. wir sind gewarnt.
das zucken der lichtkringel an den flanken
des hausbootes hat etwas widerwilliges
bekommen. auch die insekten scheinen
träge in die blüten der goldruten vertieft.
etwas hat sich verändert. und die menschen
auf den straßen in den fußgängerzonen?
sie tragen die gleiche kurze kleidung dieselben
dunklen brillen. du spürst. heute bist du zu mehr
als nur zu sätzen fähig. doch etwas entgeht dir.
poissons estompés
les jours d'août tombent du ciel autrement
que les jours de juillet et les pieds aussi trébuchent
transformés par les boucles des ombres
dans les allées. nous sommes prévenus.
le tressaillement des courbes lumineuses sur les flancs
de la péniche a quelque chose qui hesite
les insectes semblent eux aussi
paresseusement plongés dans les fleurs de la verge d'or.
quelque chose a changé. et les gens
dans les rues dans les zones piétonnes?
ils portent les mêmes vêtements courts les mêmes
lunettes noires. tu sens qu'aujourd'hui tu es capable
au delà des phrases. pourtant quelque chose t'échappe.
leibeigene geschichten (ein kanon)
I. mont ventoux
als ich mit petrarca vom gipfel fiel
die wand hinab und er meine hände
sah und ich seine augen sah und er
meine augen schützend und ich
seine augen schützend im freien
fall von einer felsspitze vom rumpf
getrennt wurden und ein vorstehender grat
unsere beiden arme am gelenk kappte
und nur mehr unsere hände unsere augen
bedeckend die steilwand durchmaßen
ganz für den anderen waren und minuten
später schließlich im schnee aufschlugen
und unsere hände auseinanderrollend
die unversehrten augen des andern freigaben
histoires du serviteur de son propre corps (un canon)
I. le mont ventoux
quand je suis tombé avec Pétrarque du sommet
paroi rocheuse en contrebas et qu'il a vu mes
mains et moi ses yeux et il
a protegé mes yeux et moi
j'ai protégé les siens en chute
libre la pointe d'un rocher nous
a coupé le tronc et la saillie tranchante
d'un autre nous a coupé les bras
à l'épaule et maintenant seules nos mains
qui couvrent nos yeux courent le long de
la falaise l'un au service de l'autre et quelques minutes
plus tard, nous avons enfin touché la neige
et nos mains en roulant, ont découvert
les yeux de l'autre intacts
die blaue reise. donau – bosporus
I.
erklär mir wien den regen
unter den dächern und in den gesichtern
der menschen an welche geschichten halten
sie sich unter dem druck der mauern
ich sehe überall fassaden
muss rückwärts leben hier
sag mir wo beginnt
diese stadt wo endet sie
in dir welche aussicht
hast du vom kahlenberg
die donau legt sich jetzt
wie ein band zwischen uns
das blau ist eine lüge
rufst du in ihre braune flut
verloren
verlassen
vergessen
ich lerne wörter mit ver-
ich klammere mich
an die linden deiner gasse
sag wer spricht wenn die straßen
am morgen zu sprechen beginnen
ich stütze meine ellbogen
auf die brüstung ich sehe
zum fenster hinaus
aber ich kann mein alleinsein
nicht nützen noch immer
regnet es unter den dächern
erklär mir wien oder der regen
spült mich fort von hier
le voyage bleu. danube – bosphore
I.
explique-moi la pluie de Vienne
sous les toits et dans les visages
des hommes à quelles histoire se tiennent-ils
sous la pression des murs
je vois des façades partout
je dois vivre ici à l'envers
dis-moi où commence
cette ville où se termine-t-elle
en toi quelle vue
as-tu du haut du Kahlenberg
le danube s'étend maintenant
comme un ruban entre nous
le bleu est un mensonge
tu cries dans ses flots bruns
desorienté
délaissé
desapprouvé
j'apprends des mots avec des des-
je m'accroche
aux tilleuls de ta ruelle
dis qui parle quand les rues
commencent à parler le matin
j'appuie mes coudes
sur la balustrade et je regarde
par la fenêtre
mais je n'arrive pas à profiter
de ma solitude encore
il pleut sous les toits
explique-moi vienne ou la pluie
m'emporte loin d’ici
Lettres familières de Pétrarque à son frère - bric à bracs d'ailleurs et d'ici
en lien avec le projet de Ernest Pignon-Ernest sur Pétrarque Les lettres familières de Pétrarque à son frère Gherardo, moine à La Chartreuse de Montrieux La Chartreuse de Montrieux, ce 25 mai...
Letanía del mango (Udo Kawasser, Austria)
Memoria Audiovisual del Festival Internacional de Poesía de Medellín. Udo Kawasser nació en Austria en 1965. Poeta, narrador, ensayista, traductor de literatura latinoamericana, bailarín y ...
Poèmes de Svante Svahnström
NAVIGATEUR AU SOMMET DU VIDE
Convier les merveilles vues, les expériences vécues, les malaxer dans une levure de langue puis laisser fermenter un pain de poèmes. Cuit en français, oui. Cuit aussi en suédois. De la fermentation s’exhale une illusion de familiarité entre des langues en surprenantes accolades, qui font semblant d’être proches.
A d’autres levures est ajoutée la récolte de 164 épices, des langues parlées dans les océans, les grandes forêts, les montagnes et les mégalopoles. La recette, qui se nomme « universification », fait émerger entre autre des notes de solfège et des chiffres qui parlent et qui chantent.
Ainsi se trouve assaisonné un trajet à travers les âges du monde, l’expérience terrestre, le corps humain, les lieux géographiques et le cosmos.
UNIVERSIFICATION
Traduit du : (14 langues)
Slovaque - arménien – polonais – letton – cun – mongol – croate
Occitan – suédois – gascon – letton – allemand – breton – espagnol – nahuatl
Brz bzdig złodziej aiz tsi tsetserleg smrznut
Rapide petit voleur derrière un jardin congelé
Sus lus lutz zelts ist kriz y zecuitzli
Sur la punaise la lumière de l’or est crue et froide
(in Hocus corpus, 2009)
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Parlez-vous svenska ?
Vacances cosmiques sur Tellus
Kosmisk semester på Tellus
Le touriste des coordonnées d’Alpha Centauri est enthousiasmé
Turisten från Alpha centauris koordinater är entusiasmerad
De la mayonnaise géologique envahit les parcs du précambrien
Geologisk majonnäs invaderar prekambriums parker
Le magma terrorise des éons
Magman terroriserar eoner
En une suite s’établissent des alliances de continents
I svit etableras kontinenters allianser
de Vaalbara à Ur à Rodinia à Gondwana à Pangée
från Vaalbara till Ur till Rodinia till Gondwana till Pangea
Dans les draperies du système solaire s’esquisse le laboratoire de l’existence
I solsystemets draperier skisseras existensens laboratorium
Les pianistes primitifs de l’archéen improvisent sur le clavier de l’évolution
Arkeikums primitiva pianister improviserar på evolutionens klaviatur
(in Navigateur au sommet du vide, 2015)
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OBSCENES INVENTIONS
Recevoir comme sur le Mont Horeb
la voix d’hommes distants
deviser avec un coquillage sur l’oreille
n’est affaire que de louches pactisant avec le Malin
Des icônes remuant sur une vitre de cassette
des paroles qui s’en évaporent
dans tous les foyers
relèvent du sacrilège
Mensonge insinuant que tous
à l’instar de Sainte Claire
seraient doués de tele-visio
Concevoir ces coches sans chevaux
au dessus des nuages
ces tubes métalliques en apesanteur
est un blasphème que juge sévèrement la Sainte Inquisition
Et seul le bûcher peut attendre les corps
qui laissent envahir leurs entrailles
par l’oeil vagabond d’un ver mécanique
pouvoir permis au Père seul
Gesticuler avec des membres ressuscités
sur des moignons estropiés
trahit les commerces impies de la foire Saint Germain
avec de faux docteurs et des faiseurs de miracles
Que nul ne s’y trompe
Un seul sait prélever des fragments du vivant
sait les planter dans les chairs endolories
Un seul sait créer l’Homme
La superstition sauvage d’un progrès
résidant dans le don de lecture dispensé à tous les enfants
sera pourchassée sans relâche
par la charité du diocèse
et du père exorciste
Cherchez donc dans la prière
l’antidote aux fausses promesses
du bulletin de vote dans toute main
Ne pas oublier qu’en l’année du Seigneur 2008
le bonheur de l’homme demeure dans la soumission
Son ambition paisible
est de perpétuer une vie d’efforts et de sueur
à l’abri des obscènes inventions
régurgitées par les hordes méprisables
de Bélial l’imposteur
(in Hocus Corpus, 2009)
Voisines, cousines ou bien...?
- Pauvre mais sobre - Sous un crâne poli
La vieille ville de Stockholm vue de l'air
Pauvre mais sobre Pauvre mais sobre Påver men sober Près d’une hutte sur la colline Intill en hydda på kull...
http://universification31.over-blog.com/2020/03/voisines-ou-bien-cousines-ou-bien.html
Haïkus de Teresa Wennberg
TERESA WENNBERG :
HAIKU (EXTRAITS DU LIVRE "LA DANSE DE L'ÉPHÉMÈRE" (Fri Press 2023) ©teresawennberg2023
Chacun est à lire deux fois avec un temps entre les deux lectures
rayons du matin
tuant sans aucun pitié
le vampire en moi
ballade de covid
les seuls amis rencontrés
arbres et buissons
nouvelle dans la ville
entre les durs pavés pousse
un doux pissenlit
éphémère éclose
attendant un jeune amant
en cette seule journée
le soleil se couche
mon ombre court avant moi
rencontrer l'amant
un ballet d'insectes
bien assise au premier rang
grenouille affamée
drôle de chute de neige
volant doucement au sol
fleurs de cerisiers
pluie de printemps
croissant de lune dechiré
dans ma cuvette
CORINA OPROAE
le Jardinier qui revient de la mort
“Notre espèce a depuis longtemps quitté le Jardin : reste le Jardinier qui revient de la mort.”
Pascal Quignard
***
tu marches
le vert reste derrière
écrasé à chaque pas
l'herbe prête à supporter
le poids d'un autre corps
tu es le jardinier
qui ramasse les feuilles
dans le jardin de la mort
***
dans le jardin de la mort
on parle ta langue
les vipères mordent
la main ouverte
des mots
***
des mots
les fleurs poussent et se fanent
dans le ventre de la mère
***
dans le ventre de la mère
les lunes brisées jouent
réminiscences fugaces
de la première danse
dans la mort
le désir est une ombre
qui dévore
l'absence
***
l'absence
ce vent
qui danse
intrépide
et qui chasse
des mémoires
***
des mémoires
se coincent dans tes yeux
comme des éclats de verre
fins et allongés
pénètrent tes pupilles
parfois
le bonheur
est une blessure
invisible
***
invisible
dans tes yeux
la peur qui paralyse le cerf
avant la fuite
ancrage éphémère
dans une géographie
que l'on désire toujours
sous ta peau des oiseaux
des battements imperceptibles
qui arrachent les pétales
des fleurs
***
de fleurs
on apprend la mort
si on ferme les yeux
et la vie
si on les ouvre
le père
est un cerisier
oublié dans le jardin
où tu marches
***
et l'Amour
l'Amour
est à l'abri
dans le cœur
du jardinier qui revient de la mort
el jardinero que vuelve de la muerte CORINA OPROAE
“Notre espèce a depuis longtemps quitté le Jardin : reste le Jardinier qui revient de la mort.” Pascal Quignard
***
caminas
queda atrás el verde
aplastado en cada paso
la hierba preparada para soportar
el peso de otro cuerpo
eres el jardinero
que recoge las hojas
en el jardín de la muerte
***
en el jardín de la muerte
hablan tu lengua
las víboras muerden
la mano abierta
de las palabras
***
de las palabras
brotan flores que se marchitan
en el vientre de la madre
***
en el vientre de la madre
bailan lunas rotas
reminiscencias fugaces
de la primera danza
en la muerte
el deseo es una sombra
que devora
la ausencia
***
la ausencia
aquel viento
que danza
intrépido
y ahuyenta
los recuerdos
***
los recuerdos
se clavan en tus ojos
adentro
como vidrios finos
y alargados
penetran tus pupilas
a veces
la felicidad
es una herida
invisible
***
invisible
en tus ojos
el miedo que paraliza al ciervo
antes de la huida
efímero anclaje
en una geografía
que siempre ansías
bajo tu piel pájaros
latidos imperceptibles
que arrancan los pétalos
de las flores
***
de las flores
aprendes la muerte
si cierras los párpados
y la vida
si los abres
el padre
es un cerezo
olvidado en el jardín
donde caminas
***
y el Amor
el Amor
está a salvo
dentro del corazón
del jardinero que vuelve de la muerte
1001 définitions de la poésie Textes rassemblés et présentés par Gérard Pfister Au terme d'un tiers de siècle, les Éditions Arfuyen, créées en 1975, se devaient de livrer un ouvrage repr...
https://editionsarfuyen.com/2018/12/14/la-poesie-cest-autre-chose/
1001 définitions de la poésie
Sur " La poésie, c'est autre chose "
La lecture de Patrick Kéchichian Extraits d'un article sur La poésie, c'est autre chose paru dans Le Monde en octobre 2008 On peut lire des romans toute sa vie sans jamais s'intéresser à la th...
https://editionsarfuyen.com/2019/01/05/sur-la-poesie-cest-autre-chose/