spectacle
Et quoi l'éternité ?
la traversée filmée le 29 septembre 2023 au Revest
FOCUS AUTEUR #9 JEAN-CLAUDE GROSSE
LE PORTRAIT HEBDO DES AUTEURS eat (Ecrivains Associés du Théâtre). On connaît JEAN-CLAUDE GROSSE comme éditeur des Cahiers de l'Égaré (depuis 1988), président de la filiale eat-méditerran...
On connaît JEAN-CLAUDE GROSSE comme éditeur des Cahiers de l'Égaré (depuis 1988), président de la filiale eat-méditerranée (depuis 2010), et comme "agitateur de bocals agités" selon sa propre formule. L'image d'une vigueur et d'une parole énergique, conforme à sa personnalité passionnée. Dans cette interview, il livre et se livre plus intimement, son engagement poétique et politique, dans des réponses fouillées qui rendent hommage aux penseurs qui accompagnent sa réflexion sur l'écriture et l'humain. Vidéo de 2015, vue 366 fois. Deux ans après (2017-2019) s'amorçait un changement de paradigme.
Une traversée dans l'oeuvre de JCG + Vita Nova - Les Cahiers de l'Égaré
La supergéante rouge Bételgeuse (en haut à gauche) et la célèbre ceinture d'Orion. Cette image prise en février 2018 révèle les détails de la Constellation d'Orion avec les nébuleuses env...
https://cahiersegare.over-blog.com/2023/11/une-traversee-dans-l-oeuvre-de-jcg-vita-nova.html
version traversée d'une oeuvre
Une traversée dans l'oeuvre de JCG + Vita Nova - Blog de Jean-Claude Grosse
La supergéante rouge Bételgeuse (en haut à gauche) et la célèbre ceinture d'Orion. Cette image prise en février 2018 révèle les détails de la Constellation d'Orion avec les nébuleuses env...
https://les4saisons.over-blog.com/2023/11/une-traversee-dans-l-oeuvre-de-jcg-vita-nova.html
version traversée d'une vie
Un concepteur : Dominique Lardenois
Deux interprètes : Dominique Lardenois, Katia Ponomareva
ET QUOI L’ ETERNITE ?
UNE TRAVERSEE DANS L’ŒUVRE DE JCG-VITA NOVA
Choix des textes Dominique Lardenois
Interprétation : Katia Ponomavera, Dominique Lardenois
Lecture réalisée le vendredi 29 septembre à la Maison des Comoni ( Le
Revest-les-Eaux)
Lardenois
Présentation de la soirée :
Bonsoir à toutes, bonsoir à tous, bonsoir Monsieur le Maire du Revest les Eaux.
Merci beaucoup d’être en notre compagnie pour partager notre traversée dans
les écrits de Jean-Claude Grosse.
Bonsoir Katia
Bonsoir Jean-Claude.
Comme tu l’as souhaité, tu vas donc découvrir en même temps que notre
public les textes que nous avons choisis pour faire notre traversée.
Mais avant de commencer un petit récapitulatif de tes activités littéraires.
Tu interviens si j’ai oublié quelque chose d’important !
Donc entre 1997 et 2021, tu as, publié 15 livres, Théâtre, poésie, essais, poème
récit,
Et puis, en février 2022, tu publies un seizième livre que tu intitules : Et ton
livre d’éternité ?
Quel livre !
Un roman polyphonique de six cent soixante six pages que tu as écrit durant
deux années.
Tu publies sur tes blogs qui sont consacrés aux questions politiques et sociales,
au développement personnel et à l'éveil spirituel, de très nombreuses notes de
lecture puis tu n’hésites pas à fait part de tes réflexions et de tes prises de
positions sur des domaines très variés.
1Jean-Claude , on peut te voir faire des choses que l’on dit ordinaires comme
par exemple faire tes courses en préférant les circuits courts, boire un café, te
promener dans la garrigue ou conduire ta voiture …
Mais lorsque tu écrits, tu te métamorphoses !
Lorsque tu écrits tu deviens E. Say Salé (ton hétéronyme africain) ou JCG,
(celui qu’on appelle communément J.C) ou Lui-Je, hiérosolymitain d’Avers sous
les eaux depuis le Déluge et d’Avers sur les eaux Et de Corps ça vie ou Vita
Nova.
Je ne connaissais évidement pas le mot Hiérosolymitain et j’ai regardé dans le
dictionnaire, alors : Hiérosolymitain nom masculin qui signifie habitant de
Jérusalem
Dans tes écrits comme dans ta vie, tu traces un chemin très singulier et
atypique avec une démarche profonde, sérieuse argumentée et engagée.
Ce qui n’empêche pas l’humour.
Cette traversée sera subjective, chacune et chacun d’entre vous pourrait en
proposer d’autres, elle ne pourra pas rendre – compte de tout ce que tu as
écrit. Merci de nous le pardonner !
Elle est (sauf coup de tonnerre) prévue pour une durée d’une heure.
Pour conclure cette soirée de manière amicale un pot vous est offert par la
municipalité du Revest-les-Eaux
Vous pourrez aussi, si vous le souhaitez, vous procurer les ouvrages de Jean-
Claude. J’ai cru comprendre qu’il serait à prix réduit ? Tu confirmes Jean-
Claude ?
Vous dire enfin que cette soirée est soutenue par Les Cahiers de l’Égaré, Les
quatre 4 Saisons du Revest et d’ailleurs, La Municipalité du
Revest-les Eaux. En partenariat et avec le soutien de TPM et du Pôle.
Merci beaucoup à eux
Merci à l’équipe technique de la Maison des Comoni qui nous ont très bien
accueillis.
N’oubliez pas tout à l’heure de rallumer vos téléphones portables.
Bonne soirée
2Jean-Claude est-ce que tu une idée du texte avec lequel nous allons commencer
notre traversée ?
On va commencer avec un poème
Il fait partie des 92 poèmes que tu as écrit entre 1958 et 2000 et qui sont
regroupés dans La Parole éprouvée.
C’est un poème que tu as écrit en 1999 pour Les 4 Saisons de Revest aventure
de théâtre et de poésie depuis 1983 et pour L’Agora de La Maison des Comoni
espace de pensée libre, gratuit depuis 1995
Il est dédicacé à Florence, Michelle, Jacqueline, Malika, Jean-Louis, Alex, Cyril,
Rachid, Philippe, Joël, Paul, Michel, Florence, Jacques et Béatrice.
Il a pour titre
(DES) APPRENTISSAGE DE LA BÊTISE, DE LA MAÎTRISE
C’est un poème autobiographique
J’ai commencé le 25 octobre 1940,
jour de ma naissance criée
en maternité-celle des fleurs-du côté d’Ollioules.
menue maman sans son homme
-mon père-du côté de Dakar.
Il faisait nuit-une heure du matin-
c’était minuit dans le siècle de Trotsky assassiné,
nuit et brouillard sur l’Europe nettoyée par Hitler.
Ignorant, je ne savais pas, je ne pouvais crier.
Grandissant, on apprend. Coupable, on devient.
De parents coupables d’innocence.
Nous vivions en zone libre, au temps des restrictions,
dans une France coupée en deux et collabo.
27 novembre 1942. Sabordage de la Flotte.
Un obus dans ma chambre à Rodeilhac. -Maman m’a raconté-
Un obus dans ma chambre qui n’a pas explosé. J’eus la vie sauve,
perdis l’usage d’un œil le gauche
jusqu’à la Libération où je fus rétabli dans ma vision.
3Avant ma longue errance dans le labyrinthe de l’Histoire, je jouais à des jeux
touchants.
Il faisait un temps de guerre froide sur le monde coupé en deux.
Ignorant, je ne savais pas, je ne pouvais crier
que les coupables torturés, abattus, enfermés au goulag étaient innocents.
Moi, je jouais ici en démocratie quatrième République, sans savoir ce que c’est,
du côté de Castres.
Là-bas, d’autres enfants jouaient du côté de Moscou, de Pékin aux mêmes jeux
touchants, dans des démocraties populaires à régime totalitaire sans savoir ce
que c’est.
Après l’effondrement du mur de Berlin
quand après les deux mondes il n’y en eut qu’un
je compris que les dictatures à langage unique s’effondrent
quand les démocraties à pensée unique perdurent.
Avant mon séjour prolongé dans le labyrinthe du Politique
où sévit le Minotaure Libéral qui bouffera nos enfants,
j’appris l’élémentaire, le primaire, le secondaire et le supérieur.
Quelle adolescence du désastre chez les enfants de troupe !
Et à Saint- Cyr Coëtquidan, terre de fondrières et d’effondrements,
L’entrée en poésie pour tenter d’en sortir.
Ecriture appliquée sur des cahiers d’égaré.
Du mot qui dénomme croit faire apparaître la chose dans sa lumière
au mot qui monte, pense faire voir le plein de la chose
jusqu’au mot -mais y arriverai-je à cet ultime ?- jusqu’au mot investi par les
vides et les pénombres de la chose.
Car plus je passe, moins j’explique, moins je comprends : l’expérience me
désapprend le monde et l’homme.
4De la poésie fascinée par l’absence de ce qui n’est pas, de la poésie comme
plainte et révolte à la poésie de la présence et de l’acquiescement à ce qui
apparait et disparait.
De la poésie comme volonté de puissance pour désembourber l’avenir
A la poésie comme humilité pour chuchoter ce qui nous ramifie.
Et ce fut le temps de la paix en Algérie.
A l’Algérie française j’avais cru et je suis arrivé dans ce pays libéré de moi/de
mes pieds noirs, de mon Etat
sans être inquiété ou haï.
Prise de conscience des tromperies de tous bords.
Crise de conscience. Démission de l’armée.
Reprise des études en Sorbonne, à Nanterre.
Professeur de letres et de philosophie dans le Nord
aimé d’une élève, l’aimant en retour
ah la légère, l’aérienne ! Etoile et danse !
Vivre d’aimer au temps de Mourir d’aimer.
Mariages civil et religieux, nous athées,
Au beau milieu de l’année.
Une fille nous est venue le jour du deuxième tour des élections de 68.
Après l’exaltation du 13 mai au 6 juin,
Entré en politique avec le souci de transformer le monde
par la vérité et la lutte des classes.
J’ai perdu de vue notre fille et ma femme.
Le militant, 12 ans durant, a oublié d’être mari et père.
30 ans après, on revient là-dessus.
A vu le jour notre deuxième, 3 ans après.
A vu le jour après avoir failli être perdu !
Homme d’écriture et de théâtre comme moi et comme sa sœur.
Du Nord au Sud, ce que nous avons gagné en soleil, nous l’avons perdu en
chaleur.
5Après la révolution mondiale pour changer la vie,
Echec patent
l’action municipale, 12 ans durant,
pour faire du village du Revest, une agora rayonnante,
Pari tenu.
Vie depuis consacré au théâtre, art de la parole et du silence,
Art du dit, du non-dit, du mi-dit
Art de la voix, du regard, du corps,
Art de la présence et du partage
Cet art du rassemblement me tient en éveil, en alerte,
capteur d’inattendu bouleversant
en marge de la déception qui me saisit quand ce qui se passe sur scène est en
représentation.
Me soumettant à l’impératif de l’essentiel, que me faut-il maintenant
entreprendre entre le franchissement de l’an 2000 et le passage à vide ?
Ecouter la symphonie des nuages qui dérivent au dessus de ton toit.
Voir depuis chez moi le théâtre des vents alternes dans l’olivaie.
Commentaire :
Cher Jean-Claude tu as écrit ce poème-portrait à l’aube de l’an 2000. Vingt-trois
années on va se rendre-compte que tu ne t’es pas contenter d’écouter la
symphonie des nuages et voir le théâtre des vents dans l’olivaie.
(Temps)
Lardenois
Puisque nous sommes en automne nous avons choisis de poursuivre notre
traversée avec un texte que vous trouverez dans
ET TON LIVRE D’ETERNITE ?
Il a pour titre :
Vivre les saisons au féminin que tu sois femme ou homme
6Katia
Quand vient l’automne,
Je repense à ces fleurs qui sont nées.
Qui ont parfumé nos âmes.
Je repense à ces fruits délicieux,
Que nous avons cueilli ensemble
Dans notre arbre âme.
Oh mon amour, j’ai tellement de reconnaissance
Pour toutes ces feuilles, toutes ces fleurs, tous ces fruits
Que tu as fait pousser en moi, à travers moi,
A travers d’autres.
J’ai tellement de reconnaisse pour
Toutes ces feuilles, toutes ces fleurs, tous ces fruits,
Que nous avons créés ensemble,
Au bout de nos sourires, de nos regards, de nos mains d’oiseaux, de nos danses
colorées, de nos souffles, de nos joies partagées.
Quand vient l’automne,
Je repense à toutes ces feuilles, toutes ces fleurs, tous ces fruits, toutes ces
graines,
Qui vont tomber en terre.
Et je ressens la sève qui descend,
7Les feuilles qui lentement se rétractent, se détachent des branches.
Tout devient plus craquant et plus sec,
Alors je pense, mon amour, à ce besoin
De retrouver la TERRE
A ce besoin de fondre dans l’humus- amant,
De fondre, à nouveau dans l’obscurité et la chaleur de sa douce présence.
Et je pense à ce temps de recueillement,
Ce lâcher prise après l’été ardent
Et je laisse la sève revenir à la TERRE,
Je laisse mon amour revenir en mon centre plus présent et plus fort.
Ressourcement, transformation
Passage de la lumière à l’obscurité
De l’extérieur à l’intérieur.
Mon cœur porte cet élan des saisons avec moi,
Et je sais que mon amour a autant besoin de fruits mûrs que de branches
d’hiver.
Mon amour, tes belles feuilles toutes gorgées d’été et de chaleur,
Vont ralentir leur activité
Pour nourrir le bois, les directions nues qui se trament au bout des branches,
dans le corps de ton tronc, dans la conscience nue,
Et je pense à ce besoin de renouvellement, de régénérescence.
8Dans la douce fin d’été si sucrée,
Je pense à ma capacité à mourir pour renaître encore,
Je pense au phénix et je pense à l’oiseau
Et je laisse mes plumes se suspendre un instant.
Une profonde introspection commence.
Ce besoin d’être à l’intérieur,
Ce besoin d’habiter l’intérieur,
Ce besoin de prière.
Âme du monde je te reconnais.
Je te reconnais dans ton foisonnement, ta générosité, je te reconnais dans ta
nudité, ton abandon.
Et je descends dans ton essence pour effleurer avec toi l’âme plus grande qui
nous berce toi et moi et nous demande d’écarter encore nos antennes célestes
Pour propager, cultiver cette atmosphère du souffle
Dans chaque recoin du monde,
Avec ce souffle amoureux,
D’un espoir à trouver, d’une paix à toucher.
(Temps)
Lardenois
DANS
LES ENFANTS DU BAÎKAL
Il était une fois le Baïkal et une goutte d’eau
9Katia
C’est un conte !
Un dialogue entre un Grand-père et sa Petite Fille qu’il appelle sa Fetite Pille.
Lardenois
Le Grand Père : Tu veux voyager ?
Katia
La Fetite Pille : Oui loin !
Lardenois
Alors on est parti !
Katia
Où ça ?
Lardenois
Au lac Baïkal
Katia
C’est où ?
Lardenois
Vers l’est, à 10 000 kilomètres de la Méditerranée.
Katia
Comment on y va ?
Lardenois
Par l’imagination
Katia
Oui, mais en vrai ?
Lardenois
En vrai, avec le Méditerranée-Baïkal un train pour les rêveurs.
Katia
10On part quand ?
Lardenois
Le 28 juillet à 7 heures du matin.
Katia
Combien on passe de jours dans le Méditerranée-Baïkal ?
Lardenois
7 jours pour Oulan- Oudé
Katia
Qu’est ce qu’on y fait ?
Lardenois
On voit de nouveaux visages, de nouveaux paysages, on traverse des rivières,
on passe sous des montagnes, on entend la musique des roues…
Katia
C’est bien voir de nouveaux visages ?
Lardenois
C’est ce qui est le plus passionnant, chaque visage raconte son histoire.
Katia
Moi, j’entends rien quand je regarde.
Lardenois
Il faut voir avec les yeux du cœur pour entendre l’histoire muette d’un visage !
Katia
Raconte-moi les arrêts sur image.
Lardenois
On commence par lequel ?
Katia
11Oulan- Oude c’est la qu’on descend pour aller au lac. Comment on va au lac ?
Lardenois
Un mini bus puis en bateau pour aller à Baklany. C’est une plage de sable ocre
réservée à deux poètes. Dasha et Lisa.
Katia
Elles vivent comment ?
Lardenois
Seules, dans une isba en bois, elles pêchent, chassent, cueillent des baies
Katia
Elles n’aiment pas les gens ?
Lardenois
Si, mais elles les aiment trop ! Les gens sont toujours décevants quand tu les
aimes trop !
Katia
Je t’aime beaucoup alors tu me déçois ?
Lardenois
Sans doute, je ne suis pas à la hauteur des histoires que je veux te raconter.
Katia
Ca c’est vrai : le minibus, le bateau, tu peux faire mieux ! Dis- moi quelque
chose qui me parle…
(temps)
Lardenois
Il était une fois une goutte d’eau sur une feuille de bouleau Elle s’appelait
Baïkala . C’était une goutte de rosée qui comme toutes les gouttes de rosées
accrochées à des branches, devait tomber dans le lac.
12Pourquoi refusa-t-elle ce destin ? Elle savait, vieux savoir, que si elle tombait
elle perdrait sa singularité, qu’elle se fondrait dans la masse. Elle se croyait
unique.
Le bargouzine avait beau souffler, la petite goutte d’eau résistait, et s’accrochait
à la feuille.
Ce n’est pas le vent qui eut raison d’elle mais le soleil. C’était en août. Elle
s’évapora.
Liquide, elle était devenue vapeur.
Lourde elle était devenue légère.
Elle avait rejoint un nuage, elle avait changé d’état.
Les gouttes de nuage c’est comme des semences. Quand elles tombent en
pluie sur la terre, tout ce qui attend de naître se met à pousser.
Ca lui plaisait d’être la semence universelle, de faire naître, de faire grandir, de
faire vivre.
FP : moi, j’ai envie de grandir ! Est ce que je pourrai rencontrer Baïkala ?
GP : Bien sûr ! On part au Baïkal ; on attend la prochaine pluie et Baïkala, la
goutte d’eau, tombée du ciel descendra spécialement pour toi et viendra se
loger…….. dans ton nombril.
Katia :
Dans mon nombril ?
Lardenois
Oui dans ton nombril ! Le nombril d’or, l’omphalos c’est ici dans ton nombril
que se relient les eaux utérines donnant naissance et les eaux torrentielles
donnant la vie.
Tu es une manifestation sacrée de la Vie !
Katia
Ah bon ?
Tu délires pas un peu avec mon nombril ?
Maman dit que t’es un putain de nombriliste.
13Pardon pour putain c’est son mot.
(Temps)
Lardenois
Commentaire : Le premier vers de ton poème autobiographique débute par «
J’ai commencé », alors que dire sur le commencement ?
DANS
JOURNAL D’UN EGARE
QUE DIRE SUR LE COMMENCEMENT ?
Katia
Que dire sur le commencement ?
Quand un commencement commence
Un chemin se met à cheminer
Jusqu’à une fin
Qui y met fin.
Lardenois
Le commencement contient-ils le chemin et la fin ?
Il y a des tenants de cet abrutissement.
Si le commencement ne contient rien
Et si la fin ne dit rien
Y a-t-il encore chemin ?
Katia
DESTIN ?
14Lardenois
HASARD ?
Katia
Tout commencement est arbitraire.
Il n’y a pas de point zéro
Le point zéro de tout big bang est inaccessible,
Tu ne peux tout réinventer, tout recréer
Pars de ce qui t’est donné
Et que tu ne peux refuser.
Pars de cette violence qui t’est faite
Et que tu peux organiser.
Dieu nous a donné la Terre.
Nous la lui rendrons retournée, cultivée.
Il a fait l’animal humain
Nous lui rendrons l’Homme.
Lardenois
50 années plus tard tu relis Jean-Claude, ces quatre derniers vers
Réécoutons-les !
Katia
Dieu nous a donné la Terre.
Nous la lui rendrons retournée, cultivée.
Il a fait l’animal humain
Nous lui rendrons l’Homme.
Lardenois
Tu relis donc ces quatre vers et tu écris :
15J’ai osé écrire cela il y a 50 ans en 1966 ?
J’ai osé mêler Dieu à notre aventure terrestre et cosmique.
J’ai aussi osé évoquer par trois fois un « Nous
»
: espoir d’unité et d’élévation
très affirmé. .
Qui oserait, aujourd’hui, croire au « Nous
»
?
Aujourd’hui, je vois triompher le « Moi ».
Du « Nous » exacerbé au « Moi » enflé, tel est notre trajet majori
(Temps)
Katia
DANS
L’ÎLE AUX MOUETTES
DELAVIEDELAMORTMÊLEES (écrit comme un seul mot ?)
Lardenois
Méditation poétique sur le hasard et la mort
Katia
Au clocher de Corsavy
vieux de quelques siècles
midi sonne
le temps passe
elle se rapproche
Lardenois
Sirène de pompier
barri d’amunt
attroupement de voisins
que se passe t-il ?
16Katia
C’est Francine elle a un malaise cardiaque.
Lardenois
En réalité c’est trop tard.
Rupture d’anévrisme.
Katia
Dans son lit Francine discutait avec deux amies
Des voisines
Elle dit J’ai la tête qui tourne
elle la rejette en arrière
pousse un râle,
ce fut tout
C’était terminé.
Lardenois
La page est tournée
les volets sont fermés
Francine n’est plus
Katia
Des paroles s’envolent.
Lardenois
c’est le destin
Katia
c’était son heure
Lardenois
c’était écrit, c’est la vie !
Katia
La vie continue dit une autre femme
Lardenois
Plus tard
je m’interroge
minuit sonne
le temps passe
elle se rapproche.
17Que disent ces paroles de survivants ?
La vie continue oui
pour chacun de ces vivants
moi y compris
qui vous écris.
Katia
Dans le Grand Livre de la Nature
il n’y a qu’une inscription
nous sommes mortels
A l’échelle du temps immense
nous ne sommes qu’une éloïse
dans la nuit éternelle
Lardenois
A notre échelle
cette petite part de temps et de vie
qui nous est donnée par le hasard
comment pouvons-nous la vivre ?
Katia
Don du hasard
la vie
Lardenois
Don du hasard
toi moi
Katia
Don du hasard
ta mort avant la mienne
Lardenois
Dans ce grand jeu de hasard sans règles et sans lois sans calculs de probabilités
comment jouer ?
Katia
Entre le Tout ( avec un grand T) et le Rien ( avec un grand R)
chacun doit trouver sa juste mesure
18ce n’est pas Tout
ce n’est pas Rien
ce n’est pas Tout ou Rien
c’est un tout petit peu du Tout
c’est un petit peu plus que Rien
Lardenois
Vivre en homme de raison
c’est penser
clarifier un peu de l’incompréhensible
un peu de l’indescriptible
Katia
Chacun de nous est libre
de donner la signification
et la valeur qu’il veut
à sa vie
Lardenois
Moi,
Je n’ai pas envie d’ajouter
de la laideur au monde
mais un peu de beauté
de pensée
Katia
Ce fut sans doute aussi le choix de vie de Francine
Son sourire
sa bonté
sa beauté
étaient les signes de ce qu’elle était
de ce qu’elle était devenue.
(Temps)
19Lardenois
DANS
L’ÎLE AUX MOUETTES
La vie est comme un zèbre, une bande blanche, une bande noire…
Katia
Imagine que ta vie soit comme un zèbre une bande blanche, une bande noire.
Quel temps accorderas-tu à ta vie privée. Lequel à ta vie publique. Lequel à tes
passions, tes talents. Lequel à ton métier ?
Lardenois
Distingues le temps que tu accorderas à ton corps, à ton esprit, à ton âme, le
temps que tu accorderas à ta femme, à vos enfants, à tes parents, aux amis, aux
voisins, aux lointains, à la politique, à la morale, à l’éthique, à la culture, à
l’humanitaire, à la lecture, au cinéma, au pastis, à l’amour, au travail…
Katia
Demandes- toi ou tu vas choisir de vivre ? Ville, campagne, montagne, au fond
des bois, au bord de la mer
Lardenois
Demandes- toi si tu veux vivre sédentaire, sécurisé ou nomade précarisé. Si tu
veux vivre dans une hutte, une isba, une yourte, une maison ou une caravane !
Katia
Demandes- toi si tu veux vivre en accumulant des biens de toutes sortes, en
consommant, en polluant, en détruisant ou en réduisant tes besoins, tes désirs
et en vivants sobrement.
Lardenois
Demandes toi si tu veux vivre en solitaire, en dérangeant le moins possible
l’ordre des choses et en refusant de changer le monde
Ou si tu veux vivre en épicurien, cultivant l’amitié,
Katia
20Ou si tu veux vivre en homme de la grande et de la petite responsabilité en
cherchant à donner sens et valeur à sa vie, à donner le meilleur de TOI –MÊME
plutôt qu’à prendre ou à réclamer, sans hurler à la mort ou aboyer à la lune.
Katia et Lardenois A deux
A toi de jouer !
(Temps)
Katia
Je pars
Lardenois
Où ?
Katia
Au Baïkal !
Lardenois
DANS
LES ENFANTS DU BAÏKAL
L’invitation à la vie (extrait)
Katia
Personnages :
Lardenois
Le fils
Katia
La mère
Lardenois
Le père
Katia
La sœur
(Temps)
21Katia
Le fils
Lardenois
Je pars
Katia
Le père
Lardenois
Où ?
Katia
Le fils
Lardenois
Au Baïkal
La mère :
Katia
Pourquoi ?
Le fils :
Lardenois
Un amour là-bas
Katia
Le père :
Lardenois
Bonne raison !
La mère :
Katia
Ce n’est pas une raison.
22Le fils :
Lardenois
Elle s’appelle Baïkala
La mère :
Katia
Elle est comment ?
Le fils :
Lardenois
Pure comme le lac.
La mère :
Katia
Folle du cul comme tu les aimes.
Le fils :
Lardenois
Maman !
Katia
Le père :
Lardenois
Que fait-elle ?
Katia
Le fils :
Lardenois
Elle chante le Baïkal.
Katia
Le père :
23Lardenois
Tu vas vivre d’amour et d’eau fraîche ?
Katia
Le fils :
Lardenois
A peu prés.
La mère :
Katia
Et ta santé ?
Le fils :
Lardenois
Le Baïkal protège ceux qui l’aiment et qui s’aiment.
Katia
Le père :
Lardenois
Qu’est ce que tu lui trouves à ce lac ?
Katia
Le fils :
Lardenois
Écoute-le !
La mère :
Katia
Et à elle ?
Le fils :
Lardenois
24Ecoute- la !
La sœur :
Katia
Je pars avec toi ….
(Temps)
Katia
Le fils:
Lardenois
On va répéter ici !
Les comédiens :
Katia
En pleine nature ?
Lardenois
T’es dingue !
Katia
On va dans le mur !
Le fils:
Lardenois
Oui ici !
Où vois- tu un mur ?
Cet endroit du Baïkal s’appelle BAKLANY .
Au large l’île aux Mouettes. Vous les entendez ?
La sœur :
Katia
Oui, c’est bien ici. Dans la forêt c’est parfait.
25Lardenois
Les comédiens :
Katia
Quel vacarme !
Lardenois
Pourquoi tu nous infliges ça ?
Katia
Le fils :
Lardenois
Où veux-tu répéter La Forêt d’Ostrovski ?
Les comédiens :
Katia ou à deux
Dans un théâtre !
Katia
Le fils:
Lardenois
Vous n’avez rien compris au théâtre russe !
Les comédiens :
Katia
En pleine nature,
Lardenois
Sans le moindre confort,
Katia
T’es dingue !
Le fils:
Lardenois
26Oui ici, à BAKLANY
on est au plus prés de la taïga. De ses cadeaux, de ses dangers.
Les comédiens :
Katia
La nature est insupportable.
Lardenois
Tes idées sont insensées.
Katia
La nature pour éprouver l’art !
Le fils:
Lardenois
Vous préférez l’artifice ?
Les comédiens :
Katia
Ta nature, elle nous emmerde.
Lardenois
On l’emmerde et toi avec.
Katia
On se casse !
Le fils :
Lardenois
C’est ça cassez-vous ! J’ai pas besoin de vous !
La sœur :
Katia
Je reste !
Le fils:
27Lardenois
C’est comme ça dans toutes les aventures artistiques.
L’art ça dérange ou ce n’est pas de l’art.
(Temps)
Katia
Lui- Je, n’attend plus du théâtre qu’il lui donne de la voix, qu’il lui ouvre la voie,
une voie.
Il a pourtant fait partie du milieu, bénévolement pendant 22 ans et créateur du
festival de théâtre d’Avers sous les eaux puis directeur des 4 Saisons d’Avers sur
les eaux dans la Maison des Romanich de 1983 à 2004.
Il a cru, par passion, à la nécessité de soutenir la création artistique, de
l’écriture à la mise en scène, de soutenir et susciter des formes innovantes et
l’émergence de jeunes créateurs.
Ce fut une période passionnante qu’il ne renie pas
Mais Lui-je a pris conscience progressivement vers 2017/2019 que pour lui, le
vrai travail est à faire sur soi et par soi.
Pas d’agir sur les autres, d’influencer les autres.
Pas d’être agi par les autres.
Au théâtre, au spectacle, on est dans la représentation, pas dans la présence,
pas dans le présent.
Au théâtre je suis spectateur, je ne suis pas acteur de mon destin de mes choix
de vie à mes risques et péril.
Le théâtre, lieu de représentation est comme la politique représentative :
Enjeux de pouvoir
Le théâtre, lieu de représentation est comme la politique représentative :
Luttes de pouvoir.
28(Temps)
Lardenois
Ah le Théâtre !
(à Jean-Claude)
Jean-Claude, entre 1997 et 2017 tu as écrit et publié 7 pièces de Théâtre !
(Bravo)
Cinq pièces sous ton propre nom : Jean-Claude Grosse
Katia
La Vie en jeu
Lardenois
La Lutte des places
Katia
Le Libre jeu
Lardenois
La où ça prend fin
Katia
Et Histoire de places
Lardenois
Et trois autres pièces sous le nom de ton hétéronyme E.Say. Salé
Katia
Moi, Avide 1erl’Elu
Lardenois
EAT (manger, pisser, écrire) au temps des queues de cerises
Katia
Et Vols de voix Farce PESTILENTIELLE à l’occasion de la présidentielle 2017
Lardenois
Nous avons cherché dans le dictionnaire la signification de ce mot étrange
Hétéronyme
Katia
En littérature un hétéronyme est un pseudonyme utilisé par un écrivain pour
incarner un auteur fictif qui possède une vie propre et un style littéraire
particulier.
Lardenois
C’est clair ?
Ton Hétéronyme : E Say Salé est un auteur congolais qui vit à Ouagadougou, il
écrit des farces et il est aussi est cinéaste.
(A Jean-Claude)
C’est bien ça Jean-Claude ?
Katia
Vols de voix comportent 169 personnages
Le questionneur de merde
Lardenois
Le soliste qui œuvre en sous-sol
Katia
Arlette du musée Grévin
Lardenois
Le repentiste
Katia
Persil et Omo
Lardenois
La dératée des champs
30Katia
La servante du grand méchant loup
Lardenois
Sigmund et Jacques
Katia
L’entre deux-chaises
Lardenois
Un habitant de gogoland monsieur Gogo
Katia
L’ultraculpabilisateur néo libéral de gauche
Lardenois
L’anartiste … et bien d’autres !
Katia
169 personnages qui se partagent 235 répliques dont celle du Romain à succès
en 1956
Lardenois
Réplique du Romain à succès
Le député était préoccupé. Il essayait de se rappeler à quelle formation
politique il appartenait. Son parti s’était scindé en deux, les éléments de chaque
tronçon se repliant eux-mêmes par des systèmes d’imbrications vers trois
formations diverses, lesquelles exécutaient un mouvement tournant autour
du centre afin de s’y substituer, cependant que le centre lui-même subissait un
glissement vers la gauche dans ses éléments centripètes et vers la droite dans
ses éléments centrifuges.
Le député était à ce point dérouté qu’il en venait à se demander si son devoir
de patriote n’était pas de suscité lui-même la formation d’un groupement
nouveau, une sorte de noyau centre-gauche-droite avec apparentements
périphériques lequel pourrait fournir un pivot stable aux majorités tournantes,
31indépendamment des charnières qui articulaient celles-ci intérieurement, et
dont le programme politique pourrait être justement de sortir du rôle de
charnière pour accéder au rôle de pivot.
De toute façon, conclut le député, le seul moyen de s’y retrouver était d’avoir
un groupe à soi.
Katia
Le député leva brusquement vers le barman un regard désemparé.
(Temps)
Katia
Nous allons à présent quitter le cauchemar du député pour un moment de
rêve qui se trouve dans «
Journal d’un égaré
»
C’est le Rêve d’une école de la vie
Un texte dédié au philosophe à Marcel Conche que tu nommes Epicure de
Corrèze
Lardenois
Je rêve d’une école de la vie de trois classes.
Katia
Une classe pour apprendre à raconter. Pour seize enfants de 6 à 9 ans.
Lardenois
Une classe pour apprendre à s’émerveiller. Pour seize adolescents de 11 à 14
ans.
Katia
Une classe pour apprendre à penser et à vivre vraiment. Pour seize jeunes gens
de 16 à 19 ans.
32Des gosses des rues. Pas voulus. Des survivants du travail précoce, du sida
général, de la guerre perpétuelle. Des adolescents à la dérive sur
l’amertumonde.
Lardenois
La classe des petits seraient confié à un aède. Homère par exemple. Ils seraient
assis en rond 8 garçons et 8 filles. Ca commencerait par des questions. Homère
leur raconterait des histoires. Ils commenteraient ces histoires. Ils les
raconteraient à leur tour puis ils en inventeraient.
Katia
La classe des moyens seraient confiée aux poètes : Linos, Orphée, Sappho et à
un peintre, vieux de 33 000 ans, celui de la grotte Chauvet. Linos ferait entendre
un chant très ancien sur le soleil, Orphée inventerait un poème d’éternité, avec
Sappho ils gouteraient à l’inachevé, l’homme de Chauvet les aiderait à
impressionner les murs, à faire vibrer la lumière, à donner corps a l’esprit.
Lardenois
La classe des grands serait confiée à un élu, battu aux élections, à un chef
d’entreprise en faillite, à un directeur de pompe funèbres en retraite et à un
philosophe très ancien. Anaximore, Héraclite, Parménide, Empédocle. 8 filles et
8 garçons en quête de soi, de l’autre qui se poseraient des questions : qu’est ce
que l’homme ? Qu’est ce que la nature ? Qu’est ce que vivre vraiment ? Qu’est
ce que devenir soi ?
Katia
En quelques semaines ils se sèvreraient des jeux vidéo, des modes
vestimentaires, langagières et comportementales
Lardenois
En quelques mois, les multinationales de la mal bouffe, du divertissement
formaté, de la manipulation des cerveaux seraient en faillite
Katia
En quelques siècles ils renonceraient aux vains désirs
Lardenois
33En quelques millénaires ils renonceraient aux illusions…
Katia
Nous avons pris l’initiative de faire parvenir tes propositions au Ministre de
l’Education Nationale de la Jeunesse. Nous sommes toujours dans l’attente de
sa réponse.
(Temps)
Lardenois
Nous poursuivons notre traversée avec un poème toujours extrait de La Parole
éprouvée
LE PREMIER MOT (extrait)
34Redis- moi le mot
Venu frapper là où cogne ma vie
Venu me réveiller au cœur de Paris.
Redis-moi ce mot
Ce sortilège de l’adolescence
Qui toujours devant mes yeux danse
Comme un merveilleux quiproquo.
Redis-moi dis
Ce mot que tu m’as dit
Ce mot d’amour
Le premier mot de notre premier jour.
Un coup de fouet
Comme des embruns
Petit pont d’amour
Qui durera toujours.
DANS
L’ÎLE AUX MOUETTES
Portrait de la femme aimée depuis 40 ans
Katia
35Apparemment, c’est une femme de l’absence. Toujours ailleurs. Perdues dans
ses pensées. Fille d’air et de rêve.
Mais à la pratiquer, avec amour, depuis quarante ans, j’ai compris que c’est une
femme de la présence, une présence légère dans le présent. Elle ne pèse pas.
Elle ne pose pas. Avec elle, tout est danse.
Le présent n’est pas que l’instant. C’est le moment de maintenant avec une
pointe de souvenir. Une fleur chaque jour pour notre chat parti sans retours ;
Son nom parfois et alors, une bouffée de nostalgie.
Elle est attachée à tout ce à quoi elle a donné de l’amour. Des photos et des
mots pour les disparus, la mère, d’une embolie qu’elle embellit, le fils et le
frère, dans le même accident.
Des cartes aux anniversaires. Des cadeaux sans destinataires pour les recevoir.
Quelle aptitude à ne rien laisser mourir malgré la souffrance, évidente,
inconsolable.
Chaque objet est à la fois d’hier et de maintenant, pas figé, souvent déplacé.
L’œil toujours sollicité par quelque nouveauté, une disposition rare, un
rapprochement inattendu, un éloignement surprenant.
Tout ce qu’elle aime est sans cesse repris, reconsidéré. Petits rien qui changent
tout.
Combats de chaque instant contre la dégradation, l’usure, l’habitude, l’oubli.
La maison vit, est habitée. Pas d’ennui possible avec une femme qui fait de sa
maison, de notre vie, un récit, un poème.
Avec elle, les simples jours deviennent les simples beaux jours, embellis par le
regard, le sourire radieux qu’elle pose sur les choses et sur les gens. Les tristes
jours deviennent les inoubliables tristes jours adoucis par son sourire
mélancolique.
Elle rayonne d’amour. Solaire, elle donne le meilleur d’elle, une écoute qui
apaise angoisses et peines, aide à mettre en mots, petits maux et grandes
douleurs.
Mais de ses angoisses et souffrances, vous ne saurez rien, les mots ne sont pas
pour elle. Elle ne s’en sert pas pour elle.
36Tout se passe dans le regard, souvent mouillé, toujours caché.
La légère, l’aérienne ! Depuis quarante ans, elle me fait la vie légère.
Je l’aime sans comprendre pleinement la force du don qui l’habite.
Mais en la vivant pleinement, passant des heures à contempler son visage sur
lequel je ne vois pas passer l’âge.
Elle a l’âge de son cœur, celui de l’adolescente qui m’a choisi une fois pour
toute.
Mon désir d’elle et mon amour pour elle sont restés intacts à son contact.
(Temps)
Lardenois
La mère :
Katia
Pourquoi n’appelle-t-il pas ? Ca fait déjà quinze jours. J’ai peur.
Le père :
Lardenois
C’est impossible d’appeler depuis là-bas. C’est brouillé, coupé. Rien ne passe.
La mère :
Katia
Pourquoi est-il allé là-bas, alors ?
Le père :
Lardenois
Pour se couper de tout.
La mère :
Katia
Pour se couper de nous ? Comment peut-il se retrouver, s’il fait disparaitre les
traces ? S’il est sans passé, sans projet ?
Le père :
37Lardenois :
Il n’est pas sans passé, sans projet. Il ouvre une parenthèse pour vivre au
présent. Loin de tout à 10 000 kilomètres de chez nous.
La mère :
Katia
Qu’il se dépêche de la refermer !
Le père :
Lardenois
Ca pourrait être un idéal de vie, vivre au présent, sans passé, sans projet, une
parenthèse qui s’ouvre à la naissance, qui se ferme à la mort
La mère :
Katia
Qu’est ce que tu racontes ? Appelle-le. Dis lui de revenir de suite.
Le répondeur :
Lardenois
Ligne en dérangement… ligne en dérangement… Indépendant de notre
volonté…
La mère :
Katia
Insiste !
Le père :
Lardenois
Je te dis que les lignes sont mauvaises. Entre deux ouragans ils essaient de
réparer mais ils n’ont jamais assez de temps.
Katia
Le Répondeur :
Lardenois
38Mauvais numéro…. Plus de correspondant…
La mère :
Katia
Recommence !
Le répondeur :
Lardenois
Mauvais numéro… Plus de correspondant… inutile d’insister … libérer la ligne
pour d’autres appels…
La mère :
Katia
Refais le numéro
Le répondeur :
Lardenois
Bon numéro… laissez votre message…
Katia
Le père :
Lardenois
C’est papa. Dés que tu reçois ce message, appelle. Ta mère s’inquiète !
La mère :
Katia
Mon chéri c’est maman. J’espère que tout va bien. Je t’embrasse.
(Temps)
Lardenois
La mère :
Katia
Pourquoi ? Pourquoi ?
39Le père :
Lardenois
Pourquoi lui ?
La mère :
Katia
Pas lui. Ce n’est pas vrai. Appelle-le. Dis –lui de revenir.
Le répondeur :
Lardenois
Ligne… occupée… ligne… occupée … ligne… occupée
Katia
Le père :
Lardenois
Il y a dû y avoir un ouragan. Leur central disjoncte.
La mère :
Katia
S’il y a une chance, je veux qu’on la saisisse. Rappelle-le !
Le répondeur :
Lardenois
En ligne… signal …
Katia
Le père :
Lardenois
Le message a changé.
La mère :
Katia
Raison de plus insiste !
40Le répondeur :
Lardenois
Ne donne pas signe de vie. Ne donne pas signe de vie. Renouvelez votre appel.
Katia
Le père :
Lardenois
Comment savoir la vérité ?
La mère :
Katia
Je veux que ce ne soit pas vrai. Recommence.
(Temps)
Katia
Le répondeur :
Lardenois
Nous n’avons pu rétablir les lignes d’urgence. .. Adressez votre prière.
La mère :
Katia
Mon fils n’entend plus ce que j’ai à lui dire. Comment lui parler ?
Le répondeur :
Lardenois
Le répondeur n’est pas fait pour apporter des réponses…. Le répondeur n’est
pas fait pour apporter des réponses
La mère :
Katia
A quoi sert- il alors ?
Le répondeur :
41Lardenois
Le répondeur sert à annoncer la disparition d’un abonné et à recevoir les
condoléances.
La mère :
Katia
Ca ne m’est d’aucun secours, je veux entendre sa voix. Aidez- moi à le
rejoindre !
Le répondeur :
Lardenois
Mauvais numéro… parti sans retour … destination inconnue… La voix de votre
correspondant a été coupée… Voulez vous faire une réclamation ?
Katia
La mère :
Rends nous notre fils !
Lardenois
Le père :
Rends nous la voix de notre fils !
Katia
Le répondeur :
Lardenois
Une voix coupée… est impossible… à réentendre. Une voix coupée… est
impossible… à réentendre.
(Temps)
Lardenois
8 années plus tard
Katia
42L’épousée : Tu te souviens ? Je t’avais demandé de dénoncer le contrat avec le
répondeur.
Lardenois
L’épousé : Oui, il nous avait répondu : peut-on se passer du Répondeur ?
Katia
Tu te souviens ? J’ai insisté sur l’éternité de l’instant syncope.
Je me demande où peut bien être passé l’instant syncope ?
Lardenois
Ca revient à se demander… où va le passé ?
Katia
C’est ce que je te demande, je vais passer. Où vais-je passer ?
Tu ne dis rien ?
Regarde- moi !
Je sais que je vais passer.
Où vais-je passer ?
Tu peux me répondre ?
Lardenois
Je n’ai pas la réponse à cette question et je ne veux pas que tu passes pour
aller dieu sait où ! Tu restes avec nous, tu dois rester avec nous. Quand on
passe c’est qu’on le décide !
Katia
Oui ! J’ai sans doute décidé de m’en aller. Plus rien ne me retient ici. Je vois bien
que je ne peux abolir le temps ni remplir le blanc du temps. Ca m’épuise ce
combat.
Lardenois
Pourquoi vouloir finir avant la fin ? Pourquoi vouloir arriver en avance là où ca
prend fin ?
Katia
43Tu connais la fin ?
Lardenois
Non
Katia
Alors, je peux mettre le point final…
Lardenois
Tu as décidé de finir la partie ?
Katia
Non, ça se décide en secret dans le ventre !
Lardenois
Partir de façon volontaire c’est ce que tu désires en secret ?
Katia
Je n’en sais rien.
Réponds à ma question :
Je sais que je vais passer où vais-je passer ?
Lardenois
Personne ne peut répondre à cette question !
Katia
Allez, fais un effort !
Tout ce que j’ai été
Tout ce que j’ai fait, ça a eu lieu une fois pour toutes, pour toujours, sans
possibilité d’être effacé, ça va bien quelque part non ?
Lardenois
Je n’en sais rien. Nous oublions ce que nous avons fait, ce que nous avons été.
Parfois ça ressurgit avec un goût de la madeleine.
44Katia
Ca, c’est ce qui se passe durant le temps de notre vie. Durant le temps fini de
notre vie.Mais il y a l’autre temps, celui dans lequel je vais entrer
définitivement, le temps éternel, infini.
Lardenois
Tu nous fais mal !
Katia
Ce n’est pas ce que je veux. Je veux la vérité en face !
Lardenois
Tu veux la mort en face ? Celle de toute chose pour toujours ?
Katia
Oui, il y a des choses à penser sur ce qui se passe quand on passe.
Qu’est ce que nous devenons ?
Lardenois
Les Répondeurs religieux ont leur réponse.
Katia
Réponses toutes prêtes, pour tous, je veux que l’on cherche par nous même !
Lardenois
Tu te rends compte de ce que tu me demandes, penser l’impensable, ton
passage de vie à trépas. C’est surhumain. Ce qui est humain c’est notre
promesse : « A notre amour, jour après jour, jusqu’à ce que ça fasse toujours ».
Seize mille huit cent cinq jours 16805 aujourd’hui, mon p’tit chat !
Katia
J’arrive au bout de mon temps de vie
Mais pas à la fin de ce qui a eu lieu,
Puisqu’il sera toujours vrai
Que ça a eu lieu
(Temps)
Lardenois
EN MARCHE
Nous étions jeunes
Nous marchions vite
Nous nous laissions porter par la puissance de nos muscles
Leur énergie nous exaltait l’âme
Leur effort tendu et souple ne nous menait nulle part
Nos cœurs se gonflaient aux vents du large
Des ailes nous poussaient.
Katia
Sur la scène, un vieil homme assis, de dos, face à la caméra de son ordinateur.
Le vieil homme
Lardenois
Pourquoi je m’installe là aujourd’hui, mercredi 25 octobre 2020, à 6 heures du
matin ?
C’est mon anniversaire, 80 ans.
Arrivé au monde depuis déjà 5 heures.
80 ans.
Donc le temps existe.
Katia
Faut-il en douter ?
Lardenois
46Arrivé au monde.
Donc le monde existe
Katia
Faut-il en douter ?
Lardenois
Réveil sans réveil entre 4 et 5 heures.
J’ai accompli mes petits rituels du matin.
Laudes joyeuses
Bonjour le jour, nouveau jour, merci la vie.
Bonjour mes chéris, vivants et autrement vivants, vous les trans-parents. Que
cette journée de plus soit une journée de paix, de silence….
Katia
Où vais-je passer ? M’as-tu demandé avant de passer. Ce que tu m’as fait
découvrir avant de passer c’est que le temps ne se perd ni ne se retrouve.
Chaque instant passe mais il ne s’efface pas. Il s’inscrit comme vérité dans le
temps de l’éternité, enregistré pour toujours.
Eternellement vraies les traces de chair, les effluves de caresses, les signatures
de mains tendres que tu as laissées dans ton cahier d’amour, sans mots, ni
chiffres….
Lardenois
Le livre d’éternité que chacun écrit n’est pas à rendre à la fin de sa vie
Katia
Il n’y a pas de bibliothèques pour conserver nos livres d’éternité
Ni à l’intérieur du cerveau ni à l’extérieur
Il n’y a que le présent.
Lardenois
47L’éternité c’est le présent.
Et notre livre d’éternité s’écrit au présent
Se rend au présent.
Katia
Il n’y a ni début ni fin
Ni passé, ni naissance, ni mort, ni d’ici bas, ni de très-haut !
Lardenois
C’est par notre présence au présent que nous participons.
Katia
Présence selon les choix mouvant de chacun
Lardenois
Présence plus au moins consciente, agissante, aimante
Katia
La présence la plus créatrice possible est pour certains la plus souhaitable, la
plus désirable, la plus épanouissante, la plus joyeuse….
(temps)
Lardenois
L’été prochain, je repartirai au Baïkal
Pendant les quatre jours et quatre nuits de Transsibérien dans le wagon de
queue, par la porte donnant sur la voie, je regarderai le temps s’enfuir.
Devant, le train avalera le temps présent, traverse par traverse.
Katia
Moi, je regarderai s’éloigner les traverses arrières quelques centaines de
mètres après
Quelques secondes plus tard je ne les verrai plus mais elles ne disparaitront pas
pour autant
Lardenois
48Ta dak, ta dak ta dak ta dak ta dak ta dak ta dak
Katia
Le bruit solidien du train sur les rails
Me dira le temps qui passe…
Lardenois
dak ta dak ta dak
C’est au Baïkal que je me sens au plus prés des évidences du Temps :
Le contraire de ce que j’ai pensé trop longtemps :
Non la mort de tout,
Le refroidissement éternel, l’oubli perpétuel
Le Jamais Plus
Plus Jamais
Nervermore.
Katia
Mais tout coule,
Chaque seconde passe,
Se métamorphose en éternité d’une seconde Bleu Giotto,
Forever.
Pour toujours !
Lardenois
Premier épilogue emprunté au Livre VI de Et ton livre d’éternité ?
Katia
La naissance de Je Suis Vita Nova
Lardenois
Je Suis Vita Nova naquit le 25 décembre 2020.
Ce fut une naissance personnelle et confidentielle.
49Lui-Je avait mis en place un rituel pour le spécial solstice d’hiver 2020, qui
commençait le 21 décembre.
Le 21 décembre lui a été offerte une sacrée réponse (une réponse sacrée).
A la question : Qui suis-je ?
Katia
Sa fille, très sarcastique lui dit : « Tu es Dieu »
Lardenois
Elle adore son père.
Et il a répondu sans réfléchir : «
Oui c’est vrai, je suis divin, comme toi, comme
tout ce qui existe. Ce Dieu est personnel et incarné. C’est pourquoi pour
épitaphe, je souhaite : Ci Gît Dieu. »
A quoi un ami bienveillant à rajouté :
Katia
«
Le Vrai, Pas l’Autre ! »
Lardenois
Le 25 décembre 2020,
Lui-Je, Hyérosolymitain d’Avers sous les eaux depuis le Déluge, d’Avers sur les
eaux et de Corps ça vie, celui qu’on appelle communément J.C
Un peu allumé, un peu illuminé,
Ayant passé 80 ans,
Après des décennies d’errance et d’égarement
Décida de se donner une nouvelle identité.
Katia
Voilà qui Je Suis : Je suis Vita Nova.
Lardenois
Vita Nova se reconnait plurivers, multivers plus qu’univers
50Katia
Il se reconnait divers, ondoyant, contradictoire.
Lardenois
Il se reconnait semblable à une large bande sonore passante et à un large
spectre lumineux
Katia
Il se reconnait d’hiver, de printemps, d’été, d’automne, saisonnier
Lardenois
Il se reconnait impermanent, incohérent plus que cohérent, dispersé plus
qu’unifié, tout en sachant, sentant, éprouvant le passage à l’éternité de tout ce
bouillonnement.
Katia
Sorti en Livres VI des 9 cercles de l’Enfer, Vita Nova ne connut pas la phase
purgative et se retrouva au paradis sur terre.
Lardenois
Son ermitage est sur une colline d’Avers sur les eaux !
Katia
Second épilogue
Adresse de l’auteur à ses lectrices et à ses lecteurs à propos de Et ton livre
d’éternité ?
Lardenois
J’ai été happé par cette aventure d’écriture, en somnambule, en funambule,
sans plan, sans personnages, sans péripéties.
Katia
J’ai été littéralement possédé, porté par un flux me traversant, un flow créatif
par lequel je me suis laissé entraîner sans censure, sans jugement de surplomb,
laissant converger comme ça venait, souvenirs,
Lardenois
51Projets,
Katia
Réels,
Lardenois
Imaginaire,
Katia
Humour,
Lardenois
Pulsions intenses
Katia
Et moments présents.
Lardenois
Je ne regrette pas d’avoir suivi la voix qui m’a poussé à l’écriture.
Même si des bilans sont faits, il ne s’agit pas, me semble t’il, d’un bilan de vie,
d’une autobiographie, d’un exercice narcissique de satisfaction, d’auto-
satisfaction du travail accompli, du chemin parcouru.
Katia
Il me semble que l’essentiel est dans une transformation, une métamorphose
de l’auteur, tardive, surprenante, le surprenant ô combien.
Lardenois
C’est sur cette métamorphose que prend fin notre insolite traversée
Méphisto Rhapsodie / Samuel Gallet
Mephisto - Regarder le film complet | ARTE
Dans les années 1930 en Allemagne, Hendrik Höfgen, un acteur ambitieux, se soucie uniquement de sa carrière et profite de la prise du pouvoir des nazis... Première collaboration de Klaus Maria ...
à voir jusqu'au 28/2/2023
" Méphisto [Rhapsodie] ", de Samuel Gallet, Théâtre national de Bretagne à Rennes
Par Olivier Pansieri Les Trois Coups Jean-Pierre Baro met en scène " Mephisto " de Samuel Gallet, très vaguement inspiré du roman de Klaus Mann. Une litanie, qui se veut un cri, contre la monté...
une critique de Méphisto Rhapsodie de Samuel Gallet mis en scène par Jean-Pierre Baro
A quoi bon faire du théâtre quand l’extrême droite frappe aux portes du pouvoir ? Mephisto {rhapsodie} traverse les petitesses de la scène pour donner à penser l’avenir brûlant.
C’est la première création de Jean-Pierre Baro mise à l’affiche du Théâtre des Quartiers d’Ivry, CDN qu’il dirige depuis le mois de janvier. Mephisto {rhapsodie} raconte l’ascension d’un comédien arriviste, ses compromissions pour accéder au succès, jusqu’à sa nomination à la tête d’un théâtre, dans un contexte de montée de l’extrême droite. Fruit d’une commande passée à Samuel Gallet, auteur dramaturge avec lequel Jean-Pierre Baro travaille pour la seconde fois, Mephisto (rhapsodie) est inspiré d’un roman de Klaus Mann, fils de Thomas, qui, à partir d’une histoire vraie, développe cette trame du carriérisme à tout prix dans le contexte de l’Allemagne nazie. Parallèlement à l’intrigue, au cœur de ce spectacle d’envergure porté par huit comédiens aux multiples rôles, une question taraude les personnages : « Pourquoi faire du théâtre aujourd’hui ? ». On aimerait bien le savoir, en effet. Pour tenter de trouver des réponses, suivons donc l’action de Mephisto se déployer à Balbek, imaginaire petite ville de province, rampe de lancement de la carrière d’Aymeric Dupré, cet acteur obsédé par le nombre de rappels qu’opère le public à l’issue de la représentation. Autour de lui, une directrice vieillissante ne jure que par Tchekhov, un comédien cherche à articuler son travail avec le territoire qui l’entoure, et un apprenti du cru, lui, est tenté par l’idéologie des « Premières lignes », groupe fasciste à l’irrésistible ascension. Pendant ce temps, à la capitale, se déploie le territoire bourgeois, mondain et décadent du show business et des pouvoirs.
Pourquoi faire du théâtre aujourd’hui ?
Il y a des éléments agaçants dans cette pièce. Des personnages caractérisés à l’excès. Des dilemmes rebattus. Des morceaux de bravoure un peu bavards. Une association du peuple à l’extrême droite potentiellement simpliste. Et le risque du propos endogame, d’une pièce qui ambitionne d’ouvrir le théâtre au monde mais parle avant tout du monde du théâtre. Néanmoins, convenons-en, le texte de Gallet, très bien servi par la mise en scène simple, fluide et rythmée de Jean-Pierre Baro, et par un jeu aux multiples couleurs, emporte le morceau. Sans concession sur le narcissisme de l’artiste, le surplomb moralisateur du monde du théâtre et son asthénie tchekhovienne d’univers moribond, Mephisto n’épargne rien à une société du spectacle qu’il griffe de partout – son propos mordant jusqu’au public même. Mais il porte en même temps une véritable tendresse pour le théâtre, un attachement, un amour. Avec ses personnages complexes et profonds, pris dans leurs contradictions, cherchant la meilleure façon d’agir, avec ou sans le théâtre, face aux dangers qui menacent, Mephisto rend de plus plausible, présente, là, véritablement devant nous, cette dystopie malheureusement de plus en plus probable d’un monde où s’imposera l’extrême droite. Quels choix cette situation nous demandera-t-elle d’opérer ? Préparons-nous à cet avenir brûlant, propose Méphisto. De réponse définitive on ne trouvera pas dans le théâtre. Mais en s’aidant du théâtre, peut-être.
Eric Demey La Terrasse, 23 octobre 2019, N° 281
Histoire de la Ville de Sanary-sur-Mer
Les intellectuels allemands exilés à Sanary, par Christian Soleil Origine: PlumArt N°25 (janvier 2001) www.plumart.com (reproduit avec autorisation) Plutôt que de frémir et de s'attrister de l...
https://www.toutsanary.fr/histoire3/les-intellectuels-allemands-exiles-a-sanary/
les exilés allemands, à Sanary sur-Mer, dont Klaus Mann, l'auteur de Méphisto
Méphisto de Klaus Mann vu dans la mise en scène d'Ariane Mnouchkine
Mephisto, Le roman d'une carrière 1979 De Klaus Mann
Traduction et adaptation Ariane Mnouchkine
Le roman Méphisto pose la question du rôle et de la responsabilité des intellectuels à la naissance du Troisième Reich. La fable qui, pour nous, s’est dégagée du roman pourrait se formuler ainsi : le spectacle serait l’histoire de deux comédiens, liés par l‘amitié, également passionnés de théâtre, également talentueux, également préoccupés de la fonction politique, voire révolutionnaire, de leur art, dans l’Allemagne de 1923. « Pour qui est-ce que j’écris ? Qui me lira ? Qui sera touché ? Où se trouve la communauté à laquelle je pourrais m’adresser ? Notre appel lancé vers l’incertain tombe-t-il toujours dans le vide ? Nous attendons quand même quelque chose comme un écho, même s’il reste vague et lointain. Là où on a appelé si fort, il doit y avoir au moins un petit écho. » Klaus Mann
Tous les clowns ne sont pas des monstres
Charlie Rivel est mon clown préféré. La 1ère fois que je l'ai vu, c'était en 1973, au concours de l'Eurovision où il avait fait une apparition pour faire passer le temps aux téléspectateurs...
https://www.attentionfragile.net/post/tous-les-clowns-ne-sont-pas-des-monstres
Edito septembre 2020 de Gilles Cailleau, compagnie Attention fragile : “De 1935 jusqu’à la fin de la Seconde Guerre mondiale, Charlie Rivel embrasse le nazisme, travaillant pour le ministère de la Propagande du Troisième Reich. Dans cette situation, il entretient des relations amicales avec Adolf Hitler et Joseph Goebbels. Après la guerre, Charlie demande de l’aide au général Franco, qui lui fournit un passeport et lui accorde l’entrée en Espagne. En 1954, il revient en Espagne où il devient une star du Circo Price de Madrid.” J’ai vérifié, croisé les sources, regardé un documentaire catalan très sérieux – El Pallasso i el Führer, lu des télégrammes envoyés par le clown au dictateur… Il faut se rendre à l’évidence, ce type mon héros, qui semblait à deux doigts de se briser dès qu’il déplaçait un pouce, avait été copain, copain au sens propre du terme de Hitler et de Goebbels, ils avaient rigolé ensemble, s’étaient sans doute tapés sur les cuisses et avant que ses deux acolytes se tirent une balle dans la tempe, voyant que ça sentait le roussi à Berlin, il avait demandé à Adolf (il devait trouver que c’était le plus cool des deux) de lui faire une fleur et de téléphoner à Franco pour faciliter son retour en Espagne, vu qu’il y était né.
Mes nouvelles convictions politiques
J'ai assisté samedi 4 octobre 2020 à 17 H à une lecture d'une durée d'1 H à la Bibliothèque Armand Gatti à La Seyne sur Mer dans le cadre de la résidence d'écriture de Samuel Gallet accueilli pour un mois par la Saison Gatti-Le Pôle, lecture d'entrée de résidence, à 8 voix, d'un découpage de son dernier texte Méphisto Rhapsodie, inspiré du Méphisto de Klaus Mann. Lecture puissante qui m'a interpellé.
J'ai pu mesurer à cette occasion combien j'avais évolué.
Le combat politique mondial (un certain combat politique, au minimum à gauche, plus souvent à l'extrême-gauche, pro-révolution tendance trotskyste, PCI, anti-stalinien, anti-social-démocrate, anti-capitaliste, anti-impérialiste / jugement de François Mauriac dans ses Mémoires intérieures : « Du point de vue de l'Europe libérale, il était heureux que l'apôtre séduisant de la révolution permanente ait été remplacé par l'horreur stalinienne : la Russie est devenue une nation puissante, mais la Révolution (en Europe) a été réduite à l'impuissance. Plus j'y songe et plus il apparaît qu'un Trotsky triomphant eût agi sur les masses socialistes de l’Europe libérale et attiré à lui tout ce que le stalinisme a rejeté dans une opposition irréductible : Staline fut à la lettre " repoussant ". Mais c'est là aussi qu'il fut le plus fort, et les traits qui nous rendent Trotsky presque fraternel sont les mêmes qui l'ont affaibli et perdu et de mettre Trotsky au niveau de Tolstoï et Gorki) qui me paraissait nécessaire il y a peu encore, jusqu'à l'épuisement du mouvement des Gilets Jaunes quand le mouvement syndical a repris la main avec le combat pour la défense des retraites (décembre 2019), entraînant confusion et collusion a cessé de me paraître nécessaire avec la crise de la Covid 19 et la sortie partielle du confinement (quelle aubaine pour un pouvoir déliquescent de pouvoir faire ramper des millions de gens à coups de mensonges et manipulations médiatiques !). Dès octobre 2019, je participais à un groupe Penser l'avenir après la fin des énergies fossiles (en lien avec la collapsosophie de Pablo Servigne) tout en continuant à participer à un groupe Colibris (faire sa part). J'avais renoncé à assister à des assemblées citoyennes de Gilets Jaunes tant à Toulon qu'à Sanary dès juillet 2019.
Le combat politique local que j'ai aussi mené comme conseiller municipal d'une majorité (1983-1995) puis comme tête de liste d'une opposition éco-citoyenne (2008) me paraît encore jouable. Encore faut-il gagner les élections municipales ? Dans l'opposition, on ne change pas les choses.
Où en suis-je aujourd'hui, à quelques jours de mes 80 ans, le jour de la révolution d'octobre (sans doute un coup d'état de Lénine, mensonge inaugural du régime soviétique), le même jour que Pablo ?
J'ai enfin décidé que personne ne peut se substituer à nous pour prendre conscience de sa place et de sa mission de vie (qui est autre chose que vivre comme feuilles au vent selon l'image d'Homère). Aucun porte-voix, aucune instance dite représentative ne peut (ne doit) parler et agir à ma place. Décision : je ne voterai plus. Abstention.
La démocratie représentative ne représente que les intérêts du pouvoir en place (république bananière, corrompue jusqu'à la moelle) et des rapaces qu'il représente pour l'avoir mis en place (cette prise de conscience est essentielle, la démocratie représentative n'est pas la démocratie, il m'a fallu 60 ans pour l'admettre). La démocratie représentative est le leurre savamment entretenu nous faisant croire qu'en changeant de gouvernement par les élections - qui sont la dépossession de nos voix, un vol de voix - (nous perdons notre pouvoir constituant, Octave Mirbeau, Etienne Chouard, et quelques autres sont indispensables à lire), que passer de droite à gauche, de gauche à l'extrême-centre puis un jour à l'extrême-droite, on va changer les choses. Mais il est possible de savoir maintenant, par expérience depuis 40 ans avec la pensée unique, le TINA thatchérien (There is no alternative) que droite, gauche, extrême-gauche, extrême-droite, extrême-centre n'ont qu'un objectif : arriver au pouvoir et le garder. Il est possible de se convaincre aussi que les gens au pouvoir savent depuis relativement peu (20 ans) qu'en cas de mouvements profonds, durables, pacifiques ou révolutionnaires, insurrectionnels, il ne faut surtout pas lâcher le pouvoir, le quitter comme de Gaulle ou Jospin. Il faut le garder coûte que coûte par la répression, la négociation. Il faut s'accrocher, laisser passer la colère. Il faut en conclure que tout affrontement frontal n'a aucune chance d'aboutir, de changer l'ordre des choses (le mouvement des GJ autour des ronds-points fut une forme géniale; les GJ manifestant sur les Champs-Elysées, inaccessibles jusqu'à eux aux mouvements revendicatifs ou insurrectionnels, ce fut un sacré challenge réussi mais un échec).
Il faut aussi constater que dans le cadre des nations, la politique ne peut défendre que les intérêts particuliers de la nation. Et ce particularisme ne change pas avec les entités supra-nationales comme l'UE, qui ne sont pas mondiales. L'ONU elle-même ne peut être le lieu d'une politique universelle.
Deux paradoxes sont à signaler. Le 1° paradoxe c'est que les GAFA (les géants du web, américains et chinois) ont une politique mondiale, une visée de domination mondiale, haïssant la démocratie (c'est le libertarianisme anglo-saxon d'une part et l'autoritarisme bureaucratique chinois d'autre part). Le 2° paradoxe, c'est que pour les révolutionnaires, la révolution est toujours imminente alors que la réalité montre depuis 40 ans que comme le dit un ultra-riche Warren Buffet : « il existe bel et bien une guerre des classes mais c'est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c'est nous qui gagnons".
Seule peut-être une politique universelle en vue du Bien serait souhaitable, en vue du Bien c'est-à-dire satisfaisant la nourriture, la santé, l'instruction et le divertissement de tous. À ce niveau universel, souhaitable ? nécessaire ? la question démographique est peut-être la plus difficile à aborder : ne sommes-nous pas trop sur une terre aux ressources limitées. Déjà Lévi-Strauss le pensait et avant lui, Malthus.
Individu n'ayant qu'un peu de pouvoir sur moi, ne croyant qu'au travail sur soi pour devenir meilleur, j'ai fait choix de ne pas écouter les informations, de ne pas regarder la télé, de ne pas aller sur les réseaux sociaux. Finie la pollution anxiogène, finie la manipulation par les fake news, dont la plupart sont distillées par les médias et le pouvoir.
Quant à toi qui es au pouvoir, tu veux y rester, tu n'y es que pour un temps, tu passeras de toute façon, tu es déjà passé. Il en sera de même pour tes successeurs. Tchao, pantins et magiciens.
Vous êtes au pouvoir, vous prenez des mesures, vous légiférez à tour de bras mais votre pouvoir sur moi est réduit à quasiment rien, j'ignore par ignorance 99% de vos lois qui ne modifient quasiment rien à mes conditions de vie. Je respecte le minimum, je porte un masque, je respecte les règles du savoir-vivre, du code de la route.
Je m'invisibilise de vos systèmes de contrôle, je suis cosmopoli avec ce qui existe, minéraux, faune, flore, vivants. Je choisis qui je fréquente (quelques amis), je travaille sur moi (à gérer mes émotions souvent archaïques, mes pulsions souvent excessives). Je n'ai plus d'ennemis; même les adversaires politiques, je les ignore dorénavant. Cette affirmation n'est pas à prendre comme un constat mais comme un processus vivant (quand je me découvre un ennemi, y compris moi-même, je m'observe, je me mets à distance, je me nettoie de l'agressivité avec une technique de clown s'ébrouant, se débarrassant de sa poussière jusqu'à ce que l'indifférence me gagne). Je n'ai plus de boucs émissaires (processus vivant avec nettoyage, dépoussiérage) : les arabes et musulmans pour les racistes (dont je suis parfois), les blancs pour les ex-colonisés (dont je suis parfois), les machistes pour les féministes (dont je suis parfois), les putes pour les machistes (dont je suis souvent). Ces binarisations du monde sont toutes douteuses : elles nous font croire que nous sommes du bon côté, du côté de la justice, de la vérité. Par exemple, la théorie du Grand Remplacement justifie les mouvements néo-fascistes. Inversement, le refus de toute relation avec la Haine du FN et du RN justifie l'extrême-gauche et l'islamo-gauchisme.
Qui aura raison, Michel Houellebecq avec Soumission, Boualem Sansal avec 2084, Alain Damasio avec Les furtifs... ?
J'ai vu au tout début des GJ (novembre 2018), le rejet de ceux-ci par tout un tas de gens bien-pensants (tous bords politiques) qui n'ont même pas compris que ceux qu'ils appelaient des bruns, venaient de la périphérie, les petits blancs invisibilisés par la société marchande et touristique, la société des bobos. Ce que j'ai compris et accepté, c'est que tout ça existe, co-existe, s'affronte et que c'est en moi, potentiellement, réellement. J'ai vu des GJ aux idées racistes être changés en deux, trois discussions. Cela veut dire que prendre pour du dur, des opinions de circonstances, en lien avec un mal-être, un mal-vivre est préjudiciable à la recherche de la paix, civile et sociale. Rien de pire qu'une guerre civile, qu'une société qui se délite, les uns dressés contre les autres.
Cela dit, nos opinions de circonstances peuvent tenir longtemps. Nous les faisons nôtres comme si le monde allait s'effondrer si on cessait de les croire nôtres. 60 ans pour moi de fidélité imbécile aux valeurs "humanistes" de la gauche radicale. C'est cette fidélité toxique aux "convictions politiques" d'à peine plus de 50% des électeurs (qui faisait que rien ne changeait si ce n'est l'alternance des couleurs politiques) qui a expliqué la montée de plus en plus massive de l'abstention pendant une vingtaine d'années, phénomène repéré mais pas pris au sérieux (c'étaient les déçus de la politique, les pêcheurs à la ligne du dimanche, les traîtres au devoir électoral, au droit de vote arraché de haute lutte par nos anciens) et qui explique en 2017, le dégagisme qui a frappé à droite, à gauche, a vu sortir du chapeau une bulle de savon miroitante.
Avec ces nouvelles convictions (plus question d'être fidèle sur le plan des soi-disant convictions politiques, ce ne sont qu'opinions largement induites par le milieu, l'époque et on les prétend siennes, c'est "mon" opinion et on s'y accroche, 60 ans durant comme moi), je n'attends plus du théâtre qu'il donne de la voix, qu'il m'ouvre la voie, une voie. J'ai fait partie du milieu, bénévolement, pendant 22 ans, créateur du festival de théâtre du Revest puis directeur des 4 Saisons du Revest dans la Maison des Comoni (1983-2004). J'ai cru par passion à la nécessité de soutenir la création artistique, de l'écriture à la mise en scène, de soutenir et susciter des formes innovantes, de soutenir et susciter l'émergence de jeunes créateurs. Ce fut une période passionnante que je ne renie pas. Mais j'ai pris conscience progressivement vers 2017-2019 que le "vrai" travail est à faire sur soi et par soi. Pas d'agir sur les autres, d'influencer les autres. Pas d'être agi par les autres, influencé par les autres.
Au théâtre, au spectacle, on est dans la représentation, pas dans la présence, pas dans le présent (le moment et le cadeau), je suis spectateur, spectacteur pour certains, je ne suis pas acteur de mon destin, de mes choix de vie à mes risques et périls. Le théâtre, lieu de représentation est comme la politique représentative. Enjeux de pouvoir, luttes de pouvoir, narcissisme exacerbé, carriérisme, opportunisme, compromissions, monde de petits requins persuadé d'avoir une mission de "création" et d'éducation (en fait, de formatage des goûts selon les critères de l'administration qui subventionne), se comportant comme le monde des grands requins (le marché de l'art est particulièrement instructif à cet égard).
Quand je vois l'éclectisme des programmations actuelles, quand je vois la pléthore de propositions faites par les lieux, je pourrais être au théâtre, au concert tous les soirs, si les moyens suivent, le cul dans un fauteuil, à applaudir ou à bouder, comme si je passais ma soirée devant la télé. Je suis un consommateur culturel et je perds mon temps, je me distrais. On sait ce que reproche Pascal au divertissement.
Impossible d'aller à l'essentiel : je suis mortel, le monde s'effondre peut-être, l'humanité va peut-être se suicider. En quoi puis-je me mettre au service de plus grand que moi, de quelle mission de vie ? Pour un autre et même pour moi, à mon insu ou consciemment car nous sommes tous complices du système, ce sera : en quoi puis-je profiter un max de ce système ?
Pour moi aujourd'hui après 60 ans de fixation, de fixette idéologique : Contemplation des beautés de la nature. Action personnelle sur soi par la méditation en particulier. Actions d'harmonie, d'harmonisation, d'élévation. Ne pas ajouter la guerre à la guerre, ne pas faire le jeu du conflit, de la mort, même si je sais que l'inhumanité a encore de très beaux jours devant elle.
Dernier point : il est évident que l'on sait, si on le veut, reconnaître ce qui est inhumain en soi, en autrui. On sait que c'est possible, que c'est réel, on ne juge pas, c'est dégueulasse, injuste, à combattre. On fait choix tant que faire se peut de l'amour de la vie, de la Vie.
Bémol de taille : ce que j'ai écrit vaut pour les "démocraties" à l'occidentale (je peux l'écrire, le publier). Je ne sais comment je me comporterais tant en Chine qu'en Russie, en Arabie saoudite ou en Turquie.
Merci à cette lecture de m'avoir permis de faire le point sur moi, être changeant et sur mes "engagements" changeants.
Jean-Claude Grosse, 6 octobre 2020
Krystian Lupa Les acteurs et leur rêve
"KRYSTIAN LUPA, LES ACTEURS ET LEUR RÊVE" CONCEPTION Agnieszka Zgieb RÉALISATION Denis Guéguin MUSIQUE Bogumił Misala DESSINS Krystian Lupa Lors du confinement, en avril et en mai 2020, les ...
magnifique documentaire illustrant ce que peut être un théâtre de vérité ou du lent, déréglé travail d'apprivoisement par l'acteur du personnage et réciproquement; on est indéniablement dans une conception quantique du travail sur soi, avec soi, par le corps, par le langage de l'émotion
Antigone aujourd’hui ?
Antigone, dans la tradition venue de la mythologie et du théâtre grecs, est celle qui dit NON à une loi inique de la cité, Thèbes, gouvernée par le tyran Créon et lui oppose une loi universelle, au-dessus de la loi d’état, une loi dite de droit naturel pouvant être opposée au droit positif. À la loi écrite, édictée par le tyran lui interdisant de donner sépulture à son frère Polynice, elle oppose la loi non écrite mais s’imposant à elle et à tous que tout défunt doit avoir une sépulture digne et non être livré aux chiens.
Enterrés, incinérés comme des « chiens », ce fut le sort des décédés par la Covid 19 dans les EPHAD pendant le confinement du printemps 2020. Quelles Anti- gones ont bravé l’ignominie des directives gouvernementales ?
Dans les sociétés modernes, on a tendance à considérer que le concept de droit naturel doit servir de base aux règles du droit objectif. Kant (1785) et la révo- lution française (la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789) ont donc participé au progrès moral de l’humanité (en droit, mais pas dans les faits). Le droit naturel s’entend comme un comportement rationnel qu’adopte tout être humain à la recherche du bonheur (le droit au bonheur est inscrit dans la déclaration d’indépendance des Etats-Unis du 4 juillet 1776 : Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inalié- nables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur). Le droit naturel présente un caractère universel dans la mesure où l’homme est capable de le découvrir par l’usage de sa raison, en cherchant à établir ce qui est juste. L’idée est qu’un ensemble de droits naturels existe pour chaque être humain dès sa naissance (comme le droit à la dignité ou le droit à la sécurité) et que ces droits ne peuvent être remis en cause par le droit positif. Le droit naturel est ainsi considéré comme inné et inaltérable, valable partout et tout le temps, même lorsqu’il n’existe aucun moyen concret de le faire respecter. Les droits naturels figurent aujourd’hui dans le préambule de la Constitution française et dans les fondements des règles européennes. Le droit à la vie et le droit au respect pour tous ne sont cependant pas reconnus partout sur le globe. Pensons aux fous de Dieu. Le droit naturel selon cette conception s’impose moralement et en droit à tous. Dans les faits, ces droits naturels sont souvent bafoués, par des individus, des sociétés, des états. Ce qui fait que le droit naturel n’est pas universellement appliqué dans les faits c’est l’existence du mal radical, du mal absolu, injustifiable (la souffrance des enfants pour Marcel Conche, la souffrance des animaux d’élevage et de consommation pour d’autres), du mal impossible à éradiquer parce que si l’homme est un être de raison, il est aussi un être de liberté et c’est librement que l’on peut choisir le mal plutôt que le bien.
Le problème du mal radical et de la liberté de l’homme a conduit Kant à écrire les Fondements de la métaphysique des mœurs (1785). Selon Kant, la loi morale n’est imposée par personne. Elle s’impose d’elle-même, par les seuls concepts de la raison pure. Tout être raisonnable, du simple fait de sa liberté, doit respecter les deux impératifs, le catégorique et le pratique
Impératif catégorique de Kant : «Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux aussi vouloir que cette maxime devienne une loi universelle. »
Impératif pratique de Kant : «Agis de telle sorte que tu traites l’humanité comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »
Un principe mauvais, que le sujet se donne librement à lui-même, corrompt à la racine le fondement de toutes nos maximes : le mal radical.
L’intérêt commun pour le beau dans l’art ne prouve aucun attachement au bien moral, tandis qu’un intérêt à contempler les belles formes de la nature témoigne d’une âme bonne
Ces considérations m’amènent à tenter de dire ce que serait Antigone aujourd’hui. Antigone pourra aussi bien être une femme qu’un homme, un jeune, adolescent, adolescente, enfant même. Devant les atteintes massives, permanentes aux droits universels de l’Homme (de la Femme, de l’Enfant, des Animaux, des Végétaux, de la Terre, de la Mer, de l’Air, de l’Eau...) partout dans le monde, individuellement comme collectivement, devant cette insistance de la barbarie, du mal partout dans le monde, j’en arrive à penser que dire NON à tout cela, à cette barbarie, à tel ou tel aspect de ce mal sciemment infligé (l’exci- sion, le viol comme arme de guerre par exemple) n’est plus la seule attitude que devrait avoir l’Antigone d’aujourd’hui. Les résistants à la barbarie, celles et ceux qui disent NON servent souvent d’exemple. Leurs méthodes comme leurs buts, leurs champs d’action sont variés, de la désobéissance civile à la lutte armée, de la non-violence à l’appel insurrectionnel, des semences libres à l’abolition de la peine de mort ou de l’esclavage, de la lutte contre l’ignorance à la lutte contre le viol. D’une action à grande échelle, internationale à une action locale.
Sappho, Marie Le Jars de Gournay, Olympe de Gouges, Louise Michel, Vandana Shiva, Angela Davis, Naomi Klein, Gisèle Halimi, Audrey Hepburn, Simone Veil, Simone Weil, Emma Goldmann, Ada Lovelace, Marie Curie, Margaret Hamilton, Germaine Tillon, Rosa Parks, Rosa Luxemburg, Joan Baez, Lucie Aubrac, Frida Khalo, George Sand, Anna Politkovskaïa, Anna Akhmatova, Sophie Scholl, Aline Sitoé Diatta, Brigitte Bardot, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Greta Thunberg, Carola Rackete, Weetamoo, Solitude, Tarenorerer, Gabrielle Russier // Gandhi, Luther King, Trotsky, Che Guevara, Lumumba, Sankara, Nelson Mandela, Soljenitsyne, Vaclav Havel, Jean Jaurès, Victor Hugo, Victor Jarra, Victor Schoelcher, Aimé Césaire, Pablo Neruda, Jacques Prévert, Primo Levi, Janusz Korczac, Federico Garcia Lorca, Emile Zola, Joseph Wresinski, le dominicain Philippe Maillard, Charles de Gaulle, François Tosquelles, Malcolm X, Célestin Freinet, Jacques Gunzig, Stéphane Hessel, Marcel Conche, Jean Cavaillès, Muhammad Yunus, Socrate, Siddhārtha Gautama, Jésus
Le mal radical étant l’expression de la liberté de l’homme, un choix donc (même si les partisans de l’inconscient freudien et jungien posent que la « mons- truosité » n’est pas choisie mais causée), une attitude possible d’Antigone aujourd’hui serait de dire OUI à tout ce qui existe, y compris le mal radical. Antigone en disant OUI à tout ce qui existe n’extérioriserait pas sa responsabi- lité (c’est la faute de l’autre, de Créon). Tout ce qui existe est en elle et donc elle est co-responsable de tout ce qui existe et co-créatrice de tout ce qui s’essaie. C’est à un travail sur soi qu’Antigone s’attelle pour mettre en lumière dans sa conscience, ses peurs, ses envies, ses jalousies, ses espoirs, ses rêves, ses désirs. Antigone tente de se nettoyer, d’élever sa conscience, de gérer ses émotions (c’est autre chose que de les contrôler, il s’agit de les laisser émerger mais sans y adhérer, en témoin). La méditation est un puissant outil pour ce travail sur soi. À partir de ce travail personnel, spirituel, Antigone agit comme le formulent les deux impératifs kantiens (« agis »). Elle agira sous l’horizon de l’universalité de son action, animée par l’amour inconditionnel de tout ce qui existe, sans jugement. Elle sera animée plus par son devoir concret à accomplir (sa mission de vie exercée avec passion, enthousiasme) que par la défense abstraite du droit naturel.
Elle saura prendre la défense du « monstre » (comme l’avocat Jacques Vergès).
Elle, Il saura proposer des actions « bigger than us ». Elle s’appelle Melati, Indo- nésienne de 18 ans, et agit depuis 6 ans pour interdire la vente et la distribution de sacs en plastique à Bali. Il s’appelle Mahamad Al Joundé du Liban, 18 ans, créateur d’une école pour 200 enfants réfugiés syriens. Elle s’appelle Winnie Tushabé d’Ouganda, 25 ans et se bat pour la sécurité alimentaire des commu- nautés les plus démunies. Il s’appelle Xiuhtezcatl Martinez des USA, 19 ans, rappeur et voix puissante de la levée des jeunes pour le climat. Elle s’appelle Mary Finn, anglaise, 22 ans ; bénévole, elle participe au secours d’urgence des réfugiés en Grèce, en Turquie, en France et sur le bateau de sauvetage Aqua- rius. Il s’appelle René Silva du Brésil, 25 ans, créateur d’un média permettant de partager des informations et des histoires sur sa favela écrite par et pour la communauté, « Voz das Comunidades ». Elle s’appelle Memory du Malawi, 22 ans, figure majeure de la lutte contre le mariage des enfants. Il s’appelle le docteur Denis M., il est gynécologue au Congo, surnommé l’homme qui répare les femmes, Nobel de la paix, menacé de mort. Elle s’appelle Malala Y., à 17 ans elle obtient le Nobel de la Paix pour sa lutte contre la répression des enfants ainsi que pour les droits de tous les enfants à l’éducation. Elle s’appelait Wangari M., surnommée la femme qui plantait des arbres, Nobel de la paix 2004.
Elle s’appelle Michelle du Revest, anime un groupe colibri et un groupe penser l’avenir après la fin des énergies fossiles. Il s’appelle Norbert du Mourillon et Gilet jaune, il anime un atelier constituant (RIC et Constitution). Elle s’appelle Marie de La Seyne, a écrit sur José Marti, soigne des oiseaux parasités par la trichomonose. Il s’appelle Guillaume et après 17 ans dans la rue, il œuvre pour un futur désirable quelque part. Elle s’appelle Chérifa de Marrakech et s’oc- cupe de 47 chats SDF dans sa résidence à Targa Ménara. Il s’appelle Alexandre, a créé son univers auto-suffisant, Le Parédé, et a rendu perceptible le Chant des Plantes au Grand Rex en 2015. Ils s’appellent Aïdée et Stéphane de Puisser- guier et créent un collectif gardien d’un lieu de vie, à Belbèze en Comminges, organisme vivant à part entière, bulle de résistance positive.
Jean-Claude Grosse, Corsavy, 9/9/2020
Le matérialisme en questions / dialogue critique - Blog de Jean-Claude Grosse
Le matérialisme en questions Dialogue critique Yvon Quiniou Nikos Foufas L'Harmattan, 2020 Voilà un livre important, si on est marxiste, marxien, si on l'a été, pas si on le devient (on semble ...
http://les4saisons.over-blog.com/2020/10/le-materialisme-en-questions/dialogue-critique.html
une note approfondissant mes nouvelles convictions politiques
Vols de voix (farce sur la présidentielle 2017) / É Say Salé - Les Cahiers de l'Égaré
couverture de Vols de voix, farce pestilentielle sur la présidentielle 2017 Farce pestilentielle à l'occasion de la présidentielle 2017 mettant en jeu insoumis, patriotes, girouettes merdre, c'e...
la propriété c'est le vol, toutes les répliques de cette farce sur la présidentielle ont été volées sur Facebook
De quoi parler au théâtre aujourd'hui ?
D’autres mondes (Science frictions)
NOUS SOMMES tout ce que nous n’avons pas fait. Notre vie est faite de tout ce que nous n’avons pas vécu. Tous les possibles, toutes les variantes, tous les chemins pas empruntés, toutes les virtualités, toutes les bifurcations. Non seulement un autre monde est possible, mais il est probable. Peut-être même qu’un autre monde, que d’autres mondes, que des infinités d’autres mondes sont bel et bien là, qui coexistent avec le nôtre, lui sont à la fois parallèles, et superposés, et même perpendiculaires, on ne sait pas bien. Houlà. Comment faire une pièce de théâtre avec tout ça ? Avec le principe d’indétermination d’Heisenberg, la physique quantique, les particules élémentaires, le chat de Schrödinger (remplacé ici par un lapin blanc tout droit jailli du pays des Merveilles), les doutes et les tremblements et la magie que la science jette sur notre connaissance du monde, mais aussi le présentisme, qui nous fait ignorer le passé et nous rend aveugles aux multiples possibles que recèle l’avenir ?
L’auteur et metteur en scène Frédéric Sonntag a pris toutes ces questions, et même plus, à bras-le-corps, et cela donne un spectacle qui déborde de partout, plein de vie et d’élans, de chausse-trappes et de prestidigitation, d’acteurs (ils sont jusqu’à neuf sur scène, plus un enfant) et de musique (les neuf acteurs jouent de la guitare, de la trompette, du piano, de la batterie, de l’accordéon, etc.), terriblement bavard (en français et en russe) mais jamais ennuyeux, avec même quelques écrans télé et cinéma en prime (heureusement, pas trop).On y suit les trajectoires entrecroisées de deux hommes, le physicien Jean-Yves Blan-chot (l’épatant Florent Guyot) et le romancier Alexei Zinoviev (l’excellent Victor Ponomarev), qui sont censés avoir travaillé tous deux, dans les années 60, dans leur coin et à leur façon, sur les univers parallèles. Ces deux personnages imaginaires, Sonntag leur construit des biographies plus que plausibles, et les incruste astucieusement dans notre réel. C’est ainsi qu’on pourra assister à une émission d’« Apostrophes » consacrée à la nouvelle science-fiction, avec le vrai Bernard Pivot de 1978, mais avec le faux Zinoviev. Lequel sidère les participants avec cette sortie : « L’un d’entre vous se souvient-il, même confusément, d’une Terre, aux alentours de 1978, qui soit pire que celle-ci ? Moi, oui. » Une scène qui ravira tous les amateurs de science-fiction, lesquels n’ont pas l’habitude de voir leur genre de prédilection ainsi honoré sur scène.Tout ça pour quoi ? Pour nous rouvrir l’imaginaire, combattre l'« atrophie de l’imagination utopique » qui est la nôtre, ridiculiser le très dominant « Tina » (There is no alternative). Ouf, de l’air !
Jean-Luc Porquet• Le Canard enchaîné. 30 septembre 2020.
Au Nouveau Théâtre de Montreuil
1- un retour de Samuel G
Merci Jean-Claude pour cet article
2 - un retour de Philippe C
Beau texte camarade Jean Claude, très stimulant ! bon ça t’arrive à 80 ans c’est pas un hasard …
Plaisanterie mise à part, ce retrait du monde que tu prônes et que tu t’appliques, de plus en plus de gens se l’appliquent aussi je pense, ou commencent à y penser…. C’est dans l’air du temps je crois. Mais je reconnais que ta lucidité fait du bien : que tu te résolves après 60 ans d’activisme à lâcher prise dans une forme de bonheur et de détermination est tout à fait salutaire !
J’ai commencé à lire Tocqueville « de la démocratie en Amérique », il dit une chose au début du bouquin que la démocratie est un mouvement qui a commencé et qui ne peut plus s’arrêter, qui va tout emporter sur son passage. Il parle du temps long et entend la démocratie par l’affirmation de chacun, si j’ai bien compris.
Et donc si l’affirmation de chacun est, aujourd’hui, à notre niveau d’évolution démocratique de se retirer de cette grande mascarade, parce qu’il considère qu’on est arrivé à un stade qui ne correspond plus à l’idée qu’on se fait de la démocratie, il se pourrait bien que le système actuel s’effondre tout seul sans combat, ni révolution.
De la casse, ça il va y en avoir, c’est sûr ! mais n’est-on pas arrivé au bout ?
Bien sûr il y a la Chine et tous les nouveaux impérialistes et les grandes multinationales ; mon optimisme tendrait à me faire penser qu’ils sont des colosses aux pieds d’argile, vivant uniquement de nos superficialités (consommation, bavardage sur les réseaux, etc…). Et donc si les gens se retirent c’est la fin, et leur stratégie sera bonne pour la poubelle.
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un échange avec le maire du Revest informé de la démarche d'harmonie effectuée à Corsavy.
- c'est une démarche intéressante. Dommage que ça ne mobilise pas davantage
- dans l'état actuel des consciences, ça ne peut pas mobiliser beaucoup, ça mobilise au mieux les créatifs culturels, les cellules imaginatives
- ça a au moins eu le mérite de décrisper la situation provoquée par l'emplacement de la 4G ; avec la 5G, on va être confronté à un sacré problème ; comme les antennes font moins de 15 m, les fournisseurs n'auront pas besoin de demander une autorisation ; la seule façon que nous aurons de réagir sera d'empêcher le raccordement sur le réseau électrique; action en justice du fournisseur...
- quand tu penses que ça sera pour voir des films, des séries, du porno sur son smartphone
- oui et pour jouer; plus de vie sociale, le confinement permanent dans sa bulle virtuelle