Marcel Conche sur France-Culture
Vidéos de la rencontre d'Altillac
Le 27 janvier 2008 à 9 H 55, salle Tolosa à Toulouse,
ACTUALITÉ D’UNE SAGESSE TRAGIQUE
(La pensée de Marcel Conche)
de Pilar Sánchez Orozco
Préface d’André Comte-Sponville.
ISBN: 2-908387-81-6 - 352 p. - 16,5x24 - 40€

du 11 novembre 2009
Marcel Conche sur France-Culture
Du lundi 22 mars au vendredi 26 mars, dans le cadre de l'émission de Laure Adler, Hors-Champs, de 22H 15 à 23 H, Marcel Conche s'entretient avec ses invités, le 22 avec Laure Adler, le 23 avec Jean-Claude Grosse, le 24 avec André Comte-Sponville, le 25 avec son petit-fils, le 26 avec Laure Adler. Ces entretiens peuvent être podcastés.
Bonne écoute.
Bonne écoute.
Laure Adler, Marcel Conche
© RF / M.-A. Garandeau

Marcel Conche, Jean-Claude Grosse
© RF / M.-A. Garandeau
Marcel Conche, André Comte-Sponville
© RF / M.-A. Garandeau
© RF / M.-A. Garandeau
La voie certaine vers "Dieu"
de Marcel Conche,
philosophie,
ISBN: 978-2-35502-007-0 13X17 64 pages 10 euros
Avec la morale et la religion, on est dans l’élément de la certitude : indubitabilité du devoir (dans une situation donnée), conviction sans faille que l’amour doit, autant que possible, inspirer notre vie – amour du « prochain », qui est aussi, par là-même, amour de « Dieu », pour ceux qui attribuent au mot « Dieu » une signification. Ainsi, dans La voie certaine vers « Dieu », le mot « Dieu » peut désigner quelque chose de réel, ou quelque chose d’idéal, ou ne rien désigner du tout, mais qu’il en soit ainsi ou autrement, c’est chose indifférente.
Marcel Conche
a exposé son point de vue lors d'un colloque de deux jours :
Demain avec ou sans Dieu ? Croyants et incroyants s'interrogent.
a exposé son point de vue lors d'un colloque de deux jours :
Demain avec ou sans Dieu ? Croyants et incroyants s'interrogent.
Titre de son intervention :
La voie certaine vers "Dieu".
Argument:
La voie certaine vers "Dieu".
Argument:
Il y a deux voies pour aller vers Dieu: la voie du concept et la voie de l'image. La voie du concept aboutit au Dieu-concept, celui des philosophes, des théologiens, des savants. Le Dieu-concept n'est qu'une fiction de la raison humaine. La voie de l'image part de l'homme comme "image de Dieu" et aboutit au vrai Dieu, le Dieu qui n'est qu'amour. On ne dit pas qu'il soit réel. La route du moulin est toujours la même, même s'il n'y a plus de moulin. La voie vers "Dieu" est certaine, quoi qu'il en soit de Dieu. C'est la voie de l'amour inconditionnel. Je définis la religion de l'époque de la mondialisation, la religion de l'avenir.
M. Conche
Les 4 Saisons du Revest, à la demande de Marcel Conche, ont filmé son intervention pour la mettre à disposition sur l'espace de grossel chez dailymotion, comme d'autres vidéos de Marcel Conche déjà disponibles.
ACTUALITÉ D’UNE SAGESSE TRAGIQUE
(La pensée de Marcel Conche)
de Pilar Sánchez Orozco
Préface d’André Comte-Sponville.
ISBN: 2-908387-81-6 - 352 p. - 16,5x24 - 40€
Un extrait:
Comment vivre ? Comment avoir une bonne vie ? Ni la science ni la morale ne peuvent nous donner la réponse, car, bien que la première nous donne des connaissances sur le monde et la vie, et bien que la seconde nous informe de nos devoirs envers les autres, aucune des deux ne nous dit si cela vaut la peine de vivre, ni de quelle façon. Mais, puisque nous vivons, la question ne peut cesser de nous intéresser, et la philosophie ne peut cesser de se la poser. C’est en effet la question à laquelle l’éthique et la sagesse tentent de donner une réponse, comprenant que, d’une part, elles évoluent dans un domaine du savoir distinct de celui de la connaissance et que, d’autre part, elles vont plus loin que la morale.
Nous sommes à un moment où les grands discours traditionnels, telles que les grandes religions, les utopies politiques ou les cosmologies anciennes, ont perdu leur crédibilité. Nous évoluons dans un monde désenchanté et sans grandes espérances, où même la notion de sagesse peut paraître quelque peu anachronique. Nous vivons à une époque qui n’est pas encore sortie de la crise métaphysique et qui, par conséquent, dans l’absence d’une vision métaphysique nette, a beaucoup de difficultés à trouver une cohérence entre un énoncé éthique et une nouvelle vision métaphysique pas encore configurée, car la méfiance à l’égard de la métaphysique traditionnelle et ses fausses illusions semble avoir discrédité toute tentative de métaphysique. Par conséquent, comme beaucoup, nous évoluons habituellement dans le relativisme du pluralisme éthique : sans critère clair pour nous définir personnellement, comme si tout dépendait finalement des circonstances plus que de nous-mêmes. Mais le problème est que de toute façon, nous devons vivre et, si possible, trouver une réconciliation avec « la réalité » telle qu’elle est. Nous savons que cette réalité est problématique, en un double sens : premièrement au sens immédiat de la réalité commune, où nous rencontrons des problèmes vitaux auxquels nous devons répondre ; mais aussi en un second sens « métaphysique ». Et la sagesse, telle que l’entend Conche, implique un mode de vie en cohérence avec une compréhension métaphysique déterminée. Comment trouver une cohérence avec quelque chose qui n’est pas clair ? À partir de la défense d’un pluralisme philosophique, il est possible d’accepter différents modèles de sagesse. Mais, comme nous ne vivons qu’une vie, un choix vital et intellectuel s’impose en même temps à chaque individu.
L’on dit souvent que la philosophie est l’amour de la sagesse. Mais Conche ne voit pas les choses exactement ainsi. Il croit que l’objet ou la finalité de la philosophie n’est pas la sagesse, mais simplement la vérité. Pour chercher la vérité, et ne s’intéresser qu’à la philosophie, en laissant de côté une grande quantité d’intérêts « mondains », il est nécessaire d’avoir déjà, préalablement, beaucoup de sagesse. Autrement dit, la sagesse est une condition de la philosophie, et peut-être est-ce la raison pour laquelle les philosophes sont « rares ».
Nous sommes à un moment où les grands discours traditionnels, telles que les grandes religions, les utopies politiques ou les cosmologies anciennes, ont perdu leur crédibilité. Nous évoluons dans un monde désenchanté et sans grandes espérances, où même la notion de sagesse peut paraître quelque peu anachronique. Nous vivons à une époque qui n’est pas encore sortie de la crise métaphysique et qui, par conséquent, dans l’absence d’une vision métaphysique nette, a beaucoup de difficultés à trouver une cohérence entre un énoncé éthique et une nouvelle vision métaphysique pas encore configurée, car la méfiance à l’égard de la métaphysique traditionnelle et ses fausses illusions semble avoir discrédité toute tentative de métaphysique. Par conséquent, comme beaucoup, nous évoluons habituellement dans le relativisme du pluralisme éthique : sans critère clair pour nous définir personnellement, comme si tout dépendait finalement des circonstances plus que de nous-mêmes. Mais le problème est que de toute façon, nous devons vivre et, si possible, trouver une réconciliation avec « la réalité » telle qu’elle est. Nous savons que cette réalité est problématique, en un double sens : premièrement au sens immédiat de la réalité commune, où nous rencontrons des problèmes vitaux auxquels nous devons répondre ; mais aussi en un second sens « métaphysique ». Et la sagesse, telle que l’entend Conche, implique un mode de vie en cohérence avec une compréhension métaphysique déterminée. Comment trouver une cohérence avec quelque chose qui n’est pas clair ? À partir de la défense d’un pluralisme philosophique, il est possible d’accepter différents modèles de sagesse. Mais, comme nous ne vivons qu’une vie, un choix vital et intellectuel s’impose en même temps à chaque individu.
L’on dit souvent que la philosophie est l’amour de la sagesse. Mais Conche ne voit pas les choses exactement ainsi. Il croit que l’objet ou la finalité de la philosophie n’est pas la sagesse, mais simplement la vérité. Pour chercher la vérité, et ne s’intéresser qu’à la philosophie, en laissant de côté une grande quantité d’intérêts « mondains », il est nécessaire d’avoir déjà, préalablement, beaucoup de sagesse. Autrement dit, la sagesse est une condition de la philosophie, et peut-être est-ce la raison pour laquelle les philosophes sont « rares ».

Ce portrait de Marcel Coche est dû à Jean Leyssenne.

Métropolis, la Grèce et Goldmann Sachs
L 274
LA FROUSSE DU TRÉSOR
Le trésor fut découvert en Argentine, après une longue quête : ce qui était resté caché du film de Fritz Lang, Metropolis, la vraie bobine du film et les intentions de son auteur sont ainsi dévoilées dans une grande mise en scène berlinoise.
Les Uns Invités sont en salle avec grand écran et grand orchestre, les autres debout devant la porte de Brandebourg, devront piétiner dans la neige et le froid. En raccourci, la première intention de Fritz Lang vient de s’incarner : ici l’homme de qualité abrité, assis, chauffé, l’esprit libre ; ailleurs l’homme spectateur mécanique, debout les pieds gelés, l’haleine vaporisée, le regard vitrifiée. Bon début. Mais tout cela n’était pas prémédité et suppose un esprit mal tourné pour y voir malice : ce n’était qu’un bon et vieux réflexe, voilà tout.
Thomas Sotinel, quant à lui, journaliste au Monde (14/15 février) , se penche laborieusement sur le film, sa restauration et sa projection dans « la belle salle du FriedristadtPalast {où} les invités ont découvert le film accompagné par l’orchestre de la radio, dirigé par Frank Strobel. » Puis il se love au creux une explication technique, enluminée d’un historique sur l’amputation, par la Paramount en l’année 1927, pour « faire du film une fable d’anticipation peuplée de silhouettes schématiques. {…} La description de la mégalopole industrielle, peuplée en son sous-sol de prolétaires désignés seulement par un matricule, et dirigée par des ploutocrates qui vivent dans des palais, n’est plus la seule raison d’être de Metropolis. » : rassurant, surtout que les « séquences retrouvées donnent à voir, entre autres, la rivalité amoureuse entre le premier des oligarques (…) et le savant… » puis il sera question de “puissance dramatique“, de “rythme d’origine“ en concordance avec la musique originale… le tout ramassé en final dans une sorte de chant agreste à la gloire de “l’œuvre à part entière“ qui ne serait plus « seulement la matrice de films de science-fiction (…) ou un élément du débat sur la lutte des classes en Europe. C’est une œuvre à part entière dont les faiblesses (interprétation de certains rôles, la naïveté roublarde du leitmotiv politique) font encore mieux ressortir la richesse », en somme le moins bon (jeu des acteurs), voire le plus mauvais (naïveté roublarde du leitmotiv politique), donnent des couleurs au meilleur de l’œuvre : les histoires d’amour croisées…
Qu’on ne puisse s’empêcher, aujourd’hui, d’être bousculés par le champ prémonitoire de ces mouvements de foules mécaniques, nuques blafardes, avançant vers l’abîme, par ces gestes de travailleurs machines crucifiés dans les souterrains du Léviathan, relèverait presque de l’anecdote si l’on suivait Thomas Sotinel dans ses conclusions. La logique morbide du capitalisme – ah ! le gros mot, l’attaque vicieuse, n’est-ce pas – fut, est et sera, de s’engouffrer dans l’extermination, par le travail, par l’idéologie, sous toutes les latitudes, dans l’utilisation d’une main d’œuvre enfin à la merci de la schlague, sans limite : exploiter jusqu’à l’os, sans autre limite que la mort ! Ce fut leur Morale ! Elle se tient toujours debout, dans les encoignures de leurs ivresses, au cœur du pouvoir. Et il se trouve un film qui, bon gré malgré, porte en lui, au plus haut degré de sa puissance évocatrice, l’horreur de cette malédiction.
Et de cela Fritz Lang aura rendu compte à posteriori, la force poétique le faisait marcher en avant de son temps et de lui-même, il flaira l’abîme. Et voilà qu’il faudrait presque en faire son deuil pour s’en tenir à une symphonie sentimentale tourmentée surdimensionnée. Pour qu’ils en arrivent là, quelle frousse leur a foutue le Fritz!*
Lellouche Pierre, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, nous aura fait une petite peur, lui : « Moi, je voudrais ne plus voir d’enfants exploités dans les rues de Paris » à propos des enfants roumains et Roms que des mafias exploitent en les livrant à la mendicité et au vol dans les rues des capitales européennes. Qu’arrivait-il ? Où irions-nous si des secrétaires d’Etat et autres ministres, européens ou pas, se mettaient tout à coup à avoir du cœur au ventre et de la morale en tête : le capitalisme se réformerait-il ? se moraliserait-il ? Nous serions-nous trompés nous tous les anars, les communistes, les refuzniks, les bougons, les grognons, les pas bons ? Non, non, non, bien sûr que non : il a dit, Lellouche : « Moi, je ne voudrais plus voir d’enfants exploités dans les rues de Paris. Ce n’est pas bon pour l’image… » là, on s’y retrouve. L’image de l’Europe, de la Roumanie, du monde entier si vous le voulez bien, sauvons les images ! D’Epinal de préférence, la France continue d’exporter en ce domaine avec succès, le Premier Histrion de France ne se déplace jamais sans son chapeau, son lapin et sa baguette magique de Président. Sauvons l’image, oublions le reste.
Enfin vient la Grèce, la mauvaise, celle qui a emprunté, dépensé, sans compter. La Grèce, en général, la Grèce des Grecs quoi ! Imaginez , tous ces Grecs qui s’en sont allés de par le monde se débrouiller pour que les banques les plus puissantes, Goldman Sachs entre autres, leur prêtent des Millions de millions d’Euros dans une arnaque confraternelle ! Vivaient à l’aise les grecs, hein !
Dans les Echos.fr : « Selon des informations du « Spiegel », reprises et précisées par le « New York Times » d'hier, la banque d'affaires américaine aurait, avec l'aide d'instruments développés par JPMorgan Chase et d'autres banques de Wall Street, aidé la Grèce à dissimuler l'ampleur de sa dette et de son déficit (Antigone Loudiadis) en sapant ainsi la crédibilité de ses comptes publics depuis plusieurs années. ». Quoi de plus naturel ? Le capitalisme est toujours ce qu’il était et même de plus en plus ce qu’il est. Mais les Grecs, ceux qu’on appelle “la population“, ne semblent pourtant pas avoir une grande reconnaissance pour leurs hommes d’Etat si débrouillards qui leur ont procuré des millions et des millions d’euros : ils n’auront pas eu leur part ? C’est là l’objet de leur colère ? Ils auront mis Athènes à feu et à sang pour une histoire de gros sous, simplement parce qu’ils se sentaient pauvres ? En sommes non payés de retour. Belle mentalité ! Mesquinerie si mal accordée à leur antique héritage.
Et les autres pays** du grand marché mondial auront bien raison de les sermonner et de leur faire payer, sans pitié, cette déraison d’Etat dont tous les Grecs sont solidairement responsables. Seuls quelques édiles pourront ne pas en souffrir : voyez et lisez Aristophane, il savait déjà comment répondre à ceux qui s’en offusqueraient !
Mais que va faire, ou plutôt que va dire Obama, puisqu’en ce domaine rien n’est à faire qui ne soit déjà fait, à l’avantage des banques et banquiers tout-puissants.
*Il faut croire que l’affaire leur tient à cœur puisque le quotidien (21/22 février) lui offre sa page 2 quand lui réitère l’argumentaire précédent à quelques nuances près. La mise au point sur la nature de ce que l’on appelle un “film culte“, très embrouillée par ailleurs, ne change rien au désir, très apparent, de minimiser et détourner la prémonition de Fritz Lang de ce que va devenir l’Allemagne dans un futur proche ; l’auteur lui-même en était-il conscient ? La question n’a plus de sens après sa mort et en l’absence de tout commentaire écrit (connu) de sa part... Tout ce que l’on sait est qu’il préférait “M le maudit“ à tous ses autres films…
** sous le titre « La Grèce n’est pas la seule à “maquiller“ sa dette » (Le Monde.fr 21/02) on peut lire : « Quand on est "limite'', on a forcément la tentation d'utiliser ces astuces-là pour essayer de réduire sa dette, commente René Defossez <http://www.lemonde.fr/sujet/bdcd/rene-defossez.html> , stratège sur le marché des taux chez Natixis. Ce n'est pas très orthodoxe, mais ce n'est pas forcément contestable. »
LA FROUSSE DU TRÉSOR
Le trésor fut découvert en Argentine, après une longue quête : ce qui était resté caché du film de Fritz Lang, Metropolis, la vraie bobine du film et les intentions de son auteur sont ainsi dévoilées dans une grande mise en scène berlinoise.
Thomas Sotinel, quant à lui, journaliste au Monde (14/15 février) , se penche laborieusement sur le film, sa restauration et sa projection dans « la belle salle du FriedristadtPalast {où} les invités ont découvert le film accompagné par l’orchestre de la radio, dirigé par Frank Strobel. » Puis il se love au creux une explication technique, enluminée d’un historique sur l’amputation, par la Paramount en l’année 1927, pour « faire du film une fable d’anticipation peuplée de silhouettes schématiques. {…} La description de la mégalopole industrielle, peuplée en son sous-sol de prolétaires désignés seulement par un matricule, et dirigée par des ploutocrates qui vivent dans des palais, n’est plus la seule raison d’être de Metropolis. » : rassurant, surtout que les « séquences retrouvées donnent à voir, entre autres, la rivalité amoureuse entre le premier des oligarques (…) et le savant… » puis il sera question de “puissance dramatique“, de “rythme d’origine“ en concordance avec la musique originale… le tout ramassé en final dans une sorte de chant agreste à la gloire de “l’œuvre à part entière“ qui ne serait plus « seulement la matrice de films de science-fiction (…) ou un élément du débat sur la lutte des classes en Europe. C’est une œuvre à part entière dont les faiblesses (interprétation de certains rôles, la naïveté roublarde du leitmotiv politique) font encore mieux ressortir la richesse », en somme le moins bon (jeu des acteurs), voire le plus mauvais (naïveté roublarde du leitmotiv politique), donnent des couleurs au meilleur de l’œuvre : les histoires d’amour croisées…
Qu’on ne puisse s’empêcher, aujourd’hui, d’être bousculés par le champ prémonitoire de ces mouvements de foules mécaniques, nuques blafardes, avançant vers l’abîme, par ces gestes de travailleurs machines crucifiés dans les souterrains du Léviathan, relèverait presque de l’anecdote si l’on suivait Thomas Sotinel dans ses conclusions. La logique morbide du capitalisme – ah ! le gros mot, l’attaque vicieuse, n’est-ce pas – fut, est et sera, de s’engouffrer dans l’extermination, par le travail, par l’idéologie, sous toutes les latitudes, dans l’utilisation d’une main d’œuvre enfin à la merci de la schlague, sans limite : exploiter jusqu’à l’os, sans autre limite que la mort ! Ce fut leur Morale ! Elle se tient toujours debout, dans les encoignures de leurs ivresses, au cœur du pouvoir. Et il se trouve un film qui, bon gré malgré, porte en lui, au plus haut degré de sa puissance évocatrice, l’horreur de cette malédiction.
Et de cela Fritz Lang aura rendu compte à posteriori, la force poétique le faisait marcher en avant de son temps et de lui-même, il flaira l’abîme. Et voilà qu’il faudrait presque en faire son deuil pour s’en tenir à une symphonie sentimentale tourmentée surdimensionnée. Pour qu’ils en arrivent là, quelle frousse leur a foutue le Fritz!*
Lellouche Pierre, secrétaire d’Etat aux affaires européennes, nous aura fait une petite peur, lui : « Moi, je voudrais ne plus voir d’enfants exploités dans les rues de Paris » à propos des enfants roumains et Roms que des mafias exploitent en les livrant à la mendicité et au vol dans les rues des capitales européennes. Qu’arrivait-il ? Où irions-nous si des secrétaires d’Etat et autres ministres, européens ou pas, se mettaient tout à coup à avoir du cœur au ventre et de la morale en tête : le capitalisme se réformerait-il ? se moraliserait-il ? Nous serions-nous trompés nous tous les anars, les communistes, les refuzniks, les bougons, les grognons, les pas bons ? Non, non, non, bien sûr que non : il a dit, Lellouche : « Moi, je ne voudrais plus voir d’enfants exploités dans les rues de Paris. Ce n’est pas bon pour l’image… » là, on s’y retrouve. L’image de l’Europe, de la Roumanie, du monde entier si vous le voulez bien, sauvons les images ! D’Epinal de préférence, la France continue d’exporter en ce domaine avec succès, le Premier Histrion de France ne se déplace jamais sans son chapeau, son lapin et sa baguette magique de Président. Sauvons l’image, oublions le reste.
Enfin vient la Grèce, la mauvaise, celle qui a emprunté, dépensé, sans compter. La Grèce, en général, la Grèce des Grecs quoi ! Imaginez , tous ces Grecs qui s’en sont allés de par le monde se débrouiller pour que les banques les plus puissantes, Goldman Sachs entre autres, leur prêtent des Millions de millions d’Euros dans une arnaque confraternelle ! Vivaient à l’aise les grecs, hein !
Dans les Echos.fr : « Selon des informations du « Spiegel », reprises et précisées par le « New York Times » d'hier, la banque d'affaires américaine aurait, avec l'aide d'instruments développés par JPMorgan Chase et d'autres banques de Wall Street, aidé la Grèce à dissimuler l'ampleur de sa dette et de son déficit (Antigone Loudiadis) en sapant ainsi la crédibilité de ses comptes publics depuis plusieurs années. ». Quoi de plus naturel ? Le capitalisme est toujours ce qu’il était et même de plus en plus ce qu’il est. Mais les Grecs, ceux qu’on appelle “la population“, ne semblent pourtant pas avoir une grande reconnaissance pour leurs hommes d’Etat si débrouillards qui leur ont procuré des millions et des millions d’euros : ils n’auront pas eu leur part ? C’est là l’objet de leur colère ? Ils auront mis Athènes à feu et à sang pour une histoire de gros sous, simplement parce qu’ils se sentaient pauvres ? En sommes non payés de retour. Belle mentalité ! Mesquinerie si mal accordée à leur antique héritage.
Et les autres pays** du grand marché mondial auront bien raison de les sermonner et de leur faire payer, sans pitié, cette déraison d’Etat dont tous les Grecs sont solidairement responsables. Seuls quelques édiles pourront ne pas en souffrir : voyez et lisez Aristophane, il savait déjà comment répondre à ceux qui s’en offusqueraient !
Mais que va faire, ou plutôt que va dire Obama, puisqu’en ce domaine rien n’est à faire qui ne soit déjà fait, à l’avantage des banques et banquiers tout-puissants.
Robert
*Il faut croire que l’affaire leur tient à cœur puisque le quotidien (21/22 février) lui offre sa page 2 quand lui réitère l’argumentaire précédent à quelques nuances près. La mise au point sur la nature de ce que l’on appelle un “film culte“, très embrouillée par ailleurs, ne change rien au désir, très apparent, de minimiser et détourner la prémonition de Fritz Lang de ce que va devenir l’Allemagne dans un futur proche ; l’auteur lui-même en était-il conscient ? La question n’a plus de sens après sa mort et en l’absence de tout commentaire écrit (connu) de sa part... Tout ce que l’on sait est qu’il préférait “M le maudit“ à tous ses autres films…
** sous le titre « La Grèce n’est pas la seule à “maquiller“ sa dette » (Le Monde.fr 21/02) on peut lire : « Quand on est "limite'', on a forcément la tentation d'utiliser ces astuces-là pour essayer de réduire sa dette, commente René Defossez <http://www.lemonde.fr/sujet/bdcd/rene-defossez.html> , stratège sur le marché des taux chez Natixis. Ce n'est pas très orthodoxe, mais ce n'est pas forcément contestable. »