Overblog
Editer la page Suivre ce blog Administration + Créer mon blog
bric à bracs d'ailleurs et d'ici

La vie-la poésie / JC Grosse

Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G.

des effets d'un champ de coquelicots au plus intime, au plus infime, la poésie y accède-t-elle ?(photo d'Annie Bergougnous) / Emily Dickinson, une vie en poésie
des effets d'un champ de coquelicots au plus intime, au plus infime, la poésie y accède-t-elle ?(photo d'Annie Bergougnous) / Emily Dickinson, une vie en poésie

des effets d'un champ de coquelicots au plus intime, au plus infime, la poésie y accède-t-elle ?(photo d'Annie Bergougnous) / Emily Dickinson, une vie en poésie

j'ai accueilli chez moi, villa joie, ce dernier week-end, une poète lyonnaise d'origine marocaine, week-end de travail sur son travail en cours; elle m'a lu à voix haute son recueil encore inédit Ballet du temps (j'ai édité son 1° recueil: Roses des sables, préfacé par Jean-Yves Debreuille, un spécialiste de la poésie contemporaine, 2 tirages quand même) et deux introductions, celle pour son essai d'Habiter poétiquement le monde, celle de son Chemin de vie; mes retours ont été chaleureux car la démarche est particulièrement personnelle, authentique, sans concessions, j'étais en présence d'une Emily Dickinson d'aujourd'hui; disons que j'ai eu l'impression très forte d'avoir affaire à une écriture-vie, à une vie-écriture, j'ai pensé au titre du livre de Jorge Semprun: l'écriture ou la vie, non, ne pas séparer comme ce titre mais lier mots et choses en interactions particulièrement subtiles, imperceptibles; on ignore l'impact profond d'un mot sur l'autre comme sur soi pris comme esprit-corps, on ignore l'impact profond d'une chose du monde sur soi  et sur l'autre pris comme corps-esprit;

nos outils de perception sont les sens, mais il est évident que les illusions sensorielles sont nombreuses, qu'on croit réel ce qui souvent ne l'est pas; il en est de même des sentiments; dire je t'aime à quelqu'un, le plus vivant des poèmes, est peut-être un délire, né d'un désir, d'où ce titre ambigu Parole dé-s/l-irante, s/l = est-ce elle ? tout désir n'est-il pas délire, toute parole délirante n'est-elle pas parole désirante ? la confusion par projection ou tout autre processus est au rendez-vous; il faut donc une grande prudence là où l'exaltation nous saisit; ce je t'aime dont je me dois de douter, une fois dit, chemine en l'autre vers un coeur qui bat la chamade, un esprit qui s'emballe, dans un corps qui s'émeut, au plus profond, le message pensé et émis, une fois reçu par l'autre devient milliers de messages chimiques, hormonaux, moléculaires, quantiques dont j'ignore la réalité et les effets, seule la personne réceptrice perçoit quelques effets, coeur qui bat plus vite, rêves érotiques, organes sexuels en émoi, appétit moindre...; n'est-il pas clair que prendre conscience de cette complexité peut nous inciter à plus de responsabilité, à accepter d'être responsable d'effets imprévus, secondaires, tertiaires et pervers; je peux même en arriver à bouger le moins possible pour déranger le moins possible l'ordre des choses car en fin de compte, on est toujours dérangeant, semeur de désordre; vivre en poète c'est déranger le moins possible et prendre son temps, vivre en poète c'est vivre sobrement, c'est réduire sa surface, son empreinte, c'est ne pas vouloir embrasser l'infini, c'est ne pas vouloir être éternel, c'est voir un monde dans un grain de sable, un ciel dans une fleur sauvage, tenir l'infini dans la paume de la main et l'éternité dans une seconde comme le dit William Blake dans Augures d'innocence, le plus fort programme que je connaisse

j'ai bien raison de prendre mon temps, j'ai tout le temps qui m'est compté (à condition de ne pas le décompter, c'est ainsi qu'il compte, qu'il est vivifiant) pour insuffler la vie à quelques mots pouvant toucher quelques belles personnes. Je laisserai 10 poèmes intitulés Caresses. Caresses 1 et Caresses 2 existent déjà. Les autres Caresses sont à venir, le moment venu, un moment inattendu. Il y aura aussi les 12 Paroles dé-s/l-irantes. Parues dans La Parole éprouvée, le 14 février 2000.

si j'inverse, soit non une pensée d'amour adressée à l'autre mais la vue d'un champ de coquelicots du côté de Lourmarin; ça fait longtemps que je n'ai vu autant de profusion de rouge, de rouge vivant, se balançant dans le vent léger, un vent solaire, autant de rouge habité par la lumière, je prends des photos, je filme pour prolonger mon émotion, mon plaisir; ces coquelicots sont impossibles à cueillir, se refusent au bouquet, trop fragiles; ces coquelicots qui m'éblouissent se resèment d'eux-mêmes, je ne peux les semer, ils refusent la domestication; ces coquelicots fragiles résistent aux grands vents du midi; je perçois, ils me touchent au profond par leur beauté éphémère, impermanence et présence, insignifiance et don gratuit sans conscience du don (quoique sait-on cela ?) et ils me font penser, leur vie me vivifie, m'embellit, je me mets à chanter une rengaine venue d'un vieux souvenir, un petit bal perdu, je m'allonge, me livre au soleil, caresses qui font du bien, pas trop longtemps, messages héliotropiques envoyés aux niveaux les plus infimes, les plus intimes en toute inconscience même les yeux fermés et en méditation visualisante

voilà deux brèves tentatives de mise en mots pour conscientiser (c'est notre privilège) ce que nous éprouvons, pour vivre à la fois plus pleinement (c'est autre chose que l'aptitude au bonheur, au carpe diem, non négligeable) de plus en plus en pleine conscience (et là je m'aventure, si tout ce qui vit est échange, circulation, énergie, information, tout ce qui vit est peut-être aussi conscience ou dit autrement, une conscience, la Conscience est à l'oeuvre dans tout ce qui se manifeste, elle serait l'unité de et dans la diversité, elle serait la permanence sous l'impermanence; ne pas se laisser duper par le côté automatique, bien régulé de notre corps-esprit ou des systèmes univers, multivers avec leurs constantes universelles jusqu'à dérèglements et entropie croissante remettant les pendules à l'heure (j'ai découvert un livre au titre révélateur : La "Conscience-Énergie", structure de l'homme et de l'univers, du Docteur Thérèse Brosse, paru en 1978 à Sisteron, ça semble du solide !); évidemment, sur ce chemin, je me laisse accompagner par Deepak Chopra qui réussit à articuler approche scientifique et approche ayurvédique

puisque j'ai cité Emily Dickinson, voici mon retour sur "son" film : Le film de Terence Davies sur la vie et les poèmes d'Émily Dickinson est bouleversant et puissant, dialogues au scalpel, profonds, drôles, d'un niveau impossible à rencontrer aujourd'hui car on s'y soucie de l'essentiel, de l'âme, de la Vie, de la Mort, les femmes étant d'ailleurs plus douées que les hommes dans leur perception de la vérité, de la beauté. Emily qui ne quitte pas son milieu familial réussit malgré les pressions à dire NON à un certain nombre de situations, d'obligations. Elle a pour boussole, l'indépendance de son âme (un mot oublié aujourd'hui) et pour moteur, une capacité de sublimation exceptionnelle (ça aussi on ne sait pas ce que c'est aujourd'hui). Cela donne des poèmes dont on sent qu'ils sont éprouvés, vécus, pensés, au moment où elle écrit, la nuit, grâce à l'autorisation du père. Dans un univers corseté, Emily, sa soeur, l'amie enseignante réussissent à être libres, indépendantes, dans le respect de certaines conventions, le refus d'autres, grâce à leur indépendance d'esprit et pour Emily grâce à l'usage créatif de la langue (sa ponctuation, le – en particulier, comme chez Marina Tsvetaeva, nous permet de voir une poésie en fabrication, en tricotage). Silences, dialogues, lenteur des mouvements, scènes appuyées de souffrance ou de mort. Des moments sublimes en musique, rares donc ressentis. La sublimation n'empêche pas les frustrations, les colères, les comportements "intransigeants", les attentes de reconnaissance. Sa soeur lui dira: nous sommes humains, vas-tu nous en vouloir pour ça ? 
Chère Emily, je vous ai reçue comme une mystique, inventant sa "religion", sa façon de communier avec vous et le monde, avec l'après-mort, avec le temps qui passe et l'éternité-immortalité de ce qui est souffle, Vie, âme. Pas de recherche du bonheur ou du plaisir, si faciles et qu'on trouve nous, si difficiles; donc, on se coache avec des techniques du bonheur. Vous n'étiez pas dans la norme, hier, vous l'êtes encore moins, aujourd'hui. Vous nous montrez, non qu'on peut s'épanouir, bien petit mot, mais s'élever, être corps-esprit-âme et je vous vois, je vous vis comme pratiquant cette ascension pour femme extrême (homme extrême aussi mais plus rare) en deux temps, le temps du jour, temps d'acceptation et parfois de refus (d'assister à une messe, d'être agréable avec un jeune séducteur), temps d'observation, de positionnement (vivre comme vous le faites est une négociation permanente entre soumission et intransigeance) et le temps de la nuit, temps de l'écriture, temps de la mise à distance, de la mise en existence, de la mise en essence. Et par ce travail inspiré et réflexif (car vous avez un sens extraordinaire de la répartie fulgurante qui foudroie ou exalte), vous atteignez à un partage qui touchera qui peut être touché. Moi, en plein coeur.

3 poèmes d’Emily qui ne sont pas dans le film

On apprend l'eau - par la soif
La terre - par les mers qu'on passe
L'exaltation - par l'angoisse -
La paix - en comptant ses batailles -
L'amour - par une image qu'on garde
Et les oiseaux - par la neige
----------------------------------------------------------
J’étais morte pour la Beauté – mais à peine
M’avait-on couchée dans la Tombe
Qu’un Autre – mort pour la Vérité
Etait déposé dans la Chambre d’à côté –

Tout bas il m’a demandé « Pourquoi es-tu morte ? »
« Pour la Beauté », ai-je répliqué 
« Et moi – pour la Vérité – C’est Pareil –
Nous sommes frère et sœur », a-t-Il ajouté –

Alors, comme Parents qui se retrouvent la Nuit –
Nous avons bavardé d’une Chambre à l’autre –
Puis la Mousse a gagné nos lèvres –
Et recouvert – nos noms –
---------------------------------------------------
Je me dis : la Terre est brève –
L’Angoisse – absolue –
Nombreux les meurtris,
Et puis après ?

Je me dis : on pourrait mourir –
La Meilleure Vitalité
Ne peut surpasser la Pourriture,
Et puis après ?

Je me dis qu’au Ciel, d’une façon
Il y aura compensation –
Don, d’une nouvelle équation –
Et puis après ?

titres à lire : La poésie sauvera le monde de Jean-Pierre Siméon, Anthologie manifeste de Frédéric Brun, Dans le jardin obscur (libre conversation sur la poésie) de Alain Duault et Monique Labidoire

il est évident après un tel article que je vais tenter de faire vivre la poésie au Revest, investir les gradins du jardin municipal, la scène de la Tour, certaines placettes du village, faire cela une fois par trimestre avec une BIP (brigade d'intervention poétique)

3 titres pour habiter poétiquement le monde, pour vivre en poésie avec soi, les autres et le monde
3 titres pour habiter poétiquement le monde, pour vivre en poésie avec soi, les autres et le monde
3 titres pour habiter poétiquement le monde, pour vivre en poésie avec soi, les autres et le monde

3 titres pour habiter poétiquement le monde, pour vivre en poésie avec soi, les autres et le monde

Partager cette page
Repost0
Pour être informé des derniers articles, inscrivez vous :