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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

La notion de valeur/Joël Poulain

La notion de valeur


La vie ne vaut rien... mais rien ne vaut la vie... tels pourraientt être l'enjeu, l'ambiguité inhérents à la notion de valeur... notion difficilement définissable par son origine, son fondement, cependant, existentiellement essentielle à cerner. Il n' y aurait pas de valeur au delà de la valeur elle même, elle pourrait être alors à "l'image" de la représentation Kantienne de l'espace, forme a priori de notre sensibilité, de notre conduite et de notre humanité. La valeur ne serait rien, matériellement parlant, mais tout comme lieu espace d'ordonnancement de nos règles, droits, et interdits. Il y aurait  ainsi une invisibilité à tout espace comme à tout fondement du social, a fortiori, de l'espace social...
Sans cet invisible, ce non-lieu et non-dit de l'espace social, valeurs, engagements, émotions ne pourraient constituer précisément une culture.
Sans l'apparition des valeurs et comme substratum, la valeur en soi, nous serions restés à l'état primaire, naturel, originel. La nature, en soi, n'est pas porteuse de valeurs, ainsi, l'humain nait parallèlement à la et aux valeurs. A contrario, la disparition, la transgression de toutes valeurs nous mèneraient à un "no man’ s land" de l'inhumain, une deshérence, un "tout est possible" dont l'humain serait l'expression, et, le nihilisme, la manifestation paroxystique. La notion de valeur et ainsi les formes multiples de valeurs qui en découlent sont donc le lieu et l'espace obligés de nos conduites.
A) qu'est ce qu'une valeur?
B) qu'est ce qu'une philosophie des valeurs?
Au sens étymologique valeur vient du latin valere c'est à dire bien se porter : vale comme soutien, salut. Au sens classique, nous attribuons le plus souvent à valeur, le sens de valoriser, évaluer, jauger, sinon juger, cela a de la valeur, est jugé ainsi bon, ou sans valeur, insignifiant, inutile voire nuisible.
Ces deux sens "éclairent" déjà les fonctions, les "valeurs" possibles de la valeur. Comme pour la notion de sens, la valeur nous permettrait d'exister, et ce dans le sens de se dégager du simple vivant, de s'excentrer par rapport au naturel, d'aller au delà du simple biologique.
Pierre Sansot dit bien "qu'exister c'est procéder de soi-même, renaître à chaque instant différent des autres et de ce que l'on fût, instituer une sorte de vide, de faille dans la plénitude des choses". Avec l'existence, tout deviendrait complexe mais précisément aussi intéressant, signifiant.
Exister serait donner du sens, de la valeur aux choses, aux êtres, aux actes.
La vie au sens naturel et, la mort ne seraient alors pas , en elles, porteuses de valeurs. La mort comme insignifiance, soit, elle est considérée comme une non-vie, soit, comme un passage pour un au delà de cette vie, en soi, elle n'est pas fin, finalité, donc sans valeur. Montaigne nous l'enseigne lorsqu'il déclare que "philosopher c'est apprendre à mourir", en vérité, c'est apprendre à "bien” vivre, rendre essentiel l'acte de vivre, d'exister, pour réduire à la plus pure insignifiance, au moindre tragique "le mourir"...
Valeur et sens seraient ajouts par rapport au naturel, valeur et sens nous situeraient alors dans un monde de la création, de l'artifice mais aussi et surtout de l'essentiel pour l'humain.
"Si plus rien n' a de valeur, tout est permis" si tout est permis tout peut, par là même être perdu, devenir inessentiel d'où la dimension tragique du credo nihiliste.
Valeurs et sens comme quêtes d'êtres. La valeur du sens... ne serait que le sens même de la valeur... d'où le paradoxe ultime du nihilisme, il est encore sens bien que destruction de valeurs, ne serait-ce pas à la limite contradictoire? L'inhumain en est aussi l'expression, c'est en cela où il est "effrayant", L'inhumain est fait par un être encore humain, comme sens bien que se voulant au delà de toutes valeurs. Sade est bien philosophe, en quête de sens, les valeurs doivent pourtant être transgressées, peut-on donner du sens au delà radicalement de toutes valeurs?
A partir de cette présence quasi continue de la notion de valeur, comment et pourquoi concevoir une philosophie des valeurs?
I) Comment?
1)à partir d'un premier enjeu, dit fonctionnel.
Évaluer est-ce alors toujours évoluer?
Ambiguïté de toute philosophie des valeurs. La valeur comme guide, repère ou limite, impératif, obstacle?
Valeurs et progrès, tout l'enjeu de l'histoire humaine.
2) A partir d'un deuxième enjeu, dit épistémologique, problématique linguistique.
Passer du jugement de fait sans sens inhérent, sans valeur à un jugement de droit, sensé (à valeur ajoutée!) jugement qui peut, à l'extrême devenir impératif. Chez Kant, par exemple, valeur absolue du devoir dans toutes les limites du sens moral. Réciprocité nécessaire au sein de l'acte, et finalité impérative de l'humain (ne jamais considérer une personne comme un moyen mais comme une fin), en cela, sens et valeur s'interpénètrent et s'équilibrent réciproquement.
Il y a le fait, le droit, le devoir et la valeur. Lorsque Eichman, à son procès, tente de se "déculpabiliser" en invoquant le "sens" du devoir, il ne faisait que son devoir, il est précisément tombé dans le piège de la non valeur!
Son fameux sens du devoir, dans certaines circonstances perd toute valeur, devient donc humainement insignifiant et ainsi condamnable!
Il ne suffit pas d'obéir, il faut savoir à qui, comment et pourquoi on obéît. Si mon obéissance ne vise plus à l'humain, la valeur par là même disparaît et le sens devient vide... absurde.
Guy Bousquet, fils de René Bousquet, avocat qui a défendu son père a aussi invoqué ce "fameux sens" du devoir, d'une façon tout aussi naïve et irresponsable "pour moi, mon père n'a fait que son devoir" on pourrait lui répondre que le "que" est précisément bien restrictif! Obéissance coupable, "aveugle", menant à un acte au delà de toute valeur.
La valeur s'exprime toujours dans un discours faisant état de finalités, de buts, de normes, comment connaître sinon reconnaître le ou les sens d'une valeur?
3) à partir d'un enjeu dit éthique la valeur est alors le lieu principal d'un passage entre fait et droit. Que penser alors d'une transgression totale des valeurs? Est-ce possible? Est-ce tenable?
Même chez Nietzsche, le renversement des valeurs (par delà le bien et le mal) ne reinstaure-t-il pas la ou les valeurs sous forme d'autres sens possibles?
Si Nietzsche veut dresser une nouvelle “carte de valeur”, promouvoir une nouvelle façon d'évaluer sinon d'évoluer, ne fait-il pas seulement déplacer la topologie, des valeurs? La valeur comme enjeu éthique, liée au sens, elle connait et même crée des variations de sens. La valeur d'une chose, d'un être, d'un acte peut être liée à de multiples sens différents voire contradictoires. Nous verrons cela à l'aide de plusieurs exemples- symboles à la fin de notre exposé. Si à partir d'une valeur, les sens peuvent varier, cela correspond à une dimension éthique,la valeur peut alors dépendre directement d'une subjectivité "donneuse" de sens. La valeur Amour peut prendre des formes et des sens différents, Platon l' a fort bien explicité dans son ouvrage précisément relatif à l'Amour, le Banquet.
Inversement, la valeur, loin d'être un lieu de différentiels, de relativité, de subjectivité, peut se transformer en sens unique, absolu, certaines formes de religions et de morales peuvent exprimer cet absolu de valeur qui mène à un sens impératif.
C'est le cas de toutes les formes de fondamentalismes, d'intégrismes. La valeur est alors l'expression d'un référentiel catégorique. Les Talibans se situent par rapport à des valeurs dites absolues le sens est unique, indiscutable et seulement littéralement applicable. Il y a la valeur  Dieu à partir de laquelle tout sens émerge, conditionnant ainsi toutes les parties et valeurs d'une société d'où théocratie, il y a la valeur Homme avec toutes les contraintes et sens que cela implique, la valeur Femme et tout ce que cela aussi a pour conséquences, exclusion, réclusion, ségrégation, infériorisation. La moindre transgression de ces valeurs "absolues" et de leur sens inhérent est alors considérée comme violation, sacrilège, profanation d'où condamnation suprême, la mort. Valeurs absolues, référents impératifs et sens uniques se liguent alors contre la vie.
La martyrologie comme paradoxe ultime, on se sacrifie pour une valeur absolue, cela a-t-il encore valeur, sens, ne tombons-nous pas dans l'extrême sens, le non-sens, l'absurde?
Si nous venons d'analyser, et ce bien sûr, non exhaustivement, les formes, sens, et limites extrêmes de la et des valeurs, nous analyserons maintenant les enjeux d'une ou des philosophies des valeurs. Pourquoi toute philosophie est porteuse de valeurs? N'est-ce pas précisément parce qu'elle est essentiellement quête de sens?
Valeurs, repères. Lorsque Merleau-Ponty considère, avec intelligence, finesse que "naître c'est à la fois naître du monde et naître au monde" n'exprime-t-il pas alors la spéficité de l'humain? D'une origine, d'un naturel sans sens, l'homme va, par son intelligence, donner du sens, de la valeur d'où passage essentiel et irréversible de l'état naturel à la culture dans toutes ses formes d'expression c'est à dire tous les comportements, actes, pensées humaines. L'homme en quête de sens, "donneur" de signes, symboles.
La première "raison" de la constitution d'une philosophie des valeurs pourrait être d'ordre sémiologique.
La philosophie des valeurs constituerait un ensemble de signes, symboles conjonctifs et/ou disjonctifs. Nous retrouvons ici nos propos antérieurs relatifs aux dimensions référentielles et/ou différentielles des valeurs. Les valeurs créent alors une alliance, une union voire unité, un lieu de reconnaissance, "nous avons les mêmes valeurs"... toute société, toute culture engendre des valeurs, repères, référents. D'où relativisme de toute culture mais aussi problème de compréhension, de communication voire d'acceptation de ces différences. La tolérance ne serait-elle pas expression de ce relativisme culturel conscient des limites de chaque valeur? En quoi, une culture pourrait elle se dire détentrice de valeurs uniques, absolues?
Valeurs comme système de signes, cela peut aller du vêtement (Mallarmé, ô combien intéressé par le signe, n'a-t-il pas précisément étudié la mode comme valeur même de ce signe, sens?) au comportement, au "parler”  voire plus dangereusement au "penser”. Plus une valeur est dite absolue plus le sens qui en découle est coercitif, l'Afghanistan témoigne de ce totalitarisme qui gère jusqu'au moindre geste, au moindre signe, et ce, par référence à une valeur absolue (Dieu) et les valeurs non moins absolues qui en découlent, constituant par exemple, la charia.
La deuxième "raison" pourrait être d'ordre axiologique.
Les valeurs seraient alors conçues comme repères, sens-guide, à la fois fondement, origine et finalité.
Une valeur peut en effet à la fois représenter les points alpha et oméga, nous situer ainsi globalement, une valeur "m'origine et me finalise", je sais d'où je viens et où je vais. Inversement, nous retrouvons le tragique de l'absence de toute valeur, un no man's land, un monde absurde.
La valeur comme "axe de vie", la famille est bien en cela base du social puisque en principe, donneuse des valeurs-références du socio-culturel de l'époque, deux dangers cependant, premièrement que cet axe exclut toute liberté, toute marge d'originalité, aveuglement de la conscience comme choix, deuxièmement, que cet axe soit trop "mou", trop invisible et qu'il n' y ait plus alors de repères, c'est un symptôme qu'on dit constater actuellement dans les multiples formes  de violences urbaines et juvéniles.
La troisième raison, la dimension praxéologique des valeurs; praxis entendue à la fois comme sens et action,  théorie et pratique. Les valeurs ne sont et ne doivent pas être que des idées, elles doivent aussi être "praticables", faites pour agir et exister. Les valeurs qui ne sont plus "pratiques" sont de facto, obsolètes, dépassées, à transgresser. Les valeurs sont aussi comme les langues, elles peuvent mourir de leur inadéquation avec la réalité. Une valeur a d'autant plus de "valeur" qu'elle a des résonances, qu'elle signifie non seulement des idées, des représentations, un imaginaire mais aussi et surtout des actes, des pratiques. Nous retrouvons ici les variations possibles de sens au sein d'une même valeur. Les représentations catholiques de la famille comme valeur ont dû évoluer quant aux sens et formes possibles de la famille, (acceptation du divorce, de l'union libre, du remariage).
Difficultés des religions, à la fois rester fidèle à "l'absoluité" des valeurs références et faire que les valeurs évoluent c'est à dire expriment en vérité une "relativité"...! La "mort du père" peut être en cela symboliquement tragique, puisque absence de re-pères, d'axe de pratique, de guide à la fois de pensée et d'action. Si la valeur-repère connait quelques failles, la transgression, la violence ne peuvent-elles pas alors prendre place?
Inversement, la valeur absolue comme pratique peut être violence, pour mémoire l'excision comme valeur-référence, dans certains cas de non-hygiène, pouvant entraîner la violence absolue, la mort.
Quatrième raison : valeurs et ontologie, la valeur comme  quête d'être, rempart contre le néant d'être, l'absurde. Si l'homme, d'un point de vue existentialiste, "est ce qu'il se fera" (Sartre) l'action est "devenir d'être". La valeur comme paraxilogie mènerait logiquement à l'ontologie. Cela implique que face aux valeurs, je suis "en choix", en responsabilité d'être! La valeur comme constituant à la fois de mon action et de mon être. L'individu qui serait, soit en inconscience, soit en transgression de toutes valeurs, serait ainsi en non-être ou en destruction d'être.
Un être de valeur serait l'être qui aurait au plus et au mieux réalisé toutes les valeurs de l'Etre!
L'Etre de valeur comme symbole même de l'humain, ce que Jacquart pouvait nommer le paroxysme de l'humanisme, par ce néologisme, d'humanitude (texte donné en fin d'exposé).
Cinquième raison pour l'instauration d'une philosophie des valeurs.
Valeurs et échanges.
Si les valeurs, nous l'avons vu, peuvent mourir de n'être pas ou plus mises en pratique elles peuvent aussi disparaître de n'être plus communicables, échangeables. La valeur est ici lieu de reconnaissance soit par similitude, soit par distinction. La tolérance comme valeur est symbole de l'altérité dans toute son expression, l'intolérance, en cela ne peut être valeur sauf si c'est la tolérance qui est alors bafouée) puisque restriction voire refus de l'altérité.
C'est le relativisme culturel, qui, le mieux, témoigne à la fois de la nécessité et des limites de la valeur. La déclaration universelle des droits de l'homme en est l'expression type. Si tous les hommes naissent et demeurent libres et égaux en droits, cela est une valeur- référentielle qui, cependant doit permettre tous les différentiels possibles! Si tous les hommes sont égaux, par là même, ils peuvent, sinon doivent, devenir tous différents! En cela, on a fait un contresens, pire, on a perverti le sens-valeur du marxisme par un communisme appliqué et perverti, une société où régnerait la plus grande égalité ne serait et ne devrait pas être celle de la plus grande conformité, au contraire, de la plus grande originalité! En cela, stalinisme, nazisme sont des grandes perversions historiques de théories égalitaires.
Si deux êtres n'ont pas les mêmes valeurs, cela ne devrait pas amener à une incommunicabilité, au contraire à un échange enrichissant, excepté si les êtres en présence se réfèrent chacun à des valeurs absolues, source d'astracisme réciproque!
Les valeurs relatives doivent permettre dans leurs limites la résorbption des conflits, des rejets arbitraires.
Un exemple flagrant, le principe de nationalité : celui-ci doit être ni une valeur absolue, ni une insignifiance. Je m'explique! ni une valeur absolue être Français de souche qu'est ce que cela veut dire? Qui peut se targuer de n'être par ses ascendants que Français?
A contrario, pouvoir devenir Français, signifie que cette valeur "Français" s'adapte, s'ouvre, accepte, intègre. Il faut inversement, bien sûr, que celui qui devient Français sache au minimum certaines valeurs de cet "être français", citoyenneté, république, laïcité, état de Droit, égalité homme femme, solidarité obligatoire! Les "ayants Droits, doivent aussi, bien sûr, être des ayants - Devoirs! C'est ainsi que les valeurs peuvent être source d'échanges, expression idéale de l'humanité, l'ostracisme étant fermeture d'esprit et à l'extrême, l'inhumain.
Sixième raison.
Valeur-sublimation et/ou aliénation.
Concevoir la - les valeurs comme expression patente de sublimation et/ou aliénation c'est leur attribuer un double lien, avec le désir et avec l'illusion.
La valeur peut prendre forme d'idéal et de croyance. La République avec sa devise à triple symboles exprime ses rapports à des valeurs fondamentale (égalité, citoyenneté, liberté) au désir (vouloir les dites valeurs) si tant est que nous unissions comme Spinoza, désir et volonté et l'illusion, à savoir, voir au delà et ne pas se satisfaire de la simple réalité. Si donner une ou des valeurs c'est donner "un plus" à la réalité, alors se crée nécessairement un artifice, lieu d'illusions et de croyances. Pour les résistants, les valeurs de liberté et d'indépendance étaient fondamentales mais leurs sens pouvaient être divergents d'où illusions possibles, les résistants communistes et gaullistes avaient peut être les mêmes valeurs mais n' y donnaient pas les mêmes sens, les clivages de sens se sont d'ailleurs confirmés, accentués avec le retour du "pur" politique à la Libération.
Les valeurs peuvent donner naissance à des sens, lieux de sublimation et/ou d'aliénation soit par transcendance, soit par transgression. Les êtres imprégnés d'idéaux, par la valeur intrinsèque à ceux-ci subliment la "triste réalité", que ce soit pour les religieux, les politiques, les artistes voire les philosophes. Cette valeur-sublimation est alors engagement, sens d’être, celle-ci est à la fois culturelle et cultuelle. Culturelle impliquant, de facto, une représentation mentale minimale du monde et cultuelle, lieu d'une foi tant spirituelle, sacrée, que laïque, profane, cultuelle car lieu d'une "foi". Ces deux enjeux nous ramènent à des extrêmes, soit d'intégration (Droits de l'homme, Résistance comme lieu de dépassement des clivages idéologiques) soit d'exclusion, les "fous de Dieu", qui au nom d'une valeur sacrée, refusent toutes différences, toute autre forme possible de valeur! De la sublimation on passe à l'aliénation, transgression de toutes limites. Comment au nom de la foi, valeur en principe absolue pour les croyants, ceux-ci peuvent-ils, au nom même de cette foi, commettre massacres, viols, génocides? De la valeur de l'absolu à l'absolue valeur, de la conscience à l'irresponsabilité, de l'humain à l'inhumain!
La valeur sublimation devrait au mieux être lieu de convergence (même idéal, même foi, même désir de créer) de contingence (sachant qu'un idéal peut en permettre un autre) et de précarité, d'où problème de la temporalité de la ou des valeurs. Les valeurs chevaleresques, royales, républicaines sont localisables historiquement, d'où une certaine aberration lors d'une certaine récupération de l'histoire, à quoi bon reconstituer des valeurs, en soi éphémères, devenues obsolètes, pour leur attribuer illusoirement, une "vérité" actuelle? On peut alors se demander quelles valeurs peuvent être inhérentes à la valeur et aux valeurs?
Par principe et en principe, la valeur intrinsèque à la valeur, ce par quoi elle est à elle même c'est d'être au delà de tout intérêt.
Ce qu'on fait le plus souvent par intérêt, minimise voire élimine toute valeur à l'acte lui même! L'intérêt correspondrait alors à un "sombre" égoïsme d'où la crise actuelle possible du Politique. Accuser légitimement ou non les politiques d'agir par intérêts,  c'est enlever à leur action la valeur essentielle du Politique!
Nous aurons, dans les articles suivants, l'occasion de constater que les vraies valeurs excluent l'intérêt, entre autres, l'Amitié et la Paix, ces deux valeurs ne se font pas à tout prix, elles répondent à des valeurs intrinsèques de non compromis voire de non-compromission! L'Amour est aussi une valeur sans intérêts sous-jacents.
La valeur au delà de tout intérêt nous amène à des paradoxes. Si la valeur est évaluation, l'intérêt ne l'est-il pas aussi? Pourquoi alors cette scission entre eux? L'évaluation liée à l'intérêt serait trop parcellaire, particulière, ponctuelle, un"ami par intérêt" ne serait qu'un ami "vu" sous un certain "angle", une certaine "pratique", ce qu'on pourrait appeler opportunisme, fonctionnalisme, pragmatisme (le vrai ne serait déterminé que par l'utile) alors que l'évaluation liée à la valeur serait plus universelle voire générale et relationnelle et surtout désintéressée! unissant les êtres et ne les dissociant pas précisément par des intérêts divergents). Nous constatons que ce paradoxe se résoud...
Cependant il y a un paradoxe qui reste à l'état de paradoxe, c'est le fait que la valeur est à elle même son propre déterminant.
Nous pouvons prendre l'exemple du travail comme valeur. Le travail fut un de ces référents remarquables, puisque consacré tant aussi bien par la bourgeoisie que par la pensée révolutionnaire. Le travail a toujours valeur d'usage même si la valeur - travail tente, elle, d'évoluer!
Le travail peut garder actuellement ses valeurs propres, insertion, reconnaissance, dignité, en revanche, la valeur - travail se réduit puisque le temps de travail est conçu de moins en moins comme essentiel! La valeur s'autoproduit, elle se jauge elle-même. D'où le paradoxe déjà émis, comment dépasser toutes valeurs si ce n'est par d'autres valeurs (d'où paradoxes) ou la négation de toutes formes de valeurs d'où l'émergence de l'absurde, on "tombe" radicalement dans l'insignifiance...
Ultime raison d'une philosophie des valeurs, la valeur vue sous son angle le plus pratique, trivial, le moins signifiant mais pas le moins intéressant...
La valeur-consommation. Valeur-prix-intérêt, valeur là aussi paradoxale, valeur factice par excellence! L'étalon  or comme valeur-référentiel, valeur des valeurs est aussi l'expression d'un pur arbitraire. Le Troc, le Sel, l'argent témoignent d'autres valeurs- références possibles! Valeur ajoutée, plus value, évaluation, évolution des cotations, flux, fluctuations des marchés, que de termes pour exprimer cette illusion d'une valeur déifiée qui n'est, en vérité, que le résultat de choix idéologiques et d'intérêts mercantiles, qui plus est moins rationnels que passionnels sinon pulsionnelle! Il suffit de regarder  quotidiennement la valeur référence du cac 40 pour être convaincu de la fragilité même de cet "objet valeur"...
Si cette valeur-consommation est la moins essentielle humainement, elle exprime cependant d'une façon intéressante, l'omniprésence sinon l'omnipotence de la valeur, même l'intérêt se calcule, se réfère à la valeur ou plutôt à une valeur!
Il nous faut rappeler que la philosophie des valeurs apparaît en première moitié du XXe.s à partir d'impératifs de marché, de production, d'offres et demandes!
Dès lors, tous les enjeux de la valeur se précisent, échanges, utilité, quête de différences et/ou d’alliances.
Le mot "valeur" dit Claude Lefort "est l'indice d'une impossibilité à s'en remettre désormais à un garant reconnu de tous, la Nature, la Raison, Dieu, l'Histoire, il est plutôt l'indice d'une situation dans laquelle toutes les figures de la transcendance sont brouillées"
Cette affirmation pose en principe que la référence au concept de valeur est ni le fruit du hasard, ni l’effet d’une mode, ni une manière commode de désigner autrement ce que la pensée traditionnelle avait toujours désigné. Avec le mot de valeur, nous entrons dans un nouvel “espace philosophique” voire théologique et la frontière de ce domaine est franchie à partir du moment où “toutes figures” de la transcendance s’effacent.
La philosophie des valeurs serait donc liée à l’éloignement du divin ou de la transcendance. Elle ferait corps avec une modernité déliée du transcendant, avec pour corollaire, la primauté de la valeur-naissance ou/et renaissance de l’humain. D’où nécessité de valeurs bien que relatives! “L’homme est la mesure de toutes choses” Protagoras. Dimension éthique des nouvelles formes de valeurs profanes, laïques.
La valeur comme affinement des choses, révélateur de leurs qualités propres, de même que l’éthique est l’affinement, l’émergence de nuances au sein des impératifs moraux!
En guise de conclusion, ne pourrions-nous pas poser trois questions...
1) Ne serait-il pas nécessaire de faire une approche psychanalytique de “l’objet” valeur
2) Ne serait-il pas légitime de fonder un minimum voire un maximum de valeurs et la notion de valeur elle-même?
3) Serait-il possible de prendre dans le “contemporain” plusieurs exemples-types des variations possibles de sens au sein d’une valeur, voire les variations même de valeurs?
A la première question, correspondrait le dévoilement par la psychanalyse de la valeur et des valeurs comme “aliments” pour tout inconscient tant collectif qu’individuel.
Valeurs d’un groupe social, d’une famille, d’une association. Valeurs inhibitions et/ou libérations, Les valeurs-libido, frustration, père, mère, interdits, transgressions, phantasmes, imaginaires, valeurs comme sur-conscience!
A la deuxième question, la légitimation de la notion de valeur, on pourrait invoquer les cas extrêmes de retour en force des valeurs au nom du religieux, au sens le plus coercitif du terme, à l’inverse, l’émergence d’une problématique relativiste des valeurs, et ce, au nom de l’éthique, enfin invoquer la possible “anarchie des valeurs”, et ce, comme conséquence d’une “ère du vide” (Lipovetsky) d’un no man’s land spirituel, mental, psychique, d’un nihilisme rampant?
Valeurs fondatrices, ordonnatrices, finalistes ou émancipatrices, ces valeurs ne seraient-elles pas essentiellement , au mieux, l’expression d’un sujet de conscience qui se prend en charge, qui choisit ses valeurs, témoignant ainsi d’un courage d’exister défiant toutes valeurs par trop normatives?
Pour la troisième question, nous invoquerons plusieurs exemples, les valeurs du “vichysme”, les valeurs de l’Aristocratie, du patriotisme, de la laïcité, de la démocratie, de la famille.
A) Quelles valeurs pour Vichy?
Celles de la revanche anti-Républicaine, la valeur d’égalité passe après celle de l’unité. Celles de la Reconstruction d’une France, et ce, au nom de valeurs ancestrales voire archaïques sinon obsolètes. Le “pur Français” d’où xénophobie, haine du juif, de l’Etranger, de l’Etrange... (Communistes, francs-maçons).
Valeurs nationalistes, la Nation se distingue dès lors de l’ETAT DE DROIT-République, d’où le “grand débat” actuel sur la responsabilité de la République face au régime et aux actes de Vichy.
La valeur Famille, celle-ci est moins considérée comme cellule privée que comme expression nationale d’où la référence à la famille comme corollaire au travail et à la Patrie. Procréer c’est en fait “travailler pour la Patrie... ce n’est plus un sexe, c’est un drapeau, ce n’est plus un plaisir, c’est un labeur, ce n’est plus un enfant, c’est déjà un nationaliste!... Quant à la valeur travail, elle perd le sens de libération, de reconnaissance, d’égalité pour prendre le sens d’obéissance, d’ordre, voire de cynisme, travailler rend libre...
Le travail comme sacrifice on retrouve son sens  latin originel de torture... mais cette fois-ci vertueuse!
B) Les valeurs de l’Aristocratie ont été plus complexes voire paradoxales.
Il y avait certes, sous jacentes, les valeurs chrétiennes, valeurs référentielles, mais il ne faut pas oublier que “l’esprit” aristocratique est autant d’obéissance, voire d’abnégation que de rébellion, de libération.
L’Aristocrate sait autant se plier que refuser certaines valeurs! Il pouvait y avoir du libertinage chez l’aristocrate, de l’oisiveté voire de la graine d’anarchisme, d’où son inadaptation le plus souvent volontaire aux valeurs bourgeoises de l’argent et du travail, mieux vaut devenir gueux mais garder son blason, plutôt que “s’abaisser” aux valeurs triviales d’une société par trop mercantile!
C) Quant au patriotisme, ses valeurs inhérentes sont bien à dissocier de celles du nationalisme mortifère, étroit et frileux. Les résistants étaient patriotes bien que jugés en tant que terroristes par les nationalistes "purs et durs". Le nationalisme peut exclure l'Autre au nom d'une valeur unitaire, le patriotisme peut s'ouvrir à l'Autre au nom d'une hospitalité, d'un humanisme, de la liberté. Paradoxe! plus on se réfère à des valeurs dites absolues plus on a peur aux valeurs différentes comme si l'absolu nous affaiblissait! Un pays qui a peur de l'Autre est un pays qui n'est pas sûr de lui!
Concevoir que la France puisse être "tchadorisée" c'est concevoir que les valeurs culturelles voire cultuelles de la France pourraient être anéantes par d'autres valeurs! Comment peut-on ne pas avoir confiance en des valeurs absolues!
D) La laïcité comme porteuse de valeurs est, elle aussi, "chose" complexe. Sa valeur-référence, principe de base est l'égalité d'où République par principe laïque; L'égalité implique possible et même radicale différence, d'où, au sein de la laïcité la double dimension du citoyen voire de l'élève. La sphère publique commune de l'instruction et la sphère privée de la culture, des croyances voire de l'éducation (ex: religieuse)
Là où la laïcité est plus problématique c'est en invoquant la valeur de neutralité.
Celle-ci peut-elle réellement exister, ne serait-elle pas en vérité, cachet d'illusion sinon de mauvaise foi?
La vraie laïcité serait à la fois connaissance et reconnaissance, alors que la laïcité-neutralité repose le plus souvent sur méconnaissance, ignorance voire rejet!
Pourquoi, au nom de la laïcité, ne pas faire connaître tous les aspects religieux des cultures, et ce, pour mieux accepter les différences et moins "fantasmer" sur d'hypothétiques dangers venant de l'Autre? Pourquoi au nom d'une neutralité, voir en certaines différences du prosélytisme ou de l'ostentatoire quand il n'y a le plus souvent, que désir de se faire reconnaître dans et par une identité différente! serait-ce coupable d'être Autre?
La laïcité a des buts louables, tolérance, liberté, égalité, mais elle ne se donne pas toujours les moyens pour les concrétiser! La valeur finit alors par prendre d'autres valeurs, d'autres sens, d'autres chemins... La laïcité, par principe, est signe de libération par rapport à un enseignement "orienté", confessionnel.
Par fait, elle a amené une scission Eglise - ETAT.
Par symbole, elle est l'Ecole de la République.
Par sens, elle exprime la trilogie de la devise républicaine.
Par valeur, elle se doit d'être le lieu d'une véritable mise en pratique de la Tolérance, et ce , par la valeur sous jacente de réciprocité, donc de respect.
E) La démocratie comme valeur a pour corollaire les valeurs de citoyen, de pouvoir partagé, d'égalité, de tolérance et surtout d'autonomie. La démocratie serait idéalement la reconnaissance de l'humain dans toutes ses valeurs tant que celles-ci par excès ne nuisent pas à ce dit-humain, tolérance et démocratie sont des valeurs références mais qui ont précisément des limites. La démocratie n'est pas l'équivalent d'une pseudo valeur, du "tout est possible" ou "faire et dire n'importe quoi", comme toute valeur, elle a ses remparts, ses balises, bien que valeur - compréhension elle peut et même doit parfois se transformer en valeur - sanction - nous reviendrons sur les enjeux - valeurs de la démocratie dans un des articles suivants.
Enfin, nous prendrons le référent "famille" pour en discerner les multiples valeurs possibles.
F 1) La famille peut prendre valeur sacrée, au sens théologique. Elle relie alors un cercle privé à la "maison de dieu". Les liens qui s' y instaurent sont pérennes, au sens le plus classique, le divorce en est exclu. La vie est aussi sacrée (avortement condamné et même les moyens contraceptifs). L'image en est classique, dimension conservatrice, tout écart, toute marge sont bannis. Valeur absolue et sens unique.
2) La famille peut aussi prendre valeur plus profane, instauration d'un lien civil, le mariage, base fondamentale de la société, cette famille a connu moult changements, évolutions, tant dans son fond que dans sa forme. Dans sa forme, son cercle s'est rétréci, il y a de moins en moins cohabitations de multiples générations, indépendance de plus en plus marquée des plus anciens et des plus jeunes. Dans son fond, la famille peut prendre plusieurs sens famille monoparentale, recomposée, éclatée. Une nouvelle forme de famille apparait, expression de sentiments plus "marginaux" "famille" qui tente à revendiquer des droits, être reconnue civilement, valeur uniquement humaine et sens original la caractérisant : la "famille" à composante homosexuelle. Celle-ci, bien sûr, entre en conflit avec la première forme, conservatisme et innovation ne font pas souvent bon ménage! Là encore, même paradoxe que celui déjà vu, une valeur sacrée se sent fragilisée par une valeur "moindre", plus profane.
En quoi une famille "originale" toucherait-elle une famille classique, est ce alors pour que cette dernière vacille aux "chants de sirène" de la première! Soyons sérieux! ou alors, il y a un gros travail à faire sur l'inconscient, l'imaginaire, et paradoxalement, une approche bien perverse des réalités...
Avec ces conceptions différentes de la famille c'est l'image du couple qui est en jeu. Couple, valeur sacrée, engagement à vie, fidélité et à forme unique fondée sur la nature.
Le couple fait naturel, homme, femme, source originelle Adam-Eve, moyen unique de procréation, valeur naturelle, sens vital.
Le couple instauration juridique, valeurs sociale, éducative, affective.
Le couple, fait d'être deux, quelques soient les sens et les valeurs qui y sont entretenus. La SNCF ne s' y est pas trompé! un couple c'est Etre Deux!
Au sein de la famille, les sens, formes peuvent varier, pourquoi ne pas vouloir considérer que les valeurs fondatrices peuvent y être partout présentes à savoir, union, protection et émancipation? Unité, sécurité et liberté, ne seraient ce pas là les sens essentiels de toute valeur?
                       

L’Agora du 1/10/1997, Joël Poulain

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