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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

developpement personnel

le phallus ? et le néant ?

17 Mars 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G., #Michel Pouquet, #assaisonneur, #films, #écriture- lecture, #note de lecture, #développement personnel, #cahiers de l'égaré, #agora, #agoras, #Paul Mathis, #FINS DE PARTIES

le phallus ? et le néant ?

voilà un article comportant 35 liens

il y aura très peu de lecteurs ouvrant les liens

mais au moins je pose la tentation

les liens en lien avec mes blogs sont sous le signe de Freud et Lacan (ce fut une partie de ma formation universitaire) que tente de déconstruire Sophie Robert

aujourd'hui, je suis sorti de cette matrice ou de ce paradigme

je pense qu'il faut plus recevoir que voir

voir en voyant la lumière qui éclaire par derrière ou sur le côté ou par en dessous...

place au miracle et au mystère de la naissance, de la vie, de la mort, des origines, des chemins, des fins

de la faim sans fin par tous les moyens

à la fin sans faim

mise entre parenthèses des prétendus savoirs

les mondes de chacun, de chaque espèce nous sont opaques et inaccessibles; et sans doute notre propre monde (conscience et inconscient, individuel, transgénérationnel, collectif)

JCG

je ne sais plus comment je suis arrivé sur ce documentaire de Sophie Robert, dont le titre est le phallus et le néant (2 H)
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je l'ai visionné,
puis j'ai cherché Sophie Robert (FB, Wikipédia, articles de journaux, polémique et procès contre son autre documentaire Le mur (sur l'autisme), un temps interdit puis autorisé à nouveau)
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je pense que les pratiques et discours théoriques sont à interroger, à soumettre au débat comme tout ce qui relève des savoirs-pouvoirs
(et ce n'est pas facile d'amener gens de savoir-pouvoir à faire preuve d'humilité, de distance par rapport à leurs pratiques;
il y faut conflit, provocation, scandale et peut-être alors débat ou justice)
on va voir ce qui va se produire dans les années à venir à propos des vaccins anti-covid à ARN messager qu'on nous a imposés
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le travail de Sophie Robert me semble salutaire pour un devoir et un droit d'inventaire des effets de la psychanalyse;
il serait bien que d'autres se mettent au travail pour comparer;
existe déjà Le livre noir de la psychanalyse (auquel a répondu L'anti-livre noir de la psychanalyse)
ou le travail d'Elizabeth Roudinesco
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- pour avoir invité plusieurs fois aux Comoni, lors d'agoras, Paul Mathis, psychanalyste lacanien décédé, Michel Pouquet, psychiatre décédé,
- pour avoir rendus publics sur le blog des bric à bracs, leurs causeries attirant une salle pleine
- pour avoir édité Les petits riens dans la clinique analytique de Jean-Paul Charancon, jeune psychanalyste décédé
pour avoir accompagné Annie dans son analyse dite didactique de 15 ans au moins, dans son parcours de psychologue clinicienne puis de psychanalyste
- pour avoir entrepris une analyse de six mois avec une analyste Carmen M.
sans parler de ma fréquentation de Lacan à Guyancourt vers 1964, à mon retour d'Algérie, écoeuré
 
- pour avoir bien étudié Freud et Lacan dès 1964
- pour avoir été interpellé par les scissions dans les mouvements analytiques (comme dans les mouvements politiques se prétendant émancipateurs), me semblant indiquer des tendances sectaires (en lien avec la toute puissance de ceux qui se prétendent détenteurs de la Vérité)
- pour m'interroger depuis de longues années sur mes rapports et relations à certaines femmes, cheminement qui me semble "tordu", idéalisé, style amour courtois (à réinventer si je ne fais pas un usage fantasmé de Lacan), à installer dans la durée du toujours, pour toujours
- ça a donné Your last video (porn theater), texte non paginé, non indiqué dans le sommaire de Et ton livre d'éternité, paru le 14 février 2022
 
- pour avoir fait écrire un livre pluriel Elle s'appelait Agnès (paru après les deux procès en février 2016) sur le viol et meurtre d'Agnès (13 ans) par Matthieu (17 ans, psychopathe qui entend des voix) à Chambon-sur-Lignon en novembre 2011
- pour avoir édité Battements d'ailes (Clichés Féminins/Masculins aujourd'hui) d'Elsa Solal et Dominique Loiseau, préfacé par Michelle Perrot en 2015
- pour avoir consacré le chapitre XII Livre III du livre d'éternité à metoo, l'affaire Weinstein, balance ton porc ainsi qu'au livre Le consentement de Vanessa Springora sous emprise de Gabriel Matzneff
- et pour avoir mis en ligne un docu très bien réalisé sur l'affaire Olivier Duhamel

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documentaire (bien réalisé) dont pas mal de choses me semblent audibles à l'opposé de beaucoup de réactions hostiles des commentaires comme du sous-titre du documentaire
(à la découverte du vrai visage de la psychanalyse);
 
à chacun de se demander ce qu'il va mettre en question,
ce qu'il va garder
faut-il jeter le bébé avec l'eau du bain ?
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dès qu'il y a le mot vrai, méfie-toi
il y a de la guerre dans l'air
et même si selon Héraclite, la guerre est...
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voici le commentaire que j'ai posté sur you tube :
le devoir et le droit légitimes d'inventaire des effets "pervers-père-vers" sur les individus et la société des théories et pratiques analytiques freudienne et lacanienne se transforment en réquisitoire hostile, sans contrepartie vraiment scientifique ; dans la mesure où on est au niveau de "sciences" dites humaines et animales, et même si on allait jusqu'au niveau biologique, génétique, il me semble impossible de dire le vrai visage de la psychanalyse;
le prétendre comme dit le sous-titre est du même registre performatif que le registre analytique :
dire c'est faire;
si je dis que c'est vrai, c'est vrai;
documentaire bien réalisé mais pour moi, peu convaincant;
ou pour le dire autrement, documentaire dans l'air du temps
c'est-à-dire à la mode avant d'être démodé car l'air du temps c'est l'air à la mode
donc la réalisatrice situe son documentaire dans un contexte de combats multiples, du genre déconstructions
(tout est en déconstruction en ce moment
comme d'ailleurs psychanalyse et structuralisme déconstruisaient le sujet sartrien et sa liberté)
allant jusqu'à la destruction;
évidemment les TCC sont préférés au divan
la réalisatrice sait qu'elle est une femme, sait ce qu'est une femme, un sexe de femme, une sexualité féminine, elle n'est pas un néant, un trou et que sais-je;
elle substitue aux "concepts" scandaleux de la psychanalyse d'autres versions qui lui semblent acceptables et surtout vraies
donc à prendre avec beaucoup de prudence, au 3° degré
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cela n'enlève rien à la nécessaire clarification (impossible, dois-je préciser) des notions de désir, de fantasme, d'inceste, de viol, de masculin, de féminin
mais je crois plus au travail sur soi (prendre soin de soi-Soi) qu'au travail monnayé sur un divan
et plus à l'hypnose style Roustang qu'à la psychanalyse ou aux TCC
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la 1° partie du film Un ange à ma table, de Jane Campion, To the Island, montre on ne peut plus clairement l'intérêt vif des fillettes pour le phallique
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en lien avec le film Un ange à ma table de Jane Campion qui évoque les 8 ans d'hôpital psychiatrique et les 200 électrochocs subis par la poétesse Janet Frame, une amie Voragine Fosproy m'a donné le lien d'une série de 4 docus sur l'hystérie, une parole confisquée
 
le phallus ? et le néant ?
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Rencontre avec Joe Black

6 Février 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #J.C.G., #écriture- lecture, #films, #développement personnel, #pour toujours

la mort comme révélatrice de la vérité profonde de chacun
la mort comme révélatrice de la vérité profonde de chacun

la mort comme révélatrice de la vérité profonde de chacun

Rencontre avec Joe Black

 

3 h à la rencontre de la Mort incarnée en Joe Black

j'avais déjà vu ce film qui m'avait impressionné, il y a deux trois ans; j'avais fait focus sur l'amour entre Susan Parrish et Joe Black

vers 18 H ce 24 décembre 2022, une plage de temps s'est présentée; nous avons donc été 3 à le regarder en home-cinéma (video-projection sur drap blanc) pendant que des cookies au chocolat se préparaient en cuisine, les pâtissiers regardant le film à l'envers comme cela se passe dit-on au moment du passage, nous reverrions à toute vitesse notre film de vie à l'envers

spectateur, j'accepte le film sans esprit critique, vivre cette proposition telle qu'elle est offerte; je ne me laisse pas envahir par clichés, préjugés, genre c'est un film américain avec tous les codes-stéréotypes du genre film romantique-fantastique, musique trop appuyée, scènes convenues, téléphonées, longueurs et dialogues en sourdine sauf rares explosions, valeurs bourgeoises véhiculées...

ce qui m'a retenu dans cette projection, c'est le comportement de la Mort, pas seulement avec Susan mais d'abord avec elle-même qui ne sait rien de la Vie et de l'Amour;

selon Epicure quand la vie est là, la mort n'est pas là; quand la mort est là, la vie n'est plus là; il n'y a donc pas à craindre la mort dont on ne saura jamais rien;

inversement (c'est moi qui produit cet énoncé), la mort ne sait rien de la vie

et c'est cette plongée dans sa découverte de la vie que j'ai trouvé stimulante;

Joe Black goûte, il découvre avec la bouche, comme le nouveau-né, le goût du beurre de cacahuètes, le goût du thé avec un nuage de lait, le goût d'un sandwich à la viande, le goût des lèvres de Susan, c'est un gourmand du stade oral (le contraire du stade anal où l'enfant veut garder pour lui ses déjections, son pipi-caca), un découvreur qui s'émerveille du bon goût de toutes choses goûtées; cette aptitude déconcerte certains puisqu'il semble absent des enjeux de la vie de la famille Parrish; en réalité, chacun se révèle à lui-même au contact de Joe Black (c'est un peu la même chose avec l'ange de Théorême de Pasolini) comme lui se révèle au contact des vivants, il sympathise avec le mari d'Allison, il démolit la taupe qui veut détruire l'empire de Bill Parrish, il renonce à la mort de Susan et lui permet de vivre son amour avec le jeune homme rencontré au café (scène fondatrice méritant bien des développements);

il permet à Bill Parrish de mettre de l'ordre avant de passer et ainsi d'accepter le passage le soir de son anniversaire (65 ans); Bill et Joe tissent entre eux une relation de complicité parfois conflictuelle où la peur n'a plus sa place, Bill sait dire non, se rebiffer, Joe use, abuse un peu de son pouvoir;

ce qui ressort dixit Joe Black, c'est qu'une opinion peut toujours être argumentée de deux façons contraires, que la liberté existe, qu'on a le choix

mais l'essentiel est dit par Bill, une vie sans amour ne vaut pas la peine d'être vécue;

ça la Mort ne peut le dire, elle l'apprend de Bill et de Susan

ce film fut un gros échec au box-office; le directeur des studios Universal Pictures fut licencié

passez un bon Noël, en compagnie du divin enfant, quelles que soient vos croyances et incroyances

 

 

complicité parfois conflictuelle entre Joe Black et Bill Parrish / la mort découvre la vie comme le nourrisson, par la bouche, stade oral ou buccal / Là où le psychanalyste tend son oreille, l’hypnotiseur tend sa bouche à la recherche d’une autre bouche qui enfin sort de la plainte.Nous sommes dans le bouche-à-bouche, donc dans la respiration, et non dans un bouche-à-oreille. Nous sommes dans la mélopée amniotique où le sujet reprend des forces, une autre vitalité, une autre disposition. Celui qui revient n’est plus le même. Un ordre s’est reconstruit bien avant la verbalité. Celui qui revient, plus fort, ne sera plus soumis. Thierry Zalic
complicité parfois conflictuelle entre Joe Black et Bill Parrish / la mort découvre la vie comme le nourrisson, par la bouche, stade oral ou buccal / Là où le psychanalyste tend son oreille, l’hypnotiseur tend sa bouche à la recherche d’une autre bouche qui enfin sort de la plainte.Nous sommes dans le bouche-à-bouche, donc dans la respiration, et non dans un bouche-à-oreille. Nous sommes dans la mélopée amniotique où le sujet reprend des forces, une autre vitalité, une autre disposition. Celui qui revient n’est plus le même. Un ordre s’est reconstruit bien avant la verbalité. Celui qui revient, plus fort, ne sera plus soumis. Thierry Zalic
complicité parfois conflictuelle entre Joe Black et Bill Parrish / la mort découvre la vie comme le nourrisson, par la bouche, stade oral ou buccal / Là où le psychanalyste tend son oreille, l’hypnotiseur tend sa bouche à la recherche d’une autre bouche qui enfin sort de la plainte.Nous sommes dans le bouche-à-bouche, donc dans la respiration, et non dans un bouche-à-oreille. Nous sommes dans la mélopée amniotique où le sujet reprend des forces, une autre vitalité, une autre disposition. Celui qui revient n’est plus le même. Un ordre s’est reconstruit bien avant la verbalité. Celui qui revient, plus fort, ne sera plus soumis. Thierry Zalic
complicité parfois conflictuelle entre Joe Black et Bill Parrish / la mort découvre la vie comme le nourrisson, par la bouche, stade oral ou buccal / Là où le psychanalyste tend son oreille, l’hypnotiseur tend sa bouche à la recherche d’une autre bouche qui enfin sort de la plainte.Nous sommes dans le bouche-à-bouche, donc dans la respiration, et non dans un bouche-à-oreille. Nous sommes dans la mélopée amniotique où le sujet reprend des forces, une autre vitalité, une autre disposition. Celui qui revient n’est plus le même. Un ordre s’est reconstruit bien avant la verbalité. Celui qui revient, plus fort, ne sera plus soumis. Thierry Zalic

complicité parfois conflictuelle entre Joe Black et Bill Parrish / la mort découvre la vie comme le nourrisson, par la bouche, stade oral ou buccal / Là où le psychanalyste tend son oreille, l’hypnotiseur tend sa bouche à la recherche d’une autre bouche qui enfin sort de la plainte.Nous sommes dans le bouche-à-bouche, donc dans la respiration, et non dans un bouche-à-oreille. Nous sommes dans la mélopée amniotique où le sujet reprend des forces, une autre vitalité, une autre disposition. Celui qui revient n’est plus le même. Un ordre s’est reconstruit bien avant la verbalité. Celui qui revient, plus fort, ne sera plus soumis. Thierry Zalic

pour apprivoiser la présence permanente de Joe Black comme préconisait Michel Eyquem et se préparer à l'effacement
qui commence peut-être avec le choix du silence, en lien avec la conviction que nous ne savons rien; opter résolument pour l'incompétence, l'inexpérience, l'ignorance, l'innocence
faire comme le nourrisson, bouche bée
faire comme Joe Black, goûter le monde et les gens avec la bouche
Chaque mot est comme une souillure inutile du silence et du néant, écrit ou dit Beckett
en ce qui me concerne, le seul mot qui ne me semble pas approprié dans cette citation, aujourd'hui, au point où j'en suis de mes mises au point, est le mot néant
l'effacement, la mort (mystère) ne me semble pas
être chute dans le néant, néantisation
mais être dissolution de ce que que je crois être, corps vivant, personne identifiée-identifiable,
dissolution dans la mousse quantique
ou retour dans la mousse quantique des interconnexions d'où je suis sorti (miracle et mystère de la naissance),
virtuel devenu pour un temps réel (un éclair dans la nuit éternelle, dit Michel Eyquem), redevenant virtuel...
à creuser, reformuler;
je lis ici ou là des exhortations à se connecter avec l'univers... mais on est nécessairement connecté, qu'on en est ou pas conscience et le vouloir en conscience ne me semble pas apporter grand chose si ce n'est une satisfaction narcissique;
à poursuivre
Bill disant à sa fille Susan qu'une vie sans Amour c'est être passé à côté de la vie
Bill disant à sa fille Susan qu'une vie sans Amour c'est être passé à côté de la vie

Bill disant à sa fille Susan qu'une vie sans Amour c'est être passé à côté de la vie

Une nuit le magnat William Parrish ressent une violente douleur tandis qu'une voix surgissant des tenebres lui annonce sa mort prochaine. A ce moment-là, un jeune inconnu se présente à son domicile pour l'accompagner à son dernier voyage. Ce messager de l'au-delà impose à Parrish de l'heberger chez lui afin de lui donner l'occasion de partager un temps les experiences, les joies, les émotions et les drames des vivants, qui semblent lui être etrangers. En l'espace de trois jours, Joe Black révèlera toute la famille Parrish à elle-même.
 
 
- Je sais que ce n'est pas très original... L'amour est passion, obsession... Sa présence est vitale. Je veux dire tombe à la renverse, trouve quelqu'un que tu aimeras à la folie et qui t'aimera de la même manière. Trouver cet homme ? Et bien, laisse de côté ta tête et sois à l'écoute de ton cœur. S'il bat en tout cas je n'entends rien. La vérité ma chérie c'est que sans amour, la vie ne vaut pas la peine d'être vécue. Être passé sur cette Terre sans connaître l'amour, le vrai, eh bien, c'est être passé à côté de la vie. Il faut essayer de le trouver, parce que si tu n'as pas essayé, tu n'as pas vécu.
- Bravo.
- Tu es cruelle.
- Excuse-moi. Redis le moi encore mais en version courte cette fois.
- D'accord... Sois prête. Qui sait ? Ça existe les coups de foudre.

 

Joe Black (Brad Pitt) : 7

Après avoir joué au chat et à la souris avec Bill Parrish en lui parlant sans se montrer ("Ouiii…"), Joe Black se présente enfin et annonce la raison et le but de sa visite : "Depuis peu, vous petites affaires ont piqué mon intérêt. Appelle ça de l'ennui, de la curiosité de ma part. […] Fais-moi visiter. Sois mon guide. […] L'important, c'est que je ne m'ennuie pas."

Joe veut satisfaire ses désirs et ne supporte pas les frustrations. Il a "besoin d'un corps", il le prend. Il manifeste plusieurs fois à William Parrish qu'il est en position dominante ("Cela n'est pas sujet à discussion. Rien ne l'est."), mais contrairement à lui, il exprime cela calmement, sans colère, en énonçant un fait plutôt qu'en se livrant à une épreuve de force. Joe est optimiste : "Dans la vie, il y a toujours des solutions."

Dans le monde des humains, Joe découvre avec ravissement dès le premier soir le moyen d'exercer au sens propre la passion de son type, la gloutonnerie :

 

Joe :

C'est quoi ça ?

 

Maître d'hôtel :

Ça, vous voulez dire ?

 

Joe :

Oui.

 

Maître d'hôtel :

Du beurre de cacahuète, Monsieur.

 

Joe :

Et vous aimez ça ?

 

Maître d'hôtel :

Et bien, si vous sollicitez mon opinion, je dirais que c'est à mi-chemin entre la damnation et le paradis. Euh… Vous voulez goûter, Monsieur ?

 

Joe :

Oui. [Il sourit. C'est la première fois depuis qu'il est sur terre.]

 

Maître d'hôtel :

Tout de suite.

 

 

[…]

 

Maître d'hôtel :

Vous voilà dépendant du beurre de cacahuètes, Monsieur.

 

Joe :

Oui. Je crois bien que oui. Je suis content de connaître le beurre de cacahuètes.

Le plaisir apporté par le beurre de cacahuètes devient la référence absolue. Quelques instants plus tard, il ne lâche même pas la cuillère pour tendre une serviette à Susan qui sort de la piscine. Il en réclame au repas. Il cherchera à en obtenir à nouveau lors de la réception finale, seule consolation possible à la perte de Susan. Celle-ci d'ailleurs doit affronter la concurrence :

 

Susan :

Tu as aimé faire l'amour avec moi ?

 

Joe :

Oui.

 

Susan :

Plus que le beurre de cacahuètes ?

 

Joe :

Oui. Beaucoup plus.

Bien entendu, il n'en néglige pas pour autant les autres plaisirs alimentaires. Le sandwich au gigot "est éblouissant". Quant aux réunions du Comité Directeur de Parrish Communication, leur intérêt réside dans les pâtisseries :

 

Joe :

Est-ce que je peux encore avoir de ces délicieux gâteaux ? Ceux à la confiture. Et une tasse de thé… avec un nuage de lait. J'essaye le style anglais. Ouais ! Un thé au lait je vous prie.

 

Drew :

Ce sera tout, monsieur Black. Un peu d'eau, peut-être ?

 

Joe :

Oui, avec joie.

Sa gloutonnerie se manifeste aussi dans ses autres plaisirs. Après que Susan l'ait embrassé pour la première fois, il lui dit : "Vos lèvres sur les miennes, et votre langue… Ça avait un goût vraiment merveilleux."

Bien entendu, du 7 Joe Black a aussi la peur de la souffrance. Il va voir Susan à l'hôpital et elle est surprise de sa venue :

 

Susan :

Qu'est-ce que vous faites ici ? Vous êtes malade ?

 

Joe :

Oh ! Dieu merci non !

Là, il rencontre une vieille femme jamaïquaine et lui assure : "Je suis désolé. Je n'ai rien à voir avec la douleur." Le spectacle de cette souffrance lui est insupportable et il réalise brusquement que sa "présence [à l'hôpital] n'est pas appropriée" et s'enfuit littéralement. Parce qu'elle souffre, cette femme est le premier être humain pour lequel il ressent une véritable émotion : "C'est quelqu'un qui a très mal." Le soir au dîner, il demande de ses nouvelles : "Je suis très inquiet pour la femme qui est venue vous voir. La douleur s'est-elle calmée ?"

Plus tard, il retourne la voir à l'hôpital et lui amène des fleurs. La vieille femme essaye de le convaincre qu'il n'est "pas à sa place" sur terre. Amoureux et aimé de Susan, il ne veut rien entendre : pourquoi abandonner un plaisir ? La Jamaïquaine perçoit bien ce qu'il y a de puéril dans cette attitude : "C'est plein de gamineries dans ta tête."

Elle lui raconte alors une métaphore, le langage du 7, pour lui faire comprendre que son plaisir va bientôt se changer en souffrance : "C'est joli ce qui a pu t'arriver. Tu sais, c'est comme si tu étais dans les îles en vacances. Le soleil ne te brûle pas rouge-rouge, juste marron, tout doré. Il n'y a pas de moustiques. Mais la vérité, c'est que c'est fatal que ça arrive si tu veux rester trop longtemps. Alors garde les jolies images que t'as dans la tête et retourne chez toi. Mais il faut pas te faire avoir."

Joe change de visage. Il se rend immédiatement chez William Parrish et lui annonce qu'ils vont s'en aller : "J'ai le sentiment que tous comptes faits l'objectif visé par ce voyage est aujourd'hui pleinement atteint." Cette phrase est une rationalisation (le mécanisme de défense du 7) destinée à (se) masquer la raison véritable de son départ.

Plus généralement pour Joe Black, le langage est un outil permettant de justifier n'importe quelle idée : "Quoi que vous disiez, on peut soutenir une opinion de deux façons différentes", explique-t-il à Drew.

Joe pratique volontiers un humour à froid plutôt agressif :

 

Bill :

Vous pensez rester longtemps ?

 

Joe :

Nous pouvons espérer que ce sera le cas.

Ou après une colère de Bill : "Du calme, Bill. Tu vas faire une crise cardiaque au beau milieu de mes vacances."

Joe ne sait pas réellement ce qu'est une émotion. Même quand il aime Susan, il est étonnamment froid et distant, plus dans le plaisir que dans l'amour comme le perçoit bien William Parrish :

 

Bill :

Vous prenez ce que vous voulez par simple fantaisie. Ce n'est pas de l'amour.

 

Joe :

Qu'est-ce que c'est ?

 

Bill :

[…] Il manque les ingrédients importants.

 

Joe :

Et quels sont-ils ?

La fin du film montre un début d'intégration par le renoncement à Susan et en même temps son châtiment : lui qui a joué avec les sentiments des autres et avec leur vie va devoir apprendre à vivre seul… pour l'éternité.

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B bbb J / place aux joyeux

8 Janvier 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G., #album, #développement personnel, #pour toujours, #écriture- lecture

noeuds de Michel Dufresne offert à JCG, vues à 8 H 45 depuis mon poste de travail, le 8 janvier 2023
noeuds de Michel Dufresne offert à JCG, vues à 8 H 45 depuis mon poste de travail, le 8 janvier 2023
noeuds de Michel Dufresne offert à JCG, vues à 8 H 45 depuis mon poste de travail, le 8 janvier 2023

noeuds de Michel Dufresne offert à JCG, vues à 8 H 45 depuis mon poste de travail, le 8 janvier 2023

Sappho de Mytilène Σαπφώ / Sapphṓ VII° av.J.C.
Sappho de Mytilène Σαπφώ / Sapphṓ VII° av.J.C.

Sappho de Mytilène Σαπφώ / Sapphṓ VII° av.J.C.

Αρχαίο κείμενο της Σαπφούς (7ος π. Χ. αιώνας)
Δέδυκε μὲν ἀ Σελάννα καὶ Πληίαδες,
μέσαι δὲ νύκτες,
παρὰ δ’ ἔρχεται ὤρα,
ἔγω δὲ μόνα κατεύδω

Μετάφραση Άκου Δασκαλόπουλου (1937-1998)
Να το φεγγάρι έγειρε,
βασίλεψε και η Πούλια.
Είναι μεσάνυχτα.
Περνά, περνά η ώρα.
Κι εγώ κοιμάμαι μόνη μου.

Μετάφραση Αργύρη Εφταλιώτη (1849-1923)
Το φεγγαράκι εμίσεψε
μεσάνυχτα σημαίνει,
οι ώρες φεύγουν και περνούν
κι εγώ κοιμάμαι μόνη

 

Texte ancien de Sappho (7e siècle av. J. C.)
Se sont couchées donc la lune et les Pléiades
mais au milieu de la nuit
les heures passent
et moi je dors seule.

Traduction à partir du texte d'Akos Daskalopoulos (1937-1998)
Voici la lune s'est penchée
s'est couchée aussi la Poulia1.
Il est minuit.
Passent, passent les heures.
Et moi je dors seule.

Traduction à partir du texte d'Argyris Eftaliotis (1849-1923)
La petite lune a migré
il se fait minuit
les heures partent et passent
et moi je dors seule.

un entretien avec Vladimir Jankélévitch sur le bonheur a engendré un échange entre Annie Bergou Eric Borgniet et moi
Bonheur avec B majuscule
bonheurs minuscules, bbbbb au pluriel et éphémères 
pas plus d'1 seconde selon Vladimir Jankélévitch ou Sylvain Tesson
je pratique le B et les petits b à gogo
est-ce indécent ?
un autre mot est possible, Joie avec J
je me suis dit 
propose une galerie de gens H J
Siddhartha Gautama, VI° av. J.C.
Siddhartha Gautama, VI° av. J.C.

Siddhartha Gautama, VI° av. J.C.

Le Dhammapadda, chapitre 15

LE BONHEUR

 

197Ah ! vivons heureux, sans haïr ceux qui nous haïssent ! Au milieu des hommes qui nous haïssent, habitons sans les haïr !

198Ah ! vivons heureux, sans être malades, au milieu de ceux qui le sont ! Au milieu des malades, habitons sans l’être !

199Ah ! vivons heureux, sans avoir de désirs au milieu de ceux qui en ont ! Au milieu des hommes qui ont des désirs, habitons sans en avoir !

200Ah ! vivons heureux, nous qui ne possédons rien ! Nous serons semblables aux dieux Abhâsvaras[1], savourant comme eux le bonheur.

201La victoire engendre la haine, car le vaincu ressent de la douleur. Celui qui vit en paix est heureux, sans plus songer ni à la victoire ni à la défaite.

202Il n’est pas de feu comparable à la  passion, de désastre égal à la haine, de malheur tel que l’existence individuelle, de bonheur supérieur à la quiétude.

203La faim est la pire des maladies, les agrégations d’éléments, le plus grand des malheurs. Pour celui qui sait qu’il en est ainsi, le Nirvâna est le bonheur suprême.

204La santé est la meilleure des acquisitions ; le contentement, la meilleure des richesses ; la confiance, le meilleur des parents ; le Nirvâna, le bonheur suprême.

205Après avoir savouré le breuvage de l’isolement, et celui de la quiétude, on ne craint plus rien, on ne pèche plus, et l’on savoure celui de la loi.

206Pleine de charme est la visite aux Aryas, plein de charmes leur commerce. Débarrassé de la vue des sots, on serait à jamais heureux.

207Celui qui marche en compagnie d’un sot souffre tout le long de la route. La société d’un sot est aussi désagréable que celle d’un ennemi ; la société d’un sage, aussi agréable que celle d’un parent.

208Celui qui est un sage, un savant, ayant beaucoup appris, patient comme une bête de somme, et fidèle à ses vœux, un Arya, — ce mortel vertueux, doué d’une heureuse intelligence, suivez-le, comme la lune suit le chemin des étoiles. 

  1.  

Abhâsvara, lumineux, éclatant.

Jésus, à chacun d'imaginer son visage de Jésus qui est le visage de l'amour inconditionnel y compris de ses ennemis, ce qui n'est pas un sentiment naturel; avec Jésus on change de niveau / il y en a qui combattent pour un autre visage du Christ, moins blanc; va-t-on assister à un déferlement wokiste sur comment représenter Jésus ?
Jésus, à chacun d'imaginer son visage de Jésus qui est le visage de l'amour inconditionnel y compris de ses ennemis, ce qui n'est pas un sentiment naturel; avec Jésus on change de niveau / il y en a qui combattent pour un autre visage du Christ, moins blanc; va-t-on assister à un déferlement wokiste sur comment représenter Jésus ?

Jésus, à chacun d'imaginer son visage de Jésus qui est le visage de l'amour inconditionnel y compris de ses ennemis, ce qui n'est pas un sentiment naturel; avec Jésus on change de niveau / il y en a qui combattent pour un autre visage du Christ, moins blanc; va-t-on assister à un déferlement wokiste sur comment représenter Jésus ?

Les béatitudes

A la vue de ces foules, Jésus monta sur la montagne. Il s'assit et ses disciples s'approchèrent de lui. Puis il prit la parole pour les enseigner; il dit:

«Heureux ceux qui reconnaissent leur pauvreté spirituelle, car le royaume des cieux leur appartient! Heureux ceux qui pleurent, car ils seront consolés! Heureux ceux qui sont doux, car ils hériteront la terre! Heureux ceux qui ont faim et soif de la justice, car ils seront rassasiés! Heureux ceux qui font preuve de bonté, car on aura de la bonté pour eux! Heureux ceux qui ont le cœur pur, car ils verront Dieu! Heureux ceux qui procurent la paix, car ils seront appelés fils de Dieu! 10 Heureux ceux qui sont persécutés pour la justice, car le royaume des cieux leur appartient! 11 Heureux serez-vous lorsqu'on vous insultera, qu'on vous persécutera et qu'on dira faussement de vous toute sorte de mal à cause de moi. 12 Réjouissez-vous et soyez dans l'allégresse, parce que votre récompense sera grande au ciel. En effet, c'est ainsi qu'on a persécuté les prophètes qui vous ont précédés.

13 »Vous êtes le sel de la terre. Mais si le sel perd sa saveur, avec quoi la lui rendra-t-on? Il ne sert plus qu'à être jeté dehors et piétiné par les hommes. 14 Vous êtes la lumière du monde. Une ville située sur une montagne ne peut pas être cachée, 15 et on n'allume pas non plus une lampe pour la mettre sous un seau, mais on la met sur son support et elle éclaire tous ceux qui sont dans la maison. 16 Que, de la même manière, votre lumière brille devant les hommes afin qu'ils voient votre belle manière d’agir et qu’ainsi ils célèbrent la gloire de votre Père céleste.

Christ et la loi

17 »Ne croyez pas que je sois venu pour abolir la loi ou les prophètes; je suis venu non pour abolir, mais pour accomplir. 18 En effet, je vous le dis en vérité, tant que le ciel et la terre n’auront pas disparu, pas une seule lettre ni un seul trait de lettre ne disparaîtra de la loi avant que tout ne soit arrivé. 19 Celui donc qui violera l'un de ces plus petits commandements et qui enseignera aux hommes à faire de même sera appelé le plus petit dans le royaume des cieux; mais celui qui les mettra en pratique et les enseignera aux autres, celui-là sera appelé grand dans le royaume des cieux. 20 En effet, je vous le dis, si votre justice ne dépasse pas celle des spécialistes de la loi et des pharisiens, vous n'entrerez pas dans le royaume des cieux.

21 »Vous avez appris qu'il a été dit aux anciens: ‘Tu ne commettras pas de meurtre[a]; celui qui commet un meurtre mérite de passer en jugement.’ 22 Mais moi je vous dis: Tout homme qui se met [sans raison] en colère contre son frère mérite de passer en jugement; celui qui traite son frère d’imbécile[b] mérite d'être puni par le tribunal, et celui qui le traite de fou mérite d'être puni par le feu de l'enfer. 23 Si donc tu présentes ton offrande vers l'autel et que là tu te souviennes que ton frère a quelque chose contre toi, 24 laisse ton offrande devant l'autel et va d'abord te réconcilier avec ton frère, puis viens présenter ton offrande. 25 Mets-toi rapidement d'accord avec ton adversaire, pendant que tu es en chemin avec lui, de peur qu'il ne te livre au juge, que le juge ne te livre à l'officier de justice et que tu ne sois mis en prison. 26 Je te le dis en vérité, tu n'en sortiras pas avant d'avoir remboursé jusqu'au dernier centime.

27 »Vous avez appris qu'il a été dit: Tu ne commettras pas d'adultère.[c] 28 Mais moi je vous dis: Tout homme qui regarde une femme pour la convoiter a déjà commis un adultère avec elle dans son cœur. 29 Si ton œil droit te pousse à mal agir, arrache-le et jette-le loin de toi, car il vaut mieux pour toi subir la perte d'un seul de tes membres que de voir ton corps entier jeté en enfer. 30 Et si ta main droite te pousse à mal agir, coupe-la et jette-la loin de toi, car il vaut mieux pour toi subir la perte d'un seul de tes membres que de voir ton corps entier jeté en enfer.

31 »Il a été dit: Que celui qui renvoie sa femme lui donne une lettre de divorce.[d] 32 Mais moi, je vous dis: Celui qui renvoie sa femme, sauf pour cause d'infidélité, l'expose à devenir adultère, et celui qui épouse une femme divorcée commet un adultère.

33 »Vous avez encore appris qu'il a été dit aux anciens: Tu ne violeras pas ton serment, mais tu accompliras ce que tu as promis au Seigneur.[e] 34 Mais moi je vous dis de ne pas jurer du tout, ni par le ciel, parce que c'est le trône de Dieu35 ni par la terre, parce que c'est son marchepied,[f] ni par Jérusalem, parce que c'est la ville du grand roi. 36 Ne jure pas non plus par ta tête, car tu ne peux pas rendre blanc ou noir un seul cheveu. 37 Que votre parole soit ‘oui’ pour oui, ‘non’ pour non; ce qu'on y ajoute vient du mal[g].

38 »Vous avez appris qu'il a été dit: Œil pour œil et dent pour dent.[h] 39 Mais moi je vous dis de ne pas résister au méchant. Si quelqu'un te gifle sur la joue droite, tends-lui aussi l'autre. 40 Si quelqu'un veut te faire un procès et prendre ta chemise, laisse-lui encore ton manteau. 41 Si quelqu'un te force à faire un kilomètre, fais-en deux avec lui. 42 Donne à celui qui t’adresse une demande et ne te détourne pas de celui qui veut te faire un emprunt.

43 »Vous avez appris qu'il a été dit: ‘Tu aimeras ton prochain[i] et tu détesteras ton ennemi.’ 44 Mais moi je vous dis: Aimez vos ennemis, [bénissez ceux qui vous maudissent, faites du bien à ceux qui vous détestent] et priez pour ceux [qui vous maltraitent et] qui vous persécutent, 45 afin d'être les fils de votre Père céleste. En effet, il fait lever son soleil sur les méchants et sur les bons, et il fait pleuvoir sur les justes et sur les injustes. 46 Si vous aimez ceux qui vous aiment, quelle récompense méritez-vous? Les collecteurs d’impôts n'agissent-ils pas de même? 47 Et si vous saluez seulement vos frères, que faites-vous d'extraordinaire? Les membres des autres peuples n'agissent-ils pas de même? 48 Soyez donc parfaits comme votre Père céleste est parfait.

Les pratiques religieuses

»Gardez-vous bien de faire des dons devant les hommes pour qu’ils vous regardent; sinon, vous n'aurez pas de récompense auprès de votre Père céleste. Donc, lorsque tu fais un don à quelqu'un, ne sonne pas de la trompette devant toi, comme le font les hypocrites dans les synagogues et dans les rues afin de recevoir la gloire qui vient des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais toi, quand tu fais un don, que ta main gauche ne sache pas ce que fait ta droite, afin que ton don se fasse en secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra [lui-même ouvertement].

»Lorsque tu pries, ne sois pas comme les hypocrites: ils aiment prier debout dans les synagogues et aux coins des rues pour être vus des hommes. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. Mais toi, quand tu pries, entre dans ta chambre, ferme ta porte et prie ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra [ouvertement].

»En priant, ne multipliez pas les paroles comme les membres des autres peuples: ils s'imaginent en effet qu'à force de paroles ils seront exaucés. Ne les imitez pas, car votre Père sait de quoi vous avez besoin avant que vous le lui demandiez.

»Voici donc comment vous devez prier: ‘Notre Père céleste! Que la sainteté de ton nom soit respectée, 10 que ton règne vienne, que ta volonté soit faite sur la terre comme au ciel. 11 Donne-nous aujourd'hui notre pain quotidien; 12 pardonne-nous nos offenses, comme nous aussi nous pardonnons à ceux qui nous ont offensés; 13 ne nous expose pas à la tentation, mais délivre-nous du mal[j], [car c'est à toi qu'appartiennent, dans tous les siècles, le règne, la puissance et la gloire. Amen!]’

14 »Si vous pardonnez aux hommes leurs fautes, votre Père céleste vous pardonnera aussi; 15 mais si vous ne pardonnez pas aux hommes, votre Père ne vous pardonnera pas non plus vos fautes.

16 »Lorsque vous jeûnez, ne prenez pas un air triste comme les hypocrites. En effet, ils présentent un visage tout défait pour montrer aux hommes qu'ils jeûnent. Je vous le dis en vérité, ils ont leur récompense. 17 Mais toi, quand tu jeûnes, parfume ta tête et lave ton visage 18 afin de ne pas montrer que tu jeûnes aux hommes, mais à ton Père qui est là dans le lieu secret; et ton Père, qui voit dans le secret, te le rendra.

Les biens matériels

19 »Ne vous amassez pas des trésors sur la terre, où les mites et la rouille détruisent et où les voleurs percent les murs pour voler, 20 mais amassez-vous des trésors dans le ciel, où les mites et la rouille ne détruisent pas et où les voleurs ne peuvent pas percer les murs ni voler! 21 En effet, là où est ton trésor, là aussi sera ton cœur.

22 »L'œil est la lampe du corps. Si ton œil est en bon état, tout ton corps sera éclairé; 23 mais si ton œil est en mauvais état, tout ton corps sera dans les ténèbres. Si donc la lumière qui est en toi est ténèbres, combien ces ténèbres seront grandes!

24 »Personne ne peut servir deux maîtres, car ou il détestera le premier et aimera le second, ou il s'attachera au premier et méprisera le second. Vous ne pouvez pas servir Dieu et l’argent[k].

25 »C'est pourquoi je vous dis: Ne vous inquiétez pas de ce que vous mangerez [et boirez] pour vivre, ni de ce dont vous habillerez votre corps. La vie n'est-elle pas plus que la nourriture et le corps plus que le vêtement? 26 Regardez les oiseaux du ciel: ils ne sèment pas et ne moissonnent pas, ils n'amassent rien dans des greniers, et votre Père céleste les nourrit. Ne valez-vous pas beaucoup plus qu'eux? 27 Qui de vous, par ses inquiétudes, peut ajouter un instant à la durée de sa vie? 28 Et pourquoi vous inquiéter au sujet du vêtement? Etudiez comment poussent les plus belles fleurs des champs: elles ne travaillent pas et ne tissent pas; 29 cependant je vous dis que Salomon[l] lui-même, dans toute sa gloire, n'a pas eu d’aussi belles tenues que l'une d'elles. 30 Si Dieu habille ainsi l'herbe des champs, qui existe aujourd'hui et qui demain sera jetée au feu, ne le fera-t-il pas bien plus volontiers pour vous, gens de peu de foi? 31 Ne vous inquiétez donc pas et ne dites pas: ‘Que mangerons-nous? Que boirons-nous? Avec quoi nous habillerons-nous?’ 32 En effet, tout cela, ce sont les membres des autres peuples qui le recherchent. Or, votre Père céleste sait que vous en avez besoin. 33 Recherchez d'abord le royaume et la justice de Dieu, et tout cela vous sera donné en plus. 34 Ne vous inquiétez donc pas du lendemain, car le lendemain prendra soin de lui-même. A chaque jour suffit sa peine.

Les relations humaines

»Ne jugez pas afin de ne pas être jugés, car on vous jugera de la même manière que vous aurez jugé et on utilisera pour vous la mesure dont vous vous serez servis. Pourquoi vois-tu la paille qui est dans l'œil de ton frère et ne remarques-tu pas la poutre qui est dans ton œil? Ou comment peux-tu dire à ton frère: ‘Laisse-moi enlever la paille de ton œil’, alors que toi, tu as une poutre dans le tien? Hypocrite, enlève d'abord la poutre de ton œil, et alors tu verras clair pour retirer la paille de l'œil de ton frère.

»Ne donnez pas les choses saintes aux chiens et ne jetez pas vos perles devant les porcs, de peur qu'ils ne les piétinent et qu'ils ne se retournent pour vous déchirer.

»Demandez et l'on vous donnera, cherchez et vous trouverez, frappez et l'on vous ouvrira. En effet, toute personne qui demande reçoit, celui qui cherche trouve et l'on ouvre à celui qui frappe. Qui parmi vous donnera une pierre à son fils, s'il lui demande du pain? 10 Ou s'il demande un poisson, lui donnera-t-il un serpent? 11 Si donc, mauvais comme vous l'êtes, vous savez donner de bonnes choses à vos enfants, votre Père céleste donnera d’autant plus volontiers de bonnes choses à ceux qui les lui demandent.

12 »Tout ce que vous voudriez que les hommes fassent pour vous, vous aussi, faites-le de même pour eux, car c'est ce qu'enseignent la loi et les prophètes[m].

L’entrée dans le royaume

13 »Entrez par la porte étroite! En effet, large est la porte, spacieux le chemin menant à la perdition, et il y en a beaucoup qui entrent par là, 14 mais étroite est la porte, resserré le chemin menant à la vie, et il y en a peu qui les trouvent.

15 »Méfiez-vous des prétendus prophètes! Ils viennent à vous en vêtements de brebis, mais au-dedans ce sont des loups voraces. 16 Vous les reconnaîtrez à leurs fruits. Cueille-t-on des raisins sur des ronces ou des figues sur des chardons? 17 Tout bon arbre produit de bons fruits, mais le mauvais arbre produit de mauvais fruits. 18 Un bon arbre ne peut pas porter de mauvais fruits, ni un mauvais arbre porter de bons fruits. 19 Tout arbre qui ne produit pas de bons fruits est coupé et jeté au feu. 20 C'est donc à leurs fruits que vous les reconnaîtrez.

21 »Ceux qui me disent: ‘Seigneur, Seigneur!’ n'entreront pas tous dans le royaume des cieux, mais seulement celui qui fait la volonté de mon Père céleste. 22 Beaucoup me diront ce jour-là: ‘Seigneur, Seigneur, n'avons-nous pas prophétisé en ton nom? N'avons-nous pas chassé des démons en ton nom? N'avons-nous pas fait beaucoup de miracles en ton nom?’ 23 Alors je leur dirai ouvertement: ‘Je ne vous ai jamais connus. Eloignez-vous de moi, vous qui commettez le mal![n]

24 »C'est pourquoi, toute personne qui entend ces paroles que je dis et les met en pratique, je la comparerai à un homme prudent qui a construit sa maison sur le rocher. 25 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont déchaînés contre cette maison; elle ne s’est pas écroulée, parce qu'elle était fondée sur le rocher. 26 Mais toute personne qui entend ces paroles que je dis et ne les met pas en pratique ressemblera à un fou qui a construit sa maison sur le sable. 27 La pluie est tombée, les torrents sont venus, les vents ont soufflé et se sont abattus sur cette maison; elle s’est écroulée et sa ruine a été grande.»

28 Quand Jésus eut fini de prononcer ces paroles, les foules restèrent frappées par son enseignement, 29 car il enseignait avec autorité, et non comme leurs spécialistes de la loi.

 
François d'Assise mon frère le soleil, ma soeur la lune, ... XII°-XIII° ap. J.C.

François d'Assise mon frère le soleil, ma soeur la lune, ... XII°-XIII° ap. J.C.

Très Haut, tout puissant et bon Seigneur, 

à toi louange, gloire, honneur,

et toute bénédiction ;
à toi seul ils conviennent, O Très-Haut,
et nul homme n’est digne de te nommer.

Loué sois-tu, mon Seigneur, avec toutes tes créatures,
spécialement messire frère Soleil,
par qui tu nous donnes le jour, la lumière ;
il est beau, rayonnant d’une grande splendeur,
et de toi, le Très Haut, il nous offre le symbole.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur Lune et les étoiles :
dans le ciel tu les as formées,
claires, précieuses et belles.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Vent,
et pour l’air et pour les nuages,
pour l’azur calme et tous les temps :
grâce à eux tu maintiens en vie toutes les créatures.

Loué sois-tu, Seigneur, pour notre sœur Eau,
qui est très utile et très humble,
précieuse et chaste.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour frère Feu,
par qui tu éclaires la nuit :
il est beau et joyeux,
indomptable et fort.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour sœur notre mère la Terre,
qui nous porte et nous nourrit,
qui produit la diversité des fruits,
avec les fleurs diaprées et les herbes.

Loué sois-tu, mon Seigneur, pour ceux
qui pardonnent par amour pour toi ;
qui supportent épreuves et maladies :
heureux s’ils conservent la paix,
car par toi, le Très Haut, ils seront couronnés.

Loué sois-tu, mon Seigneur,
pour notre sœur la Mort corporelle
à qui nul homme vivant ne peut échapper.
Malheur à ceux qui meurent en péché mortel ;
heureux ceux qu’elle surprendra faisant ta volonté,
car la seconde mort ne pourra leur nuire.

Louez et bénissez mon Seigneur,
rendez-lui grâce et servez-le
en toute humilité.

un songe drolatique attribué à Rabelais, gravure de François Desprez, livre paru en 1565

un songe drolatique attribué à Rabelais, gravure de François Desprez, livre paru en 1565

PROLOGUE de Gargantua de François Rabelais, 1534
Buveurs très illustres, et vous vérolés très précieux, car c'est à vous, non aux autres, que je
dédie mes écrits, Alcibiade, dans un dialogue de intitulé le Banquet, faisant l'éloge de son
précepteur Socrate, sans conteste le prince des philosophes, déclare entre autres choses
qu'il est semblable aux silènes. Les Silènes étaient jadis de petites boites, comme
celles que nous voyons à présent dans les boutiques des apothicaires, sur
lesquelles étaient peintes des figures drôles et frivoles : harpies, satyres, oisons
bridés, lièvres cornus, canes batées, boucs volants, cerfs attelés, et autres figures
contrefaites à plaisir pour inciter les gens à rire (comme le fut Silène, maitre du
Bacchus). Mais à l'intérieur on conservait les drogues fines, comme le baume,
l'ambre gris, l'amome, la civette, les pierreries et autres choses de prix. Alcibiade
disait que Socrate leur était semblable, parce qu'à le voir du dehors et à l'évaluer par
l'aspect extérieur, vous n'en auriez pas donné une pelure l'oignon, tant il était laid de corps
et d'un maintien ridicule, le nez pointu, le regard d'un taureau, le visage d'un fou, le
comportement simple, les vêtements d'un paysan, de condition modeste, malheureux avec
les femmes, inapte à toute fonction dans l'état ; et toujours riant, trinquant avec chacun,
toujours se moquant, toujours cachant son divin savoir. Mais en ouvrant cette boite, vous y
auriez trouvé une céleste et inappréciable drogue : une intelligence plus qu'humaine, une
force d'âme merveilleuse, un courage invincible, une sobriété sans égale, une égalité
d'âme sans faille, une assurance parfaite, un détachement incroyable à l'égard de tout ce
pour quoi les humains veillent, courent, travaillent, naviguent et bataillent.
A quoi tend, à votre avis, ce prélude et coup d'essai ? C'est que vous, mes bons disciples,
et quelques autres fous oisifs, en lisant les joyeux titres de quelques livres de votre
invention, comme Gargantua, Pantagruel, Fesse pinte. La dignité des braguettes, des pois
au lard avec commentaire, etc., vous pensez trop facilement qu'on n'y traite que de
moqueries, folâtreries et joyeux mensonges, puisque l'enseigne extérieure est sans
chercher plus loin, habituellement reçue comme moquerie et plaisanterie. Mais il ne faut
pas considérer si légèrement les oeuvres des hommes. Car vous-mêmes vous dites que
l'habit ne fait pas le moine, et tel est vêtu d'un froc qui au-dedans n'est rien moins que
moine, et tel est vêtu d'une cape espagnole qui, dans son courage, n'a rien à voir avec
l'Espagne. C'est pourquoi il faut ouvrir le livre et soigneusement peser ce qui y est
traité. Alors vous reconnaitrez que la drogue qui y est contenue est d'une tout autre valeur
que ne le promettait la boite : c'est-à-dire que les matières ici traitées ne sont pas si
folâtre que le titre le prétendait.

Marcel Proust Céleste Albaret Céleste Albaret racontant avec joie, la joie de Marcel Proust lui annonçant qu'il a écrit le mot FIN au bas de tous les feuillets qu'elle avait eu l'ingéniosité de coller, plier... au service de Marcel Proust de 1913 à 1922
Marcel Proust Céleste Albaret Céleste Albaret racontant avec joie, la joie de Marcel Proust lui annonçant qu'il a écrit le mot FIN au bas de tous les feuillets qu'elle avait eu l'ingéniosité de coller, plier... au service de Marcel Proust de 1913 à 1922

Marcel Proust Céleste Albaret Céleste Albaret racontant avec joie, la joie de Marcel Proust lui annonçant qu'il a écrit le mot FIN au bas de tous les feuillets qu'elle avait eu l'ingéniosité de coller, plier... au service de Marcel Proust de 1913 à 1922

« Il y avait déjà bien des années que, de Combray, tout ce qui n'était pas le théâtre et le drame de mon coucher, n'existait plus pour moi, quand un jour d'hiver, comme je rentrais à la maison, ma mère, voyant que j'avais froid, me proposa de me faire prendre, contre mon habitude, un peu de thé. Je refusai d'abord et, je ne sais pourquoi, me ravisai. Elle envoya chercher un de ces gâteaux courts et dodus appelés Petites Madeleines qui semblent avoir été moulés dans la valve rainurée d'une coquille de Saint- Jacques. Et bientôt, machinalement, accablé par la morne journée et la perspective d'un triste lendemain, je portai à mes lèvres une cuillerée du thé où j'avais laissé s'amollir un morceau de madeleine. Mais à l'instant même où la gorgée mêlée des miettes du gâteau toucha mon palais, je tressaillis, attentif à ce qui se passait d'extraordinaire en moi. Un plaisir délicieux m'avait envahi, isolé, sans la notion de sa cause. Il m'avait aussitôt rendu les vicissitudes de la vie indifférentes, ses désastres inoffensifs, sa brièveté illusoire, de la même façon qu'opère l'amour, en me remplissant d'une essence précieuse: ou plutôt cette essence n'était pas en moi, elle était moi. J'avais cessé de me sentir médiocre, contingent, mortel. D'où avait pu me venir cette puissante joie? Je sentais qu'elle était liée au goût du thé et du gâteau, mais qu'elle le dépassait infiniment, ne devait pas être de même nature. D'où venait- elle? Que signifiait-elle? Où l'appréhender? (...)
Et tout d'un coup le souvenir m'est apparu. Ce goût c'était celui du petit morceau de madeleine que le dimanche matin à Combray (parce que ce jour-là je ne sortais pas avant l'heure de la messe), quand j'allais lui dire bonjour dans sa chambre, ma tante Léonie m'offrait après l'avoir trempé dans son infusion de thé ou de tilleul. La vue de la petite madeleine ne m'avait rien rappelé avant que je n'y eusse goûté; peut-être parce que, en ayant souvent aperçu depuis, sans en manger, sur les tablettes des pâtissiers, leur image avait quitté ces jours de Combray pour se lier à d'autres plus récents; peut-être parce que de ces souvenirs abandonnés si longtemps hors de la mémoire, rien ne survivait, tout s'était désagrégé; les formes - et celle aussi du petit coquillage de pâtisserie, si grassement sensuel, sous son plissage sévère et dévot - s'étaient abolies, ou, ensommeillées, avaient perdu la force d'expansion qui leur eût permis de rejoindre la conscience. Mais, quand d'un passé ancien rien ne subsiste, après la mort des êtres, après la destruction des choses, seules, plus frêles mais plus vivaces, plus immatérielles, plus persistantes, plus fidèles, l'odeur et la saveur restent encore longtemps, comme des âmes, à se rappeler, à attendre, à espérer, sur la ruine de tout le reste, à porter sans fléchir, sur leur gouttelette presque impalpable, l'édifice immense du souvenir.
Et dès que j'eus reconnu le goût du morceau de madeleine trempé dans le tilleul que me donnait ma tante (quoique je ne susse pas encore et dusse remettre à bien plus tard de découvrir pourquoi ce souvenir me rendait si heureux), aussitôt la vieille maison grise sur la rue, où était sa chambre, vint comme un décor de théâtre s'appliquer au petit pavillon, donnant sur le jardin, qu'on avait construit pour mes parents sur ses derrières (ce pan tronqué que seul j'avais revu jusque là) ; et avec la maison, la ville, depuis le matin jusqu'au soir et par tous les temps, la Place où on m'envoyait avant déjeuner, les rues où j'allais faire des courses, les chemins qu'on prenait si le temps était beau. Et comme dans ce jeu où les Japonais s'amusent à tremper dans un bol de porcelaine rempli d'eau, de petits morceaux de papier jusque-là indistincts qui, à peine y sont-ils plongés s'étirent, se contournent, se colorent, se différencient, deviennent des fleurs, des maisons, des personnages consistants et reconnaissables, de même maintenant toutes les fleurs de notre jardin et celles du parc de M. Swann, et les nymphéas de la Vivonne, et les bonnes gens du village et leurs petits logis et l'église et tout Combray et ses environs, tout cela qui prend forme et solidité, est sorti, ville et jardins, de ma tasse de thé. »
PROUST Marcel, Du côté de chez Swann, GF Flammarion, Paris, 1987, p. 140-145

vu un remarquable documentaire de 55', Le Monde de Marcel Proust sur Arte
avec la voix et le rayonnement de Céleste Albaret filmée en 1973, 50 ans après
"À mon avis, même dès sa jeunesse, il n’a voulu qu’écrire… Ses sorties de salons n’ont été qu’une espèce d’alimentation de son œuvre. Parce que depuis toujours il emmagasinait, et il n’a vécu que de ça."
La voix qui raconte est celle de Céleste Albaret, gouvernante et confidente des huit dernières années de Marcel Proust, de 1914 à 1922 (quarante-neuf heures d’entretien avec elle, enregistrées en 1973, ont été retrouvées récemment dans les fonds de la Bibliothèque nationale de France). Armé de son sens de l’observation et de son acuité psychologique, l’auteur d’"À la recherche du temps perdu", fils d’une héritière de la bourgeoisie juive et d’un père médecin, incarnation même du mérite républicain, s’est immergé dans les boudoirs de la Belle Époque comme dans les hôtels de passe homosexuels pour donner chair aux centaines de personnages qui peuplent son œuvre-monde. C’est par l’entremise du flamboyant comte de Montesquiou, dandy insolent immortalisé sous les traits épaissis du baron de Charlus, que le futur écrivain, à force de flatteries, a réussi à pénétrer les hautes sphères de la société. De la belle et influente comtesse Greffulhe, qui inspira la figure de la duchesse Oriane de Guermantes, au jeune et aimé Alfred Agostinelli, qui fut l’un des modèles du personnage d’Albertine, les êtres qui accompagnèrent la vie de Marcel Proust sont entrés, métamorphosés et mêlés à d’autres, dans le chef-d’œuvre éternel qu’il nous a légué, odyssée sur la mémoire, la hiérarchie sociale, l’amour et l’écriture, qui débute à la fin des années 1870 pour s’achever au lendemain de la Grande Guerre.
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intéressant de me souvenir de ce que mon esprit a retenu de ce documentaire
- le livre imaginé et fabriqué comme une robe et pas conçu, réalisé comme une cathédrale 
et de vagabonder, Marcel rencontrant YSL, j'ai imaginé, je ne raconterai pas
Marcel va assister aux sévices corporels que se fait infliger Charlus dans un hôtel de passe parce que ça ne peut pas s'imaginer
mais son esprit, son corps est si réceptif que lorsqu'il goûte la madeleine qui aurait pu être une biscotte ou du pain grillé (mots présents, raturés, dans le manuscrit), c'est à une remontée de sensations qu'il nous fait participer, nous mettant l'eau à la bouche
- quand il se met à l'écriture, il écrit le début et la fin, d'emblée; entre, ce sera le flux, ce seront les entremêlements
je fais une fois de plus l'expérience qu'un film impressionne autrement que des mots
allez, je me fais une deuxième séance
B bbb J / place aux joyeux
promenade au pays de Proust via internet suite au documentaire vu sur Arte
et de penser à la fabrique du Guépard de Lampedusa
qui se penchera sur les mystères de telles oeuvres
érudits, suivez vos chemins
rêveurs et poètes, cheminons sur chemins qui sont comme sillages sur la mer suggère Antonio Machado
incroyable comme je perçois maintenant que tout est une question de points de vue
 
change tes mots, change ton regard, change le souvent
et ce que tu crois être, comme Marcel Proust l'exprime, métamorphose de toi par le temps (donc passif dans ce jeu où les amours inconstantes se défont, où la monstrueuse t'attend) 
devient toi te métamorphosant, jouant à retourner le temps, au soleil des jeunes filles en fleurs
cher Marcel, j'ai raté ton centenaire, je rate beaucoup d'anniversaires 
mais je célèbre beaucoup, un moment, une personne, un souvenir 
tout passant dans l'éternité de l'instant présent
j'aime ce titre Mourir n'est pas te perdre de Christophe Dauré
Michel Eyquem proposait qu'on se la représente de toutes les manières possibles
je ne cherche plus à me la représenter comme à venir, devant moi, dans un futur qui se rapproche 
je la sens présente en permanence, mêlée à ma vie sous la forme de l'apoptose et autres formes indicibles mais sensibles
cela rend léger et ouvre à la J, au B et aux bbb à glouglouglou
B bbb J / place aux joyeux
Vu Le temps retrouvé de Raoul Ruiz
film que j'ai trouvé éblouissant, qui a déjà 24 ans (1999)
je l'ai reçu comme rembobiné
le temps retourné de Proust Marcel
ou au soleil des jeunes filles en fleurs
réel retentissement du film sur moi (nuit de pleine lune et petit matin d'encore pleine lune) : 
de la recherche du temps perdu au temps retrouvé semble se dessiner un chemin emprunté par Marcel Proust découvrant me semble-t-il que le seul temps est le présent, à vivre dans l'immédiateté des sensations, émotions, sentiments qui passent comme fleurs fanent et tombent après avoir écloses
évidemment l'oubli des souvenirs, la traversée du Léthé, la mort des amours sont vécus intensément, asthmatiquement, par Marcel, au souffle court, aux phrases interminables semblant vivre au flux des associations 
les flots de la rivière en générique donnent le la
allez à 2 H 26, dialogue dans le miroir entre le Marcel adolescent et le Marcel adulte 
moi je suis déjà mort plusieurs fois, j'ai tenu à Albertine plus qu'à ma vie puis j'ai cessé de l'aimer, pareil pour Gilberte, à chaque fois je suis devenu quelqu'un d'autre, c'est comme ça que la mort nous devient petit à petit indifférente
tu dis ça pour te rassurer
non ce n'est pas pour moi que j'ai peur, c'est pour mon livre, il me faut encore un peu de temps
--------------------------------------------
cher Marcel, je ne vis pas les amours dites mortes comme mortes
un amour pour moi est vécu sur le mode de la fidélité, en ce sens qu'un amour me semble demander du temps, devoir prendre tout son temps pour telle une fleur donner tout son potentiel
la mort de l'autre n'achève pas l'amour 
c'est pourquoi j'ai écrit au soleil des jeunes filles en fleurs, le contraire de ta façon de vivre le temps, toi, à l'ombre, moi, au soleil des jeunes filles
place maintenant à la femme de pleine maturité, l'accueilles-guérisseuse
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani
Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic /  Issâ Padovani

Yves Tanguy / Joseph Delteil / Georges Brassens / Agnès Varda / Christian Bobin / Jean-Yves Leloup / Thierry Zalic / Issâ Padovani

Lucy Pereyra Marie Morel Joie à Mirepoix Rachel Kaposi
Lucy Pereyra Marie Morel Joie à Mirepoix Rachel Kaposi
Lucy Pereyra Marie Morel Joie à Mirepoix Rachel Kaposi
Lucy Pereyra Marie Morel Joie à Mirepoix Rachel Kaposi

Lucy Pereyra Marie Morel Joie à Mirepoix Rachel Kaposi

Eric Borgniet Annie Bergougnous
Eric Borgniet Annie Bergougnous

Eric Borgniet Annie Bergougnous

jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange
jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange

jeu heureux sur la plage / heureux à corps ça vit / le baiser à Avers sur les eaux / Katia / Cyril / Katia / Cyril Roméo / Rosalie et la mésange

à Lisbonne en conversation avec Fernando Pessoa et ses hétéronymes qui lui dit

"Je ne suis pas pressé. Pressé pour quoi ?
La lune et le soleil ne sont pas pressés : ils sont exacts.
Être pressé, c’est croire que l’on passe devant ses jambes
Ou bien qu’en s’élançant on passe par-dessus son ombre.
Non, je ne suis pas pressé.
Si je tends le bras, j’arrive exactement là où mon bras arrive.
Pas même un centimètre de plus.
Je touche là où je touche, non là où je pense.
Je ne peux m’asseoir que là où je suis.
Et cela fait rire comme toutes les vérités absolument véritables,
Mais ce qui fait rire pour de bon c’est que nous autres nous pensons toujours à autre chose
Et sommes en vadrouille loin d’un corps." 

Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse
Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse

Annie Le Quesnoy 1966 / Avers sur les eaux 25/12/2020 à 00H 00 = naissance de Vita Nova / Rosalie et Katia / Rosalie par Hélène Théret / en conversation avec Pessoa à Lisbonne en août 2022 / Dieu est amour au Christ-Roi à Lisbonne / par la fenêtre du peintre Michel Dufresne / Voeux du peintre JP Grosse

Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG / la métamorphose de J.C. en Vita Nova le 25/12/2020 à 00H 00
Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG / la métamorphose de J.C. en Vita Nova le 25/12/2020 à 00H 00
Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG / la métamorphose de J.C. en Vita Nova le 25/12/2020 à 00H 00
Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG / la métamorphose de J.C. en Vita Nova le 25/12/2020 à 00H 00

Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse entre Emmanuelle Arsan et JCG / la métamorphose de J.C. en Vita Nova le 25/12/2020 à 00H 00

La parole éprouvée
Chant pluriel singulier
(116 poèmes écrits entre 1956 et 2002, Les Cahiers de l'Égaré, 14/02/2002)
profère
à la lumière de l’aphorisme de Marie de Gournay
– fille d’alliance de Michel de Montaigne –
L’homme est l’œuvre d’une ombre et son œuvre est son ombre
« Pour le poète, et Jean-Claude Grosse est poète, le temps le plus désirable du verbe est, non le passé ni le futur, mais le présent. Et les dés désespérés des mots ne tiennent pas leur pouvoir seulement de la science et du style mais d’abord de l’amour. L’amour et la mémoire de l’amour, comme les chats de Schrödinger, ont plusieurs vies possibles. Chacune d’elles ne
se réalise que lorsqu’elle est exprimée. Alors, à force de mots justement proférés, le solstice d’été aux bords saphiques de l’Égée, Aphrodite aux seins de violettes, Hélène, la lyre d’Orphée, la tentation du labyrinthe inventent le seul langage voué à la durée. Il suffit qu’un baiser soit interdit pour toujours au poète – et désir, délire, dérive, plaisir sont faits œuvre par la parole éprouvée. »
Emmanuelle Arsan
-----------------------------------------
116 poèmes écrits, édités en 46 ans
aujourd'hui j'en supprimerais quelques-uns de la section poèmes engagés
quel con ai-je été de me croire en charge de changer le monde !
il m'a fallu atteindre 80 ans passés pour passer de connard à Bonnard
c'est donc un changement récent
il me semble aujourd'hui qu'il n'y a rien à changer, rien à ajouter, rien à retrancher
y en a un qui a dit (un physicien, je crois)
rien ne se perd, rien ne se crée, tout se transforme
mais ce n'est pas de notre fait
croire au pouvoir de la volonté ajoute de la négativité
tout accepter
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002
La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002

La Parole éprouvée, parue le 14/02/2002

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L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

4 Décembre 2022 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #J.C.G., #agora, #développement personnel, #note de lecture, #pour toujours, #écriture- lecture

L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer
L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

L'impitoyable aujourd'hui 

Emmanuelle Loyer 

Flammarion, septembre 2022

 

Ce livre est sorti à point nommé, alors que, suite au livre-labyrinthe Et ton livre d'éternité ?, je remets en question, en perspective, la plupart de mes croyances, de mes paradigmes historiques, scientifiques, métaphysiques, politiques et idéologiques.
Cela me fait du bien de voir s'effondrer ou basculer « mes » croyances, convictions, certitudes d'une soixantaine d'années. À 82 ans, tabula rasa. On ne sait rien. Grande humilité pour accepter le miracle de la naissance, le mystère de la mort, pour vivre la vie avec gratitude, pour respecter la vie dans sa diversité et son unité.

De ce champ de ruines, je ne sors pas effondré mais animé du projet : quoi à la place ?

Ayant pris conscience 

que tout est croyance, les certitudes ou vérités dites scientifiques, les preuves ou faits historiques, les arguments philosophiques et métaphysiques, les convictions politiques et idéologiques

que tout est récit, que ce que je prends pour le réel est l'effet du récit que je tiens sur ce que je crois être le réel et qui l'engendre

que ce sont les mots que j'emploie qui crée le réel, que les mots ne sont pas les traducteurs d'un réel pré-existant, objectif, extérieur

alors la tache devient celle-ci : quel récit veux-tu tenir aujourd'hui puisque tu es l'auteur du récit qui va donner sens ou valeur à ta vie, présence à ton réel ? Quels mots veux-tu utiliser pour créer ton réel ?

 

L'essai d'Emmanuelle Loyer ne répond en aucune façon à cette invention, fabrication du réel que je désire par les mots que j'utiliserai. Il a par contre un pouvoir de remise à l'heure des pendules. Les grands récits, récit national par exemple, s'effondrent, grâce à des frondeurs, des chercheurs de l'autre face des Lumières, des points aveugles des éclairages enseignés, appris sans grand esprit critique. Car il faut du temps pour que les ombres, les fantômes mis sous le tapis se fassent entendre. La révolution française est-elle vraiment une révolution libératrice, émancipatrice ? Liberté, égalité, fraternité, à quels prix ? Avec quels effets dans le monde ? La révolution industrielle anglaise est-elle la continuation technique et économique de la révolution politique française ? D'où vient la croyance au progrès ? D'où viennent les deux guerres mondiales de la 1° moitié du XX° siècle ? Devant ce qui s'appelle 

l'accélération de l'histoire au travers de la modification agressive des frontières dans l'Europe commencée avec l'aventure napoléonienne, suscitant par effets-boomerang la naissance de nationalismes revanchards, 

l'accélération des inventions techno-scientifiques, bouleversant en permanence le quotidien des gens, y a t-il de la résistance, de la résilience, de la survivance ? 

Quelles formes ont pris les manières de ne pas vivre avec son temps ?

 

Emmanuelle Loyer, historienne, ethnologue, lectrice d'oeuvres littéraires nous emmène chez le dernier des Mohicans avec Fenimore Cooper, le dernier trappeur de la taïga, Derzou Ouzala avec Vladimir Arseniev, dans l'île de Sakhaline avec Anton Tchekhov, en Amazonie, chez les Nambikwara avec leur dernier témoin Lévi-Strauss, chez ceux qui sont arrivés trop tôt ou trop tard, les déçus de l'histoire ayant perdu leurs illusions, n'ayant que la peau de chagrin de l'Histoire, ambivalents par rapport à l'Histoire au présent (Chateaubriand, Stendhal, Hugo), dans certaines campagnes françaises, à Nohant dans le Berry chez George Sand devenue grand-mère et sorcière après avoir créé et animé La Cause du peuple (3 N° en 1848), à Minot dans le Doubs où disparaissent les vieilles façons de dire et de faire de la laveuse, la couturière, la cuisinière avec Yvonne Verdier, sur l'Èvre, un affluent méconnu de la Loire avec Julien Gracq, dans l'empire austro-hongrois de La marche de Radetzky avec Joseph Roth, à Donnafugata en Sicile à l'achèvement de l'aristocratisme avec Giusepe Tomasi Lampedusa, à Gagliano où le Christ n'est jamais arrivé avec Carlo Lévi et Ernesto De Martino, à Višegrad sur le pont Mehmed Pacha Sokolović franchissant la Drina avec Ivo Andrić, en Angleterre dans les châteaux gothiques et maisons hantées de Marie Shelley, pendant que le temps devient horloger avec la mécanisation des métiers à tisser, modifiant le temps du sommeil avec Edward Palmer Thompson et Jacques Rancière, en Russie à Borodino dans Guerre et Paix de Tolstoï où Napoléon est vu par l'oeil de son serviteur, par le petit bout de la lorgnette évoquant le petit homme de la boucherie (le mot est dans le roman) et non le grand stratège et où avec Koutouzov, on saisit les mille et unes micro-décisions décidant du sort d'une bataille et d'une armée en déroute, boucherie produite par l'exaltation patriotique des nationalismes en formation et produisant des fous se prenant pour Napoléon, des hallucinés ayant l'angoisse de perdre la tête, d'être décapités (la terreur fut un gouvernement des émotions par les émotions, un déchaînement paranoïaque de politique dite de salut public), en Russie soviétique à Stalingrad avec Vie et destin de Vassili Grossman, en Allemagne année zéro avec Winfried Georg Maximilian Sebald, à Berlin à l'arrivée des troupes soviétiques avec une femme anonyme, dans une ville, aujourd'hui ukrainienne, Lviv, d'où sont issus les inventeurs (Hersch Lauterpacht, Raphaël Lemkin) de deux concepts juridiques : crime contre l'humanité, génocide (18 ans après ce qui s'appellera génocide arménien, décrit par Frantz Werfel dans Les Quarante Jours du Musa Dagh paru en 1933), Lemkin mettant le doigt sur le propre de cette guerre totale « cette guerre n'est pas menée par les nazis seulement pour des frontières mais pour transformer l'humanité à l'intérieur de ces fontières. », sur deux siècles (XIX-XX°) pour terminer par la longue durée étudiée par certains historiens (Lucien Febvre, Fernand Braudel), par la spécificité du temps des isolés (Proust dans sa chambre, Barthes au sanatorium), par la vieillesse vécue comme vita nova pendant une vingtaine d'années par George Sand ou Colette (L'étoile Vesper, 1946) ou Vita Sackville-West (Toute passion abolie, 1933), et par le voyage Dans la nuit et le vent de Patrick Leigh Fermor, 19 ans en 1934, parcourant entre 1933 et 1935 à pied et en diagonale, du nord-ouest (Rotterdam) au sud-est (Istanbul), en suivant deux voies fluviales, le Rhin puis le Danube, la face européenne de la Terre dont Bruno Latour fait un être vivant avec l'hypothèse Gaïa. 

 

Cet essai est tellement riche (l'énumération qui précède en donne un aperçu) que je ne cherche pas à en rendre compte, renvoyant chacun à sa lecture éventuelle.

L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer
L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

Par contre, oui, tenter de dire quels mots je souhaite utiliser pour créer le réel dans lequel je désire vivre.

Et ce seront d'abord les mots de Lévi-Strauss, le témoin triste disant dans Tristes tropiques « Le monde a commencé sans l'homme et s'achèvera sans lui. » Mais ce constat, né de l'opposition entre les sociétés froides, les sociétés premières, et les sociétés chaudes (la civilisation moderne née à la Renaissance), particulièrement entropiques, désagrégatrices ne doit pas nous empêcher de jouer notre partie et de la jouer le mieux possible. Là Rousseau est préférable à Descartes. Celui-ci exprime les certitudes du moi (je pense donc je suis), Rousseau exprime la sortie des évidences du moi, l'identification à autrui, la pitié, aujourd'hui, on dirait la compassion ou l'amour inconditionnel (je panse donc je suis, je prends soin). « La conscience de la vanité du sens n'est pas un extincteur de la quête de compréhension, la conscience de la finitude n'est pas un découragement à l'action. » p.125

En 1976, Lévi-Strauss propose à la commission des lois de l'Assemblée Nationale, une charte du vivant, une réforme de la morale et de la politique fondée sur la beauté du monde et sa caducité. La valeur de toute chose est dans son irremplaçabilité. Il faut célébrer les choses mêmes en dehors de l'usage ou de la perception du sujet, dans la réconciliation de la morale avec l'esthétique et de l'homme avec la nature, dans le respect de tout ce qui naît, vit, meurt, de la bactérie à la galaxie en expansion accélérée, du virus au trou noir glouton.

Ce respect intègre le respect de soi, l'estime de soi, l'acceptation, l'affirmation de mon caractère irremplaçable, l'acceptation de mon unicité, de ma singularité.

D'où l'interrogation : Au lieu de se demander « qu'est-ce que je veux de la vie ? », une question plus puissante est : « qu'est-ce que la vie veut de moi ? ». Eckhart Tolle

 

En ce qui me concerne, j'opte pour une curiosité à 360°, circulaire horizontale, sphérique toutes directions, de la bactérie aux galaxies, des virus à nous et nous, à moi et moi,  à je et je est un autre,  à toi et tu...

L'infinie variété du vivant me passionne, l'infinie diversité des humains aussi.

Tout accueillir, tout ce qui se manifeste, sans jugement, sans tri, du salaud au saint, du monstrueux au sublime (il y a du monstre, du sublime, du normal, du foldingue... dans tout humain) ; si ça se manifeste, c'est que c'est nécessaire (y en a qui appellent ça hasard) 

qui suis-je pour trier ? ça c'est bon, ça c'est mauvais ?

du miracle de la naissance au mystère de la mort, se vivre comme goutte dans l'océan-comme océan dans la goutte, comme agitation des vagues de surface-comme immobilité des profondeurs

la VIE comme vibration information énergie


 

L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer
L'impitoyable aujourd'hui / Emmanuelle Loyer

Le temps du confinement fut un temps de révélation de l'essence-ciel pour certaines et certains.

Le temps du confinement fut un temps de confinement pour tout un chacun du monde

dans la ronde arrêtée du monde

un temps imposé d'isolement par les pouvoirs du monde mais pas sur la ronde du monde

une prison mondiale pour humains, mais pas pour animaux, végétaux, minéraux

chacun chez soi, chacun pour soi

(à chacun de se situer entre les extrêmes de ces deux expressions pouvant comprendre tout le monde, chacun dans sa singularité de situation, de confortable à insupportable, chacun dans sa spécificité d'être, d'altruiste à égoïste)

avec rares autorisations de sorties pour s'approvisionner, s'oxygéner

sans pénurie organisée sans chaos engendré

sans insurrections provoquées sans révoltes spontanées

un parmi huit milliards de prisonniers soumis volontaires

nourris, blanchis, chauffés, « protégés » du virus

né d'une soustraction CAC 40 - COP 21 = COVID 19

facteur d'évolution comme tout virus mutant de variant en variant

contre lequel big pharma était en « guerre » totale

contre lui COVID 19 qui nous avait mis en grève générale

un parmi huit milliards

faisant ce qu'ils voulaient de leur temps d'isolement diversement vécu

faisant ce qu'il voulait de son temps de solitude aimée, oh oui, bien aimée !

même la route passant en dessous de chez lui avait été fermée pour deux ans

pas de travail contraint, de télé-travail

pas de travaux forcés d'intérêt général

découvrant ainsi la liberté intérieure, la fluidité de l'impermanence gommant la rigidité de toutes ses identités, découverte par bien des prisonniers avant lui

prisonniers dans des prisons d'états, dans leur propre prison ou celle d'une maladie, asile d'aliénés, sanatorium de tuberculeux

et qui ont soigné un peu le monde en souffrance parce que s'étant remis synchrones avec leurs rytmes internes et externes (coeur, respir, cycles journaliers, saisonniers...)

découvrant sa liberté créatrice jusque-là potentielle, l'activant, en usant

faisant ainsi de lui non un homme parmi huit milliards d'humains

vivant au petit bonheur la chance au gré des circonstances, des influences

mais un homme singulier, nécessaire car seul à créer ce qu'il créait dans l'humilité et l'intimité, au secret

par un petit pas de côté, un petit glissando de travers, un petit rire sur lui - on n'en finit pas avec l'enflure du moi-je-moi-je -, une larme d'empathie pour le virus traqué dans les labos

ils furent quelques-uns à découvrir un autre usage du temps consistant à prendre le temps, à faire comme si le temps était éternel

plus de compétences à avoir, d'originalité à exhiber, de domination à exercer, plus de temps compté, émietté, mesuré


 

du temps prenant son temps

c'est ce que quelques-unes redécouvrirent

que le temps c'est le présent, que c'est un présent

car c'est depuis toujours, le temps des femmes, le temps de l'attention au présent, au présent de l'enfant en demande, au présent de la vieille en souffrance

découvrir que l'éternité est dans le moment présent

pas dans regrets et souvenirs du passé

dans projets et désirs de lendemains qui chantent et dansent

ce fut ce qui jaillit de la prison mondiale


 

il n'y a rien à ajouter, rien à retrancher au monde

il n'y a rien à juger, rien à séparer

le bon grain de l'ivraie, le bien du mal, le beau du laid, le doux du cruel

tout est déjà là, dans sa diversité, ses contrariétés, ses complémentarités

avec ses effets-miroirs

l'autre détesté c'est moi, l'autre aimé c'est moi

et si tu me détestes, c'est toi et si tu m'aimes, c'est toi

tout est à cueillir, accueillir, recueillir

tout est partageable, tout est à partager

depuis je chante sans forcer la voix, léger comme murmure de filet d'eau, danse avec l'absente dans mes bras ouverts, goûte à ma cuisine-maison, déguste mes breuvages et infusions, redécouvre pissenlits, roquettes, herbes sauvages, baies de myrte, olives, champignons de mon terrain non cultivé

ils et elles chantent ; quelques-uns, quelques-unes ; les autres continuent à s'affronter

ils et elles dansent ; quelques-uns, quelques-unes ; les autres continuent à s'entr'envier

les quelques-uns ne croient même pas utiles de garder traces écrites, dessinées, peintes de leurs bonheurs

ce sont des bonheurs minuscules de vies minuscules centrées sur l'essence-ciel

ils se regardent, s'enlacent, s'embrassent, se caressent

ils se sentent regardés, enlacés, embrassés, caressés par tout ce qui existe, vit, meurt de la bactérie à la galaxie en expansion, du virus au trou noir glouton

ils sont en lien, reliés

ils tissent la tapisserie mystique de la dame à la licorne

ils sont un point à l’endroit, un point à l’envers de la grande tapisserie cosmique

les fleurs séchées égrènent leurs graines

de nouvelles germinations engendreront de nouvelles floraisons

le temps du confinement en prison mondiale a été pour certaines et certains le temps de la libération de leur puissance créatrice, génitrice de leur liberté intérieure, inaliénable.


 

Jean-Claude Grosse, le 4 décembre 2022, Le Revest

 

 

 

l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur, en cours d'écriture, j'ai le chasseur, manque la guérisseuse

l'accueilleuse-guérisseuse et le chasseur, en cours d'écriture, j'ai le chasseur, manque la guérisseuse

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apocalypse now

8 Novembre 2021 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #agora, #développement personnel, #pour toujours, #spectacle, #écriture- lecture

le trou noir qu'est tout un chacun

le trou noir qu'est tout un chacun

séquence initiale, finale, Willard attend-il une mission, l'a-t-il déjà accompli / le haut-commandement / la chevauchée pour faire du surf de Kilgore / Willard couvert de boue pour aller tuer Kurtz / Les derniers mots de Kurtz: l'horreur, l'horreur
séquence initiale, finale, Willard attend-il une mission, l'a-t-il déjà accompli / le haut-commandement / la chevauchée pour faire du surf de Kilgore / Willard couvert de boue pour aller tuer Kurtz / Les derniers mots de Kurtz: l'horreur, l'horreur
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Apocalypse now final cut

 

revu sur Arte Apocalypse now final cut

 

méditation sur « l’horreur », « l'horreur » expiré deux fois par le colonel Kurtz qui vient d'être assassiné par Willard, horreur non définie mais suffisamment vue sous toutes ces facettes (les mensonges des politiques, de l'armée, du haut-commandement, le Tout-Puissant s'adressant par radio aux ?, voulant faire exécuter Kurtz par Willard, mission secret défense, pour actions de guerre « malsaines »; les scènes de tueries : la chevauchée des hélicos, le massacre du sampang, l'affrontement avec l'invisible viet injurieux du pont de Do Lun, les décapités exposés par les zombies du colonel), méditation en noir absolu, le noir vantabrak, le noir des trous noirs absorbant toute lumière, toute clarté

mais on le sait aujourd'hui, trou noir laissant s'évaporer un infime rayonnement permettant de rendre transparente l'opacité de l'âme humaine saisie par la sauvagerie, la régression, en toute lucidité, jusqu'au bout, jusqu'à la mort car Kurtz désire mourir et par là échapper au mal absolu dont il est un des outils; sa mort, c'est sa rédemption, sa libération

l'horreur atteinte par le non-jugement, la mort atroce (par décapitation, par napalm, à l'aveugle) donnée sans aucun affect par des tueurs froids, en état second, en transe (possédés par thanatos et dépossédés de leur raison, de leur volonté) comme quand est mis à mort le buffle; c'est ce que la professionnalisation des armées cherche à engendrer, des tueurs expérimentés, froids, sans question sur le but et les moyens de la guerre (la fin justifie-t-elle les moyens ?), comme des robots, comme des James Bond multipliés par « 10 divisions » dit Kurtz avant l'aveu final « envoyez la bombe pour les exterminer tous », condamnation  en bloc et définitive de l'espèce humaine, comme des mercenaires, comme les fanatiques de toute guerre sainte; comme les monstres froids de la Terreur pendant la révolution ou contre-révolution française, décapitant à tour de bras au nom des Lumières, de la Raison universelle; ou la froide machine à terreur stalinienne, d'abord léniniste; ou les praticiens-théoriciens de la torture en Algérie ; ou les gardes rouges de la révolution culturelle maoïste ; ou les Khmers rouges de Pol Pot, sans oublier le fait massif du colonialisme et de l'esclavage...

cette phrase de Roxanne dite par Aurore Clément, en tout homme, il y a deux hommes: celui qui tue et celui qui aime (vrai pour une femme aussi d'après moi) dit assez les deux pulsions à l'oeuvre dans l'être humain, eros, thanatos et avec eros, les deux faces de la médaille

le premier dualisme freudien est celui des pulsions sexuelles et des pulsions du moi ou d'auto-conservation, lesquelles correspondent à des grands besoins comme la faim et la nécessité de s'alimenter ; la pulsion sexuelle se détache des fonctions d'autoconservation sur lesquelles elle s'étaye d'abord; le deuxième dualisme sera entre éros et thanatos

dit par Kurtz : « Dans l’esprit de tout homme, un combat se livre toujours entre le rationnel et l’irrationnel, entre le bien et le mal. Et le bien ne triomphe pas toujours »

en contre-point de ce noir absolu, la méditation partagée par Deepak Chopra est le pendant rose de la vie créative; la liberté que nous connaissons lorsque nous nous débloquons et entrons dans notre vie illimitée est la liberté spirituelle de notre vrai moi. Nous rayonnons cette liberté sous forme d'amour, de paix, de compassion et de joie. Cette lumière de notre moi créatif est notre don le plus précieux au monde, car elle unit, guérit et élève tous ceux qu'elle atteint

à quoi Sigmund Freud répond dans Malaise et civilisation, en substance : "On peut toujours unir, par les liens de l'amour, un nombre de plus en plus grand d'êtres humains, mais à condition qu'il en reste en dehors, pour recevoir les coups."

à méditer, sachant que c'est mon jugement qui crée la réalité; Freud en disant ce qu'il dit n'énonce pas une vérité objective, il crée une réalité avec les aimants et ceux auxquels ils portent des coups; l'horreur à laquelle a succombé Kurtz est née de sa façon de voir le monde qui n'est pas hors de lui

car nous ne sommes pas dans le monde, c'est le monde qui est en nous, nous le créons et le co-créons si on est dans le partage;

s'il y a une guerre à mener c'est contre soi-même

" La guerre la plus dure, c’est la guerre contre soi-même.

Il faut arriver à se désarmer.

J’ai mené cette guerre pendant des années, elle a été terrible.

Mais je suis désarmé.

Je n’ai plus peur de rien, car l’amour chasse la peur.

Je suis désarmé de la volonté d’avoir raison, de me justifier en disqualifiant les autres. Je ne suis plus sur mes gardes, jalousement crispé sur mes richesses. J’accueille et je partage.

Je ne tiens pas particulièrement à mes idées, à mes projets.

Si l’on m’en présente de meilleurs, ou plutôt non pas meilleurs, mais bons, j’accepte sans regrets.

J’ai renoncé au comparatif. Ce qui est bon, vrai, réel, est toujours pour moi le meilleur.

C’est pourquoi je n’ai plus peur. Quand on a plus rien, on n’a plus peur.

Si l’on se désarme, si l’on se dépossède, si l’on ouvre au Dieu Homme qui fait toutes choses nouvelles, alors, Lui, efface le mauvais passé et nous rend un temps neuf où tout est possible. "

Patriarche Athénagoras par Michel Schwab via Thierry Zalic

 

c'est ce qui se produit avec le capitaine Willard, assassin de Kurtz, tuant Kurtz non plus par obéissance à la hiérarchie comme rouage d'une machinerie mais parce qu'ayant étudié le dossier de cet officier, ayant vécu avec grande réserve, à distance tous les aspects de la guerre comme chaos d'où ne naît aucun nouvel ordre, ayant compris Kurtz de l'intérieur, par une forme d'empathie, il le massacre comme le désire Kurtz, lucidement sauvage pour le libérer de son destin de tueur 

alors Willard renonce à sa serpe, à son arme, au statut que les guerriers veulent lui reconnaître, renoncement les désarmant au sens propre

apocalypse now = initiation, rédemption, révélation au sens étymologique

 

je pense que je suis sous influence quand je suis réceptif à l'état du monde et que j'éprouve des sentiments de culpabilité; genre je suis un descendant d'esclavagistes, je suis d'un pays de colonisateurs et je m'en sens responsable, impuissant à effacer ce passé; il me semble que la solution est la compassion envers moi, les ancêtres-bourreaux et les victimes; ce sentiment de culpabilité n'est pas permanent: il est provoqué par des lectures, des connaissannces; idem pour le sentiment d'impuissance face à ce qui me semble être le devenir de l'humanité, un suicide collectif

le fait davoir une vision globale où je suis une partie du Tout, où le Tout est en moi, une vision globale me rendant responsable du Tout est sans doute une marque d'orgueil et la cause d'un certain mal-être qui ne m'empêche pas de savourer la vie au présent et dans ses détails

je vais tenter d'utiliser l'outil chamanique du dessin spontané pour laisser s'exprimer culpabilité invasive, responsabilité écrasante

dans ma relation aux autres, je me vois rayonnant, bienveillant; dans ma relation à la nature, je me vois attentif et sensible à la beauté, aux détails, émerveillé en touchant, écoutant, sentant; dans ma relation à mon corps, je m'aime, je n'ai pas de réserves, je me prends tel que je me vois, n'hésitant pas à me caresser, à me parler positivement

je suis pessimiste sur l'avenir de l'humanité; je suis facilement attristé (plus que révolté) par les malheurs qui frappent les personnes et les peuples; je ne crois plus aux capacités de changements par la politique, la révolution, la guerre, la paix et autres mouvements sociaux

sentiment de pessimisme profond quant à l'avenir, sentiment de culpabilité et de responsabilité en lien avec les atrocités commises par les hommes contre d'autres hommes, contre les femmes, les enfants, les animaux, la terre... ces sentiments me semblent des sentiments justifiés, justes, légitimes, honorables mais ils empêchent de vivre un peu le moment présent

 

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Méphisto Rhapsodie / Samuel Gallet

6 Octobre 2020 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #note de lecture, #spectacle, #développement personnel

A quoi bon faire du théâtre quand l’extrême droite frappe aux portes du pouvoir ? Mephisto {rhapsodie} traverse les petitesses de la scène pour donner à penser l’avenir brûlant.

C’est la première création de Jean-Pierre Baro mise à l’affiche du Théâtre des Quartiers d’Ivry, CDN qu’il dirige depuis le mois de janvier. Mephisto {rhapsodie} raconte l’ascension d’un comédien arriviste, ses compromissions pour accéder au succès, jusqu’à sa nomination à la tête d’un théâtre, dans un contexte de montée de l’extrême droite. Fruit d’une commande passée à Samuel Gallet, auteur dramaturge avec lequel Jean-Pierre Baro travaille pour la seconde fois, Mephisto (rhapsodie) est inspiré d’un roman de Klaus Mann, fils de Thomas, qui, à partir d’une histoire vraie, développe cette trame du carriérisme à tout prix dans le contexte de l’Allemagne nazie. Parallèlement à l’intrigue, au cœur de ce spectacle d’envergure porté par huit comédiens aux multiples rôles, une question taraude les personnages : « Pourquoi faire du théâtre aujourd’hui ? ». On aimerait bien le savoir, en effet. Pour tenter de trouver des réponses, suivons donc l’action de Mephisto se déployer à Balbek, imaginaire petite ville de province, rampe de lancement de la carrière d’Aymeric Dupré, cet acteur obsédé par le nombre de rappels qu’opère le public à l’issue de la représentation. Autour de lui, une directrice vieillissante ne jure que par Tchekhov, un comédien cherche à articuler son travail avec le territoire qui l’entoure, et un apprenti du cru, lui, est tenté par l’idéologie des « Premières lignes », groupe fasciste à l’irrésistible ascension. Pendant ce temps, à la capitale, se déploie le territoire bourgeois, mondain et décadent du show business et des pouvoirs.

Pourquoi faire du théâtre aujourd’hui ?

Il y a des éléments agaçants dans cette pièce. Des personnages caractérisés à l’excès. Des dilemmes rebattus. Des morceaux de bravoure un peu bavards. Une association du peuple à l’extrême droite potentiellement simpliste. Et le risque du propos endogame, d’une pièce qui ambitionne d’ouvrir le théâtre au monde mais parle avant tout du monde du théâtre. Néanmoins, convenons-en, le texte de Gallet, très bien servi par la mise en scène simple, fluide et rythmée de Jean-Pierre Baro, et par un jeu aux multiples couleurs, emporte le morceau. Sans concession sur le narcissisme de l’artiste, le surplomb moralisateur du monde du théâtre et son asthénie tchekhovienne d’univers moribond, Mephisto n’épargne rien à une société du spectacle qu’il griffe de partout – son propos mordant jusqu’au public même. Mais il porte en même temps une véritable tendresse pour le théâtre, un attachement, un amour. Avec ses personnages complexes et profonds, pris dans leurs contradictions, cherchant la meilleure façon d’agir, avec ou sans le théâtre, face aux dangers qui menacent, Mephisto rend de plus plausible, présente, là, véritablement devant nous, cette dystopie malheureusement de plus en plus probable d’un monde où s’imposera l’extrême droite. Quels choix cette situation nous demandera-t-elle d’opérer ? Préparons-nous à cet avenir brûlant, propose Méphisto. De réponse définitive on ne trouvera pas dans le théâtre. Mais en s’aidant du théâtre, peut-être.

Eric Demey La Terrasse, 23 octobre 2019, N° 281

Méphisto de Klaus Mann vu dans la mise en scène d'Ariane Mnouchkine 

Mephisto, Le roman d'une carrière 1979  De Klaus Mann  

Traduction et adaptation Ariane Mnouchkine  

Le roman Méphisto pose la question du rôle et de la responsabilité des intellectuels à la naissance du Troisième Reich. La fable qui, pour nous, s’est dégagée du roman pourrait se formuler ainsi : le spectacle serait l’histoire de deux comédiens, liés par l‘amitié, également passionnés de théâtre, également talentueux, également préoccupés de la fonction politique, voire révolutionnaire, de leur art, dans l’Allemagne de 1923.  « Pour qui est-ce que j’écris ? Qui me lira ? Qui sera touché ? Où se trouve la communauté à laquelle je pourrais m’adresser ? Notre appel lancé vers l’incertain tombe-t-il toujours dans le vide ? Nous attendons quand même quelque chose comme un écho, même s’il reste vague et lointain. Là où on a appelé si fort, il doit y avoir au moins un petit écho. » Klaus Mann

Mes nouvelles convictions politiques

J'ai assisté samedi 4 octobre 2020 à 17 H à une lecture d'une durée d'1 H à la Bibliothèque Armand Gatti à La Seyne sur Mer dans le cadre de la résidence d'écriture de Samuel Gallet accueilli pour un mois par la Saison Gatti-Le Pôle, lecture d'entrée de résidence, à 8 voix, d'un découpage de son dernier texte Méphisto Rhapsodie, inspiré du Méphisto de Klaus Mann. Lecture puissante qui m'a interpellé.

J'ai pu mesurer à cette occasion combien j'avais évolué.

Le combat politique mondial (un certain combat politique, au minimum à gauche, plus souvent à l'extrême-gauche, pro-révolution tendance trotskyste, PCI, anti-stalinien, anti-social-démocrate, anti-capitaliste, anti-impérialiste / jugement de François Mauriac dans ses Mémoires intérieures : « Du point de vue de l'Europe libérale, il était heureux que l'apôtre séduisant de la révolution permanente ait été remplacé par l'horreur stalinienne : la Russie est devenue une nation puissante, mais la Révolution (en Europe) a été réduite à l'impuissance. Plus j'y songe et plus il apparaît qu'un Trotsky triomphant eût agi sur les masses socialistes de l’Europe libérale et attiré à lui tout ce que le stalinisme a rejeté dans une opposition irréductible : Staline fut à la lettre " repoussant ". Mais c'est là aussi qu'il fut le plus fort, et les traits qui nous rendent Trotsky presque fraternel sont les mêmes qui l'ont affaibli et perdu et de mettre Trotsky au niveau de Tolstoï et Gorki) qui me paraissait nécessaire il y a peu encore, jusqu'à l'épuisement du mouvement des Gilets Jaunes quand le mouvement syndical a repris la main avec le combat pour la défense des retraites (décembre 2019), entraînant confusion et collusion a cessé de me paraître nécessaire avec la crise de la Covid 19 et la sortie partielle du confinement (quelle aubaine pour un pouvoir déliquescent de pouvoir faire ramper des millions de gens à coups de mensonges et manipulations médiatiques !). Dès octobre 2019, je participais à un groupe Penser l'avenir après la fin des énergies fossiles (en lien avec la collapsosophie de Pablo Servigne) tout en continuant à participer à un groupe Colibris (faire sa part). J'avais renoncé à assister à des assemblées citoyennes de Gilets Jaunes tant à Toulon qu'à Sanary dès juillet 2019.

Le combat politique local que j'ai aussi mené comme conseiller municipal d'une majorité (1983-1995) puis comme tête de liste d'une opposition éco-citoyenne (2008) me paraît encore jouable. Encore faut-il gagner les élections municipales ? Dans l'opposition, on ne change pas les choses.

Où en suis-je aujourd'hui, à quelques jours de mes 80 ans, le jour de la révolution d'octobre (sans doute un coup d'état de Lénine, mensonge inaugural du régime soviétique), le même jour que Pablo ?

J'ai enfin décidé que personne ne peut se substituer à nous pour prendre conscience de sa place et de sa mission de vie (qui est autre chose que vivre comme feuilles au vent selon l'image d'Homère). Aucun porte-voix, aucune instance dite représentative ne peut (ne doit) parler et agir à ma place. Décision : je ne voterai plus. Abstention.

La démocratie représentative ne représente que les intérêts du pouvoir en place (république bananière, corrompue jusqu'à la moelle) et des rapaces qu'il représente pour l'avoir mis en place (cette prise de conscience est essentielle, la démocratie représentative n'est pas la démocratie, il m'a fallu 60 ans pour l'admettre). La démocratie représentative est le leurre savamment entretenu nous faisant croire qu'en changeant de gouvernement par les élections - qui sont la dépossession de nos voix, un vol de voix - (nous perdons notre pouvoir constituant, Octave Mirbeau, Etienne Chouard, et quelques autres sont indispensables à lire), que passer de droite à gauche, de gauche à l'extrême-centre puis un jour à l'extrême-droite, on va changer les choses. Mais il est possible de savoir maintenant, par expérience depuis 40 ans avec la pensée unique, le TINA thatchérien (There is no alternative) que droite, gauche, extrême-gauche, extrême-droite, extrême-centre n'ont qu'un objectif : arriver au pouvoir et le garder. Il est possible de se convaincre aussi que les gens au pouvoir savent depuis relativement peu (20 ans) qu'en cas de mouvements profonds, durables, pacifiques ou révolutionnaires, insurrectionnels, il ne faut surtout pas lâcher le pouvoir, le quitter comme de Gaulle ou Jospin. Il faut le garder coûte que coûte par la répression, la négociation. Il faut s'accrocher, laisser passer la colère. Il faut en conclure que tout affrontement frontal n'a aucune chance d'aboutir, de changer l'ordre des choses (le mouvement des GJ autour des ronds-points fut une forme géniale; les GJ manifestant sur les Champs-Elysées, inaccessibles jusqu'à eux aux mouvements revendicatifs ou insurrectionnels, ce fut un sacré challenge réussi mais un échec).

Il faut aussi constater que dans le cadre des nations, la politique ne peut défendre que les intérêts particuliers de la nation. Et ce particularisme ne change pas avec les entités supra-nationales comme l'UE, qui ne sont pas mondiales. L'ONU elle-même ne peut être le lieu d'une politique universelle.

Deux paradoxes sont à signaler. Le 1° paradoxe c'est que les GAFA (les géants du web, américains et chinois) ont une politique mondiale, une visée de domination mondiale, haïssant la démocratie (c'est le libertarianisme anglo-saxon d'une part et l'autoritarisme bureaucratique chinois d'autre part). Le 2° paradoxe, c'est que pour les révolutionnaires, la révolution est toujours imminente alors que la réalité montre depuis 40 ans que comme le dit un ultra-riche Warren Buffet : « il existe bel et bien une guerre des classes mais c'est ma classe, la classe des riches qui fait la guerre et c'est nous qui gagnons".

Seule peut-être une politique universelle en vue du Bien serait souhaitable, en vue du Bien c'est-à-dire satisfaisant la nourriture, la santé, l'instruction et le divertissement de tous. À ce niveau universel, souhaitable ? nécessaire ? la question démographique est peut-être la plus difficile à aborder : ne sommes-nous pas trop sur une terre aux ressources limitées. Déjà Lévi-Strauss le pensait et avant lui, Malthus.

Individu n'ayant qu'un peu de pouvoir sur moi, ne croyant qu'au travail sur soi pour devenir meilleur, j'ai fait choix de ne pas écouter les informations, de ne pas regarder la télé, de ne pas aller sur les réseaux sociaux. Finie la pollution anxiogène, finie la manipulation par les fake news, dont la plupart sont distillées par les médias et le pouvoir.

Quant à toi qui es au pouvoir, tu veux y rester, tu n'y es que pour un temps, tu passeras de toute façon, tu es déjà passé. Il en sera de même pour tes successeurs. Tchao, pantins et magiciens.

Vous êtes au pouvoir, vous prenez des mesures, vous légiférez à tour de bras mais votre pouvoir sur moi est réduit à quasiment rien, j'ignore par ignorance 99% de vos lois qui ne modifient quasiment rien à mes conditions de vie. Je respecte le minimum, je porte un masque, je respecte les règles du savoir-vivre, du code de la route.

Je m'invisibilise de vos systèmes de contrôle, je suis cosmopoli avec ce qui existe, minéraux, faune, flore, vivants. Je choisis qui je fréquente (quelques amis), je travaille sur moi (à gérer mes émotions souvent archaïques, mes pulsions souvent excessives). Je n'ai plus d'ennemis; même les adversaires politiques, je les ignore dorénavant. Cette affirmation n'est pas à prendre comme un constat mais comme un processus vivant (quand je me découvre un ennemi, y compris moi-même, je m'observe, je me mets à distance, je me nettoie de l'agressivité avec une technique de clown s'ébrouant, se débarrassant de sa poussière jusqu'à ce que l'indifférence me gagne). Je n'ai plus de boucs émissaires (processus vivant avec nettoyage, dépoussiérage) : les arabes et musulmans pour les racistes (dont je suis parfois), les blancs pour les ex-colonisés (dont je suis parfois), les machistes pour les féministes (dont je suis parfois), les putes pour les machistes (dont je suis souvent). Ces binarisations du monde sont toutes douteuses : elles nous font croire que nous sommes du bon côté, du côté de la justice, de la vérité. Par exemple, la théorie du Grand Remplacement justifie les mouvements néo-fascistes. Inversement, le refus de toute relation avec la Haine du FN et du RN justifie l'extrême-gauche et l'islamo-gauchisme.

Qui aura raison, Michel Houellebecq avec Soumission, Boualem Sansal avec 2084, Alain Damasio avec Les furtifs... ?

J'ai vu au tout début des GJ (novembre 2018), le rejet de ceux-ci par tout un tas de gens bien-pensants (tous bords politiques) qui n'ont même pas compris que ceux qu'ils appelaient des bruns, venaient de la périphérie, les petits blancs invisibilisés par la société marchande et touristique, la société des bobos. Ce que j'ai compris et accepté, c'est que tout ça existe, co-existe, s'affronte et que c'est en moi, potentiellement, réellement. J'ai vu des GJ aux idées racistes être changés en deux, trois discussions. Cela veut dire que prendre pour du dur, des opinions de circonstances, en lien avec un mal-être, un mal-vivre est préjudiciable à la recherche de la paix, civile et sociale. Rien de pire qu'une guerre civile, qu'une société qui se délite, les uns dressés contre les autres.

Cela dit, nos opinions de circonstances peuvent tenir longtemps. Nous les faisons nôtres comme si le monde allait s'effondrer si on cessait de les croire nôtres. 60 ans pour moi de fidélité imbécile aux valeurs "humanistes" de la gauche radicale. C'est cette fidélité toxique aux "convictions politiques" d'à peine plus de 50% des électeurs (qui faisait que rien ne changeait si ce n'est l'alternance des couleurs politiques) qui a expliqué la montée de plus en plus massive de l'abstention pendant une vingtaine d'années, phénomène repéré mais pas pris au sérieux (c'étaient les déçus de la politique, les pêcheurs à la ligne du dimanche, les traîtres au devoir électoral, au droit de vote arraché de haute lutte par nos anciens) et qui explique en 2017, le dégagisme qui a frappé à droite, à gauche, a vu sortir du chapeau une bulle de savon miroitante.

Avec ces nouvelles convictions (plus question d'être fidèle sur le plan des soi-disant convictions politiques, ce ne sont qu'opinions largement induites par le milieu, l'époque et on les prétend siennes, c'est "mon" opinion et on s'y accroche, 60 ans durant comme moi), je n'attends plus du théâtre qu'il donne de la voix, qu'il m'ouvre la voie, une voie. J'ai fait partie du milieu, bénévolement, pendant 22 ans, créateur du festival de théâtre du Revest puis directeur des 4 Saisons du Revest dans la Maison des Comoni (1983-2004). J'ai cru par passion à la nécessité de soutenir la création artistique, de l'écriture à la mise en scène, de soutenir et susciter des formes innovantes, de soutenir et susciter l'émergence de jeunes créateurs. Ce fut une période passionnante que je ne renie pas. Mais j'ai pris conscience progressivement vers 2017-2019 que le "vrai" travail est à faire sur soi et par soi. Pas d'agir sur les autres, d'influencer les autres. Pas d'être agi par les autres, influencé par les autres.

Au théâtre, au spectacle, on est dans la représentation, pas dans la présence, pas dans le présent (le moment et le cadeau), je suis spectateur, spectacteur pour certains, je ne suis pas acteur de mon destin, de mes choix de vie à mes risques et périls. Le théâtre, lieu de représentation est comme la politique représentative. Enjeux de pouvoir, luttes de pouvoir, narcissisme exacerbé, carriérisme, opportunisme, compromissions, monde de petits requins persuadé d'avoir une mission de "création" et d'éducation (en fait, de formatage des goûts selon les critères de l'administration qui subventionne), se comportant comme le monde des grands requins (le marché de l'art est particulièrement instructif à cet égard).

Quand je vois l'éclectisme des programmations actuelles, quand je vois la pléthore de propositions faites par les lieux, je pourrais être au théâtre, au concert tous les soirs, si les moyens suivent, le cul dans un fauteuil, à applaudir ou à bouder, comme si je passais ma soirée devant la télé. Je suis un consommateur culturel et je perds mon temps, je me distrais. On sait ce que reproche Pascal au divertissement.

Impossible d'aller à l'essentiel : je suis mortel, le monde s'effondre peut-être, l'humanité va peut-être se suicider. En quoi puis-je me mettre au service de plus grand que moi, de quelle mission de vie ? Pour un autre et même pour moi, à mon insu ou consciemment car nous sommes tous complices du système, ce sera : en quoi puis-je profiter un max de ce système ?

Pour moi aujourd'hui après 60 ans de fixation, de fixette idéologique : Contemplation des beautés de la nature. Action personnelle sur soi par la méditation en particulier. Actions d'harmonie, d'harmonisation, d'élévation. Ne pas ajouter la guerre à la guerre, ne pas faire le jeu du conflit, de la mort, même si je sais que l'inhumanité a encore de très beaux jours devant elle.

Dernier point : il est évident que l'on sait, si on le veut, reconnaître ce qui est inhumain en soi, en autrui. On sait que c'est possible, que c'est réel, on ne juge pas, c'est dégueulasse, injuste, à combattre. On fait choix tant que faire se peut de l'amour de la vie, de la Vie.

Bémol de taille : ce que j'ai écrit vaut pour les "démocraties" à l'occidentale (je peux l'écrire, le publier). Je ne sais comment je me comporterais tant en Chine qu'en Russie, en Arabie saoudite ou en Turquie.

Merci à cette lecture de m'avoir permis de faire le point sur moi, être changeant et sur mes "engagements" changeants.

Jean-Claude Grosse, 6 octobre 2020

Antigone aujourd’hui ?

Antigone, dans la tradition venue de la mythologie et du théâtre grecs, est celle qui dit NON à une loi inique de la cité, Thèbes, gouvernée par le tyran Créon et lui oppose une loi universelle, au-dessus de la loi d’état, une loi dite de droit naturel pouvant être opposée au droit positif. À la loi écrite, édictée par le tyran lui interdisant de donner sépulture à son frère Polynice, elle oppose la loi non écrite mais s’imposant à elle et à tous que tout défunt doit avoir une sépulture digne et non être livré aux chiens.

Enterrés, incinérés comme des « chiens », ce fut le sort des décédés par la Covid 19 dans les EPHAD pendant le confinement du printemps 2020. Quelles Anti- gones ont bravé l’ignominie des directives gouvernementales ?

Dans les sociétés modernes, on a tendance à considérer que le concept de droit naturel doit servir de base aux règles du droit objectif. Kant (1785) et la révo- lution française (la déclaration des droits de l’homme et du citoyen du 26 août 1789) ont donc participé au progrès moral de l’humanité (en droit, mais pas dans les faits). Le droit naturel s’entend comme un comportement rationnel qu’adopte tout être humain à la recherche du bonheur (le droit au bonheur est inscrit dans la déclaration d’indépendance des Etats-Unis du 4 juillet 1776 : Nous tenons pour évidentes pour elles-mêmes les vérités suivantes : tous les hommes sont créés égaux ; ils sont doués par le Créateur de certains droits inalié- nables ; parmi ces droits se trouvent la vie, la liberté et la recherche du bonheur). Le droit naturel présente un caractère universel dans la mesure où l’homme est capable de le découvrir par l’usage de sa raison, en cherchant à établir ce qui est juste. L’idée est qu’un ensemble de droits naturels existe pour chaque être humain dès sa naissance (comme le droit à la dignité ou le droit à la sécurité) et que ces droits ne peuvent être remis en cause par le droit positif. Le droit naturel est ainsi considéré comme inné et inaltérable, valable partout et tout le temps, même lorsqu’il n’existe aucun moyen concret de le faire respecter. Les droits naturels figurent aujourd’hui dans le préambule de la Constitution française et dans les fondements des règles européennes. Le droit à la vie et le droit au respect pour tous ne sont cependant pas reconnus partout sur le globe. Pensons aux fous de Dieu. Le droit naturel selon cette conception s’impose moralement et en droit à tous. Dans les faits, ces droits naturels sont souvent bafoués, par des individus, des sociétés, des états. Ce qui fait que le droit naturel n’est pas universellement appliqué dans les faits c’est l’existence du mal radical, du mal absolu, injustifiable (la souffrance des enfants pour Marcel Conche, la souffrance des animaux d’élevage et de consommation pour d’autres), du mal impossible à éradiquer parce que si l’homme est un être de raison, il est aussi un être de liberté et c’est librement que l’on peut choisir le mal plutôt que le bien.

Le problème du mal radical et de la liberté de l’homme a conduit Kant à écrire les Fondements de la métaphysique des mœurs (1785)Selon Kant, la loi morale n’est imposée par personne. Elle s’impose d’elle-même, par les seuls concepts de la raison pure. Tout être raisonnable, du simple fait de sa liberté, doit respecter les deux impératifs, le catégorique et le pratiquepage19image1596576  page18image1668544 page18image1668752 page18image1668960

Impératif catégorique de Kant : «Agis uniquement d’après la maxime qui fait que tu peux aussi vouloir que cette maxime devienne une loi universelle. »

Impératif pratique de Kant : «Agis de telle sorte que tu traites l’humanité comme une fin, et jamais simplement comme un moyen. »

Un principe mauvais, que le sujet se donne librement à lui-même, corrompt à la racine le fondement de toutes nos maximes : le mal radical.
L’intérêt commun pour le beau dans l’art ne prouve aucun attachement au bien moral, tandis qu’un intérêt à contempler les belles formes de la nature témoigne d’une âme bonne

Ces considérations m’amènent à tenter de dire ce que serait Antigone aujourd’hui. Antigone pourra aussi bien être une femme qu’un homme, un jeune, adolescent, adolescente, enfant même. Devant les atteintes massives, permanentes aux droits universels de l’Homme (de la Femme, de l’Enfant, des Animaux, des Végétaux, de la Terre, de la Mer, de l’Air, de l’Eau...) partout dans le monde, individuellement comme collectivement, devant cette insistance de la barbarie, du mal partout dans le monde, j’en arrive à penser que dire NON à tout cela, à cette barbarie, à tel ou tel aspect de ce mal sciemment infligé (l’exci- sion, le viol comme arme de guerre par exemple) n’est plus la seule attitude que devrait avoir l’Antigone d’aujourd’hui. Les résistants à la barbarie, celles et ceux qui disent NON servent souvent d’exemple. Leurs méthodes comme leurs buts, leurs champs d’action sont variés, de la désobéissance civile à la lutte armée, de la non-violence à l’appel insurrectionnel, des semences libres à l’abolition de la peine de mort ou de l’esclavage, de la lutte contre l’ignorance à la lutte contre le viol. D’une action à grande échelle, internationale à une action locale.

Sappho, Marie Le Jars de Gournay, Olympe de Gouges, Louise Michel, Vandana Shiva, Angela Davis, Naomi Klein, Gisèle Halimi, Audrey Hepburn, Simone Veil, Simone Weil, Emma Goldmann, Ada Lovelace, Marie Curie, Margaret Hamilton, Germaine Tillon, Rosa Parks, Rosa Luxemburg, Joan Baez, Lucie Aubrac, Frida Khalo, George Sand, Anna Politkovskaïa, Anna Akhmatova, Sophie Scholl, Aline Sitoé Diatta, Brigitte Bardot, Geneviève de Gaulle-Anthonioz, Greta Thunberg, Carola Rackete, Weetamoo, Solitude, Tarenorerer, Gabrielle Russier // Gandhi, Luther King, Trotsky, Che Guevara, Lumumba, Sankara, Nelson Mandela, Soljenitsyne, Vaclav Havel, Jean Jaurès, Victor Hugo, Victor Jarra, Victor Schoelcher, Aimé Césaire, Pablo Neruda, Jacques Prévert, Primo Levi, Janusz Korczac, Federico Garcia Lorca, Emile Zola, Joseph Wresinski, le dominicain Philippe Maillard, Charles de Gaulle, François Tosquelles, Malcolm X, Célestin Freinet, Jacques Gunzig, Stéphane Hessel, Marcel Conche, Jean Cavaillès, Muhammad Yunus, Socrate, Siddhārtha Gautama, Jésus

Le mal radical étant l’expression de la liberté de l’homme, un choix donc (même si les partisans de l’inconscient freudien et jungien posent que la « mons- truosité » n’est pas choisie mais causée), une attitude possible d’Antigone aujourd’hui serait de dire OUI à tout ce qui existe, y compris le mal radical. Antigone en disant OUI à tout ce qui existe n’extérioriserait pas sa responsabi- lité (c’est la faute de l’autre, de Créon). Tout ce qui existe est en elle et donc elle est co-responsable de tout ce qui existe et co-créatrice de tout ce qui s’essaie. C’est à un travail sur soi qu’Antigone s’attelle pour mettre en lumière dans sa conscience, ses peurs, ses envies, ses jalousies, ses espoirs, ses rêves, ses désirs. Antigone tente de se nettoyer, d’élever sa conscience, de gérer ses émotions (c’est autre chose que de les contrôler, il s’agit de les laisser émerger mais sans y adhérer, en témoin). La méditation est un puissant outil pour ce travail sur soi. À partir de ce travail personnel, spirituel, Antigone agit comme le formulent les deux impératifs kantiens (« agis »). Elle agira sous l’horizon de l’universalité de son action, animée par l’amour inconditionnel de tout ce qui existe, sans jugement. Elle sera animée plus par son devoir concret à accomplir (sa mission de vie exercée avec passion, enthousiasme) que par la défense abstraite du droit naturel.

Elle saura prendre la défense du « monstre » (comme l’avocat Jacques Vergès).

Elle, Il saura proposer des actions « bigger than us ». Elle s’appelle Melati, Indo- nésienne de 18 ans, et agit depuis 6 ans pour interdire la vente et la distribution de sacs en plastique à Bali. Il s’appelle Mahamad Al Joundé du Liban, 18 ans, créateur d’une école pour 200 enfants réfugiés syriens. Elle s’appelle Winnie Tushabé d’Ouganda, 25 ans et se bat pour la sécurité alimentaire des commu- nautés les plus démunies. Il s’appelle Xiuhtezcatl Martinez des USA, 19 ans, rappeur et voix puissante de la levée des jeunes pour le climat. Elle s’appelle Mary Finn, anglaise, 22 ans ; bénévole, elle participe au secours d’urgence des réfugiés en Grèce, en Turquie, en France et sur le bateau de sauvetage Aqua- rius. Il s’appelle René Silva du Brésil, 25 ans, créateur d’un média permettant de partager des informations et des histoires sur sa favela écrite par et pour la communauté, « Voz das Comunidades ». Elle s’appelle Memory du Malawi, 22 ans, figure majeure de la lutte contre le mariage des enfants. Il s’appelle le docteur Denis M., il est gynécologue au Congo, surnommé l’homme qui répare les femmes, Nobel de la paix, menacé de mort. Elle s’appelle Malala Y., à 17 ans elle obtient le Nobel de la Paix pour sa lutte contre la répression des enfants ainsi que pour les droits de tous les enfants à l’éducation. Elle s’appelait Wangari M., surnommée la femme qui plantait des arbres, Nobel de la paix 2004.

Elle s’appelle Michelle du Revest, anime un groupe colibri et un groupe penser l’avenir après la fin des énergies fossiles. Il s’appelle Norbert du Mourillon et Gilet jaune, il anime un atelier constituant (RIC et Constitution). Elle s’appelle Marie de La Seyne, a écrit sur José Marti, soigne des oiseaux parasités par la trichomonose. Il s’appelle Guillaume et après 17 ans dans la rue, il œuvre pour un futur désirable quelque part. Elle s’appelle Chérifa de Marrakech et s’oc- cupe de 47 chats SDF dans sa résidence à Targa Ménara. Il s’appelle Alexandre, a créé son univers auto-suffisant, Le Parédé, et a rendu perceptible le Chant des Plantes au Grand Rex en 2015. Ils s’appellent Aïdée et Stéphane de Puisser- guier et créent un collectif gardien d’un lieu de vie, à Belbèze en Comminges, organisme vivant à part entière, bulle de résistance positive.

Jean-Claude Grosse, Corsavy, 9/9/2020

D'autres mondes de Frédéric Sonntag au Théâtre de Montreuil jusqu'au 9 octobre 2020
D'autres mondes de Frédéric Sonntag au Théâtre de Montreuil jusqu'au 9 octobre 2020
D'autres mondes de Frédéric Sonntag au Théâtre de Montreuil jusqu'au 9 octobre 2020
D'autres mondes de Frédéric Sonntag au Théâtre de Montreuil jusqu'au 9 octobre 2020

D'autres mondes de Frédéric Sonntag au Théâtre de Montreuil jusqu'au 9 octobre 2020

De quoi parler au théâtre aujourd'hui ?

D’autres mondes (Science frictions)

NOUS SOMMES tout ce que nous n’avons pas fait. Notre vie est faite de tout ce que nous n’avons pas vécu. Tous les possibles, toutes les variantes, tous les chemins pas empruntés, toutes les virtualités, toutes les bifurcations. Non seulement un autre monde est possible, mais il est probable. Peut-être même qu’un autre monde, que d’autres mondes, que des infinités d’autres mondes sont bel et bien là, qui coexistent avec le nôtre, lui sont à la fois parallèles, et superposés, et même perpendiculaires, on ne sait pas bien. Houlà. Comment faire une pièce de théâtre avec tout ça ? Avec le principe d’indétermination d’Heisenberg, la physique quantique, les particules élémentaires, le chat de Schrödinger (remplacé ici par un lapin blanc tout droit jailli du pays des Merveilles), les doutes et les tremblements et la magie que la science jette sur notre connaissance du monde, mais aussi le présentisme, qui nous fait ignorer le passé et nous rend aveugles aux multiples possibles que recèle l’avenir ?

L’auteur et metteur en scène Frédéric Sonntag a pris toutes ces questions, et même plus, à bras-le-corps, et cela donne un spectacle qui déborde de partout, plein de vie et d’élans, de chausse-trappes et de prestidigitation, d’acteurs (ils sont jusqu’à neuf sur scène, plus un enfant) et de musique (les neuf acteurs jouent de la guitare, de la trompette, du piano, de la batterie, de l’accordéon, etc.), terriblement bavard (en français et en russe) mais jamais ennuyeux, avec même quelques écrans télé et cinéma en prime (heureusement, pas trop).On y suit les trajectoires entrecroisées de deux hommes, le physicien Jean-Yves Blan-chot (l’épatant Florent Guyot) et le romancier Alexei Zinoviev (l’excellent Victor Ponomarev), qui sont censés avoir travaillé tous deux, dans les années 60, dans leur coin et à leur façon, sur les univers parallèles. Ces deux personnages imaginaires, Sonntag leur construit des biographies plus que plausibles, et les incruste astucieusement dans notre réel. C’est ainsi qu’on pourra assister à une émission d’« Apostrophes » consacrée à la nouvelle science-fiction, avec le vrai Bernard Pivot de 1978, mais avec le faux Zinoviev. Lequel sidère les participants avec cette sortie : « L’un d’entre vous se souvient-il, même confusément, d’une Terre, aux alentours de 1978, qui soit pire que celle-ci ? Moi, oui. » Une scène qui ravira tous les amateurs de science-fiction, lesquels n’ont pas l’habitude de voir leur genre de prédilection ainsi honoré sur scène.Tout ça pour quoi ? Pour nous rouvrir l’imaginaire, combattre l'« atrophie de l’imagination utopique » qui est la nôtre, ridiculiser le très dominant « Tina » (There is no alternative). Ouf, de l’air !

Jean-Luc Porquet• Le Canard enchaîné. 30 septembre 2020.

Au Nouveau Théâtre de Montreuil

1- un retour de Samuel G

Merci Jean-Claude pour cet article

Je comprends parfaitement ce que tu pointes et la nécessité d'aller trouver de l'oxygène ailleurs loin des pouvoirs et des réifications. 
Je partage comme toi cette détestation du pouvoir et rêve parfois (c'est mon défaut) à des systèmes politiques où le pouvoir pourrait circuler et où des espaces de délibération permettrait d'éviter sa confiscation. Mais ces enjeux sont vieux comme les phéniciennes d'Euripide et je comprends qu'on puisse parfois avoir envie d'ailleurs. 
Belle journée et au plaisir, 
 

2 - un retour de Philippe C

Beau texte camarade Jean Claude, très stimulant ! bon ça t’arrive à 80 ans c’est pas un hasard … 

Plaisanterie mise à part, ce retrait du monde que tu prônes et que tu t’appliques, de plus en plus de gens se l’appliquent aussi je pense, ou commencent à y penser…. C’est  dans l’air du temps je crois. Mais je reconnais que ta lucidité fait du bien : que tu te résolves après 60 ans d’activisme à lâcher prise dans une forme de bonheur et de détermination est tout à fait salutaire !  

J’ai commencé à lire Tocqueville « de la démocratie en Amérique », il dit une chose au début du bouquin que la démocratie est un mouvement qui a commencé et qui ne peut plus s’arrêter, qui va tout emporter sur son passage. Il parle du temps long et entend la démocratie par l’affirmation de chacun, si j’ai bien compris. 

Et donc si l’affirmation de chacun est, aujourd’hui, à notre niveau d’évolution démocratique de se retirer de cette grande mascarade, parce qu’il considère qu’on est arrivé à un stade qui ne correspond plus à l’idée qu’on se fait de la démocratie, il se pourrait bien que le système actuel s’effondre tout seul sans combat, ni révolution. 

De la casse, ça il va y en avoir, c’est sûr ! mais n’est-on pas arrivé au bout ?  

Bien sûr il y a la Chine et tous les nouveaux impérialistes et les grandes multinationales ; mon optimisme tendrait à me faire penser qu’ils sont des colosses aux pieds d’argile, vivant uniquement de nos superficialités (consommation, bavardage sur les réseaux, etc…). Et donc si les gens se retirent c’est la fin, et leur stratégie sera bonne pour la poubelle.

 

3 - 

un échange avec le maire du Revest informé de la démarche d'harmonie effectuée à Corsavy.

- c'est une démarche intéressante. Dommage que ça ne mobilise pas davantage

- dans l'état actuel des consciences, ça ne peut pas mobiliser beaucoup, ça mobilise au mieux les créatifs culturels, les cellules imaginatives

- ça a au moins eu le mérite de décrisper la situation provoquée par l'emplacement de la 4G ; avec la 5G, on va être confronté à un sacré problème ; comme les antennes font moins de 15 m, les fournisseurs n'auront pas besoin de demander une autorisation ; la seule façon que nous aurons de réagir sera d'empêcher le raccordement sur le réseau électrique; action en justice du fournisseur...

- quand tu penses que ça sera pour voir des films, des séries, du porno sur son smartphone

- oui et pour jouer; plus de vie sociale, le confinement permanent dans sa bulle virtuelle


 


 

 
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Rencontre avec Fabrice Melquiot

25 Juin 2019 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G., #agora, #développement personnel

Fabrice Melquiot, Les Séparables, J'ai pris mon père sur mon épaule
Fabrice Melquiot, Les Séparables, J'ai pris mon père sur mon épaule
Fabrice Melquiot, Les Séparables, J'ai pris mon père sur mon épaule

Fabrice Melquiot, Les Séparables, J'ai pris mon père sur mon épaule

Rencontre avec Fabrice Melquiot

Soirée de très grande tenue au Télégraphe à Toulon le lundi 24 juin de 19 à 21H, avec Fabrice Melquiot, auteur et directeur de théâtre, sous l'égide de la Bibliothèque Armand Gatti à La Seyne et du Pôle au Revest représenté entre autres par Cyrille Elslander
- d'abord, environ 1H d'entretien avec Hélène Megy et Georges Perpès; Fabrice Melquiot est là parce qu'il rencontre sur deux jours les collégiens qui ont choisi sa pièce, Les Séparables. Fabrice Melquiot a donc remporté le Prix de la pièce de théâtre contemporain pour le jeune public pour la deuxième fois ; la première fois, c'était en 2006, avec Albatros.

Les Séparables (L'Arche, 2017) raconte l'histoire d'amour de deux enfants de neuf ans, Romain et Sabah, qui voudraient à jamais rester ensemble mais leurs parents en ont décidé autrement : cinquante-six ans après, la guerre d’Algérie n’en finit plus de finir…  
En 2019, Les Séparables, a également obtenu le Grand prix de littérature dramatique Jeunesse, et a été nominé pour les Molières du meilleur auteur francophone vivant. 
Fabrice Melquiot nous parle de son travail d'auteur avec authenticité, c'est une forme de sport, très physique, entraînements, répétitions qui font de ce praticien un athlète de l'écriture engageant le corps (qui est bien plus qu'une enveloppe) et cet engagement rejaillit sur le "style", l'écriture; il ne fait pas œuvre, ne cherche pas à faire œuvre, il écrit comme un seul et grand texte avec ses 60 pièces publiées plus les jetées, les en attente, les textes repris et réédités en versions différentes; il y a un déclencheur, tantôt externe par vécu (ce qu'il a vécu comme coup de poignard dans l'école de sa fille pour l'histoire des Séparables, un racisme d'adultes, entre adultes venant polluer l'histoire d'amour entre deux enfants « différents »), observation qui donne envie ou plus, comme un éclair qui l'a traversé et dont l'écriture doit garder la brûlure et la mémoire (Roberto Juarroz, Poésie verticale), tantôt une cicatrice, une blessure, un trauma qui demandent à prendre la parole comme ce qu'a soudain fait surgir la remarque d'une petite fille lors d'une rencontre : pourquoi tu tues toutes les petites filles dans tes pièces ? incroyable, il ne s'en était pas encore rendu compte, un point aveugle, inconscient ; il ne sut pas répondre mais la question s'était plantée en lui; travailleur acharné, il n'a que le souci de se mettre au service de ses pulsions, de ses étonnements et de laisser du blanc, du silence pour ceux qui viennent après, metteur en scène, acteurs, spectateurs... car le théâtre c'est une chaîne, y compris de production. Et de nous raconter la commande de ce qui est devenu J'ai pris mon père sur mes épaules.

Comme directeur du Théâtre Am Stram Gram depuis 2012, il a évoqué sa conception de la gouvernance du lieu, collégiale avec les membres de son équipe et avec des jeunes fréquentant assidûment le théâtre, associés aussi à la rencontre des artistes venant défendre leurs projets. Voilà un homme qui ne se situe pas sur le terrain de la compétition car dit-il, en fin de compte et sur tous nos parcours, nous sommes des perdants, des perdants qui apprenons de nos pertes, qui nous grandissons de nos pertes. Il a aussi évoqué sa place de spectateur de ses pièces, dans les coulisses, comme un pompier de service pour appréhender de biais et pas de face et ce qu'il pense devoir être le travail du spectateur pendant et après, bien après le spectacle car il n'écrit pas pour le public, une entité dont il ne sait pas ce que c'est (les communicants des théâtres semblent le savoir et inondent le public d'infos et d'images) mais pour le spectateur, celui qui va accepter d'être interpellé par la pièce, le film, qui va accepter d'être mis en mouvement dans ses désirs d'action, dans ses rêves, dans un travail sur soi. Très haute conception du spectateur renvoyant à une très haute conception du théâtre comme médium de changement, hier on disait de catharsis. J'ai eu cette conception aussi du théâtre. Dois-je le dire ? Le milieu culturel ne me semble plus animé que par des questions de nombre, de visibilité d'où surenchère ou débauche de programmes et autres documents. Et j'en suis arrivé à cette conception : chacun doit prendre en charge son chemin spirituel, en lien avec sa vie (les pertes, par exemple, pour moi, le fils, comédien, metteur en scène et écrivain, à 30 ans, le 19 septembre 2001, l'épousée-la mouette à tête rouge qui m'a mise en chemin avec cette question le 29 octobre 2010, un mois avant son passage : je sais que je vais passer, où vais-je passer ?, les parents; d'où la catégorie FINS DE PARTIES sur mes blogs ), avec certaines coïncidences ou synchronicités, en comptant sur son intuition, cette boussole qui pointe à l'ouest (les grands espaces intérieurs à découvrir). Pas de maître, de gourou, d'exemples, d'incitations, stimulations extérieures ou pas trop, quelques lignes d'un livre, une métaphore, un tableau, un chant..., se faire confiance même dans les égarements, amoureux par exemple, j'ai connu, je souhaite que ça soit terminé à presque 79 ans mais faut que je me protège de moi, d'une part que j'apprends à gérer. As-tu, oui ou non, le désir impérieux de te connaître ? De devenir ce que tu es ? De trouver ta juste place avec, parmi les autres, dans le monde, la nature, l'univers ? Te sens-tu co-responsable de ce qui advient ?

Je le dis tout net, je trouve ce type de questionnement chez les Gilets Jaunes que je fréquente, pas dans le monde de la culture ni chez les artistes, désolé.


- ensuite, lecture magistrale pour la 1° fois de son texte "DEAR (Découvre. Emporte. Aime. Renonce.)", texte inédit, livret de l'opéra autour de la philosophe Simone Weil qui sera mis en scène par Roland Auzet, en 2021, avec Sandrine Bonnaire dans le rôle de la récitante. 

DEAR met l'accent sur certains détails biographiques (la rencontre avec Trotsky, ça me parle bien sûr), sur une notion, celle d'obligation de chacun envers chacun, envers tous, envers tout ce qui existe, notion personnelle, intime conviction qui oblige sans discussion peut-on dire et qui est hors-champ du politique, du droit. J'ai évoqué après coup avec Fabrice Melquiot, la possible proximité avec Le fondement de la morale de Marcel Conche. Le philosophe Yvon Quiniou a lui aussi ce fort souci de morale (universelle, pas la morale sociale, propre à chaque société) qu'il croit nécessaire dans la réflexion et l'action politiques. Chez Simone Weil, une forme d'injonction s'impose : je ne veux plus faire le mal, de mal. Chez Simone Weil, l'identification à la condition ouvrière, à la condition des plus faibles, des plus souffrants l'a conduit peut-être à l'épuisement, à l'anémie, elle meurt à 34 ans.
François Cheng parle très bien de Simone Weil dans le chapitre 6 de son livre De l'âme, livre dont j'ai rendu compte et à relecture, je ne change rien à mes propos (voir le lien).

 

Fabrice Melquiot a été amené à dire presque à la fin que la question du temps l'occupait de plus en plus, lui prenait du temps. Il faut prendre son temps avec le temps. À l'impatience du jeune homme Cyril G. qui voulait vivre sa vie en partant en mobylette pour le port de Marseille et grimper sur un bateau en partance, j'avais répondu quand les gendarmes nous l'avaient ramené comme tu ne sais pas ton temps de vie, fais comme si tu avais tout ton temps, éloge de la lenteur en quelque sorte. J'ignore comment Melquiot aborde la question du temps. En ce qui me concerne, c'est en écrivant Tourmente à Cuba, devenu L'Éternité d'une seconde Bleu Giotto que j'ai été saisi par ce que j'ai appelé les évidences du temps. Chaque moment passe et ne reviendra jamais, never more, mais il sera toujours vrai que ce moment passé a eu lieu, for ever. Ainsi donc s'écrit notre livre d'éternité (une métaphore) du premier cri à notre dernier souffle, unique, non écrit d'avance, non destiné à un jugement dernier. Où passe donc le passé qui ne s'efface pas, ce livre d'éternité, infalsifiable ? Écriture qui m'a pris de 2001 à 2014 et je suis encore en chemin car me voici aux prises avec le passage, qu'est-ce que passer ? trépasser ? passage impensable qui a pourtant lieu. Effaré de découvrir la médiocrité de notre conception matérialiste de la mort, poussière tu redeviens. L'abaissement que cette vision réductrice, non prouvée, entraîne. Mais qui arrange sans doute les gens, va savoir pourquoi, sans doute des histoires de sous, d'héritage. Faut vraiment qu'il soit définitivement passé, corps et âme, rendre l'âme, vous comprenez. Évidemment, ce fut ma conception d'athée, ce ne l'est plus. Sans qu'elle soit encore éprouvée, il s'agit d'immatérialité, de souffle, de présence, de Vie qui donne vie, donc cachée comme la Nature créatrice (donc cachée) engendre la nature qu'on voit avec la participation de mémoires incroyables (l'ADN, mémoire de toute l'évolution, agissante en moi, à chaque instant, avec très peu d'erreurs, je peux écrire pendant que tous les programmes agissent dans tous mes organes). 

une femme ayant perdu son fils : la mort est sans pudeur.
Elle transforme l'être le plus vivant, le regard le plus enluminé, la peau la plus soyeuse, les cheveux les plus moirés la chair la plus tendre la langue la plus prolixe les muscles les plus affûtés le sang le plus vif les organes les plus sains le visage le plus doux le plus aimé le plus choyé l'être le plus aimable et les méchants et les aigris et les odieux et les jeunes et les nourrissons et les vieillards et les jeunes filles aux seins légers et les mères aux seins torturés en chairs putrides puantes gluantes en chairs ensevelies ou brûlées disloquées puantes carbonisées bouffées par la vermine vouées à la disparition pourrissante et un jour désincarnées.
Les orbites évidées, ongles et cheveux résistants au temps,
les os blanchis les lambeaux putréfiés de chair la langue ne pouvant plus dire le coeur exsangue.
Et une seule envie, vous liquéfier à votre tour pour glisser imperceptiblement et irrévocablement dans le même cercueil.
Et ne plus exister.

JCG : je veux vous dire juste ceci qui est mon interrogation existentielle du moment : et si la mort était passage dans la Vie, était résurrection, sortie de la mort charnelle, passage dans l'éternité du Souffle; j'essaie de le dire pour le moment avec les mots d'un autre, JY Leloup; et je constate l'extraordinaire paix qui commence à m'habiter; aucune colère contre le monde qui pourtant fait mal, compassion oui et à ma façon, actions diverses (pas d'indifférence mais ne pas me laisser affecter, agir en faisant ma part sans haine ou agressivité); ma fille m'a montré son scénario sur donner la vie, donner la mort, comment elle a donné naissance, donné la vie donc en même temps donné la mort en sursis après deux fausses couches très douloureuses car le bébé mort ne fait aucun travail, un scénario qui prend aux tripes; elle en est là où vous en êtes, une vision réaliste, matérialiste du cadavre et de la mort donc dégradation, défiguration du vivant, du vif, images souvent insoutenables sans doute parce que nous n'apprivoisons pas la mort, ne la méditons pas assez, nous la concevons comme état, un état, on passe d'un état à un autre état alors que la nature nous donne à voir autre chose avec le cycle des saisons.

J'ai signalé à Fabrice Melquiot que Jean-Baptiste Sastre travaille aussi en ce moment sur Simone Weil, création au Liberté du 11 au 15 octobre, Plaidoyer pour une société nouvelle. 

 

Jean-Claude Grosse, 25 juin 2019

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Petit manuel de navigation pour l'âme / Sabrina Philippe / Flammarion

2 Juin 2018 , Rédigé par grossel Publié dans #développement personnel, #note de lecture, #J.C.G.

de la part d'un gardien de phare bien à terre, un manuel de navigation sur l'immense mer dont il ne voit qu'une petite partie, paradoxe

de la part d'un gardien de phare bien à terre, un manuel de navigation sur l'immense mer dont il ne voit qu'une petite partie, paradoxe

Petit manuel de navigation pour l'âme

Sabrina Philippe

Flammarion

présentation de l'éditeur :

Petit manuel de navigation pour l'Âme
De la part d'un gardien de phare
    «Il m'a fallu du temps pour le comprendre, des expériences personnelles, professionnelles, intimes... mais la psychanalyse, la psychologie, la philosophie, la théologie, la spiritualité dans son ensemble sont les facettes d'un même diamant.»

    Psychologue de métier, Sabrina Philippe s’est donnée pour mission principale la recherche de la connaissance de soi et la transmission de son savoir. Elle en propose ici la quintessence.
    Cet ouvrage est un manuel de développement psychospirituel, offrant un chemin thérapeutique et initiatique pour aller vers un mieux-être en 25 étapes incontournables et indispensables à toute transformation. S’inspirant de l’univers maritime, l’auteur guide le lecteur sur les flots de sa vie.
    «Le navigateur, c’est votre âme, l’essence même de ce que vous êtes, votre embarcation, c’est votre existence, la mer représente le flux de la vie, et la plupart du temps, nous dérivons. […] J’ai toujours considéré le psychologue comme un gardien de phare, il éclaire la route de celui qui le consulte, lui montre les écueils, l’informe des profondeurs sur lesquelles il navigue. Il lui indique l’horizon, mais en aucun cas il ne conduit son embarcation.»
    • Corps et Âmes
    • Paru le 02/05/2018

    ma note de lecture :

    25 chapitres pour nous initier à la navigation. La vie est navigation. Faut donc apprendre à naviguer.
    La métaphore du titre est filée du début à la fin. Est-il justifié de filer la métaphore à dose aussi massive ? Sans doute pour l'auteur, filer la métaphore, c'est se rendre lisible, intelligible en s'appuyant sur des images qui parlent. Le marin, le capitaine, la barque, le paquebot, la cale, le pont, le pirate, la mer, ses différents états, calme, tempêtueuse, le soleil, les étoiles, le point, les courants, les vagues et leur énergie, la sirène, l'albatros, le phare, le gardien de phare, l'île, le port de départ, le port d'arrivée, l'arrivée à bon port, le coulage au fond, le naufrage, le sauvetage.

    25 chapitres avec en fin de chapitre des propositions pour voguer plus loin. En retraite, je pourrais m'essayer à ces exercices de notation sur un carnet de bord. Vu ce qui est demandé, c'est un gros cahier qu'il faut, c'est beaucoup de temps qu'il faut consacrer à conscientiser, essayer de conscientiser. L'objectif semble être : vivre en pleine conscience, nos forces, nos faiblesses, ce qui nous freine, ce qui nous fait avancer, comment se dégager de l'emprise du petit enfant caché en nous, comment s'avouer qu'on s'est trompé, qu'on se trompe toujours de la même façon, qu'on est plein d'illusions : ailleurs, un autre métier, un autre partenaire, qu'un pirate nous souffle les toujours mêmes mauvaises réponses, qu'on a plein de ressources, qu'il suffit de changer de regard, oser se regarder, ne pas projeter sur l'autre, qu'il suffit de changer de mots pour chasser nos maux...

    25 chapitres de considérations empiriques, de conseils de bon sens (celui des sciences humaines, celui des traditions) mais trop peu pratiqués parce qu'on n'a pas suffisamment ouvert nos perspectives, qu'on juge autrui et soi quand il vaudrait mieux ne pas juger, accepter, corriger petit à petit, à petits pas, en manoeuvrant délicatement la barre, voire en la laissant hors contrôle. Ce manuel ne s'inscrit pas dans la lignée des techniques visant à l'optimisation de nos potentiels. Il y a trop de volonté de contrôle dans nombre de démarches, forme de volonté de puissance, de toute puissance me rappelant la toute puissance de l'enfant dont les désirs veulent satisfaction immédiate (principe de plaisir) dont il apprendra des autres qu'il faut souvent les différer, les médiatiser (principe de réalité, passage de l'imaginaire au symbolique). Démarches qui pourraient engendrer des mégalomanes. Quand on voit le côté messianique de quelques grands genre Apple (Steven Job), Google, Amazon, Microsoft, FB, quand on sait que ce sont des méditants, peut-être ont-ils puisé leur volonté de changer le monde, de vaincre la mort, dans leur mental, se connectant à la puissance illimitée, infinie de la nature et de leur nature.

    Mais en même temps, il y a dans ce manuel, la perspective de la profusion, profusion créatrice de l'univers, de la nature, profusion créatrice en nous, qu'il s'agisse du corps qui se renouvelle tous les 6 mois, de l'esprit qui se tient un indéfini monologue intérieur qui peut être un ressassement, qui peut être parfois, un renouvellement. Suffit-il de se dire, je peux, pour le pouvoir ? Je ne doute pas du pouvoir de l'intention, de l'attention-concentration, de l'attente bien formulée. Mais je crois qu'il y a des limites. Je sais que bien des biens sont rares. Que la pénurie est déjà effective pour certains, que les richesses sont inégalement réparties, que cela engendre des conflits (guerres du pétrole, guerres de l'eau), même l'air, en abondance peut devenir irrespirable. La 6° extinction des espèces est en cours. Une révolution intérieure massive suffira-t-elle à nous sauver comme espèce ? Le temps nous est peut-être compté.

    La navigation proposée est un chemin initiatique, à chacun le sien, d'inventer le sien. Des postulats ou hypothèses ou croyances sous-tendent ce cheminement. Il y a du divin, du sacré, du sens, du Sens. Tout est lié, corps, esprit, âme, moi, l'univers, tout est infini, l'énergie, la vie, l'amour. Il y a peut-être une autre vie, d'autres vies après la mort. Il n'y a pas de hasard. À nous de savoir nous aligner, d'aligner sans incohérences, avec harmonie, en harmonie notre corps, notre esprit, notre cœur. Le monde est parfait, nous sommes parfaits, faits d'ombres, de lumières et nous avons une mission sur terre à découvrir, à réaliser : transmettre.

    Vivre ainsi me semble être un défi exorbitant, épuisant.

    Les méditants passent 20 à 30' par jour en méditation. Cela me semble être un temps suffisant.

    L'émerveillement devant le spectacle du monde, là à portée de vue, d'ouïe n'a pas besoin d'être permanent, il me semble qu'il ne doit être volontaire qu'à certains moments, laissons l'émerveillement se manifester presque à notre insu, venir à nous.

    La gratitude envers ce que je suis, envers mon corps, ses organes qui fonctionnent bien, envers mon esprit alerte, imaginatif, créatif doit être à l'horizon, s'incarner parfois en mots silencieux ou dits à voix haute en riant un peu de soi. Ne pas se prendre au sérieux, ne pas prendre le développement psycho-personnel trop au sérieux, c'est à pratiquer comme un jeu, d'après moi. Le rire (de soi) est formidablement libérateur.

    Je pense que c'est le bémol que j'apporterais à la navigation selon ce manuel : de temps en temps seulement la mise en pratique de certaines de ces propositions, une mise en pratique joueuse, seul ou à deux ou dans un groupe. Par exemple, le 3° été du Léthé que j'organise le 30 juin à Marseille va réunir 12 personnes, 6 F, 6 H pour écrire une lettre d'amour sublime.

    Sachant que nos chemins de vie ne sont, disait Antonio Machado avec une autre métaphore marine (qui me convient, différente de la conviction de l'auteur qui semble croire aux traces, réminiscences...), que sillages sur la mer.  

    «  tout passe et tout demeure
    mais notre affaire est de passer
    de passer en traçant des chemins
    des chemins sur la mer »

    « tout arrive et tout passe
    rien d’éternel »

    il trace pour l’éternité
    « rien que sillages sur la mer »

    Mon petit manuel, mes résolutions, mes réalisations :

    c'est en janvier 2017 que je me suis mis à la méditation, entre 20 et 30', merci Deepak Chopra; je ne suis aucun guide, aucune méthode, je ne fais aucun stage; si c'est payant, ça déconsidère la proposition, j'ai fait un cycle Deepak Chopra de 21 jours et j'en achève un de 7 jours; j'ai tenu mon journal de méditation; vouloir aider et s'aider, pour moi ça doit être gratuit; un sourire, un bonjour, un mot gentil, une caresse, un encouragement sont gratuits; l'amour et l'amitié sont gratuits; j'ai créé et dirigé le théâtre du Revest pendant 22 ans, devenu scène conventionnée dans un village de 3500 habitants, bénévolement, je dirige Les Cahiers de l'Égaré bénévolement depuis 30 ans (190 livres publiés); le bénévolat et la persévérance, l'inscription dans le temps, la fabrique de traces même si ce ne sont que sillages sur la mer, ce sont mes choix; quand je trouve des liens intéressants selon moi, (je suis un curieux) je les partage par mail, sur FB, 30 à 150 destinataires; jamais ou presque de retours, je m'en moque; la vie me semble partage plus que transmission même si, comme professeur, je fus transmetteur, passeur (j'aime ce mot, être traversé et être passeur, assumer le passage, le trépas n'en étant qu'une forme); j'ai inventé les écritures nomades avec leur site (une quinzaine ont eu lieu), les étés du Léthé; je me laisse aller à des impulsions, éditer Tu pètes plus haut que ton cul, ma fille de Clémence, décision prise suite à lecture à voix haute le 9 mai 2018; le livre est paru le 27 mai 2018 pour l'anniversaire de l'auteur; j'aime ces clins d'oeil, cette petite solennité, ce repère symbolique, cette reconnaissance de ta, votre personne, ce plus qui sort de l'ordinaire; même chose avec le livre Le bord des falaises, sorti pour l'anniversaire de la photographe dont la série de photos sur un lit de mort m'a amené à proposer des écritures à 24 personnes, 12 H, 12 F, projet réalisé entre début octobre 2017 et le 17 février 2018, son anniversaire là encore; ce fut un cadeau d'amour sublimé mais la belle histoire entre la dame et moi s'est très mal terminée; je ne rumine pas, ne juge pas: bonne rencontre au bon moment entre les bonnes personnes, donnant ce qu'elle pouvait donner et pas autre chose; acceptation donc, douloureuse un certain laps de temps mais l'acceptation permet de s'enrichir de ce qui a été vécu, de ne pas transformer en négatif ce qui a été amour et bonheur; ne pas chercher à comprendre, à expliquer l'autre, soi, le faire c'est source d'incompréhension augmentée de nos mystères, de nos parts d'ombres, de nos démons; accepter même le pire est depuis longtemps une ligne de conduite : la perte du fils et du beau-frère dans le même accident à Cuba, la perte de l'épousée en un mois après 46 ans de vie commune, d'autres pertes m'ont amené à créer une catégorie FINS DE PARTIES sur mon blog personnel; je pense ainsi laisser plus de mémoires, de légendes (tout récit qui se croit réel, reflet du réel, de ce qui a été vécu est légende) qu'en écrivant un livre rassemblant ces fins de vie;

    mes résolutions sont aussi très simples, quotidiennes : petite gymnastique, souple, joyeuse avec paroles ou pensées au corps soudain mis en action; nourriture saine, de proximité, à la vapeur; marches agréables même si demandant un effort; moments de sociabilité en prenant le café au village; pas de TV, pas de musique, le silence, lectures, écritures; quelques sorties ou rencontres avec des amis, rares quand même; je préfère les rencontres organisées avec un objectif d'offrande; réduction drastique des voyages, des déplacements (réduction de mon empreinte CO2, je ne suis pas monté à Paris depuis octobre 2015); j'essaie d'écouter mes ressentis, les signes du corps, des "intuitions", de développer le "féminin" en moi, de me mettre en paix avec moi-même (je me moque facilement de moi à voix haute quand le chauffeur que je suis s'énerve), avec les autres (réconciliation avec le maire du village qui m'a viré en 2004 du théâtre du Revest); je ne sais pas si ça apporte à la paix dans le monde mais je tente de ne pas ajouter de la violence; par exemple, après la mort de l'épousée, je me suis juré de ne jamais être à l'origine d'une rupture avec ma fille; cette attitude, malgré des clashs violents a été bénéfique, a restauré un climat d'affection profonde entre une fille se sentant reléguée derrière son frère cadet et son père; fin du petit manuel de navigation grossière et grossienne.

    Jean-Claude Grosse

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    Un an entre les mains de l'univers / Thi Bich Doan

    6 Mai 2018 , Rédigé par grossel Publié dans #développement personnel, #J.C.G., #note de lecture

    Un an entre les mains de l'univers / Thi Bich Doan

    Un an entre les mains de l'univers

    Et si vous décidiez de vraiment lâcher prise ?

    Thi Bich Doan

    Flammarion

    J'ai reçu ce livre en service de presse. Ayant beaucoup de choses à faire, ma lecture a pris plusieurs semaines, quelques pages par jour. Aucune volonté ou désir de le lire d'un trait. Un peu comme l'auteur se livrant au hasard pendant un an, entre les mains de l'univers. D'un jour sur l'autre, l'oubli ou presque de ce qui a été lu la veille, revenir un peu dessus ou pas, souligner pour garder trace de ce qui retient l'attention, suscite la réflexion.
    J'ai lâché prise et ma lecture s'en est ressentie, pas à sauts et à gambades comme quand on lit Les Essais de Montaigne qu'on peut prendre à n'importe quel livre, n'importe quel chapitre, n'importe quel passage. Non, une lecture par imprégnation et qui me semble convenir au propos de l'auteur.
    Thi Bich Doan décide de renoncer à toutes sortes d'activités, de commodités pour se livrer au hasard. Finie la banque et ses opportunités de carrière, finie la recherche scientifique sur ses fonds personnels.

    Ne pas avoir de projets, se saisir de ce qui s'offre à tous les points de vue, hébergements, nourriture, stages, voyages, rencontres. Et ce qui s'offre, s'offre comme par hasard opportunément, au bon moment, au bon endroit, avec les bonnes personnes.

    Ce qui m'a frappé c'est la fringale de formations, d'expériences de l'auteur. Elle veut tout essayer, s'ouvrir à toutes les techniques de soins, de prise de conscience ou de pleine conscience. Elle essaye, évalue, opte, renonce, approfondit, questionne, investigue. Elle n'est disciple d'aucun gourou, d'aucun maître, ne décrète la supériorité d'aucune méthode. Elle choisit en fonction de ses ressentis. Ce sont ses boussoles, oui, j'y vais, j'essaie, non, je renonce en fonction de mon ressenti sur la personne, la situation, la proposition, le but poursuivi. Est-ce faire confiance à l'intuition ? Ressenti et intuition me semblent deux chemins différents, l'intuition anticipe me semble-t-il. Le ressenti suppose déjà un début d'expérience. Peut-on travailler à affiner, affirmer ressenti, intuition ? Peut-on se tromper en se confiant à l'intuition, au ressenti ? De même que les sens nous abusent, illusions d'optique, ces aptitudes peuvent être trompeuses. Il faut assumer les déceptions, la personne rencontrée n'est pas la bonne personne, le projet conçu n'est pas bien conçu.

    Dans le titre du livre, un mot, une expression intriguent : univers, entre les mains de l'univers. L'auteur reconnaît page 133 que c'est une notion indéfinissable. Univers, vie, divin sont des notions équivalentes dit-elle. Plus concrètement, il s'agit de providence, de hasard, de coïncidences, de synchronicité, de chance, de destin. Amour, harmonie, prospérité, bonheur en sont des manifestations incarnées dans un conjoint, des enfants, une maison, de l'argent, un métier bien payé. Voilà des manifestations et incarnations bien prosaïques, bien conformes et conformistes, bourgeoises ? Mon mantra sera : je veux être riche, en bonne santé, heureux, amoureux, aimé, bienveillant. Qui ne le voudrait pas ? L'auteur se demande ce qui l'a poussée à renoncer aux biens matériels pour des biens immatériels. Elle n'a plus d'argent, plus de travail rémunéré mais en échanges, en dons, en entraides, elle a le minimum, ce dont elle a besoin. L'univers lui fournit au bon moment la rencontre, la situation qui la sort de la précarité. Tout cela pour expérimenter que l'univers est agissant et que c'est d'en avoir de plus en plus conscience ou de mieux en mieux qui rend plausible et efficace cette action de l'univers, qui suppose que tout est unifié, s'unifie, qu'il n'y a pas de séparation entre l'univers et elle, entre elle et les autres, que l'univers et son environnement font un, que son environnement ne lui est pas extérieur mais est sa création, que l'intention (l'intentionnalité), son intention peut être agissante, faire surgir l'opportunité, que l'action de l'univers peut être intentionnelle, même à notre insu, qu'il y a peut-être une intelligence à l'oeuvre, à notre insu.

    Le livre de Thi Bich Doan est très agréable à lire. Il m'a fait comprendre, ce que je pratiquais déjà, que dans cet univers des techniques du corps et de l'esprit, il ne faut pas se laisser embrigader, il faut raison garder, se faire confiance, suivre, inventer sa voie, plutôt que suivre la voie d'un maître devenant un gourou.

    Jean-Claude Grosse

    présentation par l'éditeur

    Un an entre les mains de l'univers
    Et si vous décidiez vraiment de lâcher prise ?
      Quête de soi et quête de sens : quiconque s’intéresse au fonctionnement de l’esprit humain appréciera cet étonnant et passionnant voyage, où la vie intérieure guide le cheminement extérieur. Un témoignage profond et personnel, et donc parfaitement universel ! 
      Après douze ans de recherches scientifiques et vingt ans de pratique méditative, Thi Bich Doan décide de prendre un virage et de vivre en pleine conscience pendant un an. Elle quitte Paris, amis, appartement et travail pour entamer un voyage intérieur, avec pour seule règle de ne rien programmer et ne rien décider. Son périple à travers le monde l’amène à traverser des joies et des épreuves qui lui feront comprendre l’essence du véritable lâcher-prise. 
      C’est avec beaucoup de recul et d’autodérision que l’auteure nous livre son aventure forte et périlleuse et raconte comment la vie lui a « offert » exactement ce dont elle avait besoin. Certains appellent cela le hasard, d’autres le destin, Thi Bich Doan parle de l’univers. 
      Comme dans tout pèlerinage, le voyage commence quand il prend fin… La vie suit une logique parfaite, faites-lui confiance !

       

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      Le Chercheur/Lars Muhl/Flammarion

      16 Février 2017 , Rédigé par grossel Publié dans #développement personnel, #J.C.G., #note de lecture

      présentation du livre par l'éditeur

      présentation du livre par l'éditeur

      Le Chercheur

      Lars Muhl

      Flammarion 2017

      C'est sur proposition de Flammarion que je me suis retrouvé lecteur en avant-première de ce 1° tome d'une trilogie de Lars Muhl, O manuscript, comprenant The Seer, The Magdalene, The Grail.

      The Seer, Le Voyant, Le Chercheur a été publié en 2012.

      Traduit pour la 1° fois en français, Le Chercheur, est le récit d'une série de rencontres initiatiques entre le narrateur et le Voyant. Ayant de lui-même renoncé à une carrière de musicien, ayant renoncé à la plupart des illusions auxquelles aspirent la plupart des gens, réussite, reconnaissance, argent, pouvoir, vivant solitaire et de peu, le narrateur semble avoir atteint le fond car il n'a pas encore pleine conscience de la fausseté des artifices et paillettes qui attirent la plupart.

      Il entreprend un voyage en train depuis Copenhague jusqu'en Espagne, voyage décrit en plusieurs épisodes, alternant avec le récit des rencontres, des expériences et leçons données par le Voyant. Entre chaque épisode de ce voyage, des rencontres ou plutôt dans un premier temps, des réponses à des invitations.

      Il se rend là où un mystérieux interlocuteur l'invite à se rendre, révélant ainsi une disponibilité propice à l'initiation. Il en a déjà fini avec d'innombrables freins et liens, avec d'innombrables peurs. C'est au pied de Monségur que le mystérieux personnage, le Voyant, va se montrer, lui faisant vivre des montées ardues et des rencontres annoncées.

      En grimpant cette montagne réelle, il va découvrir ce pour quoi il est destiné, ce qu'il désire vraiment qui consiste à « être présent en tant qu'être humain », sacrée montagne, autrement plus ardue que celle de Monségur.

      L'initiation passe par des expériences, celle du sac à dos que le Voyant charge de pierres réelles, métaphores ou symboles de poids psychiques dont il doit se libérer, se soulager.

      Le Voyant a des « pouvoirs » extraordinaires mais prenons le mot « pouvoir » avec précaution puisque ce mot est récusé par le Voyant. Pour un lecteur n'ayant pas été initié, cela ressemble à des pouvoirs. En réalité, c'est parce qu'il se hisse à une conscience nouvelle, plus globale que les niveaux de conscience acquis et transmis, parce qu'il réussit à se rendre isogyne, seulement et pleinement humain, non-déterminé par le genre, non-personnalité, disponible sans limites qu'il est capable de modifier, de transformer l'état de celui qui fait appel à lui, en dernier recours, pour le guérir de sa maladie ou le sortir de son état moribond car il est d'abord malade, il se meurt de ses pensées nocives. Ce sont nos poisons qui nous empoisonnent. Et c'est parce qu'il est en harmonie avec l'univers, qu'il est synchrone avec le flux de la Vie qu'il peut aider l'autre, induire en lui cette harmonie. Il est responsable de cet autre qui se livre à lui. Et peut donc répondre concrètement à la question que puis-je faire pour lui ?

      La question de Hamlet, être ou ne pas être, doit retrouver toute sa force de questionnement. Pour être, il faut savoir ce qu'on n'est pas, se purifier, se raffiner, se rendre invisible, gagner en élégance et en humour, (l'humour doit être désarmant et donc me désarmer, surtout quand je me heurte à un obstacle, à un échec ; de lourd, le rendre léger), développer attention et concentration, remplacer l'instinct par l'intuition, devenir un véritable artiste c'est-à-dire être à l'écoute de l'harmonie universelle, en harmonie avec les lois universelles, devenir un danseur cosmique. Ce qu'est sans doute la Dona, la gitane croisée à Malaga dont l'élégance naturelle (elle est l'élégance) éclipse toutes les beautés artificielles qui cherchent à se mettre en valeur sur la Promenade.

      De Vinci est décrit comme un ambassadeur de visions, transformant ce qu'il recevait dans un esprit identique à celui contenu dans ce qu'il recevait. L'artiste a pour mission de transformer ce qu'il a reçu avec sa conscience qu'il s'est exercé à aiguiser, à rendre extrêmement sensible, venu de l'humain et du cosmique. Et de lui proposer l'exercice de visualisation de la flamme d'une bougie. Deux sortes de lumières sont évoquées, la lumière bleu gaz qui renvoie à toutes les énergies physiques, la lumière dorée qui renvoie à l'énergie spirituelle.

      Pour quelqu'un qui est en recherche spirituelle, ce récit est nourricier. Nombre de leçons, de formules sont audibles, parlantes, incitatives à un travail de dépouillement. Évidemment, on sent des influences venues de l'étude de nombreux textes des traditions et de la mystique. Assez peu de considérations de nature scientifique. Quand cela se produit, ça ne m'a pas semblé convaincant, par exemple les 24 énergies présentes dans une pièce et représentant les mésusages antérieurs de « son » pouvoir par le Voyant.

      Pour conclure, ce récit d'initiation n'est pas austère. Le narrateur comme le Voyant sont aussi de bons vivants, aimant bons plats, bons vins, aimant se promener, profiter des lieux comme des gens.

      Lars Muhl est entré en 2013 dans la liste Watkins des guides spirituels, le Dalaï Lama en 1° position, Deepak Chopra en 4°, Lars Muhl en 90°. Paulo Coelho est 7°, Jodorowsky, 27°, Benoît XVI, 33°, Rupert Sheldrake, 87°. Aucun des "maîtres" français: Matthieu Ricard, Frédéric Lenoir, Laurent Gounelle, Christophe André, Alexandre Jollien, Jacques Salomé. Bizarre cette liste anglo-saxonne.

      On trouve sur you tube des vidéos, hélas aucune en français. Ce livre édité par Flammarion vient donc à propos.

       

      Jean-Claude Grosse

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