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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

developpement personnel

Faire l'amour de manière divine / Barry Long

Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G., #note de lecture, #développement personnel

Faire l'amour de manière divine / Barry Long

Faire l'amour de manière divine

de l'acte charnel à l'amour divin

Barry Long

 

voilà un petit livre qui en dit long, paru en 1993, et continuellement réimprimé chez Pocket (j'ai le tirage octobre 2017) surprenant par ses mots, pénis, vagin, orgasme, masturbation, pénétration, excitation, préliminaires, jeux de l'amour, émotions, sensations

serait-ce un petit manuel de pratique sexuelle ? écrit par un technicien de la machine « sexe » ?

c'est un petit livre nourri de réflexions sur l'état actuel des relations sexuelles et « amoureuses » entre hommes et femmes

c'est un livre qui remonte aux origines, aux temps de l'innocence, donc un temps mythique, un non-temps, l'éternité, avant le travail du temps, la dégradation qui a suivi

il fut donné à l'homme et à la femme de s'aimer de manière divine aux temps d'innocence, puis la manière de faire « l'amour » s'est dégradée en compulsion masturbatoire d'abord masculine puis les femmes s'y sont mises, elle s'est dégradée en recherche égoïste d'excitation, de plaisir, d'orgasme, de jouissance, d'éjaculation, l'autre étant instrumentalisé, bouche pour fellation, lèvres pour cunnilingus

ce petit livre montre bien les différences entre femme et homme, entre vagin et pénis, entre amour et sexe, entre acte d'amour naturel, divin et orgasme mécanique recherché

on est à l'opposé du genre de discours suivant tenu en Avignon : on peut revendiquer haut et fort la liberté d’être à loisir homme, femme, ou les deux mélangés, il n’en demeure pas moins que quand tu nais avec un sexe de femme, ou quand tu deviens femme, que ce soit par le grand tirage au sort de la nature – ah zut pas de chance t’es née avec un vagin - ou par choix, tu fais partie de la caste de celles qui se font baiser, niquer, nier toute leur vie. Parce qu’avant d’être un genre, la sexuation est un déterminisme physiologique, totalement arbitraire, qui, selon que tu reçois un vagin ou une bite à ta naissance, te prédétermine comme sujet dominant ou dominé. (Carole Thibaut au jardin Ceccano, le 13 juillet 2018, Avignon)

ce qui est mis en avant par Barry Long, c'est que la femme, le vagin portent en eux le divin parce que portant la Vie (ça inclue bien sûr la procréation mais la Vie, c'est de l'ordre aussi d'une transcendance, d'un mystère, d'une permanence créatrice, incarnés dans la femme), la femme est ouverture, accueil, beauté, on n'est pas loin de ce que certaines nomment le féminin sacré auquel elles aspirent en se rencontrant, en expérimentant, en l'absence d'hommes bien sûr

le refus ou l'impossibilité des hommes sauf exception de combler le Vide qu'est le vagin, l'attente extatique de la femme ont pour effets le développement d'une haine de la femme pour l'homme qu'elle contribue à faire débander, à rendre impuissant au moment de l'acte, lui-même zob-cédé par sa verge en érection, turgescente, voulant s'assouvir, qu'il en devient éjaculateur précoce, la femme sachant aussi favoriser ce dégorgement quasi-instantané ; absence de contrôle d'un côté, insatisfaction de l'autre, décidément, l'acte d'amour se porte mal et en toute inconscience sauf rares moments, rares personnes

l'homme convoque fantasmes, imagination, émotions et souvenirs passés pour répéter ce qu'il croit être la jouissance, autrement dit, il baise avec d'autres, avec son passé, il n'est pas présence et présent

la femme convoque des rêveries romantiques pour enjoliver ce qu'elle vit comme insatisfaisant, autrement dit elle jouit avec d'autres plus charmants, moins violents, moins agressifs, moins avides, moins gloutons (il n'y a qu'à penser au rapport des mains d'un mec avec les seins d'une femme); elle n'est pas présence, présente

chacun d'entre nous est marqué par cette histoire toujours en cours de la dégradation de l'acte d'amour en acte sexuel orgasmique, c'est une histoire collective, agissante au profond des corps, des sexes par les fantasmes, les images, les attentes, les excitations artificielles ; toute une industrie du sexe et du sentiment corrompt les hommes et les femmes, leur proposant des modèles, des recettes, des paliers, des exercices, des fantasmes, des partenaires d'algorithmes 

on voit où cela peut conduire, le Japon est leader dans ce domaine  dans la mesure où la culpabilité y semble inexistante alors qu'en Occident, le sexe est souvent coupable, vécu avec culpabilité ; l'homme a été le moteur de cette corruption et la femme n'a pu que suivre ; la vision masculine de l'acte sexuel est devenue dominante, mutilante; je rajouterai le rôle des mères dans l'installation du machisme des garçons (modèle de l'homme viril, performant) et dans l'infériorisation, la soumission des filles

ce que Barry Long préconise c'est d'aimer l'acte d'amour, pas la baise, de conquérir par un long, raisonné et patient règlement de tous les sens (l'inverse de la formule d'Arthur) la pleine conscience de ce qui se fait, ici, maintenant avec cette femme-ci, avec ce corps, avec ce vagin, avec ce pénis, deux corps qui se regardent sans projection vers ce qui va advenir, sans attente donc d'une conclusion, donc sans excitation, froidement presque, sans volonté d'aboutir à quoi que ce soit, sans projet pour les 3'40" à venir ; aucune précipitation, du temps, des interruptions si fatigue, endormissement ; le guide, c'est l'amour de ce qui se fait, le don pour l'homme, l'accueil pour la femme, l'enregistrement par les sens de ce qui s'éprouve, se vit ; évidemment, c'est une démarche duelle de conscience, ce sont les deux amants qui sentent, se sentent, s'écoutent, se touchent, se parlent, mettent des mots sur ce qui se vit, en pleine lumière; comme la corruption par l'émotion, le passé est très active, la conscience doit aussi avoir pour tache, la purification, le nettoyage de ces affects, de ces traces, inscrites jusque dans les organes génitaux

cela a t-il à voir avec l'amour tantrique ? L'expression n'est pas employée par Barry Long. Mais je pense qu'il y a des connexions entre les deux approches, plus crue, plus déroutante chez Barry Long ; l'émergence de la dimension spirituelle arrive presque à la fin du livre ; c'est que nous sommes de grands malades, de grands mutilés, de grands handicapés ; alors inutile de nous faire voir trop vite l'arrière-plan spirituel, divin qui est de l'ordre d'une révélation, illumination plus que d'une méditation

je n'ai pu m'empêcher de penser au Banquet de Platon, au mythe de l'androgyne complet, coupé en deux par le dieu, deux moitiés qui se cherchent, se trouvent parfois et là aucune hésitation, parce que c'est toi, parce que c'est moi; bien sûr, l'amour platonique est amour du beau, d'abord incarné dans un beau corps et par élévation (on pourrait dire purification, dématérialisation) devenant amour de l'Idée de Beauté

pas pu non plus m'empêcher de penser à l'amie Emmanuelle Arsan, si mal comprise dans ses romans ou essais mais si lucide, si inventive en jeux d'amour et si amoureuse de l'amour et du sexe; on s'était mis d'accord sur le sens à donner à l'expression faire l'amour, pas la guerre; ça place la barre haut (Bonheur et Bonheur 2, correspondance heureuse sans rien entre nous qui pèse ou pose)

le vagin et le pénis, c'est fait pour s'entendre, pour se compléter, et c'est le pénis qui entre, il ne pénètre pas, et c'est le vagin qui s'ouvre, se détend, veut accueillir

dit encore autrement, évident et peu pratiqué : Un vagin et un pénis. Une cavité divine qui peut être comblée par un pénis divin. La complétude, la plénitude, l'harmonie, l'UN sont atteints.

dernière remarque : dans ce livre, pas de mots, de concepts, de pseudo-concepts d'aujourd'hui ou d'hier, mots à la mode, mots importés de vieilles traditions; tous ces mots viendraient parasiter, corseter ce qui doit être une expérience pure, brute, sans médiation, on ne s'occupe pas de yin, de yang, de développement personnel spirituel, de chakras, de masculin ou de féminin à développer, d'alignement corps, sexe, cerveau; est évoqué le plexus solaire, le corps est divisé en deux, le haut et le bas, très peu de données pour inciter à une pratique non formatée par un vocabulaire inducteur; je pense que ce parti-pris de crudité est ce qui fait que ce livre n'est pas victime d'un effet de mode

Jean-Claude Grosse,

bien incapable de faire son bilan sexuel et amoureux, étant veuf, dans un état de viduité, depuis 8 ans, après 46 ans de vie avec l'épousée au jour le jour jusqu'à ce que ça fasse toujours (mais je me suis reconnu dans certaines descriptions) et qui devra attendre une autre vie pour faire l'amour d'une manière divine (lire l'extrait de l'éternité d'une seconde Bleu Giotto, plus bas)

 

page 44 extrait (chap. leçon d’amour)

 

Le moment est venu.

Vous vous êtes mis d’accord pour faire l’amour, et maintenant, c’est le moment

Déshabillez-vous dans la même pièce. Laissez la lumière allumée. Ne vous cachez pas. Ne soyez pas concentrés. L’amour est une affaire sérieuse, mais pas aussi sérieuse que ça. Soyez détendus. Vous pouvez sourire. Relevez juste le coin de vos lèvres et souriez.

Soyez présents. Soyez dans cette pièce ensemble, soyez maintenant. restez nus et séparés l’un de l’autre.Regardez-vous mutuellement, les yeux et le corps. Voyez vos corps respectifs. Sans juger, sans penser.

Ne soyez pas gênés. Tenez-vous en à l’amour. Commencez par accepter votre corps. à être votre corps. avec ses défauts et tout ce qui le constitue.

Si vous remarquez que votre partenaire est gêné(e), aidez-le ou aidez-la. Souriez. Relevez chez lui ou chez elle quelque chose de beau. allez chercher la beauté de l’être intérieur qui émane de son corps. il est là. Voyez-le. Dites-le.

Soyez psychologiquement nus. Soyez innocents. soyez neufs. EN regardez pas en arrière. Soyez vous même tels que vous êtes, maintenant.

Soyez vulnérables. Vous n’avez rien à perdre que vous n’avez perdu depuis très longtemps déjà.

Pendant que vous vous regardez l’un l’autre, n’utilisez pas votre imagination. Ne sautez pas dans le moment suivant. Si vous pensez ou utilisez votre imagination, c’est comme si une fois le moment venu, vous vous projetez dans l’action de faire l’amour à une autre personne, avec un vagin ou un pénis qui n’est pas vraiment là.

Avez-vous perdu la pulsion de faire l’amour pendant que vous me lisiez ? Sûrement pas. Le corps ne perds pas la pulsion de faire l’amour. Il aura toujours envie de faire l’amour à condition que vous -le surevillant- ne vous mettiez pas en travers du chemin.

Souriez-vous, couchez-vous et étreignez- vous- C’est le moment que l’imagination risque de se mettre en route -lorsque vous regardez par dessus l’épaule de votre partenaire ou lorsque vous fermez les yeux. Alors ne fermez pas les yeux.

Sentez la chair fraîche de votre partenaire, sur son dos et ses bras. Ne pensez pas. Sentez. Et gardez les yeux ouverts.

Il lui donne.

Il la caresse et la câline. Elle le caresse et le tient - avec amour.

 

extrait de L'éternité d'une seconde Bleu Giotto, Jean-Claude Grosse, Les Cahiers de l'Égaré, novembre 2014 (épuisé, n'existe qu'en e.Pub sur www.lescahiersdelegare.com

Le père – ne me dis pas que tu ne t'en souviens pas, cet instant de félicité, au Baïkal, le 14 juillet 1970, quand on l’a conçu en le sachant, ce qu’il a confirmé en arrivant neuf mois après, un jour en avance

La mère – je m'en souviens, tu te souviens de quoi ?

Le père – c'était le soir, on avait allumé un feu pour faire griller les omouls qu'on avait péchés, on avait porté deux toasts de kedrovaïa au lac, à l'amour, ça nous avait émoustillés, nous avons fait l’amour sur le plancher de l'isba de rondins blonds

La mère – j’aurais voulu que tu me baises

Le père – je t’ai fait l’amour

La mère – tu ne m’as pas baisée, tu m’as fait l’amour, pas comme j’attendais

Le père – tu m’as surpris, tu n’avais jamais été aussi ouverte

La mère – tu t’es retiré

Le père – tu m’as ramené en toi, tu l'as eu, ça ne te suffit pas ?

La mère – je n’ai plus jamais été Ouverte comme ce soir-là

Le père – je suis désolé, j’avais envie de m’abandonner, de me livrer à ton étreinte, ça s’est bloqué

La mère – chez moi aussi

Le père – te plains-tu de nos étreintes ?

La mère – on fait l’amour comme tu dis, on ne baise pas, j’étais Ouverte par l’Appel de la Vie, ça pouvait ressembler à de l’indécence, je me suis sentie jugée, quelle violence, cette impression, pour la vie. Tu vois, mon sexe n’a pas oublié l'obscénité de ton retrait

Le père – je regrette vraiment de m'être refusé, peut-être parce que tu devenais la servante d'une cérémonie, quand les bacchantes

La mère – c’est ça, mon p’tit chat ; depuis, tu es le maître de cérémonies minutées avec paliers et plateaux, plus de place pour les effondrements dionysiaques, pour les envols mystiques. Tu ne ressentiras jamais où t'aurait mené une plongée sauvage, sans calculs, dans ma béance

Le père – tu as quand même du plaisir ?

La mère – plaisir, plaisir, petit mot qui convient bien à une pâle jouissance, sans retentissement au profond du corps et de l'âme. Fusionner avec le Tout, des Femmes  rares connaissent. Aurais-je pu connaître la Grande Vie Cosmique, pas la petite mort orgasmique ?

Le père – pourquoi avoir mis si longtemps à en parler ?

La mère – je n'aime pas les mots sur ça, ma sexualité s’est mutilée avec sa conception, ma vie s’est arrêtée avec sa disparition, je veux regarder sans terreur cette horreur

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