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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan

20 Mai 2025 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #FINS DE PARTIES, #J.C.G., #album, #cahiers de l'égaré, #pour toujours, #écriture- lecture, #F.C.

Me souvenant de ma visite de la Villa Noailles en pleine dégradation, sous la conduite éclairée de François Carrassan, ce devait être vers 1986-1987, et pensant au combat que fut sa réhabilitation avec de l'argent public, avant son invasion par le monde de la mode, pensant aux livres écrits depuis sur cette villa et son architecte, Mallet-Stevens, je ne peux que partager cette interrogation de François Carrassan sur l'imposture qui est à l'oeuvre dans ce lieu aujourd'hui tant dans le récit qui en est fait, révisionniste à souhait, que dans l'usage dominant du lieu, réservé aux "mondains" d'aujourd'hui, dont l'inculture insolente fait plaisir à être démasquée.

du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)

JCG, alias assaisonneur ou grossel

la rédaction de cet article va de 2015 à 2025

c'est un travail d'épitaphier

du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)
du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)
du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)
du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)

du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)

HYERES / VILLA NOAILLES / 26 AVRIL 2003 /

Inauguration de la Villa Noailles restaurée par Jean-Jacques AILLAGON, Ministre de la Culture, en compagnie d’Hubert FALCO, Secrétaire d’Etat aux personnes âgées, Président de TPM et Maire de Toulon, et de Léopold RITONDALE, Maire de la Ville d’Hyères /

La Villa Noailles avait 80 ans et la Ville d’Hyères en était propriétaire depuis 30 ans. Savoir que dans cet intervalle la Villa avait accumulé les aléas de la vie : construction / célébrité / scandale / séparation / mondanités / déclin / abandon / vente / squat / ruine. Jusqu’à ce que la Ville d’Hyères se décide à la restaurer. Une aventure dont j’aurai un temps été un des acteurs. 

Mais aujourd’hui, vingt ans plus tard, le récit que la Villa fait d’elle-même me paraît s’être éloigné de son histoire véritable en préférant se raconter des histoires. En révisant le réel. En idéalisant les figures de ses commanditaires et leur vouant un culte quasi-religieux. On lit aujourd’hui dans un magazine que son directeur est « le fils spirituel de Marie-Laure ». Tant qu’on y est, pourquoi pas la réincarnation ? Mais à sa place je me méfierai, quand on sait comment tout a fini. (F.C.)

Photo de Man Ray

Photo de Man Ray

Dans les parages du centenaire de la Villa Noailles (la première construction date de 1925), l’excellente biographie que LAURENCE BENAÏM a consacré en 2001 à Marie-Laure de Noailles : « la vicomtesse du bizarre », vient d’être rééditée (Tallandier, 2023 / 12 €). Une biographie qui a le mérite de ne rien dissimuler d’une vie plutôt tumultueuse qui commence dans la distinction d’une aristocrate de la haute et qui finit, façon « mère Ubu », avec les boulomanes d’Hyères ou les soixante-huitards de l’Odéon. C’est la pente des choses. Un peu comme pour la Villa elle-même qui sitôt construite connut un bref âge d’or et puis qui, à partir de 1932, entra dans un lent mais fatal déclin. Jusqu’à l’abandon. Jusqu’à sa mise en vente, à la mort de la vicomtesse, en 1970. Où l’on voit que cette villa des Noailles, aujourd’hui bizarrement célébrée, fut liquidée en moins de 50 ans. Et où il faut bien se dire que, sans la Ville d’Hyères qui fit le choix de l’acheter en 1973 et, plus tard, de la restaurer, il n’en serait rien resté. (F.C.)

Photo de Man Ray

CENT ANS, ET ALORS ?

 

 

Notes pour le centenaire de la Villa Noailles

 

Pour tenter de définir son objet, si cela se peut

______________

 

 

 

  1. Cent ans depuis quand ?
  1. Acquisition du terrain le 21 janvier 1923 ;
  2. Première lettre connue de Noailles à Mallet-Stevens datée du 25 juin 1923 ;
  3. Premiers plans descriptifs en janvier 1924 ;
  4. Commencement du chantier en mai 1924 ;
  5. Premier séjour des Noailles en novembre 1925.

 

 

  1. Que faire d’un tel centenaire ?

Pourquoi pas l’occasion, au-delà des fantasmes et des clichés dont le lieu continue d’être l’objet, de dire le vrai, le vrai de son histoire et de ses acteurs ?

Le vrai d’un centenaire qui est en réalité double, au sens où il n’est que la réunion de deux cinquantenaires séparés.

Un cinquantenaire de 1923 à 1973, celui de la Villa Noailles propriété privée des Noailles, qui va de sa construction à son abandon.

Et un cinquantenaire de 1973 à 2023, celui de la Villa Noailles vendue à la Ville d’Hyères et devenue propriété publique, qui va de sa restauration à sa réutilisation.

Et ce n’est pas la même histoire.

 

  1. La figure aléatoire des Noailles devrait-elle être à nouveau fêtée au cœur de ce centenaire ? Un gros ouvrage commandité en 20181 a déjà tenté de les immortaliser en « mécènes du XXème siècle ». Mais, dénué de sens critique, il en est ressorti une hagiographie à la gloire d’un couple riche et oisif, impatient de s’amuser, en lequel les auteurs s’émerveillent de voir d’innocents mécènes tous azimuts. Mais c’est un conte de fée pour la veillée des chaumières.

Surtout que la Villa d’Hyères deviendrait vite le lieu de leur naufrage.

 

  1. Mais le plus drôle est que nos hagiographes de service, tout à leur idée fixe, vont laisser entendre que la vente de la Villa à la Ville en 1973, c’est encore du mécénat. Prétextant qu’elle fut vendue au prix des Domaines. Or c’est faux, selon l’acte de vente lui-même et le fait que le Conseil Municipal dut autoriser l’augmentation de ce prix. Mais ils insistent. Le sens de cette vente n’est pas dans la vente elle-même, car il faut comprendre qu’avec elle le vicomte lègue en réalité « un héritage spirituel ».  Et ils osent même le coup du legs « aux générations futures ». « Spirituel » en plus, ce qui ne coûte pas cher. Drôles d’historiens ! Tout ça pour maquiller la vente d’une maison abandonnée. Avec pour finir une chute à l’effet comique garanti : « Et si le vicomte n’effectue certes pas un don, il est possible d’y voir un acte de transmission, si ce n’est un dernier acte de mécénat.2 » Du mécénat payant en quelque sorte…

 

  1. En vérité la villa fut mise en vente au lendemain de la mort de la vicomtesse en 1970. France Soir3 titra : Le château de Marie-Laure est à vendre. Car, y lisait-on, le vicomte ne tient pas à conserver cette demeure. C’était « le royaume de sa femme ». Depuis les années d’après-guerre, quand les moeurs s’y relâchèrent, loin du temps si bref où l’avant-garde artistique y était accueillie, jusqu’au scandale de L’Âge d’Or. Et puis cela faisait 40 ans que le couple s’y était séparé. La maison fut donc vidée de ses meubles, objets et œuvres d’art, et vendue dans un état de délabrement avancé. Quelle transmission !

 

  1. Une seule sculpture ne fut pas emportée : le Monument au chat d’Oscar Dominguez. Du fait certain qu’elle pesait 3 tonnes, mais aussi parce que son auteur, dans les années 1950, fut l’amant officiel de la vicomtesse avec laquelle ils formèrent un couple détonnant digne d’une performance surréaliste4.

La ville en devint donc propriétaire et dut l’extraire de la Villa au moment du premier chantier de sa restauration, vers 1988. Elle fut ainsi coffrée et stockée dans une cour municipale  dans l’attente d’un lieu à sa mesure. Chose (enfin) faite en 2020, où elle a été installée au cœur du jardin de La Banque / Musée des cultures et du paysage.

Créée en 1953, on pourrait fêter ses 70 ans  en 2023.

 

  1. Mais alors pourquoi ne pas faire de la maison elle-même l’objet d’un tel centenaire ? La première maison construite d’un jeune architecte moderne et raffiné, jusque-là architecte-décorateur de cinéma, Rob Mallet-Stevens. Promis à un brillant avenir, il  a été recommandé pour son goût et son imagination au vicomte.

Oui mais voilà, si le vicomte voulait un architecte, il ne voulait pas d’architecture. L’architecte, c’était pour l’image et le standing, et il serait à ses ordres. Le malentendu fut immédiat. Le vicomte fit ainsi démolir en plein chantier une tour qui figurait l’axe central à partir duquel les cubes de la façade devaient se développer. Mallet-Stevens, désemparé, lui écrivit : « Je vous en supplie n’y touchons pas ; j’ai fait des croquis pour m’imaginer la maison sans la tour et l’on obtient alors un ensemble sans relief, sans silhouette et sans expression.5 » Un jugement sans appel qui pourrait surprendre l’actuel directeur de la Villa émerveillé par « ce lieu magique, extraordinaire de beauté, dont Robert Mallet-Stevens a si bien su ciseler les façades.6 »

Mais rien n’y fit. Mallet-Stevens dut s’incliner. C’était sa première commande. Malgré quoi des éléments significatifs de son vocabulaire purent s’exprimer et quelques gestes remarquables être produits7. Noter ici qu’au-delà du programme initial,  les Noailles se sentant à l’étroit, la maison ne cessa de s’agrandir et s’étendit jusqu’en 1932 au gré du terrain, sans plan et sans Mallet-Stevens.

 

 

 

Si bien qu’à l’arrivée, la Villa Noailles reste  le nom d’un ensemble hétéroclite, incohérent, sans la moindre unité architecturale.

Rien à voir avec la Villa dont Paul Cavrois, à Croix, confierait la réalisation à Mallet-Stevens en 1929. Premier chef d’œuvre de l’architecte qui, laissé libre de son génie et de son geste, réalisa « une œuvre d’art totale ». On ne peut pas tout avoir.

 

 

 

 

  1. Mais un autre moment de ce centenaire mériterait d’être retenu,  par lequel s’ouvre son second cinquantenaire, quand la ville d’Hyères est devenue propriétaire de la Villa actant la chute de la maison historique des Noailles au bout de cinquante ans. Une autre histoire commence dont l’enjeu majeur va être la restauration de ladite maison vendue en piteux état.

 

 

Car, après un premier chantier partiel et sans lendemain (1988-1989), la Ville va prendre la décision de devenir le maître d’ouvrage de la restauration de l’ensemble du bâtiment menaçant ruine. Un geste politique radical en faveur d’un chantier qui va s’étendre de 1995 à 2003. J’ai été un acteur  de cette restauration. Chargé par le maire d’alors, Léopold Ritondale, de mener toutes les actions utiles à sa réussite, avec le soutien officiel des institutions, et de les défendre devant le Conseil Municipal.

Pour mémoire, cette mission a été remplie.

Les partenaires institutionnels mobilisés, un plan de financement public (Etat/Drac, Région, Département, Ville) a été validé et le chantier de la restauration est allé à son terme.

Un projet de réutilisation de la Villa restaurée a dû être défini. Pour le porter, l’Association « Villa Noailles » a été constituée avec Didier Grumbach, son premier président. Le Festival des Jeunes Stylistes (créé à Hyères en 1985) sera le moteur du projet qui reposera sur l’Alliance de l’Architecture, de la Photographie, du Design et des Arts de la Mode. Voté par le Conseil Municipal et approuvé par tous les partenaires.

Quant au directeur de la Villa, son choix a été arrêté au Palais Royal par François Barré alors Directeur de l’Architecture et du Patrimoine. Didier Grumbach m’accompagnait et a été témoin de mon intervention quand j’ai présenté le candidat de la ville, face à un concurrent. C’est ainsi que la candidature de Jean-Pierre Blanc a été retenue. C’était le 22 avril 1999.

Le projet allait pouvoir se réaliser et une nouvelle aventure se vivre à la Villa Noailles.

Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la Culture, est venu en 2003 applaudir cet exploit de la ville d’Hyères. Juste l’année du transfert bureaucratique de la Villa Noailles à la communauté d’agglomération TPM, quand la ville en perdrait la maîtrise.

 

  1. Aucune histoire  n’a jamais coulé à la façon rêvée d’un fleuve tranquille. Celle de la Villa Noailles, avec ses hasards et ses ruptures, comme les autres. Son centenaire, en quête d’un objet culturellement crédible, pourrait être ainsi l’occasion d’un exercice de lucidité. Utile à l’intelligence de son action présente.  En sachant qu’on ne peut entrer deux fois dans le même fleuve. Que la Villa de Charles et Marie-Laure a cessé d’exister pour toujours. Que sa restauration n’est pas une résurrection. Et qu’il est vain de faire croire qu’on y serait revenu à la case départ pour y perpétuer une « œuvre » qui, sauf abus de langage, n’a jamais existé.

 

François Carrassan / 2022

 

 

Notes /

 

  1. Charles et Marie-Laure de Noailles, Mécènes du XXème siècle, Bernard Chauveau, 2018
  2. Ibid, pp. 323-324
  3. France Soir, 13 février 1970
  4. Laurence Benaïm, Marie-Laure de Noailles / Vicomtesse du bizarre, Grasset, 2001, pp. 465-476
  5. Cécile Briolle, Rob Mallet-Stevens, Editions Parenthèses, 1990, p. 41
  6. Charles et Marie-Laure de Noailles, op. cit., p.8
  7. François Carrassan, Une petite maison dans le midi, Editions de L’Yeuse, 2003, pp. 7-13
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles

de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles

quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens

quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens

Me souvenant de ma visite de la Villa Noailles en pleine dégradation, sous la conduite éclairée de François Carrassan, ce devait être vers 1986-1987, et pensant au combat que fut sa réhabilitation avec de l'argent public, avant son invasion par le monde de la mode, pensant aux livres écrits depuis sur cette villa et son architecte, Mallet-Stevens, je ne peux que partager cette interrogation de François Carrassan sur l'imposture qui est à l'oeuvre dans ce lieu aujourd'hui tant dans le récit qui en est fait, révisionniste à souhait, que dans l'usage dominant du lieu, réservé aux "mondains" d'aujourd'hui, dont l'inculture insolente fait plaisir à être démasquée.

JCG, alias l'assaisonneur ou grossel

Villa Noailles / Exposition permanente

Avec le souvenir de mon engagement pour la restauration de la Villa Noailles, on me demande parfois ce que je pense de l’actuelle exposition permanente qui s’y tient et s’intitule

Charles et Marie-Laure de Noailles / une vie de mécènes

Je fais alors observer que son titre est mensonger et qu’il est paradoxal de vanter le mécénat des Noailles dans un lieu qu’ils ont abandonné et qui a été sauvé de la ruine par l’argent public.

Sans savoir qui a validé ce projet ni sur la base de quelle expertise, voici donc ces notes qui invitent à un curieux constat :

UN FANTASME MONDAIN

1. L’exposition est principalement faite d’images, de reproductions, de fac similés, de photocopies en quantité. On se croirait dans un centre de documentation pédagogique.

Malgré le design appliqué de la présentation, cela saute aux yeux. L’amateur d’art voit qu’il n’y a pas grand-chose à voir et bien trop à lire. « Une coquille vide », comme on l’entend dire.

Sauf les Noailles photographiés ici et là en compagnie de telles ou telles personnalités. On pense aux trombinoscopes des magazines people qui montrent des happy few posant entre eux lors de soirées réservées. Souriants et contents de leur sort. Mais un mécène n’est pas une œuvre d’art.

2. L’exposition se tient dans la partie dite primitive de la villa, celle dont on est sûr que l’architecte en fut Rob. Mallet-Stevens, celle qui fut construite en 1924 et agrandie en 1927.

C’était une petite maison d’habitation avec de petites pièces en petit nombre, et tout y paraît aujourd’hui d’autant plus petit qu’on en a fait sans adaptation un espace ouvert au public et ainsi très vite saturé. A l’évidence, la contradiction des usages n’a pas été surmontée.

Reste que l’architecte, dans l’exposition, occupe la place du pauvre, à l’écart et à l’étroit, dans un recoin d’à peine 5 m2… Rien sur son rôle dans l’histoire de l’architecture, alors même que cette maison délibérément moderne constitue un manifeste radical. Rien sur ce geste qui intègre la maison aux ruines médiévales alentour et lui donne son esprit malgré Charles de Noailles qui, peu porté sur l’architecture, l’aura empêché d’aller au bout de son projet. Rien sur l’UAM, l’Union des Artistes Modernes, qu’il allait fonder en 1929.

3. Le titre de l’exposition laisse croire que Charles et Marie-Laure de Noailles formèrent un couple uni dans le même amour désintéressé de l’art et qu’ils menèrent côte à côte une vie de mécènes, jour après jour au service de l’art…

Or, s’ils se marièrent bien en 1923, recevant en cadeau le terrain de leur future maison d’Hyères, le couple ne dura guère, perdu entre les tendances de l’un et les attirances de l’autre, et connut assez vite une séparation de fait.

En 1933, Marie-Laure rejoint Igor Markévitch en Suisse. Charles, lui, a cessé à cette époque de s’intéresser à la chose moderne et sa femme s’occupera seule de la maison d’Hyères après la guerre. Il se retirera ainsi à Grasse dans une bastide du XVIIIème siècle, acquise en 1923, où il s’adonnera à l’horticulture.

Cette réalité, ici absente, ne correspond évidemment pas à l’intention de l’exposition.

4. Quant au lieu même de l’exposition, la propre villa des mécènes à l’affiche, son histoire n’est que partiellement évoquée et seulement sur la période qui convient au concept de l’exposition.

Car si cette maison fut effectivement ouverte à la création artistique, cela ne dura guère. Dès 1933 la vicomtesse écrivait en effet : « Nous démodernisons la maison. » C’est que le « couple » avait été refroidi par le scandale de L’âge d’or survenu en 1930, principalement le vicomte qui avait payé le film de Luis Buñuel et, naïvement, n’avait rien vu venir…

C’est vrai aussi que leur « aventure moderne » doit beaucoup au fait qu’ils étaient alors, comme l’écrira Charles, jeunes et impatients et qu’il fallait selon lui que tout soit amusant. Leur fortune héritée faciliterait les choses.

Et quand il invita Man Ray à venir tourner à Hyères en 1928, un tel geste, apparemment en faveur du cinéma naissant, reposait aussi sur le désir manifeste de faire voir sa maison.

Ainsi cette aventure, portée par la volonté évidente de se distinguer, n’excéda pas dix ans. Et, comme pour l’accompagner sur sa pente, la maison elle-même empiriquement bâtie se dégrada lentement, se fissura et prit l’eau. Un processus qui s’accéléra après la guerre quand le bâtiment cessa peu à peu d’être entretenu.

Et c’est durant ces années 50-60 que Marie-Laure de Noailles en fit sa demeure. Une demeure improbable où, dans une ambiance passablement décadente, elle entretenait une faune hétéroclite dont la rumeur locale se plaisait à imaginer les galipettes sexuelles.

Toujours est-il qu’aussitôt après sa mort, en 1970, le vicomte mit la maison en vente dans un très piteux état et fit en sorte que la ville d’Hyères pût l’acheter. Marché conclu en 1973. « C’était à ses yeux le royaume de sa femme », comme l’écrivait alors France Soir. Mais son image avait quand même dû se dégrader pour que, plus tard, quand la Ville entreprit de restaurer la maison, ses descendants ne souhaitent pas qu’on l’appelle « Villa Noailles »…

5. Car c’est bien la Ville d’Hyères qui allait entreprendre sa restauration avec le soutien de l’Etat. Et c’est bien avec le seul argent public qu’on paierait son long et coûteux chantier.

Aussi n’est-ce pas le moindre paradoxe de cette exposition, d’être consacrée à l’éloge illimité du mécénat des Noailles dans un lieu qu’ils ont abandonné à sa ruine. Un point de l’histoire ici passé sous silence.

6. Nul doute cependant que ce « couple » d’aristocrates décalés, au temps de sa jeunesse libre et argentée, en rupture avec la bien-pensance et son milieu d’origine, aura attiré l’attention et soutenu quelques artistes « émergents ».

Aucun doute non plus sur la générosité de Charles de Noailles dont Luis Buñuel témoignait volontiers et avec lequel il resta en relation bien après l’âge d’or de leur (més)aventure commune.

Mais rien qui permette sérieusement de voir au cœur du « couple » le projet construit de mener une vie de mécènes au nom d’on ne sait quelle exigence artistique, comme tente de le faire croire la page imprimée à l’usage des visiteurs de l’exposition.

7. Une vie de mécènes, c’est en effet le titre de ce document indigeste qui apparaît comme le support théorique de l’exposition. Un discours d’autojustification prétentieux qui se résume à un postulat, sans cesse répété, celui de « l’extraordinaire mécénat» des Noailles. Un mécénat non stop de 1923 à 1970, selon l’auteur…

(Même si cette déclaration est contredite par le texte d’introduction à l’exposition qui parle du « ralentissement » de ce mécénat après 1930…)

8. Et, dans ce drôle de galimatias, on peut lire pêle-mêle :

que les Noailles ont élargi la définition du mécénat; qu’ils ont saisi que la modernité c’est le collage (…), un partage entre plusieurs influences; que Marie-Laure de Noailles opère plus ou moins consciemment une confrontation quasi-systématique entre basse et haute culture; que Charles de Noailles saisit intuitivement que les révolutions intellectuelles à venir ne se construiront pas seulement sur l’héritage surréaliste… qu’ils sont au cœur de la modernité. Ou plus exactement des modernités; qu’ils ont choisi de vivre non pas au cœur de l’avant-garde, mais des avant-gardes (c’est moi qui souligne). Probablement l’auteur est-il égaré par son admiration pour ces illustres personnages, mais dans un « Centre d’art » il est regrettable de voir une telle confusion intellectuelle se donner libre cours.

Est-ce l’effet de l’absence d’un conservateur et d’un véritable projet scientifique et culturel ?

9. De fait l’exposition a un petit côté grotte de Lourdes. On pourrait s’y croire dans un sanctuaire réservé au culte de Charles et Marie-Laure de Noailles. Où le moindre souvenir, survalorisé, a pris la dimension d’une relique.

10. Culturellement, on pourrait s’inquiéter :

d’un tel défaut de distance critique. d’une adhésion si totale à une histoire à ce point « arrangée » et présentée au visiteur comme une vérité admirable et définitive. d’une telle tendance à la vénération comme on en voit dans les fan-clubs, où tout ce qui touche à votre idole, par le seul fait d’y toucher, devient infiniment précieux. 11. L’exposition a donc échafaudé un conte bleu. Tout y est sucré, propre et lisse. Charles et Marie-Laure veillent sur l’art. Les touristes sont invités à se recueillir.

12. On mesure comme on est loin de la vérité du commencement. Quand on sait qu’en ce lieu très privé fut autrefois fêtée une sorte d’insoumission et que la maison brilla rien que pour le plaisir passager des Noailles et de leurs invités jouant à une autre manière de passer le temps.

Charles de Noailles, à la fin de sa vie, avait pourtant tout dit de cette époque disparue : « Nous aimions nous amuser avec des gens intelligents et de valeur.

François Carrassan / Mai 2015

VILLA NOAILLES / DANS LE MUR DES COMPTES / (1) by François Carrassan sur FB, le 3 mai 2025 à 14 H 42
J’ai écrit Si Noailles m’était contée* en 2023 pour rétablir la vérité de l’histoire en opposition à l’annonce tapageuse et mensongère d’un Centenaire de la Villa Noailles que ses actuels occupants avaient décidé de fêter cette même année.
Alors que cette ancienne propriété des Noailles a été liquidée en moins de 50 ans. Je n’y reviens pas et je mets au défi quiconque de réfuter cela.
Je terminais mon livre en résumant ainsi l’étrange trajectoire de ce lieu éphémère : une maison privée, abandonnée à la ruine et vendue à la Ville d’Hyères toute splendeur perdue, restaurée ensuite avec le seul argent public, et à présent réutilisée par une association, sans droit ni titre, qui se complaît dans la célébration des propriétaires qui l’ont abandonnée.
Un étrange usage de l’argent public, écrivais-je, au service d’un culte idolâtre.
Mais j’ignorais alors combien d’argent était en jeu.
Or des chiffres viennent d’être présentés par l’association lors de son assemblée du 3 avril 2025, et tels que celle-ci pourrait s’en inquiéter quand il s’agissait aussi de faire mousser un faux centenaire. Ne serait-ce que ça…
Voici donc le montant des budgets 2023 et 2024, supposés "sincères", qui atteignent à égalité 6.430.000 € (cf. le tableau ci-joint signé par la présidente de l’association).
S’y trouvent de nombreux financeurs publics (Etat, Région, Métropole, Département, Communes) et privés.
Mais qui décide et qui laisse faire ?
Avec, par exemple, une ligne sensible intitulée « Déplacements, Missions, Réceptions » qui affiche 1.203.575 € en 2023 et 995.000 € en 2024.
On dirait une ligne pour la belle vie, voyages, aventures et fêtes… Une porte ouverte… Par qui ? Au profit de qui ?
Et la question immédiatement se pose du contrôle de la dépense quand l’argent semble si facile. Qui contrôle quoi ?
Je n’ai pas la réponse, sauf le doute que tout se soit passé, et depuis longtemps, « à la bonne franquette ». Entre soi.
*Edité par Les cahiers de l’égaré, 2ème édition 2025, en librairie et sur toutes les plateformes.
Photo Bernard Plossu / Villa Noailles, chantier de restauration / 2002 /
Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan
Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan
Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan
VILLA NOAILLES / A LA BONNE FRANQUETTE / (2) by François Carrassan, sur FB, le 7 mai 2025 à 10 H 22
En 2022, après que la Villa Noailles fut devenue « Centre d’Art », ignorant tout de l’organisation dudit « centre », j’ai formulé des questions élémentaires sur son mode de fonctionnement :
1. Sous quelle forme juridique ce « Centre » est-il administré, et par qui ?
2. Est-ce directement par la Métropole TPM ?
3. Si non, La Métropole a-t-elle délégué sa gestion ?
4. Si oui, selon quelle procédure le délégataire a-t-il été choisi ?
5. Dans tous les cas, qui est responsable de sa programmation ?
6. A qui l’argent public est-il versé ?
7. Dans tous les cas, qui contrôle les comptes ?
Des questions banales, mais logiques en face d’un budget qui atteignait déjà les 5 millions d’euros.
Pour la petite (?) histoire, je les ai transmises à la Direction de TPM le 9 mars 2022, et les ai fait connaître à la présidente de l’association le 17 mars.
La présidente ne m’a pas répondu, mais j’ai reçu de TPM la réponse suivante le 23 mars :
« Il n’y a pas de DSP nous liant à l’association Villa Noailles. Celle-ci nous propose chaque année un programme d’activités, nous nous voyons plusieurs fois dans l’année pour faire un point sur les actions et les demandes de subventions aux autres partenaires. »
Ce fut tout. Comment faire aussi bref en pareille matière ? Dans le genre : circulez, y’a rien à voir...
Mais j’ai compris alors que ces questions, personne ne (se) les posait. Et, plus étrange, qu’aucun financeur public ne trouvait à redire au fait de laisser une association 1901, sans droit ni titre, sans aucun représentant de la puissance publique, jouer avec des millions qui n’étaient pas les siens.
Se représenter alors une telle situation reconduite chaque année dans l’espace public… Et même amplifiée, jusqu’à l’arnaque du faux centenaire de 2023 ! Et à présent avec un budget (« supposé sincère ») pour 2025 encore en augmentation à 6.569.000 € ! Insensé, non ?
VILLA NOAILLES / L’AVEU / (3) by François Carrassan, sur FB, le 8 mai 2025 à 9 H 53
L’assemblée de l’association « Villa Noailles », le 3 avril dernier, eut à se prononcer sur 14 résolutions.
On pense aux mauvais élèves d’autrefois qui, pour repartir du bon pied, devaient prendre « de bonnes résolutions ». Car, cette liste d’apparence neutre laisse vite entendre le « mea culpa » d’une association à présent penaude.
Qu’on en juge avec 3 d’entre elles, les R11, R10 et R9 dont les intitulés disent en creux tout du désastre survenu :
R11 / sur « la nouvelle gouvernance de l’association »
R10 / sur « le circuit des engagements de dépense »
R9 / sur « la trajectoire financière 2026-2030 »
Car il s’agit là précisément de tout ce qui n’a jamais existé. La gouvernance c’était le caprice. Le circuit de la dépense c’était le bon plaisir. Et la trajectoire financière ce ne fut rien que la dérive des comptes jusqu’à nous.
Deux questions accessoires :
- Peut-on faire seulement passer cela (autant d’argent public méprisé) par profits et pertes ?
- Reprend-on les mêmes pour à présent gouverner, dépenser et s’orienter ?
Et une question provisoire :
- Quel événement a-t-il produit ces résolutions inattendues ? Quelle alarme a-t-elle retenti ? Après tant d’années fastes et trompeuses, comment réalise-t-on soudain que le roi est nu ? Et que ça ne peut plus durer ?
Avec une réponse incertaine :
- Il se pourrait qu’un mal plus grand encore que ce que disent les budgets soit apparu au point qu’on ne peut plus faire avec, précipitant le repentir des associés. Le saura-t-on ?
Premier chantier de restauration / 1988 / Photo Hans Domenig / La voie s’écarte du bon chemin / 1990
Premier chantier de restauration / 1988 / Photo Hans Domenig / La voie s’écarte du bon chemin / 1990

Premier chantier de restauration / 1988 / Photo Hans Domenig / La voie s’écarte du bon chemin / 1990

VILLA NOAILLES / A L'HEURE DU SCANDALE / (4) by François Carrassan, sur FB, le 8 mai 2025 à 23 H 23
EXCLU - QUI VA PAYER ? LA GESTION FINANCIERE DE LA VILLA NOAILLES ETRILLEE PAR LE MINISTERE DE LA CULTURE /
FRANCE BLEU / ICI PROVENCE
PAR CHRISTELLE MARQUES
Publié le jeudi 8 mai 2025 à 20:21
Le Ministère de la culture pointe du doigt dans un rapport communiqué mi-mars aux collectivités qui subventionnent l'association, la gestion calamiteuse mise en place par la direction de la villa Noailles à Hyères, avec notamment une dette « fournisseurs » de plusieurs millions d’euros.
« Je me souviens d’un discours que Jean-Pierre Blanc avait prononcé sur le devoir d’exemplarité parce qu’on travaillait avec de l’argent public. Quand je l’entendais dire ça alors que je voyais ses frasques, et que tout le monde se plaignait déjà de ne pas être payés, c’était hallucinant » confie un des ex-collaborateurs du directeur de la villa Noailles.
Le Ministère de la culture vient de dire stop. Dans un rapport présenté mi-mars en visio-conférence à des représentants de collectivités qui subventionnent l’association qui chapeaute le centre culturel, il est notamment question de frais de représentation exorbitants, de dépenses onéreuses. Selon nos informations, la Direction Régionale des Affaires Culturelles indique que la Villa Noailles doit revenir à ses fondamentaux et économiser près de 800 000 euros par an. Le ministère préconise par ailleurs la nomination d’un directeur financier. Et ce qui est particulièrement pointé du doigt, ce sont les dépenses de déplacement, de mission et de réception. Plus d’1, 2 million d'euros en 2023. A la tête de la villa Noailles, Jean-Pierre Blanc qui mènerait, semble–t il grand train avec des notes de taxi exorbitantes, et des factures d’hôtel à Paris ou des thalasso payées avec les cartes de crédit de la Villa Noailles, tout ça, avec un salaire dépassant les 10 000 euros par mois. De quoi faire tiquer l'inspectrice. « Quand tu gagnes bien ta vie, tu payes ton taxi » souligne une proche, exaspérée.
Mais comment en est-on arrivé là ?
D’un petit projet de fin d'étude qui n'avait pas d'autre ambition que de monter un défilé de mode pour les commerçants de Hyères, l'idée de Jean-Pierre Blanc a rapidement séduit Léopold Ritondale, pour devenir un festival européen de la mode. A la tête de l’association qui gère depuis quelques années la villa Noailles, l'homme est parvenu en quelques années à en faire un évènement internationalement reconnu, ramenant des partenaires privés prestigieux comme Chanel notamment. « On ne peut pas lui reprocher de ne pas aller chercher l’argent. Son problème, c’est que s’il va chercher 1000 euros, il en dépense 2000 » confie un autre collaborateur.
L’association est en partie subventionnée par des fonds privés pour près de 2,4 millions d’euros, selon le budget prévisionnel 2024 qu’Ici Provence a pu consulter. Mais surtout, elle vit grâce à des fonds publics. Les villes de Hyères et Toulon mettent la main à la poche, tout comme la Métropole, la Région, le conseil départemental et l’Etat pour une enveloppe globale d’un peu plus de 3,9 millions d’euros.
4 millions d'euros : la dette explose
Ce qui interroge, c’est l’ampleur des dégâts. En effet, selon nos informations, en 2024, la « dette fournisseurs » s’élevait à près de 4 millions d’euros. C’est-à-dire que l’association devait 4 millions d’euros à toutes les entreprises qui ont travaillé pour elle. Et elles sont nombreuses. Mais surtout cette dette a plongé dans des profondeurs abyssales très rapidement. Elle n’atteignait « que » 1,2 million d’euros deux ans plus tôt.
Alors c’est vrai que comme dit une proche de Jean-Pierre Blanc « on n’attire pas Chanel si on ne met pas des fleurs partout ». N’empêche qu’il y a de quoi s’étonner. Notamment parce que les collectivités ont semblé découvrir l’ampleur des dégâts lors de la restitution du rapport mi-mars, même si quelques soupçons étaient apparus juste avant. Les fournisseurs se plaignaient tellement de leurs impayés que la rumeur s’était répandue. Pourtant en 2023, François Carrassan**, adjoint à la culture à la mairie de Hyères tente d'attirer l'attention sur un mensonge qui a pourtant bien fonctionné, le fameux centenaire de la villa Noailles. Les 100 ans, on en était bien loin. Mais personne n'y a trouvé à redire, et la fête célébrant un centenaire qui n'a jamais existé a eu lieu. L'élu hyérois en fera même un livre afin de "rétablir la vérité de l'histoire".
Manque volontaire de transparence ou incapacité à gérer ?
Si jusqu'au milieu des années 2010, il est encore possible de trouver des documents comptables, ça se complexifie lorsqu'on s'approche de 2020. Il y avait bien des conseils d’administration qui étaient organisés depuis quelques années mais plus d’assemblée générale. « En tout cas, la dette n’apparaissait jamais dans les tableaux comptables qui étaient remis » rapporte une autre source. Autre constat, une association doit nécessairement transmettre un compte-rendu financier lorsqu’elle fait une demande de subvention à une collectivité. Or, selon des documents que « Ici Provence » a pu consulter, le compte- rendu financier de 2022 a été crée en septembre 2024, soit un an trop tard. « Ce n’est pas possible car ce document fait partie intégrante du dossier présenté pour demander une subvention. S’il n’y est pas, c’est quasiment assuré de ne pas obtenir l’argent » détaille un habitué des comptes publics. Pourtant les subventions étaient versées, malgré tout.
« Tout ce que Jean-Pierre Blanc voulait, il l’avait. Le succès lui est monté à la tête. Mais il ne sait pas manager et gérer. Tout le monde savait, notamment les fournisseurs, mais personne n’osait rien dire car il avait une espèce d’aura. Sauf que là, ça va trop loin. Il faut que cela cesse car des professionnels, et des personnes se sont retrouvés en difficulté. On peut être généreux, mais pas avec l'argent des autres » conclut un autre ancien membre de la Villa Noailles.
En attendant, Jean-Pierre Blanc a réuni ses équipes il y a quelques semaines, en leur précisant qu’il allait falloir faire des économies, que les visites seraient sans doute payantes. Cela n’empêchera pas les festivités du 40ème anniversaire du festival de la mode, de la photographie, et de l’accessoire de se tenir en octobre. « Show must go on » comme on dit. La ville de Toulon a d’ailleurs récemment voté une subvention augmentée pour l’évènement, la passant de 30 000 euros par an à 90000 euros pour 2024.
Car de l’avis de certains observateurs, pas question que cet évènement de qualité disparaisse. Jean-Pierre Giran, le maire de Hyères le confiait à Ici Provence il y a quelques temps : « ce festival permet à la ville et à la Métropole de rayonner internationalement. Le risque c’est que cela n’existe plus. » A chacun ses talents, la créativité à ceux qui savent créer, le financier à ceux qui savent compter et surtout gérer. L’inspectrice du ministère de la culture l’a rappelé très clairement dans son rapport, sous peine de ne pas souffler la 41ème bougie.
* Contacté à de multiples reprises, le service communication du ministère de la culture n'a pas été en mesure de répondre à nos questions, malgré l'existence de ce rapport rendu à l'issue d'un audit effectué par une inspectrice du ministère. Par ailleurs, de nombreuses personnes ont souhaité préserver leur anonymat, par souci de protection. Certaines entretiennent encore des rapports professionnels avec la direction de la Villa Noailles, quand d'autres notamment sont employées au sein des différentes collectivités.
** François Carrassan est l'auteur de "Si Noailles m'était contée. Retour au réel" paru en novembre 2023 aux éditions Cahiers de l'Egaré.
VILLA NOAILLES / RETOUR AU DROIT / (5) by François Carrassan, sur FB, le 12 mai 2025 à 18 H 45
« Il y a quelque chose de pourri dans le royaume de Danemark », (Hamlet I, 4). La phrase de Shakespeare s’emploie parfois telle un proverbe quand, dans une affaire, on perçoit « un gros problème sous-jacent ».
Ce pourrait être le cas à la Villa Noailles quand on découvre les données relatives à l’association éponyme (vivant à plus de 60% d’argent public) dans le rapport ministériel présenté en mars 2025.
Parmi lesquelles l’existence d’une dette, jusque-là cachée, de l’ordre de 4.000.000 (quatre millions) d’euros. Une dette faite d’une accumulation d’impayés dans le temps, laissant y voir l’effet d’un système plus que d’un accident.
C’est à l’évidence « le gros problème sous-jacent ».
En effet, tout le temps que cette dette a été cachée, si des documents financiers (bilans ou budgets) ont été produits par l’association en vue d’obtenir une subvention ou un vote, ceux-ci ont, de ce fait, été mensongers et ont pu tromper leurs destinataires.
La question se pose donc ici de savoir :
1. si des infractions de présentation de faux bilan ont pu être commises ;
2. si des budgets ont été volontairement insincères dans leur établissement entraînant des délits de faux et faux en écriture.
Sans préjuger des responsabilités qui l’ont rendue possible, une telle situation conduit objectivement à soulever ces interrogations.
En attendant que le doute soit levé.
Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan
VILLA NOAILLES - TPM / LE MOMENT 23 by François Carrassan, sur FB, le 20 mai 2025 à 20 H
A. L’article du Monde du 18 mai 2025 se réfère adroitement à un sujet traité il y a deux ans dans Var Matin : le compte-rendu du Conseil Métropolitain du 21 décembre 2023 où un paquet de subventions culturelles a été mis au vote, parmi lesquelles celle de la Villa Noailles d’un montant de 1,8 million d’euros.
B. Un retour en arrière amusant, à l’heure du désastre financier récemment révélé. Sans se douter de rien, le journal pose donc la question qu’appelle un tel montant : la Villa Noailles perçoit-elle trop d’argent public ? Sachant aussi que la générosité de TPM à l’égard de la Villa a souvent paru relever du panier percé.
C. Notre collègue Amaury Navaranne fait observer que c’est certainement trop si c’est pour exhiber des poupées géantes d’inspiration porno dont la subtilité me semble réservée à la branchitude woke. Mais, sans plus d’informations sur la gestion de cet argent, sa remarque très légitime se limite au contenu culturel "bobo" de la Villa que TPM valide sans autre formalité.
D. Il y a plus épineux. Car 2023 a principalement été l’année de la célébration officielle du (faux) centenaire de la Villa Noailles. Un panneau dressé par le directeur du site et dans lequel est tombé tout un petit monde politico-médiatique. J’ai semble-t-il été le seul à dénoncer publiquement cette annonce tapageuse et mensongère destinée à faire la fête. Quand on sait que l’ancienne propriété des Noailles a été liquidée en moins de 50 ans avant d’être abandonnée et vendue. Mais qu’importe l’histoire, qu’importe la vérité, quand seules comptent les photos et la mousse ? En 2023 un centenaire fictif aura donc été célébré, vainqueur d’un sommet de l’imbécillité. Son coût n’a pas (encore) été communiqué.
E. Et soudain, après une inspection ministérielle, un rapport et des articles de presse, on apprend en 2025 l’étendue du naufrage financier de la Villa Noailles avec une dette dissimulée à hauteur de 4 millions d’euros. Et aussi que l’année 2023 a justement été explosive. De sorte qu’à la question de savoir si la Villa Noailles perçoit trop d’argent public, on peut ici répondre sur un mode tragicomique, non, qu’elle n’en perçoit pas assez puisqu’elle dépense sans limite et sans payer, en se moquant du monde. Et c’est un scandale, celui de l’argent public gaspillé, détourné, incontrôlé.
F. Le champagne a tiédi au fond des verres. Les bougies sont éteintes. Un vent de panique souffle à présent sur le système, ses failles, et les responsables qui n’ont rien vu venir. Sauve qui peut ! Des bureaucrates du secteur font des réponses lunaires en face des millions envolés. On lit qu’on voyait un déficit chaque année, oui, mais en oubliant que ça s’additionne ! Que des subventions étaient versées sur la base de pièces vieilles de deux ans et fatalement hors sol… Ambiance pétaudière.
Serait-ce la fin d’une époque ?
Luis Buñuel, L'âge d'or, capture d'écran.

Luis Buñuel, L'âge d'or, capture d'écran.

LE PRESIDENT HOLLANDE A NOAILLES / by François Carrassan, sur FB, le 23 mai 2025 à 19 H 30 H
LE DEBUT DE LA FIN /
1. L’acquisition en 2018 de la Villa Romaine sise à Hyères, 38 boulevard d’Orient, donne une assez bonne idée du système qui entoure alors la Villa Noailles.
Juste savoir ici que l’opération fut menée par TPM au profit de cette dernière. Et c’est de cette époque (après 2015) qu’on peut, me semble-t-il, dater le commencement de la dérive qui va conduire au scandale actuel.
2. La Villa Romaine était la propriété de Jean Joerimann. Un vieil homosexuel raffiné, à l’ancienne. Un misanthrope très drôle. Sa maison XIXème était réputée pour sa décoration intérieure. Mais sa situation encaissée avec un jardin étriqué (agrandi par des trompe-l’œil) était assez peu favorable.
A l’approche de son (vrai) centenaire qui aurait lieu en 2012, Jean Joerimann décida de léguer la Romaine au Château de Versailles : pour qu’elle lui survive. Et puis il eut cent ans en juillet de cette année-là avant de mourir en octobre.
3. Le Château de Versailles tirait le diable par la queue. Il ne fit ni une ni deux, oublia la volonté du défunt, se déplaça à Hyères, vida la maison de ses objets de valeur et la mit en vente. La grande classe.
Côté privé, quelques visiteurs vinrent se rendre compte des difficultés du lieu et, pour 1,8 M€, personne n’en voulut. Versailles baissa à 1,5 M€. Et, côté public, le directeur de Noailles entra dans la danse.
Auprès du Ministère et de TPM, il fit valoir que cette acquisition s’imposait, comme une parfaite opportunité pour la Villa Noailles à l’étroit dans ses murs. Aucune objection.
4. Cela prit une tournure solennelle le 16 mars 2017. François Hollande, en tournée d’adieux, passe par la Villa Noailles. Il vient lui apporter sa bénédiction en lui accordant, au mépris de la procédure, le label « centre d’art contemporain d’intérêt national ». Joli coup de la ministre de la culture. Après quoi il animera un petit conciliabule au sujet de la Villa Romaine avec les éventuels partenaires de son acquisition devenue une évidence… d’intérêt national !
5. Mais la Ville d’Hyères par la voix de Jean-Pierre Giran dira non à ce qui ressemble à une mascarade où on vous embarque malgré vous dans un projet qui vous ignore et dont l’intérêt public vous échappe complètement. Et ainsi pas un sou d’Hyères pour la Romaine, quand on voit clairement alors la Villa Noailles se tourner du côté des gens acquis d’avance à sa cause et peu regardants.
6. Ce moment est encore plus significatif aujourd’hui, à l’heure d’un désastre qu’on croirait surgi de nulle part. Ce désastre financier pourtant si peu excusable qu’il n’aurait pas eu lieu, se dit-on, si la Ville d’Hyères avait gardé le contrôle de Noailles.
Car le label « hollandais » a fait de la Villa Noailles une sorte de vache sacrée, intouchable, indiscutable, à laquelle on n’ose plus dire non. Ni du côté de l’Etat, ni du côté de sa tutelle. Et la Romaine, devenue une proie facile, va donc être achetée en 2018 pour être remise à son directeur. Un cadeau de 1,5 M€. L’emballage disait que c’est pour être : « un espace de conservation du patrimoine contemporain de la Villa Noailles en même temps qu’une maison d’études et d’artistes en résidence. » Entendre alors en italien : si non e vero e ben trovato (si ce n’est pas vrai c’est bien trouvé)…
7. Sauf qu’aucun budget de mise aux normes et d’aménagement d’accueil du public n’a jamais été engagé. Et la Romaine est restée une résidence privée avec ses soirées intimes. Seulement ouverte aux pékins, intérêt national oblige, pour les journées du patrimoine. L’événement sera quand même publiquement fêté au printemps 2019 avec une première exposition remarquée option glauque, explicitement pornographique avec « contenus sexuels déconseillés aux enfants ». Un manifeste du directeur ?
8. C’est donc ici, à mes yeux, que commence véritablement la pente, désormais connue, au bas de laquelle la Villa Noailles a été emportée. Par la porte des fantasmes loin des chemins du réel. C’est rarement voulu. C’est le plus souvent fatal. On ne s’en remet pas.
Luis Buñuel, L'âge d'or, capture d'écran.
 
 
 
 
 
 
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