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bric à bracs d'ailleurs et d'ici

identité toi-même

7 Décembre 2009 , Rédigé par grossel Publié dans #agora

 Identité



Ma seule contribution, cher Benoist, va porter sur deux choses, mais d'abord merci pour ces Echos logiques (et très raisonnables...).

1. L'expression "fier d'être français" témoigne de la part de celui qui l'utilise de son ignorance du sens des mots en langue française, ce qui serait savoureux si ce n'était surtout grotesque ; on ne peut être "fier" que de ce dont on est, au moins partiellement, responsable : je peux être fier d'avoir tenu un engagement difficile, d'avoir réussi une épreuve quelconque grâce à mes efforts, etc. ; en aucun cas, je ne peux être "fier" d'une situation (être français) qui n'est que le résultat d'une très longue série de causalités (ce qu'on appelle le hasard) qui m'échappent complètement. Certes, quand je regarde les conditions d'existence de l'immense majorité des hommes et des femmes de cette planète, je suis plutôt content d'être français, mais je ne saurais en aucun cas en être fier.
Paradoxalement, et c'est ce que ne voient pas nos ignorants grotesques du sens des mots, les seuls qui peuvent légitimement se dire "fiers d'être français" sont tous ceux qui ont réussi, voulant échapper à la misère, aux persécutions de dictatures, aux tortures, et au prix de souffrances et d'épreuves considérables (les trois jours et quatre nuits passés par le père kurde d'un de mes élèves coincé sous la banquette arrière d'une camionnette sans boire ni manger pour traverser clandestinement les frontières et échapper aux geôles turques...) : effectivement, ceux-là, oui, peuvent être fiers d'être devenus français et d'avoir réussi à assurer un avenir à peu près correct à leurs enfants (Yavuz, le fils, bac avec mention, aujourd'hui informaticien).

2. Mon nom me trahit : DEFRANCE, descendant des envahisseurs immigrés de l'est, il y a déjà quelque temps, installés initialement dans la plaine de France au nord de l'actuel Paris, libres par rapport à l'empire romain ("francs") ; et je suis, disons... plutôt content de porter ce nom, (France était le prénom d'une de mes grands-mères : France Langhade épouse, Defrance) parce qu'il rassemble en lui seul les deux concepts de vérité (quelqu'un qui dit la vérité est qualifié de "franc") et de liberté (ce qu'on retrouve dans "commerce en franchise", "Franche-Comté", etc.) : il n'y a pas de liberté sans vérité, ni de vérité sans liberté - vérité et liberté piétinées par l'innommable Besson, mais qui n'est en lui-même qu'un épiphénomène dérisoire et grotesque (mais aussi malfaisant).
Seule ombre au tableau à propos de ce patronyme : s'il se rencontre le plus fréquemment dans l'Yonne (mon grand-père était d'Auxerre), c'est parce que, à une époque où il n'y avait pas encore de nom à proprement parler mais des prénoms, on appelait souvent les gens par leur origine provinciale (Lebreton, Picard, Lelorrain, etc.), et ces gens avaient au moment de la guerre de Cent Ans fait le choix des Bourguignons et des Anglais contre le roi de France et s'étaient exilés en Bourgogne : ils venaient "de France" ; et c'est ainsi que ceux qui portent ce nom descendent donc de "traîtres" à la "nation française" ! Vous avez dit "identité française" ?

Une troisième remarque pour finir et qui n'a aucun rapport avec ce qui précède : il est amusant (?) de noter que le convoyeur de fonds parti avec quelques millions d'euros ne risque que trois ans de prison : vol seul et sans violence ; en revanche deux gamins qui s'associent pour piquer le portable d'un troisième risquent sept ans de prison : vol en réunion avec violence... Qui vole un boeuf ne vole pas toujours un oeuf ! (c'est Jean-Pierre Rosenczveig qui a trouvé cette formule aujourd'hui pour souligner le paradoxe).
Je transfère message et réponse à quelques amis...

 

 

Amitiés !
Bernard Defrance

 

 

 

Identité, vous avez dit identité

 

 

 
Si pour un peuple, pour se sentir uni dans une nation, il a besoin d’éliminer une partie de ses citoyens, il prend une posture funeste et macabre.
Le peuple français en ayant voté majoritairement Sarkozy ou Le Pen croit encore « sauver son âme » en déportant une grande partie des citoyens étrangers. Le peuple suisse avec Blocher et son parti l’UDC (entre l’UMP et le Front national), en a fait le parti le plus représenté électoralement de ce petit pays.
Le peuple croit s’unir avec cette mise à part, mais il retranche une partie de sa vitalité, il croit renforcer son image, mais il la dénature par son rejet de l’Autre. Il se confine dans une forteresse qu’il croit assiégée et au-delà de ses murailles dans un désert d’horizon, il y invente des mirages terrifiants. Bientôt son cœur et son entendement s’emprisonne dans la pierre, il devient sourd au Monde.
Il a abreuvé ses sillons de sang dans la colonisation et maintenant, il croit trouver une identité dans cette posture de repli et de rejet. Un citoyen peut avoir ses pieds ancrés dans une terre « son pays », mais son imaginaire doit s’imprégner des musiques lointaines, s’enrichir des langues et connaissances multiples et engager des rencontres. Ce mélange, comme un arbre qui s’enracine et laisse en même temps son feuillage fleurir aux caresses des vents, ce mélange terrien et culturel devient le ciment d’un peuple ou d’une citoyenneté toujours en mouvement, toujours prête à regarder l’Autre ou l’étranger avec des yeux d’enfants, ceux qui cherchent à découvrir avec passion les secrets et les bonheurs du Monde.

 

 

Benoist Magnat

 

 

 

 

«Qu’est-ce qu’être français ? -
Cela ne vous regarde pas»
Par MATHIEU POTTE-BONNEVILLE
philosophe, enseignant, et membre de la revue "Vacarmes"


Eric Besson a annoncé, le lundi 26 octobre, le lancement d’un grand débat national sur l’identité du même nom. Mobilisant préfets et sous-préfets (ceux-là même qui, depuis deux ans, ont été dotés de marges d’initiatives accrues afin de décliner sur leurs territoires respectifs la politique de reconduite aux frontières impulsée par le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale), le débat devrait solliciter les «forces vives de la nation» autour de la question suivante : «Qu’est-ce qu’être français ?»
 
Une telle initiative, intervenant à quelques mois avant les élections régionales et quelques jours après l’expulsion de plusieurs migrants vers un pays en guerre, devrait assez logiquement susciter dans l’opinion des réactions variées. Gageons d’ores et déjà que certaines d’entre elles consisteront à tenter de retourner la question contre son initiateur : être français, rappellera-t-on, c’est hériter d’une tradition d’accueil, d’hospitalité et d’ouverture, tradition à l’évidence incompatible avec la politique d’immigration actuellement menée ; c’est se reconnaître dans une citoyenneté définie non par l’origine géographique ou culturelle, mais par la défense et la promotion commune des droits humains partout où ceux-ci sont niés - conception de la citoyenneté inconciliable, tant avec les dérives xénophobes dont a fait régulièrement preuve le précédent ministre de l’Immigration et de l’Identité nationale, qu’avec son action et celle de son successeur. Etre français, arguera-t-on en bref, c’est être en tout point opposé à l’horizon de fermeture, de surveillance, de délation réciproque et de contrainte par corps, d’opportunisme et de xénophobie aujourd’hui symbolisés par l’existence d’un ministère de l’Immigration, et incarné par Eric Besson avec un dévouement dans la duplicité qui ne laisse pas d’impressionner.
 
Une telle réplique est juste et sensée, et elle a pour elle l’évidence ; mais elle est trop évidente, justement, pour n’être pas prévue dans la question elle-même, question construite pour faire de ce genre d’objections autant de répliques, aux deux sens du terme : au sens où répliquer, c’est répondre, mais aussi répéter, reproduire ou propager cela même qu’on entend combattre. Le piège tient à ce que, posant la question «Qu’est-ce qu’être français ?», le ministère de l’Immigration et de l’Identité nationale n’entend évidemment pas faire l’éloge dans les mois qui viennent d’un nationalisme étroit, fondé sur la communauté de l’ethnie ou du sang (de cela, d’autres se chargeront au fil des débats, ce que la synthèse finale ne manquera pas de cautionner comme «une préoccupation», «une légitime inquiétude des Français face à la mondialisation», etc.)
 
La parole gouvernementale, subtilement relayée au fil des échanges par de multiples canaux, consistera au contraire à faire constamment valoir l’ouverture, l’égalité des droits et le pacte républicain, le refus des discriminations de races et de sexes comme autant de composantes de l’identité française. A les faire valoir, désarmant l’adversaire, non seulement dans la dimension neutralisée de l’échange d’idées, mais comme autant de motifs d’isoler et d’exclure, autant de raisons pour justifier la reconduite aux frontières. Invoquerez-vous le pacte républicain ? Mais «le pacte républicain suppose le respect des lois». Rappellerez-vous l’hospitalité ? Mais «l’hospitalité suppose d’avoir les moyens d’accueillir dignement».
Dans ce jeu de dupes, surtout, l’ouverture, la tolérance et l’égalité, constitutives de notre identité nationale, seront présentées et utilisées ainsi qu’elles le sont depuis deux ans : comme autant de valeurs fragiles qui exigent une sélection d’autant plus sévère de ceux qui, présents sur notre territoire, pourraient être suspects de ne pas les partager. Déjà, dans le même entretien où il annonce le grand débat national, le ministre Besson réitère son refus de la burqa - pratique certes ultraminoritaire, mais symbolique de la nécessité où nous serions, face à des étrangers si proches à chaque instant de verser dans l’intolérance et l’oppression, de discriminer pour sauvegarder notre sens de l’égalité, et de fermer les frontières de notre identité pour la conserver si ouverte.
 
C’est pourquoi, à la question «Qu’est-ce qu’être français ?» posée par le ministère de l’Immigration, il ne saurait y avoir dans les mois qui viennent qu’une seule réponse, endurante, ressassée, monotone, obstinée : «Cela ne vous regarde pas». Vous avez perdu le droit de poser cette question au moment même où, liant identité nationale et contrôle de l’immigration, vous avez aménagé le renversement systématique des composantes de la citoyenneté en autant de critères d’exclusion. A cette captation, il ne saurait y avoir de réponse qu’en acte ; libre à vous, lorsque ce temps viendra, d’interpréter la violence de notre refus comme une composante de la «francité».

 
A vos calculettes :
 
2 millions de Gaulois assassinés par les Romains ;
Des millions de morts lors des croisades, des pèlerinages armés et dévoyés, durant la Guerre de cent ans et au fil d’innombrables guerres de religions ;
10 à 40 millions de Chinois massacrés par les Mongols au XIIIe siècle ;
Le peuple de Tasmanie liquidé par les Britanniques lors du génocide "le plus parfait" de l’histoire ;
Des centaines de milliers d’Aborigènes australiens décimés par les mêmes colons britanniques ;
L'extermination de 20 à 60 millions d’Amérindiens, depuis la "découverte" espagnole, l'évangélisation et la colonisation, jusqu'à la Conquête de l'Ouest ;
Les traites négrières (orientale, intra-africaine et atlantique) totalisèrent plus de 50 millions de victimes ;
1.200.000 Arméniens périssent dans le premier génocide du XXe siècle ;
40 millions de morts lors de la Première Guerre mondiale et 65 millions durant la Seconde (dont les 5 millions de la Shoah) ;
Le démocide stalinien : 43 millions de morts ;
Le démocide de Mao : 30 millions de victimes et des famines à la chaîne ;
La terreur sanguinaire de Paul Pot : 1.500.000 Cambodgiens.
Rajoutons le million de victimes du Biafra, les 800 000 Rwandais, en majorité Tutsi, ayant trouvé la mort durant les trois mois du génocide au Rwanda, sans omettre les 300 000 morts et les 3 millions de déplacés de la guerre au Darfour.
 
Depuis l'esclavage du peuple Noir jusqu’au Nouvel Ordre mondial, soit de 1900 à l’aube du troisième millénaire, en passant par la guerre au Vietnam, le capitalisme porte à lui seul la responsabilité d'un bilan de quelque 100 millions de morts.
 
Michel R. Tarrier
 
  Le basson sarkoïde
 
    S'interroger sur " l'identité nationale ", c'est présupposer que la question pourrait se poser en ces termes. Or, la notion d'identité tend fortement à exclure ou à subsumer toute différence significative à soi et à donner toute autre identité dans les mêmes conditions et comme irréductiblement différente de la précédente. Le principe d'identité absolue que connote cette notion, entraîne immanquablement celui de contradiction absolue. (Si, comme B à B, A est identique à A, il est absolument impossible que A soit aussi B et que B soit aussi A.)
    A la limite (effleurée), s'il y a une identité nationale française, il n'y a plus dans ce pays aucune différence qui demeure significative (il y a donc homogénéité) et toute autre identité " nationale " peut seulement être conçue comme une identité irréductiblement différente (donc déjà hostile).
    Si l'on ne veut pas arbitrairement gommer les différenciations et les dédifférenciations qui font un pays comme la France, si l'on refuse de poser l'étranger comme un " pur " étranger, c'est en d'autres termes qu'il faut poser la question. Le recours à la " nation " (civilisation, religion, voire " race " ?) n'est évidemment pas neutre non plus. Il est aujourd'hui, notamment de la part de " mondialisateurs " sans scrupules, particulièrement paradoxal.
    C'est bien plutôt sur fond de désidentification nationale et, à l'intérieur du pays comme au plan international, de stérilisation des différences prometteuses en termes de dépassements féconds, que vient se greffer un tel débat institutionnel très intéressé. Toutes souples qu'elles paraissent, les divinités              " hypermodernes " cherchent toujours à tirer parti d'un éveil " maniable " des lourds démons du passé - preuve, s'il en était besoin, qu'il entre dans l'identité de tout un hypermodernisme d'être à l'occasion conciliable avec la pire réaction ou du moins ses confins.
    Le but d'un tel débat, c'est (au minimum) un gain d'embrouillamini.
 
G.L.


 

 

 

 

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