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Metamorphosis

19 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #J.C.G., #assaisonneur, #pour toujours, #écriture- lecture

je commencerai dès le 17 janvier 2024 vers 21 H 30, l'heure où je me couche, où sur le dos,
- je manifeste à tue-tête ma gratitude pour la journée passée, journée de merde (quand j'accepte d'être percuté par la fureur dans le monde) et de bonheur (quand je suis centré sur ce que je fais)
- et récite les mots de l'ho'oponopono : « désolé», « pardon », « merci », « je t'aime ».
puis me mets en position foetale et laisse le corps s'élever avec grâce ou plonger sans
c'est le temps des rêves, des petites morts, du corps sans pensée
du 18 au 21 janvier, je continuerai ces apesanteurs, je ne lirai aucun texte, surtout pas ceux de la bibliographie proposée par l'institution, sauf un, d'inactualité, Gros dégueulasse de Reiser, 1982
je mettrai en ligne, le poème kosmorgasmik, conçu avec une IA
et je me préparerai à inventer mon printemps des poètes avec grâce, sans la boussole sur l'axe du loup de son président Sylvient, ainsi que ma semaine de la langue française
doit-on dire merci au ministère de la culture en ces temps de reniements sinistériels qui veut baliser nos échappées belles ?
 
le corps en corps et décors pour ces inofficielles nuits de mes abords du corps
metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction
metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction
metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction
metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction
metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction
metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction

metamorphosis en 6 infographies générées par IA à partir des mots qui vibrionnent autour du petit bonhomme en construction

 
Ça m’a beaucoup intéressé de travailler avec Gaby pour le choix des animations infographiques générées en partie par des mots du texte
 
Aucune comparaison entre la 1° et la 2° version you tube  
du même poème final
Kormorgasmik
d’une série de poèmes 
Métamorphosis
dont voici le 1°Papillon de nuit et fleur équinoxialeécrit nuit d’équinoxe à 22 H 24’ 24"Kosmorgasmik étant rendu publicnuit de solstice à 3 H 27’ 19"raison suffisante pour livrer ce poème aux vents et aux sables aux pollens et aux écumes
 
 
Metamorphosis
 
Poème venu de la nuit du 20 au 21 mars 2023 
1° nuit du printemps
équinoxe à 22 H 24’ 24’’ 
égalité de la nuit et du jour
12 H chacun
——————————————
 
Metamorphosis
du sourire de chat sans chat
 
Papillon de nuit et fleur équinoxiale
 
La fleur équinoxiale :
assise dans coin droit du canapé
bien
 
Le papillon de nuit :
s’assoit à côté d’elle
 
Son corps d’elle-fleur pas bougé
Son corps intérieur s’est ramassé en boule
Chatte 
L’instant du suspens
Accueil de la caresse ?
Coup de griffe acéré ?
 
Son corps de lui-papillon pas bougé
Son corps intérieur s’est déployé
Désir d’homme
Prendre visage dans les mains ?
Poser lèvres sur sa bouche ?
L’instant de l’impulsion
 
Au-dessus d’eux
nuit enlunée
sourire de chat sans chat
 
Chut 
chute
Culbute
 
La boule de fourrure noire électrique
aux pupilles mystiques se love 
coin gauche du canapé
parapet du vertige
 
Verte tige, tu me fais éjaculubrer
 
La chatte - mon dieu, il est fou !
 
un texte poétique, une méditation peut-être emphatique, empathique sûrement, sur une métamorphose du corps devenant cosmique (comique forcément), par une transformation du coeur (du coeur rancoeur au coeur bonheur), une voix maladroite, une infographie générée par IA adorant les boobs, une production éditoriale peut-être innovante
 

 

presque en haut des marches, en bas de l'échelle tout en étant les pieds sur terre

presque en haut des marches, en bas de l'échelle tout en étant les pieds sur terre

Metamorphosis
Kosmorgasmik

Somnolent dans le fauteuil Louis-Philippe,
une image te vient :
La Terre et ses milliers de bouches éruptives,
ses milliers de vulves-geysers,
la Terre ronde est ronde
de toutes les grossesses animales et humaines,
de toutes les germinations florales et végétales,
de toutes les minéralisations calcaires et granitiques.
La Terre est la porteuse, l’accoucheuse
de tout ce qui naît, de tout ce qui prend corps.
Le corps, les corps, encore et encore.
Incarnations en chairs et en os,
en racines et cimes,
en strates et sédiments.
Et tu te vis, foetus en position foetale, dans le ventre-terre.
Du ventre-mer, du ventre-mère,
tu es passé au ventre-terre, au ventre-univers
En déviant ton désir sexuel de l’autre
en mettant à mort, façon matador, ton sentiment d’amour pour l’autre,
tu découvres, trois mois après,
que tu ne sors nullement mutilé de cette castration,
nullement effondré par cette relation sans réciprocité.
Cette mise à mort, façon matador, t’a fait passer en douceur,
parce que tu étais prêt, d’une sexualité exclusive à une sexualité inclusive, de l’amour possessif à l’amour oblatif.
Cette mise à mort, façon matador, a été guérison, résurrection.
Tu t’es mis debout, tu t’es métamorphosé.
Tu sors apaisé, sans ressentiment envers l’autre, la femme-toute-autre, la Trop Femme des inquisiteurs, la pas-Toute des lacaniens, qui s’exprime jour après jour, sans relecture ni correction,
exprime
- ses sensations marines, sous-marines, célestes, nuageuses, florales, lumineuses, ombreuses, oiseleuses,
- ses émotions devant les beautés offertes,
- ses sentiments d’absence, de deuil, de perte
- ses sensations d'avoir un coeur comme une passoire,
de vivre une vie vacharde répétant ses estocades,
une chienne de vie ne laissant aucun répit, même au lit.
Tu sors agrandi
de ce douloureux travail de mise à mort, façon matador, de ton sexe et de ton coeur,
de ce joyeux travail de guérison que tu as décidé quand tu as pu renoncer à ta dépendance et recouvrer ta liberté de choix.
Tu as changé ton sexe raide en sexe flexe.
Tu as changé ton coeur rancoeur en coeur bonheur.
Tu es passé de l’arbre rabougri de Godot
à la forêt primaire des hommes premiers.
Tu as inspiré l’air du Large.
Tu es monté dans la pirogue du Fleuve.
Tu as été fécondé par les abeilles de l’Amour.
Tu accueilles, tu recueilles, tu donnes, tu offres.
Tu ne tries pas, tu ne juges pas, tu n’opposes pas.
Ce qui advient devait arriver,
ce qui adviendra arrive déjà,
ce qui est advenu arrive toujours
parce que le passé ne s’efface pas.
Tout est mémorisé, devient mémoire vivante.
Tu t’es laissé glisser dans l’Océan que tu es.
Tu n’es pas une vie minuscule gouvernée par un zizi ridicule.
Tu es une vie Majuscule reliée au Tout.
Tout copule et consent avec joie à copuler.
Poussières et semences d’étoiles,
germes et spermes de l’orgie de l’évolution,
de l’ontogenèse, de la phylogenèse,  
à la vie à la mort.
La fabrique des corps. Et au coeur du corps, le coeur.
Tu es humble de ton humus,
humain de ton humanité,
universel de ton universalité,
divin de ta divinité.
En ouvrant tes bronches,
en activant ouïes, branchies,
tu retrouves tes éléments, l’air, l’eau.
Tu entres dans l’innocence.
Tu es miracle et mystère de ta naissance.
Tu seras mystère et miracle de ta mort.
Tu fais choix de l’ignorance.
Tu ne refuses pas les connaissances
mais surtout tu sais qu’on ne sait rien.
Rien du début, rien de la fin, rien du sens s’il y en a un.
Tu acceptes d’être dans l’incertitude,
tu ne cherches pas de certitudes.
Tu ne crois plus qu’il y a la Vérité à chercher.
Tu essaies d’être dans la Vie, dans l’Amour, dans la Mort.
Tu montes et descends l’échelle,
Du Tartare à l’Olympe,
du Ciel à l’Enfer
et tu bivouaques sur la Terre.
Du Tartare, tel Orphée, tu ramènes poèmes et mélodies.
Épitaphier de tous les morts aimés.
Dans l’Enfer, pas de damnés condamnés à jamais.
Du Ciel, tu ne fais pas le séjour de Dieu ni le paradis des ressuscités.
Dieu ayant créé se cache, tsimtsoum.
Le ciel est espace de légèreté pour la gente ailée.
Dieu est dans le silence d’un souffle subtil.
Dans l’Olympe, aucune guerre des dieux.
Ils ont eu le temps d’apprendre et de pratiquer l’anarchie.
La Terre est danses et cycles.
La grande roue du Grand Manège tourne
bien huilée
sans grincements de dents.
Dieu et les dieux  sont présences ineffables.
Tu n’es plus un hamster.
Tu es à Parfaire. Tu es un Parfait. Tu es Parfait.

 

‘‘AU NOM DU CORPS’’

Au cœur de sa chair, il y avait sa propre musique,

Mais aussi la force cosmique.

Elle savait que cette force était dans son corps,

Qu'elle n'est pas en dehors !

Elle savait que dans les profondeurs de son corps,

Il y avait un trésor.

 

Pourtant, comme beaucoup, elle en avait perdu la clé,

Et il lui appartenait de la retrouver.

Elle observait alors ce corps plus concentrée,

Et elle voyait qu'il n'avait pas besoin de sa pensée rationnelle pour qu'il puisse fonctionner.

 

Elle pressentait que si elle était plus consciente de cette fabuleuse intelligence à l'oeuvre dans son propre territoire et dans sa propre maison,

Elle serait moins égarée par le discours de sa raison.

Elle sentait que si elle se reliait à cette intelligence corporelle,

Elle trouverait sa place à elle.

 

Comme le têtard de spermatozoïde savait où il devait aller sans la raison pour le guider,

Comme la fleur savait comment elle devait pousser sans un cerveau pour la tirer, Comme l'oiseau sent où il doit voler en harmonie avec sa race ;

Elle sentirait grâce à ce biais où est son endroit, sa véritable place.

 

Avant, elle ne le savait plus,

Car elle ne ressentait plus et elle était perdue.

La tête avait pris le contrôle de la situation,

Et l'empêchait de jouer sa propre partition.

Mais, elle décida enfin de suivre son corps et sa vibration.

Au nom du corps qui est ma terre

Que ta volonté soit faite

Que ton règne arrive

 

Certains prient Dieu et puis le ciel

Pensant que là, se trouve l’essentiel

Moi, je prie mon Corps et la Terre

Car c’est elle, ma Mère

 

Sentez-vous ce lien entre vos corps, mon corps, et le corps de la Terre ?

Ils sont faits de la même matière

Sentez-vous qu’il faut en prendre soin ?

Pourtant ils sont des temples encore trop lointains

 

Continuons à nous prendre la tête

Et la terre, elle, elle tempête

Continuons à nous meurtrir

Et la terre, elle, elle va mourir

Continuons à souiller, violer les corps meurtris

Et nous aurons des tsunamis

Renions nos corps

Et c’est la mort

 

Tais-toi… Fais pas ça… Pleure pas… Bouge pas… Va par là… Non par ici…

Continuons à nous parler ainsi

Et la Terre va trembler

Pour enfin nous réveiller

 

Au nom du corps qui est notre terre

Que ton nom soit sanctifié

Que ton règne arrive

Avant que le monde parte à la dérive.

 

 

Soyons vivant

Et la terre se détend

Soyons vibrant

Et les temps redeviendront cléments

Vivons notre belle matière

Et nous en serons fiers

 

Le sacré se loge dans notre nature vivante, et dans nos corps vibrants ;

Pour intégrer la connaissance spirituelle, il convient de plonger dedans.

Les rythmes vitaux de nos organismes sont en résonance avec le cosmique ;

Intégrant cela, nous rencontrerons Dieu dans notre physique.

 

Plongeons dans nos ventres et dans nos grottes profondes ;

Nous y trouverons les racines et les fondations de la nature du monde ;

La connaissance nous sera alors révélée,

Et nous accèderons à notre unité.

 

Si nous cherchons Dieu dans l’extérieur,

Ce ne sera que malheurs.

Cherchons-le dans notre intérieur,

Et nous sentirons sa chaleur.

Car c’est dans la rencontre de notre dualité que nous serons mariés ;

La croix sera bien le trait d’union entre des opposées.

Plus aucun monde ne sera séparé.

 

Nous aurons en amour tous nos contraires ;

Et la Mère rencontrera le Père ;

Le féminin et le masculin danseront pour que rien ne se fane ;

Pour découvrir le sacré au coeur du profane ;

Le haut et le bas sur la même échelle,

Le spirituel au sein du matériel.

 

Au nom du corps qui est mon temple et ma terre

Que ton règne arrive

Toi qui es la fondation de toutes nos églises érigées vers les Cieux,

Tu es le réceptacle qui peut accueillir Dieu.

Tu es le lien entre le ciel et la terre ;

Ce contenant qui accueille la lumière.

Toi qui étais assimilé au mal,

Tu redeviens le réceptacle et le Graal.

Au nom du corps qui est ma terre ;

Que ta volonté soit faite.

 

Caroline Gauthier

« Elle est là… cette Femme «Trop».
Celle qui aime trop fort, celle qui ressent trop profondément, celle qui demande trop souvent et celle qui désire trop.
Elle est là, elle prend beaucoup trop d’espace, avec son rire, ses courbes, son honnêteté et sa sexualité. Sa présence est aussi grande qu’un arbre et aussi large qu’une montagne. Son énergie occupe chaque anfractuosité de la pièce. Elle prend trop de place.
Elle est là, elle gêne par ses envies persistantes, elle a trop d’envie. Elle désire beaucoup. Elle veut tout, trop de bonheur, trop de temps seule, trop de plaisir. Elle traversera le soufre, la rivière trouble et le feu de l’enfer pour l’obtenir. Elle risquera tout pour étouffer les angoisses de son cœur et de son corps. Cela la rend dangereuse.
Elle est dangereuse.
Ensuite, cette Femme «Trop» fait trop réfléchir les gens, ressent trop, se pâme trop. À travers sa posture, on découvre sa confiance en soi et sa prose authentique. Elle a un rire franc qui vient du cœur, un appétit insatiable et une propension à la passion ardente. Tous les yeux sont rivés sur elle, pensant qu’elle pète plus haut que son derrière.
Oh, cette Femme «Trop»… Trop forte, trop vibrante, trop honnête, trop émotive, trop intelligente, trop intense, trop jolie, trop grosse ou trop mince, trop difficile, trop sensible, trop sauvage, trop intimidante, trop réussie, trop joyeuse, trop indigente ; trop quoi.
Elle devrait se calmer un peu, baisser le ton quelque peu. Quelqu’un devrait la remettre dans le droit chemin. Quelqu’un devrait lui dire.
Je suis là… La Femme «Trop», avec mon cœur trop tendre et mes émotions de trop.
En tant qu’empathique et hédoniste en constante recherche de plaisir, je veux une profusion de justice, de sincérité, d’espace, de facilité, d’intimité, de respect, d’être vue, d’être comprise, de votre attention complète et que toutes vos promesses soient tenues.
J’ai été appelée très exigeante parfois parce que je veux ce que je veux, et aussi, intimidante à cause de la place que j’occupais. J’ai été appelée égoïste parce que je m’aime moi-même. J’ai été appelée une sorcière parce que je sais comment me guérir.
Mais encore et encore… Je me relève. Encore et toujours, je veux, je ressens, je demande, je risque et je prends de la place.
C’est nécessaire.
Trop de femmes ont été confrontées à l’extermination depuis des siècles. Nous avons tellement peur d’elles. Nous sommes terrifiées par leur grande présence, par leur manière de commander le respect et de brandir la vérité de leurs sentiments. Nous avons essayé d’étouffer la Femme «Trop» depuis trop longtemps, chez nos sœurs, chez nos compagnes et chez nos filles. Et même maintenant, même aujourd’hui, dans un certain sens, nous continuons à couvrir de honte cette Femme «Trop» pour sa grandeur, son désir et sa nature passionnée.
Et encore… elle relève le défi.
La femme, dans sa pleine puissance, se déplace à travers le monde avec grâce et confiance. Dorénavant, sa sagesse tempère son esprit fougueux. Calmement mais fermement, elle dit la vérité sans aucun doute ni hésitation et la vie qu’elle mène est enfin sapropre création.
Dans mon propre monde et sous mes yeux, je suis témoin de l’ascension et de la remise en valeur de la Femme «Trop». Cette Femme «Trop» est également connue de certains comme la femme sauvage ou le divin féminin. Dans tous les cas, elle est moi, elle est toi et elle adore avoir enfin la place de s’exprimer librement.
Si vous avez déjà été appelée «Trop» ou «trop émotive» ou «trop garce» ou encore «trop coincée», vous êtes probablement une vrai Femme «Trop».
Et si vous l’êtes… Je vous implore d’embrasser tout ce que vous êtes, toute votre profondeur, toute votre immensité ; de ne pas vous retenir et de ne jamais abandonner votre grandeur ou votre éclat brillant.
Oubliez tout ce que vous avez entendu ! Votre côté «Trop» est un don. Oh oui, un don qui peut guérir, inciter, libérer et transpercer directement au cœur des choses.
N’ayez pas peur de ce don, et ne laissez personne vous en détourner. Votre coté «Trop» est magique, c’est une médecine. Il peut changer le monde.
Vous ne me croyez pas ? Vérifiez ceci : Toutes vos femmes préférées, celles qui ont fait l’histoire, celles qui ont prêté leur voix pour le changement et celles qui se sont courageusement autorisées à être exactement qui elles sont. Quelques exemples : Oprah, Ronda Rousey, Beyoncé, Kali, Misty Copeland, Janet Mock, Marie-Madeleine… Elles sont toutes des Femmes «Trop» !
Alors je t’en prie Femme «Trop» : Demande, Cherche , Désire, Grandis, Bouge, Ressens, Sois.
Fais des vagues, attise tes flammes et donne-nous des frissons.
Je t’en prie, lève-toi.
Nous avons besoin de toi ! »
~ Ev’Yan Whitney
Traduit de l’anglais.
Ev’Yan Whitney est une éducatrice sexuelle et une doula ™ en sexualité qui aide les femmes à sortir de la honte et de la peur pour entrer dans leur pouvoir érotique.
Son site : https://www.evyanwhitney.com/
magnifique témoignage d'une femme ayant cheminé en corps, et encore de masculin à féminin
« Dans ce jeu pervers, où j’ai été entraînée, très jeune, j’ai choisi la conduite des dominants, avec mes atouts de femme. J’ai brimé le féminin en moi et donné beaucoup de place à mon masculin. J’ai séduit les hommes et adopté l’attitude de la préhension envers les hommes mais aussi envers mon propre féminin que je n’ai pas écouté. Je suis devenue victime et bourreau de moi même.
A présent, je demande pardon, je ne veux plus survivre de mes blessures passées. Je suis prête à t’écouter, à t’aimer, à exprimer ce que je ressens et à vivre la joie de l’être. J’ai confiance en ton écoute, j’ai foi dans nos actes.
Je demande pardon aux femmes, à la femme que j’ai reniée en moi, je demande pardon au féminin sacré que je n’ai pas honoré à travers ma conduite, je demande pardon aux hommes que j’ai essayé de dominer pour me venger, je demande pardon au masculin sacré que j’ai castré du plaisir de me rencontrer vraiment.
A présent je te dis où je ressens tes gestes trop intrusifs et où ils sont bons pour moi. Je t’accueille tel que tu es, sans attente, sans volonté.
C’est cet Amour qui m’apprend à être, élève mon esprit et rejoint mon âme. »
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écouter le poème magnifique lié à un geste (la main de désir sans amour) lors d'une rencontre festive, proposé en audio sur l'article, à gauche : ah ce corps !
texte de Patrick Burensteinas sur le corps
pour de meilleurs ressentis de nos 3 règnes intimes et terrestres
minéral, végétal, animal
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LA TRAME : CORPS OU CITÉ...
Le corps est l’agrégat temporaire des 3 règnes comme une fourmilière qui, pour former sa colonie, aurait pris les caractéristiques du minéral, du végétal et de l’animal.
Le minéral
Le minéral a comme particularité de donner une rigidité, un fondement à toute structure ; il a aussi le pouvoir de stocker en lui de l’information. C’est pourquoi il est utilisé dans notre corps comme charpente (le calcium de nos os), comme mémoire ou transmetteur de l’information (tels les neurotransmetteurs qui sont tous des métaux ou des métalloïdes), mais aussi pour fixer les gaz comme le fer de notre sang fixe l’oxygène.
Le végétal
Le végétal est le seul des 3 règnes capable de transmuter. C’est en effet le seul qui transforme l’énergie en matière par la photosynthèse. Pour prouver cet acte quasiment magique, vous pouvez faire l’expérience suivante : Prenez une graine et pesez-la.
Ensuite, procurez-vous du coton que vous imbibez d’eau. Naturellement vous avez pesé l’eau avant. Vous placez le coton dans une bouteille en plastique et la graine par-dessus.
Fermez hermétiquement la bouteille et placez-la au soleil.
Au bout d’un certain temps, la plante pousse. Bien sûr quand la nourriture contenue dans la graine est épuisée la plante s’étiole. À ce moment-là, vous prendrez la plante et vous la pèserez. Oh miracle ! La plante pèsera plus lourd que le poids de la graine initiale et le poids de l’eau.
D’où vient cette différence de masse ? Eh bien, la plante a transformé la lumière en matière ! Notre corps a donc tout naturellement placé les végétaux, à l’endroit où nous transformons la matière en énergie : dans nos intestins. C’est la flore intestinale ; sans elle, nous serions tout simplement incapables de digérer.
L’animal
L’animal est représenté par les cellules qui fournissent le transport et permettent le mouvement de la colonie pour lui donner toujours la position la plus favorable.
La vie organisée et a fortiori le corps humain ont peut-être commencé comme ceci : Une cellule rencontre une autre cellule, et comme dit la chanson que croyez-vous qu’elles se racontent ? Des histoires de cellules : « C’est bien compliqué d'être un si petit animal. Et si on fondait une société ? Une espèce de copropriété où chacun serait à sa place selon ses compétences ? »
Aussitôt dit, aussitôt fait. Les premières cellules se regroupent et puis d’autres et d’autres encore. Au-delà d’un certain nombre, des problèmes d’intendance commencent à se faire sentir. Les cellules du milieu ne sont plus capables de se nourrir, la nourriture étant à l’extérieur de l’amas. Elles ne sont plus capables non plus de respirer pour la même raison. Elles menacent alors de quitter la colonie.
Quelques cellules disent : « Vous ne pouvez pas faire ça, on va trouver un moyen, certaines d’entre nous vont vous nourrir, d’autres vous apporter de l’air et d'autres encore ce qui vous manque. »
Alors certaines cellules se spécialisent.
– Il y a les «rouges», celles qui sont chargées d’apporter de l’oxygène. Elles trouvent le moyen de transporter du fer sur leur dos, de le faire rouiller à l’extérieur pour le porter tout chargé d’oxygène à l’intérieur.
– Il y a celles chargées du nettoyage, de la sécurité et de la poste. Et plus la « ville » devient importante, plus il y a d’habitants, plus le besoin de services spécialisés se fait sentir. Cette ville forte de 40 milliards de milliards d’habitants, c’est notre corps, où chaque règne est représenté selon sa place et son utilité.
QU’EST-CE QUE LA TRAME I
Imaginez une ville aussi complexe que celle que nous venons de décrire. Comment se peut-il qu’elle soit cohérente, que les cellules qui forment le foie ne se mélangent pas avec celles des os ? Ou plus simplement pourquoi tout cela reste-t-il en place ?
Si vous prenez une cellule de votre corps, et que vous lui donniez à manger, elle vit très bien sans vous ; alors pourquoi reste-t-elle ? Pourquoi ne nous décomposons-nous pas de notre vivant ?
Et qu’est-ce qui fait qu’un jour, celui de notre mort, nous nous décomposons ? Notre corps est maintenu cohérent par une sorte de canevas, un schéma d’information qui dicte à chaque cellule quelle est sa place et quelle est sa fonction. Comme pour une tapisserie où la Trame maintient les fils ensemble, dans un ordre précis.
Trame le mot est lâché.
La Trame est un ensemble d’informations, un quadrillage quantique, le plan, qui fixe l’organisation des cellules de notre corps, mais aussi des minéraux et des végétaux qui participent à la colonie.
COMMENT L’INFORMATION CIRCULE SUR LA TRAME
Dans notre univers, ici et maintenant, l’information, l’énergie, circulent de manière ondulatoire, plus exactement sinusoïdale. Par exemple, prenez par une extrémité un tapis posé sur le sol, et secouez-le. Vous vous apercevrez que l’onde créée se déplace d’une manière sinusoïdale.
Il en est de même pour notre corps. Supposons maintenant que l’information soit bloquée sur la Trame par un obstacle ou une rupture de continuité, comme une pierre sur le tapis.
À partir de l’obstacle, l’information est altérée voire absente. Les cellules et autres composants ne reçoivent plus d’ordre de cohérence et se trouvent livrés à eux-mêmes : c’est la désorganisation. Dans certains cas, les cellules livrées à elles-mêmes décident de créer une colonie locale, un nouvel organe qui les satisfera elles, mais pas forcément l’unité du corps. C’est une tumeur.
COMMENT REMÉDIER À UNE SITUATION DE BLOCAGE
Pour remettre le système en état, il faut opposer au blocage une énergie légèrement supérieure. Il faut vigoureusement secouer le tapis.
C’est le premier effet que nous apprendrons à produire et à contrôler dans l’apprentissage de la Trame. Le second effet découle de l’observation suivante : une sinusoïde est aussi caractérisée par sa régularité. Celle-ci dépend de la cohérence de ses composantes. Imaginez une chorale où chaque chanteur chanterait ce qu’il veut. Il s’ensuivrait immanquablement une cacophonie. La courbe représentant cette musique sera chaotique.
Si par contre le chef de chorale est là, alors tous les chanteurs chanteront à leur place exacte et le résultat sera harmonique.
Toutes les cellules de notre corps chantent (ou plutôt vibrent), chacune avec sa propre voix. Nous serons alors le diapason, le chef d’orchestre, qui permettra à tous les composants de notre corps d’être en harmonie. La notion d’harmonie n’est pas métaphysique. Elle est physique. Dans une propagation harmonique, l’énergie est bien plus grande et bien plus pertinente (comme un laser par rapport à une lampe).
Nous gagnerons donc à harmoniser notre corps pour que l’énergie qui circule entre chaque cellule soit le moins altérée possible et que l'information aille bien là où elle doit aller.
_________________________________-
en complément, ce texte sur les modes de dissipation thermique ou dynamique de l'énergie des émotions :
SOURCES DE PERTURBATIONS DE LA TRAME
La première cause de perturbation de la Trame est l’émotion ou plutôt le surcroît d’émotions. Qu’est-ce que l’émotion ? L’émotion est de l’énergie que nous fabriquons. Une fois cette énergie fabriquée, nous avons deux possibilités majeures de l’utiliser : thermique ou dynamique. C’est-à-dire que nous avons chaud et que nous bougeons. Par exemple, vous avez peur, et cette peur peut vous donner des ailes. Vous transformez alors l’énergie de la peur en mouvement. Un autre cas, la colère. Si vous êtes en colère, vous devenez tout rouge (vascularisation pour dissiper l’énergie d’une manière thermique) et vous faites de grands gestes (dissipation dynamique). Il n’y a pas de mystère ; dès que vous fabriquez de l’émotion-énergie, le corps tente de la dissiper. Si vous êtes en colère, le fait de faire trois fois le tour du pâté de maisons vous calmera. Vous avez transformé votre énergie/colère en mouvement. Vous vous mettez un coup de marteau sur les doigts. Pouvez-vous me dire pourquoi vous mettez-vous à sauter partout en criant ? Est-ce que votre doigt en sera moins écrasé ? Bien sûr que non ! Mais l’émotion que vous avez créée vous pousse à l’action. Prenez une émotion dite positive comme une grande joie. Regardez les gens qui gagnent à un jeu, eux aussi se mettent à sauter partout en criant. Là encore vous avez transformé votre émotion-énergie en mouvement. Ce fonctionnement est normal et ne saurait être pathogène, sauf si vous fabriquez plus d’énergie que vous ne pouvez en dépenser. Nous, êtres humains, avons un problème majeur, nous avons le sens du temps qui passe. Nous sommes capables de souffrir aujourd’hui de quelque chose qui nous est arrivé hier. Plus fort encore, nous sommes capables de souffrir de quelque chose qui nous arrivera peut-être demain. Si quelqu’un me dit un mot qui me déplaît, je peux fabriquer de l’émotion pendant des mois. Une émotion sans sens ni fonction. Ces émotions s’accumulent, car elles n’ont aucune possibilité de s’écouler. Au-dessus d’un certain seuil, cette énergie devient pathogène, elle engorge, perturbe la Trame. Elle tente de se frayer un passage vers l’extérieur du corps. Elle crée : – Dans un premier temps, des inflammations, des éruptions, des brûlures (voyez comme ces termes sont ignés). – Dans un second temps, des surtensions pouvant conduire à une rupture mécanique de l’organisme. Remarquez comment les animaux, qui, eux, ont la chance de ne pas avoir la notion du temps qui passe, transforment instantanément l’énergie en mouvement. Par exemple, vous faites peur à un lapin, c’est tout de suite qu’il se met à courir, pas demain. Quoiqu’un surplus d’émotions puisse le paralyser. Par contre, regardez ce qui se passe pour un animal vivant comme un homme ou plutôt ayant un rythme humain. Un chien domestique sait qu’il va avoir sa pâtée, qu’il va sortir, que son maître peut partir. Il va donc acquérir la notion du temps qui passe, et par là même sera capable de faire de l’émotion décalée. Il aura donc les mêmes maladies que l’homme, de l’eczéma par exemple... L’émotion est nécessaire, c’est la vie, le mouvement ; mais en trop grande quantité, c’est l’explosion de la Trame. Comme une chaudière surchauffée fait exploser ses tuyaux. Maintenant que nous avons une idée un peu plus précise de la Trame, et de ce qui peut l’empêcher de fonctionner, nous allons pouvoir entrer dans le vif du sujet.
Trouvé sur le blog La Vie est le plus grand des Gourous, actif jusqu'en 2019 mais où on peut lire les articles archivés depuis 2013
Souviens-toi que :
"Cet Univers s'éveille quand tu t'éveilles et s'abolit quand tu te retires.
Donc, la totalité de ce qui existe et de ce qui n'existe pas
n'est rien d'autre que toi."
(Abhinavagupta, Shivaïsme du Cachemire (fin Xe s. début XIe s.)
Souviens-toi que tu sécrètes ce monde à chaque instant. Tu en rêves chaque nuance, chaque situation, chaque ombre et chaque lumière, tu es en la trame, la substance et la coloration. Tu en es la chair et le souffle. La limpidité joyeuse et l'épais brouillard des peines.
Non pas toi en tant que rêvé, mais toi en tant que rêveur.
Le rêvé n'est qu'une petite chose en perdition, le Rêveur est tous les mondes en formation.
Souviens-toi de toi en prenant conscience que la totalité de ce qui est vu est toi, non pas un toi circonscrit à une forme particulière , mais toi en tant que la vision de ce qui est vue. Toi en tant qu'espace contenant tout ce qui est perçu, toi en tant que substance de ce qui apparaît et disparaît. Tu es l'Océan, de ton frémissement amoureux naissent les vagues qui bondissent de joie sur la plage ou qui viennent se fracasser sur les rochers. Tu n'es pas une vague particulière, tu es toutes les vagues en même temps et dans la sérénité du silence de ta profondeur rien n'est affecté par le bruit des vagues ni par leur mort ni par leur renaissance, car tu es l'Immobile d'où émerge tous les mouvements.
Jamais tu ne meurs car jamais tu ne nais, toujours Cela tu es, indéfiniment.
Sors-toi des limites de ce petit personnage en te percevant l'illimité contenant toutes les choses. Déborde-toi de ce contenu restreint et révèle-toi dans ton infinité bienheureuse. Dénoue ce nœud qui t'étrangle en une histoire particulière et ouvre-toi en ta lumière traversée par toutes les images de l'Univers.
Quelles que soient les circonstances, rappelle-toi à toi en étant conscient que tu es toute la scène qui est en train de se produire. Elle vient de jaillir de ton cœur et déjà s'en retourne et y meurt. Tu es l'éternel immobile en qui tout se manifeste et s'estompe.
Touche-toi d'azur et de terre, embrasse-toi d'eau et de lumière, respire-toi de feu et du souffle de l'éther, chacun de tes mouvements crée des étoiles et des galaxies, des empires, des civilisations et des mystères...
Tout cela est vrai et tout cela est faux, tout n'étant que le reflet de ta réflexion. Souviens-toi de toi et tu verras que tu es le berceau de toutes ces chimères douces amères. Le chaos de ces mondes n'étant que l'inversion de ta propre sérénité.
C'est dans ces projections que tu viens t'aimer en te reconnaissant non né. Et c'est en t'embrassant dans ton immensité que tu t'éveilles à ta réalité. Tu te souviens alors que depuis toujours tu es cette Eternité.
Domiji
article publié le 9 Janvier 2016

les 44 pages de Metamorphosis du 21 mars 2023 au 21 décembre 2023

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le roman national ment / Pacôme Thiellement

19 Janvier 2024 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #assaisonneur

Marie-Madeleiine par Donatello
Marie-Madeleiine par Donatello

Marie-Madeleiine par Donatello

où Marie-Madeleine se retrouve au coeur d'un autre possible récit national que le roman national qui ment par Pacôme Thiellement


j'avais déjà abordé ce thème essentiel en 2007 et 2009
il serait bon de mêler à la farine dans laquelle on se roule
- L'histoire mondiale de la France (dir. Patrick Boucheron)
- Les mondes de l'esclavage (Direction d’ouvrage : Paulin Ismard)
- Le grand récit de Johann Chapouteau
de saler avec
- Le déclin de l'occident d'Emmanuel Todd et livres précédents
de poivrer avec
- Trotskisme, de Lambert à Mélenchon
de retourner la crêpe avec
- L'impitoyable aujourd'hui d'Emmanuelle Loyer
et de se servir de la poêle à gratter avec la question d'Etienne Klein sur la mort et le temps

Bienvenue dans L'Empire n'a jamais pris fin. Ce nouveau programme pour Blast sera comme un voyage dans le temps. Nous pouvons retourner en arrière, mais nous ne pouvons pas modifier le passé. C'est la règle de tous les voyages dans le temps, il faut éviter le paradoxe temporel. Cependant, nous pouvons changer notre regard sur celui-ci. Et en changeant notre regard sur celui-ci, nous pouvons peut-être changer le visage de notre présent. Mon nom est Pacôme Thiellement, je ne suis pas historien, je suis un exégète. Et j'aimerais aujourd'hui faire l'exégèse de l'histoire de notre vie sur ce territoire que nous nous sommes habitués à appeler la France. Mais ce serait une autre histoire. Une histoire de notre lutte, extérieure et intérieure, contre toutes les formes de pouvoirs politiques et religieux. Une histoire de la reconnaissance aux droits de disposer de nous-mêmes et aux devoirs de ne pas disposer des autres. Une histoire de nos tentatives d'émancipation, de nos combats, de nos échecs et de nos victoires. Comment nous avons vécu ? Comment nous sommes morts ? Comment nous sommes revenus ? Comment nous avons dû continuer à nous battre ? Bienvenue dans une histoire alternative de la France, une histoire de France dont vous êtes le héros. Bienvenue dans L'Empire n'a jamais pris fin,

épisode 1 : Jules César, l'homme qui nous inventa.

Le roman nationalement, la France n'a jamais été chrétienne. Si l'on parle d'une manière d'être et de vivre, qui soit la mise en pratique collective de la parole d'un certain Jésus, né à Nazareth, la France n'a pas été plus chrétienne que le christianisme n'a existé. Le christianisme est un mot. Un mot qui recouvre un très vilain récit. Celui du détournement de la parole émancipatrice, révolutionnaire, d'un homme ou d'un dieu, afin de la faire servir à une mission exactement contraire, la reconduction de la domination impériale la plus exclusive jusque dans l'intimité des cœurs et le secret des âmes, l'Église. L'Église chrétienne ment, l'Église chrétienne est romaine. Et pourtant... Et pourtant la parole de Jésus est également une porte vers autre chose, car l'être invisible auquel cette religion visible n'a cessé d'adresser ses prières était initialement celui qui possédait le fil d'Ariane, susceptible de nous guider hors du labyrinthe de la prison impériale. C'est à partir de Jésus que l'Empire, dans un premier temps, va commencer à se fissurer. Mais c'est aussi autour du culte du Christ que l'Empire va se reconstruire, de façon plus forte, plus intense, plus impitoyable encore. Le christianisme, le culte du Christ crucifié, a été la plus grande insulte faite à sa personne comme au contenu de sa parole. Si nous les confrontons, parole contre parole, Jésus et le christianisme ne sont pas contradictoires, ils sont incompatibles. C'est ce que nous allons essayer de faire aujourd'hui. L'histoire de Jésus et celle du christianisme sont inscrites si intimement dans le parcours de l'humanité depuis 2000 ans que l'histoire de France, fille aînée de l'Église, est incompréhensible si nous ne nous penchons pas sur cet abîme. L'histoire que nous allons vous raconter est une des plus dingues de toute l'histoire de l'humanité. Elle va chercher si profondément dans nos cœurs qu'elle nous fait mal à chaque fois qu'elle nous fait rire. Parce que dans le fond, ça n'est pas drôle. Bienvenue dans l'Empire n'a jamais pris fin, je m'appelle Pacôme Thiellement, je ne suis pas historien, je suis exégète. Dans ce programme pour Blast, je fais l'exégèse de notre histoire sur ce territoire que nous nous sommes habitués à appeler la France. Celle-ci est subjective et même très subjective, même si nous essayerons d'être le plus rigoureux possible. Alors, comme dirait l'autre, si vous n'aimez pas mon histoire de France, écrivez la la vôtre. Bienvenue dans l'Empire n'a jamais pris fin,

épisode 2, Jésus contre le christianisme.

« Le roman national ment. L’identité française ne résulte pas de l’alliance de la bravoure gauloise et de l’administration romaine, le tout couronné par la bonté chrétienne. Pas seulement. Non seulement la France n’a pas seulement été gauloise et romaine, mais la France n’a pas seulement été chrétienne. Même dans son rapport à Jésus. Même dans son rapport à Jésus, le roman national ment. Par omission. Par oubli. L’histoire qui suit se situe à la fois après la mort de Jésus à Jérusalem, un siècle et demi plus tard à Lyon, et au IVe siècle après le baptême de l’Empereur Constantin, alors que le christianisme devenait la religion officielle de l’Empire. Ces trois moments sont indissociables. Ces trois moments nouent entre eux des relations qui donneront un fruit très particulier dans l’avenir. C’est une histoire qui frappe très mystérieusement à la porte de notre temps. Le sujet de cette histoire est l’amour. Et, au cœur de cette histoire, il y a une femme : Marie-Madeleine. Bienvenue dans L’Empire n’a jamais pris fin. Je m’appelle Pacôme Thiellement. Je ne suis pas historien. Je suis exégète. Dans ce programme pour Blast, je fais l’exégèse de notre histoire sur ce territoire que nous nous sommes habitués à appeler la France. Celle-ci est subjective, et même très subjective, même si nous essayons d’être le plus rigoureux possible. Alors, comme dirait l’autre, si vous n’aimez pas mon Histoire de France, écrivez la vôtre. L’Empire n’a jamais pris fin.

Épisode 3 : Marie-Madeleine et les États Généraux de l’Amour »

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Kdo

5 Décembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #album, #pour toujours, #écriture- lecture

Kdo pour un anniversaire de 83 ans
Kdo pour un anniversaire de 83 ans
Kdo pour un anniversaire de 83 ans
Kdo pour un anniversaire de 83 ans

Kdo pour un anniversaire de 83 ans

c'est parti de Saint-Maixent l'École, Deux-Sèvres,
le 21/10/2023
c'est arrivé dans le bon tempo
ça s'appelle un Kdo
Kdo de 144 pages, avec 56 poésies écrites à la main
des peintures, des cyanotypes, des dessins
je n'ai vu l'expéditrice qu'une fois, chez des amis
j'étais allé la chercher à la gare et nous avions fait connaissance pendant le temps de la longue montée en lacets vers un village de 50 âmes et le temps d'un repas partagé

merci Rachel K.

j'évoque deux autres Kdo

- celui de Virginia G., faisant imprimer spécialement L'éternité d'une seconde Bleu Giotto en format 21 X 29,7

- celui de Dominique Lardenois  m'offrant une traversée dans mon oeuvre, avec Katia Ponomareva, le 29 septembre 2023

les billets que m'envoie Alain Cadéo sont Kdo / j'en ai mis plusieurs dans Le cerf-volant de l'égaré N°2 / j'en ai reçu 2, ce lundi 4 décembre 12 H 40 et 12 H 50


je me suis demandé en me replongeant dans cet objet magnifique, unique
si j'avais été soucieux de Kdo de ce genre;

je recense :
- le livre unique sur papier de liège trouvé en Corse, écrit et illustré pour K.
- l'album de photos d'artiste réalisées par Hélène Théret à ses 3 ans, que R. découvrira à ses 18 ans
- l'oeuvre réalisée pour les 75 ans de l'épousée par DSJ (qu'elle ne verra jamais)
- les oeuvres réalisées en dentelles végétales par Aïdée B. : jupe de correspondance, testament amoureux (dans le sillage de Baïkala), photo de la Belle avec sa déclaration d'amour éclairée par LED

et de fil en aiguille, c'est la Vie-Kdo qui offre à foison

il me semble que les livres pluriels que j'ai initiés sont aussi des Kdo :

- Envies de Méditerranée

- Gabrielle Russier / Antigone

- Elle s'appelait Agnès

- Baïkal's Bocal

- Avec Marcel Conche

- Marilyn après tout

- Diderot pour tout savoir

- Cervantes-Shakespeare, cadavres exquis

- Le passage du temps

- Au bord des falaises ou comment se relever de ses morts ?

- Le siècle de Marcel Conche

- Cahier des futurs désirés

Puis j'ai élargi au Kdo que fut la fréquentation des oeuvres de Christian Bobin, Christiane Singer, Jean-Yves Leloup, Deepak Chopra, Eckhart Tolle, Thierry Zalic

Et last but not least

- la correspondance heureuse de 17 ans avec Emmanuelle Arsan, du 19 mars 1988 au 31 mars 2005

- l'amitié et les rencontres avec Marcel Conche (contacté dès la revue Aporie vers 1986-1987). Rencontré en 2003 pour les 20 ans des 4 Saisons du Revest, il fit cadeau aux Cahiers de l'Égaré du petit livre De l'amour. À partir de 2010, je le vis une à deux fois l'an, souvent avec François Carrassan. À La Maisonneuve à Altillac en Corrèze puis à la fin à Treffort, dans l'Ain.

- l'amitié et les rencontres avec Edgard Gunzig, à partitr du salon du livre à Paris, en 2005

- le 30 avril 2010, la visite exceptionnelle de la grotte Chauvet, Kdo dû à Roger Lombardot et Dominique Baffier

Kdo pour un anniversaire de 83 ans
Kdo pour un anniversaire de 83 ans
Kdo pour un anniversaire de 83 ans
Kdo pour un anniversaire de 83 ans

Kdo pour un anniversaire de 83 ans

Aucun mot n’est fondamentalement inutile, démodé ou idiot. C’est la manière dont il est entouré qui le rend glacial, terne, sans intérêt, autrement dit qui l’annihile et qui souvent le tue. Ainsi j’essaie toujours de rassembler mon petit peuple familier au cœur d’une clairière où aucun ne se sent étranger. J’appelle ça mon cirque. C’est le seul nom que j’ai trouvé collant le mieux à ma manière très intuitive de fonctionner, de fusionner avec cette tribu sauvage cherchant abri et bonne compagnie. Je n’utilise jamais la force. C’est foin à volonté et le bon goût de la luzerne, poignée de myosotis, deux chardons, boutons d’or et un soupçon de mandragore, marmites de tripailles, pommes en quantité, toute la moelle des consonnes, le petit gras de l’alphabet. Je les laisse venir. Les auges sont remplies, de l’eau à volonté. Il faut les voir rappliquer de tous les côtés! Ils sont de toutes les espèces. Reptiles, amphibiens, rampants, insectes, gros et petits animaux à plumes et à poils, bêtes mythiques, fauves, arbres, roches, fleurs et tout un peuple de nuages, d’astres, de constellations, mille sons et couleurs se déployant au rythme de leur brassage, de leurs accouplements souvent inattendus. Terre, mers, ciels, montagnes, plaines, le doux regard aussi de très rares humains croisés, stupéfaits de voir passer la horde affamée de ces indésirés. C'est là que les mots dansent, jonglent, font des sauts périlleux, s’acoquinent en figures exaltant leur sens premier, deviennent acrobates sans filets, aventuriers, filles de l’air et trapézistes, célestes voyageurs épris de liberté.

On dit à juste titre que chaque écrivain possède son lexique. Et les plus grands d’entre eux ferraillent avec un bataillon fidèle mais restreint de mots très forts mais admirablement entrelacés leur permettant d’exprimer les plus belles nuances de l'âme. Trois cents mots pour Racine! Cent de plus peut-être pour Corneille… Après c’est affaire de rythme, de cadences du cœur, métronome des nerfs, du sang et des artères. Autrement dit tout est affaire de souplesse et d'ondes musicales. Et ceux et celles qui savent faire chanter et danser les mots sont des sorciers de pleine lune. Bons à brûler
 
Moi, c’est plutôt Freaks ou la monstrueuse parade des noms bien tarabiscotés, des adjectifs vêtus de leurs vieux costumes de lumière, des verbes rutilants qui roulent sous la langue, un carnaval que plus personne n’utilise ou que personne ne comprend. Mais je ne m’en plains pas, car ma tribu jamais ne m'a quitté. Je les vois même défiler, comme en rêve, lorsque les yeux fermés je me repose. Et le soir venu je m’en vais avec mon cirque et ses lampions, dans des bruits de chariots et tous les grincements de mes hallucinations, hennissements, barrissements, rugissements, le flamenco des écuyères et leurs éclats de rires, le tout sans cages ni aucune sorte d’enfermement. La nuit, mes virgules et mes points se plantent où ils veulent. Personne ne rechigne. Tout le monde est partant pour un bon feu de camp dont les brindilles étincellent et grimpent en pétaradant vers la grande ourse ou les nuages de Magellan... jusqu’au soleil levant. Repus et reposés, là tous s’alignent en paix et je n’ai plus qu’à recopier leurs quatre volontés. Ce sont mes vrais amis, car ce qu’ils me confient est en principe intraduisible. Je ne peux même pas appeler ça de la poésie. C’est le substrat ou l’essence même d’un drôle de paradis.  
Alain Cadéo, 4 décembre 2023

Vous remarquerez peut-être que ces billets, qu’ils soient le fruit d’une pensée, d’une anecdote, d’une soudaine révélation ou simple évocation d’un souvenir très cher, finissent par posséder une sorte de structure pouvant être l’objet d’un monstrueux roman en permanence inachevé. Roman dont l’écriture elle-même serait le personnage énigmatique, masqué, fuyant toujours devant. 

Courir après cet animal changeant de forme à chaque instant fut ma joie et jamais un tourment. Et aujourd’hui, là, je voulais la remercier cette écriture, d’avoir été présente, sans faillir, tout le long de ma vie. Elle fut mon dragon, mon lion, ma belette, mon petit « cheval blanc ». Elle fut aussi ma symphonie, mon menuet, ma chansonnette. Je l’ai suivie comme un enfant, fasciné par ses couleurs, ses voltiges, ses ruades, ses merveilleux emballements et n’ai jamais douté qu’elle me menait, tout en jouant à m'égarer, vers la claire lisière où sommeillent les vibrations secrètes du VERBE... devant qui, tous les mots, humblement, s’agenouillent et se taisent.
Alain Cadéo, 4 décembre 2023
Annie magnifiée par Aïdée
Annie magnifiée par Aïdée
Annie magnifiée par Aïdée
Annie magnifiée par Aïdée

Annie magnifiée par Aïdée

Je m’en irai par les avenues des villes prospères je m’en irai sans me laisser séduire par les promesses qui s’affichent je m’en irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où s’achèvent les villes aux filles de rêve qui enlèvent le haut puis les bas je ne t’aurai pas trouvé(e) Alors j’irai par les campagnes en jachère abandonnées à l’ivraie par les servantes de Déméter j’irai sans m’attarder dans les auberges de misère sans m’attacher aux filles légères qui te montrent tout par petits bouts j’irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où se ressourcent les nostalgies de belle époque je ne t’aurai pas trouvé(e) Mais quand je m’arrêterai où commencent les marées je crois bien que je te connaîtrai  au Cap de Bonne Espérance
Je m’en irai par les avenues des villes prospères je m’en irai sans me laisser séduire par les promesses qui s’affichent je m’en irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où s’achèvent les villes aux filles de rêve qui enlèvent le haut puis les bas je ne t’aurai pas trouvé(e) Alors j’irai par les campagnes en jachère abandonnées à l’ivraie par les servantes de Déméter j’irai sans m’attarder dans les auberges de misère sans m’attacher aux filles légères qui te montrent tout par petits bouts j’irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où se ressourcent les nostalgies de belle époque je ne t’aurai pas trouvé(e) Mais quand je m’arrêterai où commencent les marées je crois bien que je te connaîtrai  au Cap de Bonne Espérance
Je m’en irai par les avenues des villes prospères je m’en irai sans me laisser séduire par les promesses qui s’affichent je m’en irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où s’achèvent les villes aux filles de rêve qui enlèvent le haut puis les bas je ne t’aurai pas trouvé(e) Alors j’irai par les campagnes en jachère abandonnées à l’ivraie par les servantes de Déméter j’irai sans m’attarder dans les auberges de misère sans m’attacher aux filles légères qui te montrent tout par petits bouts j’irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où se ressourcent les nostalgies de belle époque je ne t’aurai pas trouvé(e) Mais quand je m’arrêterai où commencent les marées je crois bien que je te connaîtrai  au Cap de Bonne Espérance
Je m’en irai par les avenues des villes prospères je m’en irai sans me laisser séduire par les promesses qui s’affichent je m’en irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où s’achèvent les villes aux filles de rêve qui enlèvent le haut puis les bas je ne t’aurai pas trouvé(e) Alors j’irai par les campagnes en jachère abandonnées à l’ivraie par les servantes de Déméter j’irai sans m’attarder dans les auberges de misère sans m’attacher aux filles légères qui te montrent tout par petits bouts j’irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où se ressourcent les nostalgies de belle époque je ne t’aurai pas trouvé(e) Mais quand je m’arrêterai où commencent les marées je crois bien que je te connaîtrai  au Cap de Bonne Espérance

Je m’en irai par les avenues des villes prospères je m’en irai sans me laisser séduire par les promesses qui s’affichent je m’en irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où s’achèvent les villes aux filles de rêve qui enlèvent le haut puis les bas je ne t’aurai pas trouvé(e) Alors j’irai par les campagnes en jachère abandonnées à l’ivraie par les servantes de Déméter j’irai sans m’attarder dans les auberges de misère sans m’attacher aux filles légères qui te montrent tout par petits bouts j’irai à ta rencontre sans te chercher car je sais que là où se ressourcent les nostalgies de belle époque je ne t’aurai pas trouvé(e) Mais quand je m’arrêterai où commencent les marées je crois bien que je te connaîtrai au Cap de Bonne Espérance

l'épreuve d'artiste toujours embalée, format 40 X 30, tirage argentique / R. par Hélène Théret
l'épreuve d'artiste toujours embalée, format 40 X 30, tirage argentique / R. par Hélène Théret

l'épreuve d'artiste toujours embalée, format 40 X 30, tirage argentique / R. par Hélène Théret

Kdo fait par Virginia G. à JCG, L'éternité d'une seconde Bleu Giotto en format 21 X 27 et le livre réalisé lors d'un stage de 5 jours chez Aïdée Bernard en 2014
Kdo fait par Virginia G. à JCG, L'éternité d'une seconde Bleu Giotto en format 21 X 27 et le livre réalisé lors d'un stage de 5 jours chez Aïdée Bernard en 2014
Kdo fait par Virginia G. à JCG, L'éternité d'une seconde Bleu Giotto en format 21 X 27 et le livre réalisé lors d'un stage de 5 jours chez Aïdée Bernard en 2014

Kdo fait par Virginia G. à JCG, L'éternité d'une seconde Bleu Giotto en format 21 X 27 et le livre réalisé lors d'un stage de 5 jours chez Aïdée Bernard en 2014

Au bord des falaises ou comment se relever de ses morts, livre choral d'accompagnement d'une femme augmentée par le chagrin
Au bord des falaises ou comment se relever de ses morts, livre choral d'accompagnement d'une femme augmentée par le chagrin

Au bord des falaises ou comment se relever de ses morts, livre choral d'accompagnement d'une femme augmentée par le chagrin

monologue du vieil homme de 79 ans, le 15 mai 2020, depuis chez lui et pas depuis la Maison des Comoni au Revest où la lecture était programmée à partir de 19 H 30, avec JCG, le vieil homme, le comédien Yves Ferry, la Voix, la comédienne Moni Grego, les femmes, la clown Claudine Herrero et à la caméra en live, Samir Bouallegue. Mais les théâtres sont fermés pour encore un bon moment. Donc, petit intermède en attendant. Un texte testament de vieil homme (aux environs de 80) en recherche sur le plan métaphysique (hésitant encore entre hasard, destin, dessein, entre Nature et Conscience) et dialoguant crument et cruellement, avec une voix d'intelligence artificielle, sur son dernier amour et sur le fiasco, la foirade des relations sexuelles et amoureuses entre F/H; le malentendu universel dont parle Baudelaire dans Mon coeur mis à nu ; évidemment Samuel Beckett est dans le coup avec sa Dernière bande et son Premier amour.

le moment du clown : (un lacet de basket qui se défait, tu n'as rien fait pour le défaire, tu n'as rien vu venir et tu te trouves délivré d'une chaussure, d'un attachement / situation typiquement clownesque partagée entre clownerie et clown ne rit / t'es dans l'embarras / cherche pas la solution, refaire le nœud / ça, c'est le raisonnable / ta question comme clown d'une situation, c'est la chaussure défaite / t'as pas à choisir entre t'immobiliser sur la paille ou sautiller à petits sauts / ça, c'est le cérébral, le mental / t'as la chaussure défaite / y a ton pied et ta chaussure, est-elle à ton pied ? es-tu le bon pied ?... / ces questions ne se posent même pas, ce serait encore du cérébral / quel duo complice, antagoniste, mixte, ton corps sans pensée mais prenant son pied va faire avec ta basket parce que ce soir, t'as mis tes baskets, si légères)

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Le peintre et Gaza

17 Novembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #album, #pour toujours, #assaisonneur

Ce matin j'ai appris
que le mot français gaze
(tissu de coton, très léger et transparent,
servant pour la fabrication de compresses)
vient du mot arabe   

        ou Gaza

parce que les Gazaouis
sont des tisseurs doués depuis des siècles.

 

La gaze est une étoffe légère, transparente, faite de fil de coton, lin, laine ou soie, quelquefois d’or ou d’argent.

Son nom provient de son lieu de fabrication originelle : la ville de Gaza en Palestine. Importée depuis la fin du Moyen Âge, elle est tissée en France (Lyon et Paris). Elle connaît une grande vogue aux XVIIIe et XIXe siècles.

1° ébauche Gaza, 7 octobre 2023 / le 7 octobre 2023, ce sont les crimes de guerre du Hamas, prélude au crime contre l'humanité à Gaza par le régime d'apartheid d'Israël / ironie de l'histoire ? ça rappelle un autre génocide / les victimes d'hier devenant bourreaux aujourd'hui, bourreaux cyniques, méprisant toutes les lois sur la guerre, les résolutions de l'ONU,  comme leurs bourreaux d'hier / Le vieux Bashir Hajji du quartier Al-Zaytoun. Les forces d'occupation israéliennes l'ont filmé pour leur propagande "humanitaire". Puis, alors qu'il tentait d'atteindre le sud de la bande de Gaza, le matin du vendredi dernier, un sniper israélien l'a exécuté / Gaza revisité le 19 novembre
1° ébauche Gaza, 7 octobre 2023 / le 7 octobre 2023, ce sont les crimes de guerre du Hamas, prélude au crime contre l'humanité à Gaza par le régime d'apartheid d'Israël / ironie de l'histoire ? ça rappelle un autre génocide / les victimes d'hier devenant bourreaux aujourd'hui, bourreaux cyniques, méprisant toutes les lois sur la guerre, les résolutions de l'ONU,  comme leurs bourreaux d'hier / Le vieux Bashir Hajji du quartier Al-Zaytoun. Les forces d'occupation israéliennes l'ont filmé pour leur propagande "humanitaire". Puis, alors qu'il tentait d'atteindre le sud de la bande de Gaza, le matin du vendredi dernier, un sniper israélien l'a exécuté / Gaza revisité le 19 novembre
1° ébauche Gaza, 7 octobre 2023 / le 7 octobre 2023, ce sont les crimes de guerre du Hamas, prélude au crime contre l'humanité à Gaza par le régime d'apartheid d'Israël / ironie de l'histoire ? ça rappelle un autre génocide / les victimes d'hier devenant bourreaux aujourd'hui, bourreaux cyniques, méprisant toutes les lois sur la guerre, les résolutions de l'ONU,  comme leurs bourreaux d'hier / Le vieux Bashir Hajji du quartier Al-Zaytoun. Les forces d'occupation israéliennes l'ont filmé pour leur propagande "humanitaire". Puis, alors qu'il tentait d'atteindre le sud de la bande de Gaza, le matin du vendredi dernier, un sniper israélien l'a exécuté / Gaza revisité le 19 novembre
1° ébauche Gaza, 7 octobre 2023 / le 7 octobre 2023, ce sont les crimes de guerre du Hamas, prélude au crime contre l'humanité à Gaza par le régime d'apartheid d'Israël / ironie de l'histoire ? ça rappelle un autre génocide / les victimes d'hier devenant bourreaux aujourd'hui, bourreaux cyniques, méprisant toutes les lois sur la guerre, les résolutions de l'ONU,  comme leurs bourreaux d'hier / Le vieux Bashir Hajji du quartier Al-Zaytoun. Les forces d'occupation israéliennes l'ont filmé pour leur propagande "humanitaire". Puis, alors qu'il tentait d'atteindre le sud de la bande de Gaza, le matin du vendredi dernier, un sniper israélien l'a exécuté / Gaza revisité le 19 novembre

1° ébauche Gaza, 7 octobre 2023 / le 7 octobre 2023, ce sont les crimes de guerre du Hamas, prélude au crime contre l'humanité à Gaza par le régime d'apartheid d'Israël / ironie de l'histoire ? ça rappelle un autre génocide / les victimes d'hier devenant bourreaux aujourd'hui, bourreaux cyniques, méprisant toutes les lois sur la guerre, les résolutions de l'ONU, comme leurs bourreaux d'hier / Le vieux Bashir Hajji du quartier Al-Zaytoun. Les forces d'occupation israéliennes l'ont filmé pour leur propagande "humanitaire". Puis, alors qu'il tentait d'atteindre le sud de la bande de Gaza, le matin du vendredi dernier, un sniper israélien l'a exécuté / Gaza revisité le 19 novembre

peinture évolutive d'Alain Le Cozannet, réalisée entre le 7 octobre et le 19 novembre en son atelier du Mourillon

l'artiste en faisant une croix sur ce qu'il a peint, au bout de trois versions de l'oeuvre appelée Gaza, la bonbonnière, sur ce qui est cruellement détruit au sol, en sous-sol, ne laissant circuler qu'une fragile ambulance, montre le chemin :

la négation individuelle et libre de l'artiste (de tout homme) de la négation collective par les uns des autres, leurs ennemis et réciproquement

l'oeuvre appelée Moyen-Orient puis Gaza puis Gaza la bonbonnière est devenue le 8 novembre, négation de la négation, le 9 novembre, hémiplégie, le 10 novembre, politiquement correct, Jabaliia le 13 novembre, Le Grand Macabre, le 15 novembre

25 octobre, Moyen-Orient puis Gaza, Gaza, et Gaza la bonbonnière, le 2 novembre
25 octobre, Moyen-Orient puis Gaza, Gaza, et Gaza la bonbonnière, le 2 novembre
25 octobre, Moyen-Orient puis Gaza, Gaza, et Gaza la bonbonnière, le 2 novembre
25 octobre, Moyen-Orient puis Gaza, Gaza, et Gaza la bonbonnière, le 2 novembre

25 octobre, Moyen-Orient puis Gaza, Gaza, et Gaza la bonbonnière, le 2 novembre

peinture évolutive d'Alain Le Cozannet, réalisée entre le 25 octobre et le 15 novembre en son atelier du Mourillon

l'artiste en faisant une croix sur ce qu'il a peint, au bout de trois versions de l'oeuvre appelée Gaza, la bonbonnière, sur ce qui est cruellement détruit au sol, en sous-sol, ne laissant circuler qu'une fragile ambulance, montre le chemin :

la négation individuelle et libre de l'artiste (de tout homme) de la négation collective par les uns des autres, leurs ennemis et réciproquement

l'oeuvre appelée Moyen-Orient puis Gaza puis Gaza la bonbonnière est devenue le 8 novembre, négation de la négation, le 9 novembre, hémiplégie, le 10 novembre, politiquement correct, Jabaliia le 13 novembre, Le Grand Macabre, le 15 novembre

2° ébauche, 7 novembre, négation de la négation, 3° ébauche, 9 novembre, hémiplégie, 4° ébauche, 10 novembre, politiquement correct
2° ébauche, 7 novembre, négation de la négation, 3° ébauche, 9 novembre, hémiplégie, 4° ébauche, 10 novembre, politiquement correct
2° ébauche, 7 novembre, négation de la négation, 3° ébauche, 9 novembre, hémiplégie, 4° ébauche, 10 novembre, politiquement correct
2° ébauche, 7 novembre, négation de la négation, 3° ébauche, 9 novembre, hémiplégie, 4° ébauche, 10 novembre, politiquement correct

2° ébauche, 7 novembre, négation de la négation, 3° ébauche, 9 novembre, hémiplégie, 4° ébauche, 10 novembre, politiquement correct

peinture évolutive d'Alain Le Cozannet, réalisée entre le 25 octobre et le 15 novembre en son atelier du Mourillon

l'artiste en faisant une croix sur ce qu'il a peint, au bout de trois versions de l'oeuvre appelée Gaza la bonbonnière, sur ce qui est cruellement détruit au sol, en sous-sol, ne laissant circuler qu'une fragile ambulance, montre le chemin :

la négation individuelle et libre de l'artiste (de tout homme, donc) de la négation collective par les uns des autres, leurs ennemis et réciproquement

l'oeuvre appelée Moyen-Orient puis Gaza puis Gaza la bonbonnière est devenue le 8 novembre, négation de la négation, le 9 novembre, hémiplégie, le 10 novembre, politiquement correct, Jabaliia le 13 novembre, Le Grand Macabre, le 15 novembre

13 novembre, Jabalia, 15 novvembre, Le Grand Macabre
13 novembre, Jabalia, 15 novvembre, Le Grand Macabre

13 novembre, Jabalia, 15 novvembre, Le Grand Macabre

la photo a été trouvée le 16 novembre 2023 sur la page FB de Yasmina Khadra (https://www.facebook.com/yasminakhadraofficielle) avec ce poème Yasmina Khadra  ♦️Quand le rêve met les voiles Quand l’espoir fiche le camp Quand le ciel perd ses étoiles Quand tout devient insignifiant  Commence pour toi et moi Mon frère  La descente aux enfers Quand le sang des innocents Inonde les pages de l’Histoire Quand on tue mères et enfants  Pour un semblant de gloire Tu n’auras la paix Mon frère Nulle part sur terre Quand le Mal fait du bien Quand le malheur nous a à la bonne Quand la vie ne vaut plus rien Quand l’horreur n’émeut personne Tu peux garder pour toi Mon frère  Tes  vœux et tes prières. 14-11-2023
la photo a été trouvée le 16 novembre 2023 sur la page FB de Yasmina Khadra (https://www.facebook.com/yasminakhadraofficielle) avec ce poème Yasmina Khadra  ♦️Quand le rêve met les voiles Quand l’espoir fiche le camp Quand le ciel perd ses étoiles Quand tout devient insignifiant  Commence pour toi et moi Mon frère  La descente aux enfers Quand le sang des innocents Inonde les pages de l’Histoire Quand on tue mères et enfants  Pour un semblant de gloire Tu n’auras la paix Mon frère Nulle part sur terre Quand le Mal fait du bien Quand le malheur nous a à la bonne Quand la vie ne vaut plus rien Quand l’horreur n’émeut personne Tu peux garder pour toi Mon frère  Tes  vœux et tes prières. 14-11-2023

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la jeune fille triste sur la porte arrière du Bataclan / Passionnant et émouvant documentaire sur la jeune fille triste de Banksy pochée sur la porte du Bataclan, documentaire visible jusqu'au 14/12/2023, où est posée la question des oeuvres de street art comme "communs" mais la bataille judiciaire est loin d'être terminée  et donc la question de la propriété (privée ou publique) des oeuvres  ou de l'appropriation, de l'usage des oeuvres dans les espaces par artistes et publics n'est pas tranchée.

la jeune fille triste sur la porte arrière du Bataclan / Passionnant et émouvant documentaire sur la jeune fille triste de Banksy pochée sur la porte du Bataclan, documentaire visible jusqu'au 14/12/2023, où est posée la question des oeuvres de street art comme "communs" mais la bataille judiciaire est loin d'être terminée et donc la question de la propriété (privée ou publique) des oeuvres ou de l'appropriation, de l'usage des oeuvres dans les espaces par artistes et publics n'est pas tranchée.

Shein B, slameuse de l'estime ci-dessous, sur la Palestine

Shein B, slameuse de l'estime ci-dessous, sur la Palestine

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La mémoire et la mer / Léo Ferré

16 Novembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G., #album, #note de lecture, #pour toujours, #écriture- lecture, #FINS DE PARTIES

l'album de 70 et Léo Ferré en 70 chantant la mémoire et la mer / partitions de Léo Ferré, exposées à Beaune pour les 100 ans
l'album de 70 et Léo Ferré en 70 chantant la mémoire et la mer / partitions de Léo Ferré, exposées à Beaune pour les 100 ans
l'album de 70 et Léo Ferré en 70 chantant la mémoire et la mer / partitions de Léo Ferré, exposées à Beaune pour les 100 ans

l'album de 70 et Léo Ferré en 70 chantant la mémoire et la mer / partitions de Léo Ferré, exposées à Beaune pour les 100 ans

La mémoire et la mer
par Léo Ferré


La marée, je l’ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur, de mon enfance et de mon cygne
Un bateau, ça dépend comment
On l’arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années lumières et j’en laisse
Je suis le fantôme jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baiser
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts de sable de la terre
Rappelle-toi ce chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps là
Le froid tout gris qui nous appelle
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l’écume
Cette bave des chevaux ras
Au raz des rocs qui se consument
O l’ange des plaisirs perdus
O rumeurs d’une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu’un chagrin de ma solitude
Et le diable des soirs conquis
Avec ses pâleurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le milieu mouillé de mousse
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades
Ö parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j’allais, géométrisant,
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé dans des draps d’aube fine
Je voyais un vitrail de plus,
Et toi fille verte, mon spleen
Les coquillages figurant
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tans
Qu’on dirait l’Espagne livide
Dieux de granits, ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s’immiscer
Dans leur castagnette figure
Et je voyais ce qu’on pressent
Quand on pressent l’entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue,
Sur cette mer jamais étale
D’où me remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles
Cette rumeur qui vient de là
Sous l’arc copain où je m’aveugle
Ces mains qui me font du fla-fla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur me suit longtemps
Comme un mendiant sous l’anathème
Comme l’ombre qui perd son temps
À dessiner mon théorème
Et sous mon maquillage roux
S’en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue, aux musiques mortes
C’est fini, la mer, c’est fini
Sur la plage, le sable bêle
Comme des moutons d’infini…
Quand la mer bergère m’appelle

 

Texte intégral
 
Christie quand je t'ai vue plonger
Mes vergues de roc où ça cogne
Des feuilles mortes se peignaient
Quelque part dans la Catalogne
Le rite de mort aperçu
Sous un divan de sapin triste
Je m'en souviens j'étais perdu
La Camarde est ma camériste
C'était un peu après-midi
Tu luisais des feux de l'écume
On rentrait dans la chantilly
Avec les psaumes de la brume
La mer en bas disait ton nom
Ce poudrier serti de lames
Où Dieu se refait le chignon
Quand on le prend pour une femme
Ô chansons sures des marins
Dans le port nagent des squelettes
Et sur la dune mon destin
Vend du cadavre à la vedette
En croix granit christ bikini
Comme un nègre d'enluminure
Je le regarde réjoui
Porter sur le dos mon carbure
Les corbeaux blancs de Monsieur Poe
Géométrisent sur l'aurore
Et l'aube leur laisse le pot
Où gît le homard nevermore
Ces chiffres de plume et de vent
Volent dans la mathématique
Et se parallélisent tant
Que l'horizon joint l'ESThétique
L'eau cette glace non posée
Cet immeuble cette mouvance
Cette procédure mouillée
Me fait comme un rat sa cadence
Me dit de rester dans le clan
A mâchonner les reverdures
Sous les neiges de ce printemps
A faire au froid bonne mesure
Et que ferais-je nom de Dieu
Sinon des pull-overs de peine
Sinon de l'abstrait à mes yeux
Comme lorsque je rentre en scène
Sous les casseroles de toc
Sous les perroquets sous les caches
Avec du mauve plein le froc
Et la vie louche sous les taches
Cette rumeur qui vient de là
Sous l'arc copain où je m'aveugle
Ces mains qui me font du flafla
Ces mains ruminantes qui meuglent
Cette rumeur qui me suit longtemps
Comme un mendiant sous l'anathème
Comme l'ombre qui perd son temps
A dessiner mon théorème
Et sur mon maquillage roux
S'en vient battre comme une porte
Cette rumeur qui va debout
Dans la rue aux musiques mortes
C'est fini la mer c'est fini
Sur la plage le sable bêle
Comme des moutons d'infini
Quand la mer bergère m'appelle
Tous ces varechs me djazzent tant
Que j'en ai mal aux symphonies
Sur l'avenue bleue du jusant
Mon appareil mon accalmie
Ma veste verte de vert d'eau
Ouverte à peine vers Jersey
Me gerce l'âme et le carreau
Que ma mouette a dérouillé
Laisse passer de ce noroît
À peine un peu d'embrun de sel
Je ne sais rien de ce qu'on croit
Je me crois sur le pont de Kehl
Et vois des hommes vert-de-gris
Qui font la queue dans la mémoire
De ces pierres quand à midi
Leur descend comme France-Soir
La lumière du Monsignor
Tout à la nuit tout à la boue
Je mets du bleu dans le décor
Et ma polaire fait la moue
J'ai la leucémie dans la marge
Et je m'endors sur des brisants
Quand mousse la crème du large
Que l'on donne aux marins enfants
Quand je me glisse dans le texte
La vague me prend tout mon sang
Je couche alors sur un prétexte
Que j'adultère vaguement
Je suis le sexe de la mer
Qu'un peu de brume désavoue
J'ouvre mon phare et j'y vois clair
Je fais du Wonder à la proue
Les coquillages figurants
Sous les sunlights cassés liquides
Jouent de la castagnette tant
Qu'on dirait l'Espagne livide
Je fais les bars américains
Et je mets les squales en laisse
Des chiens aboient dessous ton bien
Ils me laisseront leur adresse
Je suis triste comme un paquet
Sémaphorant à la consigne
Quand donnera-t-on le ticket
A cet employé de la guigne
Pour que je parte dans l'hiver
Mon drap bleu collant à ma peau
Manger du toc sous les feux verts
Que la mer allume sous l'eau
Avec les yeux d'habitants louches
Qui nagent dur dedans l'espoir
Beaux yeux de nuit comme des bouches
Qui regardent des baisers noirs
Avec mon encre Waterman
Je suis un marin d'algue douce
La mort est comme un policeman
Qui passe sa vie à mes trousses
Je lis les nouvelles au sec
Avec un blanc de blanc dans l'arbre
Et le journal pâlit avec
Ses yeux plombé dessous le marbre
J'ai son Jésus dans mon ciré
Son tabernacle sous mon châle
Pourvu qu'on s'en vienne mouiller
Son chalutier sous mon bengale
Je danse ce soir sur le quai
Une rumba toujours cubaine
Ça n'est plus Messieurs les Anglais
Qui tirent leur coup capitaine
Le crépuscule des atouts
Descend de plus en plus vers l'ouest
Quand le général a la toux
C'est nous qui toussons sur un geste
Le tyran tire et le mort meurt
Le pape fait l'œcuménique
Avec des mitres de malheur
Chaussant des binettes de biques
Je prendrai le train de marée
Avec le rêve de service
A dix-neuf heures GMT
Vers l'horizon qui pain d'épice
O boys du tort et du malheur
O beaux gamins des revoyures
Nous nous reverrons sous les fleurs
Qui là-bas poussent des augures
Les fleurs vertes des pénardos
Les fleurs mauves de la régale
Et puis les noires de ces boss
Qui prennent vos corps pour un châle
Nous irons sonner la Raison
A la colle de prétentaine
Réveille-toi pour la saison
C'est la folie qui se ramène
C'est moi le dingue et le filou
Le glob'trotteur des chansons tristes
Décravate-toi viens chez nous
Mathieu te mettra sur la piste
Reprends tes dix berges veux-tu
Laisse un peu palabrer les autres
A trop parler on meurt sais-tu
T'a pas plus con que les apôtres
Du silence où tu m'as laissé
Musiquant des feuilles d'automne
Je sais que jamais je n'irai
Fumer la Raison de Sorbonne
Mais je suis gras comme l'hiver
Comme un hiver analgésiste
Avec la rime au bout du vers
Cassant la graine d'un artiste
A bientôt Raison à bientôt
Ici quelquefois tu me manques
Viens je serai ton fou gâteau
Je serai ta folie de planque
Je suis le prophète bazar
Le Jérémie des roses cuisses
Une crevette sur le dard
Et le dard dans les interstices
Je baliverne mes ennuis
Je dis que je suis à la pêche
Et vers l'automne de mes nuits
Je chandelle encore la chair fraîche
Des bibelots des bonbons surs
Des oraisons de bigornades
Des salaisons de dessous mûrs
Quand l'œil descend sous les oeillades
Regarde bien c'est là qu'il gît
Le vert paradis de l'entraide
Vers l'entre doux de ton doux nid
Si tu me tends le cœur je cède
Ça sent l'odeur des cafards doux
Quand le crépuscule pommade
Et que j'enflamme l'amadou
Pour mieux brûler ta chair malade
O ma frégate du palier
Sur l'océan des cartons-pâtes
Ta voilure est dans l'escalier
Reviens vite que je t'empâte
Une herbe douce comme un lit
Un lit de taffetas de carne
Une source dans le Midi
Quand l'ombre glisse et me décharne
Un sentiment de rémission
Devant ta violette de Parme
Me voilà soumis comme un pion
Sur l'échiquier que ta main charme
Le poète n'est pas régent
De ses propriétés câlines
Il va comme l'apôtre Jean
Dormant un peu sur ta poitrine
Il voit des oiseaux dans la nuit
Il sait que l'amour n'est pas reine
Et que le masculin gémit
Dans la grammaire de tes chaînes
Ton corps est comme un vase clos
J'y pressens parfois une jarre
Comme engloutie au fond des eaux
Et qui attend des nageurs rares
Tes bijoux ton blé ton vouloir
Le plan de tes folles prairies
Mes chevaux qui viennent te voir
Au fond des mers quand tu les pries
Mon organe qui fait ta voix
Mon pardessus sur ta bronchite
Mon alphabet pour que tu croies
Que je suis là quand tu me quittes
Un violon bleu se profilait
La mer avec Bartok malade
O musique des soirs de lait
Quand la Voie Lactée sérénade
Les coquillages incompris
Accrochaient au roc leurs baroques
Kystes de nacre et leurs soucis
De vie perleuse et de breloques
Dieu des granits ayez pitié
De leur vocation de parure
Quand le couteau vient s'immiscer
Dans leurs castagnettes figures
Le dessinateur de la mer
Gomme sans trêve des pacages
Ça bêle dur dans ce désert
Les moutons broutent sous les pages
Et la houle les entretient
Leur laine tricote du large
De quoi vêtir les yeux marins
Qui dans de vieux songes déchargent
Ô lavandière du jusant
Les galets mouillés que tu laisses
J'y vois comme des culs d'enfants
Qui dessalent tant que tu baisses
Reviens fille verte des fjords
Reviens gorge bleue des suicides
Que je traîne un peu sur tes bords
Cette manie de mort liquide
J'ai le vertige des suspects
Sous la question qui les hasarde
Vers le monde des muselés
De la bouche et des mains cafardes
Quand mon ange me fait du pied
Je lui chatouille le complexe
II a des ailes ce pédé
Qui sont plus courtes que mon sexe
Je ne suis qu'un oiseau fardé
Un albatros de remoulade
Une mouche sur une taie
Un oreiller pour sérénade
Et ne sais pourtant d'où je viens
Ni d'où me vient cette malfide
Un peu de l'horizon jasmin
Qui prend son "té" avec Euclide
Je suis devenu le mourant
Mourant le galet sur ta plage
Christie je reste au demeurant
Méditerranéen sauvage
La marée je l'ai dans le cœur
Qui me remonte comme un signe
Je meurs de ma petite sœur
De mon enfant et de mon cygne
Un bateau ça dépend comment
On l'arrime au port de justesse
Il pleure de mon firmament
Des années-lumière et j'en laisse
Je suis le fantôme Jersey
Celui qui vient les soirs de frime
Te lancer la brume en baisers
Et te ramasser dans ses rimes
Comme le trémail de juillet
Où luisait le loup solitaire
Celui que je voyais briller
Aux doigts du sable de la terre
Rappelle-toi le chien de mer
Que nous libérions sur parole
Et qui gueule dans le désert
Des goémons de nécropole
Je suis sûr que la vie est là
Avec ses poumons de flanelle
Quand il pleure de ces temps-là
Le froid tout gris qui nous appelle
Ô l'ange des plaisirs perdus
Ô rumeurs d'une autre habitude
Mes désirs dès lors ne sont plus
Qu'un chagrin de ma solitude
Je me souviens des soirs là-bas
Et des sprints gagnés sur l'écume
Cette bave des chevaux ras
Au ras des rocs qui se consument
Et le diable des soirs conquis
Avec ses pâleurs de rescousse
Et le squale des paradis
Dans le matin mouillé de mousse
Ô parfum rare des salants
Dans le poivre feu des gerçures
Quand j'allais géométrisant
Mon âme au creux de ta blessure
Dans le désordre de ton cul
Poissé par les draps d'aube fine
Je voyais un vitrail de plus
Et toi fille verte de mon spleen
Et je voyais ce qu'on pressent
Quand on pressent l'entrevoyure
Entre les persiennes du sang
Et que les globules figurent
Une mathématique bleue
Dans cette mer jamais étale
D'où nous remonte peu à peu
Cette mémoire des étoiles
Ces étoiles qui font de l'œil
A ces astronomes qu'escortent
Des équations dans leur fauteuil
A regarder des flammes mortes
Je prierais Dieu si Dieu priait
Et je coucherais sa compagne
Sur mon grabat d'où chanteraient
Les chanterelles de mon pagne
Mais Dieu ne fait pas le détail
Il ne prête qu'à ses Lumières
Quand je renouvelle mon bail
Je lui parlerai de son père
Du fils de l'homme et du chagrin
Quand je descendais sur la grève
Et que dans la mer de satin
Luisaient les lèvres de mes rêves
Je ne suis qu'un amas de chair
Un galaxique qui détale
Dans les hôtels du monte-en-l'air
Quand ma psycho se fait la malle
Reviens fille verte des fjords
Reviens violon des violonades
Dans le port fanfarent les cors
Pour le retour des camarades
Je vais tout à l'heure fauchant
Des moutons d'iceberg solaire
Avec la Suisse entre leurs dents
A brouter des idées-lumière
Et des chevaux les appelant
De leur pampa et des coursives
Que j'invente à leurs naseaux blancs
Comme le sperme de la rive
Arrive marin d'outre temps
Arrive marine d'extase
Quand je m'arrête tu me prends
Comme je te prends dans ta case
Négresse bleue blues d'horizon
Et les poissons que tu dégorges
Depuis ton ventre et tes façons
Quand ton "sexo" joue dans ta gorge
Dans cette plaie comme d'un trou
Grouillant de cris comme la vague
Quand les goélands sont jaloux
De l'architecte où s'extravaguent
Des maçons aux dents de velours
Et le ciment de leur salive
A te cimenter pour l'amour
Ton cul calculant la dérive
Mes souvenirs s'en vont par deux
Moi le terrien du Pacifique
Je suis métis de mes aveux
Je suis le silence en musique
Le parfum des mondes perdus
Le sourire de la comète
Sous le casque de ta vertu
Quand le coiffeur sèche ta tête
Muselle-moi si tu le peux
Toi dans ton ixe où le vacarme
Sonne le glas dans le milieu
Moi planté là avec mon arme
Tu es de tous les continents
Tu m'arrives comme la route
Où s'exténuent dix mille amants
Quand la pluie à ton cul s'égoutte
Ô la mer de mes cent mille ans
Je m'en souviens j'avais dix piges
Et tu bandes ton arc pendant
Que ma liqueur d'alors se fige
Tu es ma glace et moi ton feu
Parmi les algues tu promènes
Cette déraison où je peux
M'embrumer les bronches à ta traîne
Et qu'ai-je donc à lyriser
Cette miction qui me lamente
Dans ton lit j'allais te braquer
Ta culotte sentait la menthe
Et je remontais jusqu'au bord
De ton goémon en soupente
Et mes yeux te prenaient alors
Ce blanc d'écume de l'attente
Aime-moi donc ta parallèle
Avec la mienne si tu veux
S'entrianglera sous mes ailes
Humant un peu par le dessous
Je deviendrai ton olfacmouette
Mon bec plongeant dans ton égout
Quand Dieu se vide de ta tête
Les vagues les vagues jamais
Ne viendront repeupler le sable
Où je me traîne désormais
Attendant la marée du diable
Ce copain qui nous tient la main
Devant la mer crépusculaire
Depuis que mon cœur dans le tien
Mêle ton astre à ma Lumière
Cette matière me parlant
Ce silence troué de formes
Mes chiens qui gisent m'appelant
Mes pas que le sable déforme
Cette cruelle exhalaison
Qui monte des nuits de l'enfance
Quand on respire à reculons
Une goulée de souvenance
Cette maison gantée de vent
Avec son fichu de tempête
Quand la vague lui ressemblant
Met du champagne sur sa tête
Ce toit sa tuile et toi sans moi
Cette raison de ME survivre
Entends le bruit qui vient d'en bas
C'est la mer qui ferme son livre
 
 
La mémoire et la mer / Léo Ferré
La mémoire et la mer / Léo Ferré

En 1960, Léo Ferré réalise un rêve en acquérant en Bretagne l’île du Guesclin, sur laquelle est bâti un ancien fort datant de 1026, grâce à la vente de ses droits d’auteur. C’est sur cet îlot minuscule relié à la terre ferme à marée basse que Léo Ferré habitera jusqu’en 1968, avec sa femme Madeleine, sa belle-fille et sa femelle chimpanzé Pépée. Quoique le cadre fût idyllique, l’histoire finira en drame : Madeleine sombrera dans l’alcoolisme tandis que Pépée, gravement blessée et refusant de se laisser soigner, devra être abattue, précipitant la séparation du couple. La chanson « La mémoire et la mer », parue en 1970, fait référence à cette période et à sa relation avec sa femme Madeleine. Lors d’un enregistrement public en 1990, Léo Ferré explique vaguement le contexte dans lequel il l’a écrite : « J’ai acheté une île, en Bretagne, entre Saint Malo et Cancale et, quand je suis arrivé là-bas, je me suis agenouillé, j’ai regardé cette maison, c’était fantastique, c’était le crépuscule qui s’évanouissait, enfin, c’était extraordinaire. Et après, j’ai fait un jour une chanson. Je ne comprends pas, les gens aiment beaucoup cette chanson ; elle n’est compréhensible que pour les gens qui ont connu ma vie à cette époque-là et, enfin, je peux vous en raconter là-dessus, vraiment il y a des choses qui se passent dans la vie qui ne sont pas très belles… »

 

La mémoire et la mer / Léo Ferré

Clefs


RAPPELLE-TOI CE CHIEN DE MER QUE NOUS LIBÉRIONS SUR PAROLE Évocation d’une
partie de pêche de Léo Ferré avec son ami Maurice Frot. Le « chien de mer » est une petite roussette (Scyliorhinus canicula). Ce requin de petite taille est surnommé ainsi à cause de son habitude de se déplacer et de chasser en meute. Robert Belleret raconte cet épisode dans « Léo Ferré : une vie d’artiste » : « Une roussette se prit dans le filet des deux amis. “Qu’est-ce que c’est ?demanda Léo – C’est un chien de mer ! répondit Maurice, plutôt fier de ramener sa science acquise lors de son équipée chez les terre-neuvas. – Quoi un Arkel [nom du berger allemand de Léo Ferré] ! refous-le vite à l’eau !” s’exclama Ferré. »

Dans son livre « Comment voulez-vous que j’oublie... », Annie Butor a contesté cette version : « Le “chien de mer” était une roussette qui a émis un bruit tel un aboiement. Cette roussette, la première que nous ayons pêchée, ne fut pas remise à la mer, il était
trop tard, mais elle avait la vie dure et ce fut pénible de la voir agoniser en se tortillant sur le sol.
Nous étions seuls, nous trois. Toutes les roussettes pêchées par la suite furent rejetées
immédiatement à l’eau. » Mais une petite roussette peut-elle aboyer ? Si les requins sont dépourvus d’organes pour émettre des sons, quelques rares espèces ont la capacité d’émettre un bruit semblable à un aboiement en relâchant l’air qu’elles aspirent : l’holbiche ventrue (Cephaloscyllium ventriosum) des côtes californiennes, mexicaines et chiliennes, et l’holbiche à damier (Cephaloscyllium isabellum) de Nouvelle-Zélande. En revanche ce n’est le cas, semble-t-il, d’aucun requin vivant le long des côtes françaises, ce qui rend dès lors le témoignage d’Annie Butor sujet à caution.
CELUI QUE JE VOYAIS BRILLER AU DOIGT DU SABLE DE LA TERRE L’île du Guesclin
possède un bras de sable, ressemblant à un doigt, qui est recouvert par la mer à marée haute. Léo Ferré y installait probablement, à marée basse, un filet de pêche. Pris dans ses mailles une nuit de juillet, un loup de mer, scintillant par la magie de l’éclat lunaire, semblait être une bague (un « solitaire ») au doigt de sable de l’île du Guesclin.
D’OÙ ME REMONTE PEU À PEU CETTE MÉMOIRE DES ÉTOILES Cette mémoire des étoiles : la lumière ne voyageant qu’à une vitesse limitée, ce que nous voyons n’est donc pas vraiment les étoiles, mais l’image qu’elles avaient il y a des milliers ou des millions d’années, leur mémoire.
JE SUIS SÛR QUE LA VIE EST LÀ AVEC SES POUMONS DE FLANELLE Flanelle : tissu doux
et léger La vraie vie est dans cet environnement naturel, où l’air est tellement pur qu’il laisse les poumons aussi doux et légers que de la flanelle.
REVIENS VIOLON DES VIOLONADES Violonade = morceau joué au violon Il assimile le départ de Madeleine et d’une manière, la perte de ce cadre idéal, à la disparition de la musique dans sa vie, laquelle symbolise le bonheur.
QUAND TU PLEURES DE CES TEMPS-LÀ LE FROID TOUT GRIS QUI NOUS APPELLE
Quand tu te remémores avec nostalgie la vie là-bas. Le froid tout gris : hypallage consistant à attribuer la couleur grise au froid, et non au temps qui était à la fois gris et froid.
REVIENS FILLE VERTE DES FJORDS Fjord : ancienne vallée glacière envahie par la mer qui
s’enfonce profondément dans les terres. On en trouve notamment dans le nord de l’Écosse, pays célèbre pour le phénomène des Green Ladies (filles vertes), apparitions fantomatiques de jeunes femmes. En comparant Madeleine à un fantôme, Ferré veut dire que son souvenir, en s’estompant, devient comme irréel.
LA MARÉE, JE L’AI DANS LE CŒUR Sens équivoque : « La marée me tient à cœur, j’y suis
profondément attaché » ou « J’ai en moi des remous, mon âme est agitée ».
IL PLEURE DE MON FIRMAMENT DES ANNÉES-LUMIÈRE ET J’EN LAISSE Des années-
lumière : par métonymie, les étoiles situées à des années-lumière L’assimilation des pleurs à la pluie ou à la neige est une figure de style fréquente. Ainsi Albert Samain a-t-il écrit : « Le ciel pleure ses larmes blanches sur les jours roses trépassés. » D’autre part, pleuvoir signifie au sens figuré « survenir à profusion ». Cf. Victor Hugo : « Il pleut des pardons ! Il grêle de la miséricorde ! » Léo Ferré évoque les étoiles qui émaillent le ciel (« le firmament ») ; par leur apparition en grand nombre à la tombée de la nuit, elles semblent en pleuvoir. Quant à l’emploi du verbe pleurer plutôt que pleuvoir , il évoque le sentiment de tristesse que font naître en l’auteur ces souvenirs. Et j’en laisse : Des années-lumière et plus encore.
C’EST FINI, LA MER, C’EST FINI SUR LA PLAGE, LE SABLE BÊLE COMME DES
MOUTONS D’INFINI... QUAND LA MER BERGÈRE M’APPELLE L’épisode de la vie sur l’île
du Guesclin est bien fini, mais Ferré en garde une nostalgie lancinante. Bien d’autres poètes avant lui ont comparé la mer à un troupeau de vagues en jouant sur la double acception du nom « mouton » (mammifère de la famille des ovinés ou vague frangée d’écume). Cf. Victor Hugo dans « Pasteurs et troupeaux » : « Regarde se lever la lune triomphale / Pendant que l’ombre tremble, et que l’âpre rafale / Disperse à tous les vents avec son souffle amer / La laine des moutons sinistres de la mer ». Ou Arthur Rimbaud dans « Le bateau ivre » : « J'ai heurté, savez-vous, d'incroyables Florides /Mêlant […] des arcs-en-ciel tendus comme des brides / Sous l’horizon des mers, à de glauques troupeaux ! » Ferré assimile le doux chuintement des vagues venant caresser le sable de la plage à un bêlement. La mer, gardienne (« bergère ») de moutons d’écume qui s’étendent à l’infini, continue de l’appeler vers elle.
CELUI QUI VIENT LES SOIRS DE FRIME La beauté de ce phénomène naturel est assimilée à de la frime. La nature, ici personnifiée, se pare de ses plus beaux atours pour impressionner le spectateur.
QUAND J’ALLAIS, GÉOMÉTRISANT MON ÂME AU CREUX DE TA BLESSURE
Géométrisant mon âme : donnant à mon désir une forme géométrique. Les métaphores du géomètre, comparant le coït à l’acte du géomètre-expert effectuant des mesures, et de la blessure, symbolisant le sexe de la femme, se retrouvent dans la chanson de Ferré intitulée « Cette blessure » : « Cette blessure, drapée de soie sous son triangle noir / où vont des géomètres de hasard / bâtir de rien des chagrins assistés / en y creusant parfois pour le péché. »
JE ME SOUVIENS DES SOIRS LÀ-BAS ET DES SPRINTS GAGNÉS SUR L’ÉCUME CETTE
BAVE DES CHEVAUX RAS AU RAS DES ROCS QUI SE CONSUMENT L’île du Guesclin,
accessible à pied à marée basse, est entourée par les flots à marée haute. Si l’on est à mi-chemin par la montée des eaux, il faut donc courir (« sprinter ») pour arriver sur l’île avant d’être submergé. L’écume qui monte rapidement est comparée à une bave, à des chevaux qui engloutissent les rochers à mesure que les eaux atteignent une hauteur plus élevée. On retrouve la même image chez Mallarmé : « Comme un vierge cheval écume de tempête. »
QUI ME REMONTE COMME UN SIGNE Deux significations possibles, dans la continuité de
l’ambiguïté précédente : 1) la mer, qu’il porte dans son cœur, revient subitement à sa mémoire, apparaissant ex nihilo comme un signe divin ; ou 2) le mal de mer symbolique qui l’incommode entraîne une remontée, une régurgitation des sentiments qui l’habitent.
Ô PARFUM RARE DES SALANTS DANS LE POIVRE FEU DES GERÇURES Salant : terrain
proche de la mer qui contient du sel Gerçure : petite fissure douloureuse apparaissant sur la peau ou les muqueuses Les métaphores comparant le sexe de la femme à la mer sont récurrentes dans les chansons de Ferré. Cf. Cette blessure (« Cette blessure / Où meurt la mer comme un chagrin de chair / Où va la vie germer dans le désert »), Géométriquement tien (« Ma symphonie dans ton jardin, / La mer dans ta rivière close, / L’aigre parfum de mon destin / Sur le delta d’où fuit ta rose ») ou encore Ta source (« Elle naît tout en bas d’un lieu géométrique / À la sentir couler, je me crois à la mer » ; « Ta dune, je la vois, je la sens qui m’ensable / Avec ce va-et-vient de ta mer qui
s’en va / Qui s’en va et revient mieux que l’imaginable »). La strophe étant de nature érotique et ayant pour cadre un décor marin, il est malaisé de savoir si la mer dont il est question ici est à prendre au sens propre ou au figuré. Au sens propre, on comprendra qu’au cours d’une partie de jambes en l’air sur la plage, le sel contenu dans le sol et dans l’eau provoque chez Léo Ferré une vive sensation de brûlure (« poivre feu ») dans le creux de ses gerçures, que celles-là fussent occasionnées à ses mains et à ses pieds par une exposition régulière au sel ou à une autre partie de son corps par la pratique assidue d’une activité plus intime. Au sens figuré, l’odeur reconnaissable entre mille de la mer est comparée à celle, tout aussi caractéristique quoique très différente, de la cyprine. Le « poivre-feu des gerçures » doit alors se comprendre comme le processus d’inflammation et l’état d’intense excitation causés par le frottement des muqueuses des organes
sexuels.
CETTE RUMEUR ME SUIT LONGTEMPS COMME UN MENDIANT SOUS L’ANATHÈME
COMME L’OMBRE QUI PERD SON TEMPS À DESSINER MON THÉORÈME Le bruit des
vagues reste présent à son esprit, sans qu’il puisse s’en défaire. Il le compare à un mendiant qui refuse de nous lâcher quand bien même on l’agonit d’injures, qu’on le frappe d’anathème, ou encore à sa propre ombre, qui s’ingénie à reproduire sa silhouette en appliquant quelque savant théorème mathématique.
JE MEURS DE MA PETITE SŒUR, DE MON ENFANT ET DE MON CYGNE Mourir de
quelqu’un : en éprouver un manque tel qu’on a la sensation de mourir. Cf. Anna de Noailles : « Je meurs de vous. Si j’étais gaie, ô morts, vous ne le sauriez pas ! » Ma petite sœur : Annie Butor, fille unique de Madeleine Rabereau. Elle a cinq ans lorsque sa mère épouse Léo Ferré en secondes noces en 1952. Mon enfant : Pépée, femelle chimpanzé, que Léo Ferré et sa femme Madeleine considéraient comme leur enfant. Robert Belleret, dans son livre Léo Ferré : une vie d’artiste, cite ces propos du chanteur monégasque : « Il faudrait pour nous voir maintenant accepter notre enfant Pépée… » Mon cygne : cet oiseau majestueux est considéré par les poètes comme un symbole de la beauté. « Son œil, à l’horizon de lumière gorgé / Voit des galères d’or, belles comme des cygnes »,
écrit ainsi Stéphane Mallarmé. Léo Ferré utilise ce vocable pour désigner sa femme Madeleine.
UN BATEAU, ÇA DÉPEND COMMENT ON L’ARRIME AU PORT DE JUSTESSE Évocation de
souvenirs sur l’île du Guesclin. Le verbe « arrimer » est utilisé ici dans le sens d’« amarrer », emploi impropre mais largement entré dans l’usage. Lorsque la mer est agitée, il faut promptement amarrer le bateau pour que celui-ci ne soit pas emporté par les flots.
S’EN VIENT BATTRE COMME UNE PORTE CETTE RUMEUR QUI VA DEBOUT DANS LA
RUE AUX MUSIQUES MORTES Et tandis qu’il porte encore le deuil de sa relation et de ses
souvenirs, le chahut de la ville, le bruit des gens marchant (« allant debout ») dans la rue, le vacarme de cette vie moderne désenchantée, sans musique, c’est-à-dire sans joie ni beauté, vient frapper à sa porte, perturbant sa méditation et l’invitant à le rejoindre.
DANS CETTE MER JAMAIS ÉTALE Étale : immobile L’eau de la mer, par le jeu de la succession des marées, n’est jamais stagnante.
UNE MATHÉMATIQUE BLEUE, Une infinité bleue, se multipliant à l’identique à perte de vue. L’idée est la même que dans le célèbre vers de Paul Valéry : « Et c’est la mer, la mer toujours recommencée. »
ET SUR MON MAQUILLAGE ROUX Ses yeux sont cerclés d’un maquillage roux car il a pleuré des larmes de sang, symbolisant l’extrême douleur. Cf. Voltaire : « Pourvu qu’Adélaïde, au désespoir réduite, / Pleure en larmes de sang l’amant qui l’a séduite. »
ET JE VOYAIS CE QU’ON PRESSENT QUAND ON PRESSENT L’ENTREVOYURE ENTRE
LES PERSIENNES DU SANG ET QUE LES GLOBULES FIGURENT Persienne : sorte de volet
muni de lamelles disposées de sorte qu’il existe entre chacune d’elles une fine ouverture laissant passer la lumière. Contempler l’immensité bleue de la mer lui procure la même sensation d’infini que lorsqu’on observe des amoncellements de cellules sanguines (« globules ») à travers la fine ouverture de la lentille du microscope (= « les persiennes du sang »).
Ô L’ANGE DES PLAISIRS PERDUS Probable référence à Madeleine, qui incarne les plaisirs de la chair. Le mot en apostrophe est précédé de l’article pour éviter l’hiatus, interdit en poésie classique.
CETTE RUMEUR QUI VIENT DE LÀ SOUS L’ARC COPAIN OÙ JE M’AVEUGLE Arc :
portion de la circonférence d’un cercle Ferré contemple le spectacle aveuglant du coucher du soleil, où seul un arc du disque solaire en train de passer sous l’horizon reste visible. Rumeur : bruit de la mer La rumeur de la mer vient du fond de l’horizon, là où se couche le soleil.
ET LE DIABLE DES SOIRS CONQUIS AVEC SES PÂLEURS DE RESCOUSSE Le soleil
couchant, en raison de sa couleur rouge, est comparé à un diable. Étant donné le caractère profondément intimiste du texte, il n’est pas à exclure que Ferré fasse référence à un épisode précis où le soleil couchant, dardant derrière les nuages, laissa apparaître une forme ressemblant à un diable. Des soirs conquis : L’adjectif « conquis » peut ici être compris de deux manières : envahi ou séduit. Dans le premier cas, il fait référence à la lumière rouge du soleil qui envahit le ciel crépusculaire ; dans le second, il veut dire que devant la beauté d’un tel spectacle, le soir lui-même fut conquis (= séduit). Avec ses pâleurs de rescousse : La pâleur du ciel gris de Bretagne, dont les couleurs froides contrastent avec les couleurs chaudes des rayons du soleil, vient à la rescousse pour
accroître la beauté de la scène.
Ô RUMEURS D’UNE AUTRE HABITUDE Rumeur est à prendre ici dans son acception de « bruit sourd, confus ou lointain d’origine naturelle ou produit par des objets ou des mécanismes ». On parle ainsi des rumeurs de la forêt, de la mer, de cloches, d’une usine… Les rumeurs dont il est question sont les bruits diffus de la mer, du mouvement habituel des marées. Une autre habitude : autre que celle des bruits de la ville, dans laquelle Ferré est depuis retourné vivre.
CES MAINS QUI ME FONT DU FLA-FLA CES MAINS RUMINANTES QUI MEUGLENT
Faire du fla-fla : faire de l’effet Il compare la caresse des vagues à des mains, mais des mains qui émettent un bruit semblable au meuglement des vaches (animaux ruminants). L’assimilation du murmure des vagues à un mugissement est une image courante dans la langue poétique, dont l’exemple le plus célèbre se trouve dans le Lac de Lamartine : « Ô lac ! […] tu mugissais ainsi sous ces roches profondes ». De même chez Chateaubriand : « Les vagues [...] n’offraient plus qu’une surface huileuse, marbrée de taches noires, cuivrées ou verdâtres, selon la couleur des bas-fonds sur lesquels elles mugissaient. » Les verbes « mugir » et « meugler » sont synonymes, si ce n’est que le premier est plus soutenu et a donc eu la faveur de la plupart des poètes. Ferré emploie le second pour les besoins de la rime. De même, la figure de style consistant à attribuer aux forces agissantes de la nature des membres humains n’est pas rare dans la poésie classique. Cf. Théophile Gautier : « Vous n’aurez pas de croix ni de marbre superbe, / Ni d’épitaphe d'or, où quelque saule en pleurs / Laisse les doigts du vent éparpiller sa gerbe ». Et Joachim Gasquet : « Dans les bras de la mer dorée, / Midi sommeille, l’air est lourd. / Comme tes yeux, mon adorée, / Le ciel est imprégné d’amour. »
ET QUI GUEULE DANS LE DÉSERT DES GOÉMONS DE NÉCROPOLE Dans le désert : Tout
comme le désert est souvent comparé à une mer de sable, la mer est souvent assimilée à un désert. Cf. Théophile Gautier : « Des flots rasant la cime, / Dans le grand désert bleu / Nous marchons avec Dieu ! » ; Éphraïm Mikhaël : « Viens, nous sommes les souverains / Des lumineux déserts marins / Sur les flots ravis et sereins. » Qui gueule : Une roussette ne poussant pas de cris, gueuler doit ici être compris dans son emploi transitif signifiant « saisir avec la gueule ». Les dépôts de goémons, algues vertes dont la forme rappelle celle d’ossements, sont comparés à une nécropole. Ferré joue sur cette ressemblance et sur le surnom de chien de mer donné à la roussette en imaginant que celle- ci prend ces algues dans sa gueule, comme un chien le ferait avec un os.
TE LANCER LA BRUME EN BAISER En baiser : en guise de baiser. Le baiser lancé symbolise le sentiment d’amour et la vive émotion que fait naître ce spectacle grandiose dans le cœur de celui qui le contemple. Léo Ferré, comme on peut le voir dans certaines vidéos, avait pour habitude de porter sa main aux lèvres et de lancer un baiser chaque fois qu’il se retrouvait face à une expression particulièrement saillante de la beauté.
JE SUIS LE FANTÔME JERSEY Le fantôme Jersey : l’île anglo-normande de Jersey, visible
depuis l’île du Guesclin où résidait Léo Ferré. Certains soirs de brume, le brouillard confère à l’île de Jersey un aspect fantomatique. On retrouve une image similaire chez Paul Verlaine : « Moi j'errais tout seul, promenant ma plaie / Au long de l’étang, parmi la saulaie / Où la brume vague évoquait un grand / Fantôme laiteux se désespérant. » En s’identifiant à un fantôme, Ferré indique qu’il se sent sans consistance, presque irréel. Ernest Renan écrivait : « Je ne pourrai arrêter un moment son regard ? Il ne m’accordera pas que j’existe ? Je ne serai, quoi que je fasse, pour lui qu’une ombre, qu’un fantôme, qu’une âme entre cent autres ? »
DIEUX DES GRANITS, AYEZ PITIÉ DE LEUR VOCATION DE PARURE QUAND LE
COUTEAU VIENT S’IMMISCER DANS LEUR CASTAGNETTE FIGURE Les coquilles du
coquillage, une fois ouvertes et débarrassées du mollusque qu’elles abritent, ont vocation à servir de bijou. Il prie pour que, ce faisant, le coquillage ne se brise pas quand s’y introduit le couteau et qu’il puisse donc se transformer en parure.
COMME LE TRÉMAIL DE JUILLET OÙ LUISAIT LE LOUP SOLITAIRE Trémail : grand filet
de pêche Comme un trémail : La façon dont la scène captive le spectateur est assimilée à la capture d’un poisson dans un filet de pêche. Loup solitaire : détournement de l’expression commune « loup solitaire » (personne qui vit ou agit seule, à la manière d’un loup qui aurait quitté sa meute). Le loup ne désigne pas ici le mammifère carnassier, mais le poisson aussi connu sous le nom de bar. Solitaire n’est pas l’adjectif signifiant « sans compagnie » mais le substantif désignant le diamant monté seul en bague.
ET TOI FILLE VERTE, MON SPLEEN L’ellipse du verbe rend le vers équivoque. Faut-il
comprendre ce passage comme « je voyais un vitrail et toi fille verte, tu voyais mon spleen » ou comme « je voyais un vitrail et je te voyais fille verte, toi qui est mon spleen » (c’est-à-dire : la source de mon spleen) ? La première explication nous semble plus convaincante.
LES COQUILLAGES FIGURANT SOUS LES SUNLIGHTS, CASSÉS, LIQUIDES, JOUENT DE
LA CASTAGNETTE TANT QU’ON DIRAIT L’ESPAGNE LIVIDE Figurer sous les sunlights :
être sous les projecteurs, être l’objet de toutes les attentions La lumière du soleil est comparée à des projecteurs éclairant un spectacle, en l’occurrence de castagnettes. Castagnette : petit instrument de musique espagnol, composé de deux coquilles que l’on fait claquer l’une contre l’autre Livide : d’une pâleur terne Accrochés aux récifs de granit, les coquillages cassés dont les deux coquilles s'entrechoquent au gré du vent rappellent des castagnettes et, partant, le pays d'origine de ces instruments à percussion. Mais alors que l’Espagne, pays de soleil, évoque des couleurs chaudes, il en va tout autrement des paysages grisâtres qui prédominent sur les côtes du nord de la Bretagne.
On dirait donc l’Espagne, mais une Espagne aux couleurs froides, une « Espagne livide ».
DANS LE PORT FANFARENT LES CORS POUR LE RETOUR DES CAMARADES Fanfarer =
sonner Tout en lui l’appelle à un retour à la situation antérieure, à ce que les camarades d’antan soient réunis.
DANS LE DÉSORDRE DE TON CUL POISSÉ DANS DES DRAPS D’AUBE FINE JE VOYAIS
UN VITRAIL DE PLUS, S’agit-il de draps véritables éclairés par la lumière de l’aube, ou
simplement de cette dernière qui semble couvrir le postérieur de Madeleine d’un drap lumineux ? Le « désordre » fait penser à un drap froissé, et nous inciterait à privilégier la première interprétation. Quoi qu’il en soit, ses fesses couvertes de transpiration (« poissées ») et revêtues d’un drap, réel ou métaphorique, rappellent à Ferré, qui s’extasie devant un tel spectacle, les vitraux des églises.
ET LE SQUALE DES PARADIS DANS LE MILIEU MOUILLÉ DE MOUSSE Squale : requin.
Probable métaphore sexuelle. Ferré a en effet recouru à la même image pour désigner son phallus, de manière plus explicite, dans sa chanson « Géométriquement vôtre » : « Tes bijoux, ton blé, ton vouloir / Le plan de tes folles prairies / Mon squale qui viendra te voir / Du fond de moi si tu l’en pries. » Des paradis : qui apporte un plaisir paradisiaque. Le milieu mouillé de mousse : le vagin humide de la femme La reprise oratoire de la conjonction « et » au début de chaque vers donne l’impression d’une énumération de souvenirs revenant comme des flashs, sans lien véritable les uns avec les autres.

 

Sur la couverture du Cahier d’études Léo Ferré n° 11- mai 2013 - "La
Mémoire et La Mer", Richard Martin est avec Léo Ferré qui disait à
Françoise Travelet :
 « À propos de cette chanson, il se passe une chose extraordinaire et
inexplicable : l’engouement du public. Pourtant, il n’est pas possible
qu’il la comprenne parce que c’est une poésie à décrypter et, pour la
lire, il faut avoir la grille de ma vie. Si quelqu’un me connaît, il comprend
tout, mot après mot. S’il ne connaît pas ma vie, tous les mots lui
échappent. "La Mémoire et la Mer" n’est pas une poésie hermétique : si
elle l’était, on pourrait tout y mettre, tout prétendre.
Or c’est impossible ! C’est pourquoi, je l’affirme, c’est une poésie qui
possède une clé précise et cette clé c’est moi-même ».
Léo Ferré, dans les années soixante, écrit sur l’îlot du Guesclin, à
proximité de Saint-Malo et de Cancale, dans cette Bretagne tant
aimée, "La Mémoire et la Mer" qui se nommera d’abord "Ma Bretagne à
moi" puis "Les Chants de la fureur" dans un seul chant intitulé
"Guesclin". Ce monument (selon Robert Belleret), cette œuvre dans
l’œuvre (selon Bruno Blanckeman), se compose de 55 strophes,
chacune de 8 octosyllabes, soit 440 vers. Il aura fallu une quinzaine
d’années à Léo Ferré pour y mettre le point final. Le poète musicien en
tirera comme d’un vin nouveau sept partitions/chansons : "FLB", "La
Mer noire", "Géométriquement tien", "Des Mots", "La Marge",
"Christie" et cette "Mémoire et la Mer", clé de voûte du fameux double
album "Amour Anarchie" des années soixante-dix.
Richard Martin, homme-comédien, homme-metteur en scène, homme-
diseur de poèmes, interprète sur scène ces 440 vers et donne à
entendre et à lire un Léo Ferré différent et particulièrement émouvant
sur les origines de ce poème-monde. Richard est le seul à dire ce
magnifique élan qui est un des sommets de la poésie et de la chanson
française peut-être jamais égalé. Ce n’est pas le seul texte de Ferré que
Martin joue. "Poètes… vos papiers !" fut parmi les concerts
mémorables que Richard donna sur le bateau de l’Odyssée, au service
de la poésie de son frère-ami. Ses "Nuits de l’Anarchie" au Toursky
illustrent l’âme vivante de son théâtre. Si Richard sert inlassablement
cette œuvre, Léo s’est mis
au service de Richard humblement sur la création théâtrale de son
"Opéra des rats" en lui écrivant le livret. Richard, en jouant "La
Méthode" a fait toucher du doigt à l’artiste l’art du théâtre et son
miracle.
Trente ans déjà que le poète-musicien nous a quittés. Trente ans que
son œuvre gueule dans le désert médiatique. Dérangerait-il ? Ce
silence autour de son lyrisme est d’ailleurs un hommage involontaire.
Sa révolte est celle du poing levé et dans le même mouvement de la
main tendue. Ce qui caractérise l’homme-artiste Léo Ferré c’est
l’insurrection du cœur et de l’esprit. Voilà une œuvre haute, fine et libre
programmée pour le service de l’amour et de la paix.
Richard Martin, en son théâtre Toursky, s’est fabriqué une âme tissée
par la même étoffe créatrice et fraternelle.
Richard à son tour est parti, le 16 octobre 2023.
Pour leur œuvre respective et leur amitié indéfectible, les deux hommes
sont deux frères inséparables en éternité.

Bienvenue sur la Terre à Laurac-en-Vivarais ou sur les traces de Léo Ferré / Dans la continuité de Voyage autour de ma cabane, l’auteur raconte un autre voyage, celui qu’il a fait de l’Ardèche à la Toscane sur les traces de Léo Ferré. Il le raconte à une enfant qui vient de naître, lui parle des poètes, des musiciens, des peintres... de tous les artistes qui enchantent le monde. Il lui dit aussi la beauté de la nature, à l’heure où elle est plus que jamais menacée par nos excès. Une manière pour lui de souhaiter la bienvenue sur la Terre à tous les enfants qui naissent aujourd’hui. Roger Lombardot sera accompagné dans cette aventure par son fils Manuel, auteur des photos du voyage, et par Gari Grèu (Massilia Sound System) au chant.
Bienvenue sur la Terre à Laurac-en-Vivarais ou sur les traces de Léo Ferré / Dans la continuité de Voyage autour de ma cabane, l’auteur raconte un autre voyage, celui qu’il a fait de l’Ardèche à la Toscane sur les traces de Léo Ferré. Il le raconte à une enfant qui vient de naître, lui parle des poètes, des musiciens, des peintres... de tous les artistes qui enchantent le monde. Il lui dit aussi la beauté de la nature, à l’heure où elle est plus que jamais menacée par nos excès. Une manière pour lui de souhaiter la bienvenue sur la Terre à tous les enfants qui naissent aujourd’hui. Roger Lombardot sera accompagné dans cette aventure par son fils Manuel, auteur des photos du voyage, et par Gari Grèu (Massilia Sound System) au chant.

Bienvenue sur la Terre à Laurac-en-Vivarais ou sur les traces de Léo Ferré / Dans la continuité de Voyage autour de ma cabane, l’auteur raconte un autre voyage, celui qu’il a fait de l’Ardèche à la Toscane sur les traces de Léo Ferré. Il le raconte à une enfant qui vient de naître, lui parle des poètes, des musiciens, des peintres... de tous les artistes qui enchantent le monde. Il lui dit aussi la beauté de la nature, à l’heure où elle est plus que jamais menacée par nos excès. Une manière pour lui de souhaiter la bienvenue sur la Terre à tous les enfants qui naissent aujourd’hui. Roger Lombardot sera accompagné dans cette aventure par son fils Manuel, auteur des photos du voyage, et par Gari Grèu (Massilia Sound System) au chant.

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Histoire d'une photo

15 Novembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #J.C.G., #album, #pour toujours, #écriture- lecture, #FINS DE PARTIES

L'histoire que je raconte, celle d'une photo, qui met 70 ans pour atteindre son destinataire, peut nous amener à la question : un enchaînement de hasards comme ceux décrits dans ce récit suffit-il à rendre compte du cheminement de la photo.

Ou peut-on se dire : elle a trouvé son destinataire parce que c'était son destin de pouvoir élucider ce qui le taraudait depuis si longtemps.

Une troisième voie peut être ouverte. Et si ce n'était ni hasard ni destin mais dessein intelligent surplombant celui qui croit au hasard comme celui qui croit au destin.

 
Il n' y a que la Source s'amusant Elle-même,
 
« Vous pensez que vous devriez être illuminé. Vous l'êtes déjà.
Vous pensez devoir suivre un chemin pour y arriver. Il n'est pas de chemins.
Vous pensez que l'illumination est un but. Il n'est pas de buts.
Vous pensez que vous devez vous transformer vous-même et transformer le monde pour le rendre meilleur. Il n'est rien à accomplir.
Vous pensez pouvoir trouver Dieu en Inde ou au Tibet.
Il n'est nulle part où aller. La Conscience est partout la même.
Vous pensez que l'issue de votre parcours personnel est ce qui importe.
Cela est égal, quelle que soit la façon dont il se termine.
Vous pensez que l'histoire qui vous arrive est vraie. C'est une illusion, un rêve.
Vous pensez avoir le contrôle de votre vie.
Vous n'êtes qu'une marionnette de la Source.
Vous pensez avoir le libre arbitre et la liberté de choix.
Il n'y a que la destinée et son déroulement ordonné.
Vous êtes persuadé d'avoir des ennemis. Il n'y a que la Source.
Vous pensez qu'il existe une formule magique pour trouver Dieu.
Détendez-vous, vous résidez déjà en Lui.
Vous pensez que le drame de chacun est une réalité.
Il s'agit uniquement de jeux de miroirs et d'écrans de fumée.
Vous pensez que Dieu souhaite une conscience plus élevée pour la planète.
La Source est uniquement là pour jouer dans la limitation.

Vous pensez que Dieu vous tient pour responsable. Il n'y a pas de Karma.

Vous nourrissez jugements, comparaisons, opinions, préférences.
Il n'y a que ce qui Est, tel que c'est, exactement tel que cela doit être.
Vous voulez être quelqu'un d'important et d'apprécié. Soyez, simplement.
Vous redoutez la mort comme l'évènement le plus tragique de votre vie.
La mort est la fin de la limitation.
Vous espérez une vie meilleure, pour la prochaine fois.
Il n'y a pas de soi pour se réincarner. Il n'y a que Source en tant que JE SUIS.
Vous regrettez le passé, vous vous tourmentez dans le présent et vous craignez le futur. Vous êtes la Source infinie en train de se distraire, détendez-vous !
Vous êtes captivés par de complexes histoires de conspirations.
Il n'y a que la Source s'amusant Elle-même.
Vous pensez avoir une raison de vivre.
Il n'y a aucun "moi" individuel pour avoir un quelconque dessein.
Il n'y a que la Source. Elle a un dessein pour cette apparence.
Vous n'y avez pas accès au travers d'un esprit fini. »
Extrait de "De la prison à l'éveil" Editions du Relié
 
Satyam Nadeen (Michael Clegg) est un écrivain américain de spiritualité. En 1996, il publie From Onions to Pearls traduit en français par De la prison à l'éveil best-seller dans la liste du New York Times. Il y raconte son emprisonnement pendant sept ans et demi dans un centre de haute sécurité en Californie, sur une accusation de conspiration, où il serait parvenu à un éveil spirituel. Il vit actuellement au Costa Rica.
comment la photo du père d'Edgar Gunzig, assassiné à Mauthausen le 28 juillet 1942 à 8 H 30, est  découverte 70 ans après grâce aux photos volées et sauvées par Francisco Boix
comment la photo du père d'Edgar Gunzig, assassiné à Mauthausen le 28 juillet 1942 à 8 H 30, est  découverte 70 ans après grâce aux photos volées et sauvées par Francisco Boix

comment la photo du père d'Edgar Gunzig, assassiné à Mauthausen le 28 juillet 1942 à 8 H 30, est découverte 70 ans après grâce aux photos volées et sauvées par Francisco Boix

L'histoire que je raconte, celle d'une photo, qui met 70 ans pour atteindre son destinataire, peut nous amener à la question : un enchaînement de hasards comme ceux décrits dans ce récit suffit-il à rendre compte du cheminement de la photo.

Ou peut-on se dire : elle a trouvé son destinataire parce que c'était son destin de pouvoir élucider ce qui le taraudait depuis si longtemps.

Une troisième voie peut être ouverte. Et si ce n'était ni hasard ni destin mais dessein intelligent surplombant celui qui croit au hasard comme celui qui croit au destin.

En septembre 2011, je rends visite à Edgar Gunzig et à Diane avec deux étudiantes russes dont la sirène du Baïkal, Baïkalal. Edgar venait de découvrir quelques mois plus tôt la photo de son père assassiné par les nazis, 70 ans après. Le récit qu’il nous fait est hallucinant.

383

La vie de Jacques Günzig s’arrêta net un matin d’été, le mardi 28 juillet 1942 à 8H30. Il allait avoir trente-huit ans. On l’appelait Dolly. C’était le père d’Edgar. En octobre 1945, Jo Stripounsky, un jeune soldat américain, découvre avec effroi cette mention laconique dans le « Totenbuch », le Livre des Morts du camp de concentration de Mauthausen :

N°156 - Jüde - 11552/23 - Günzig - Jacques - 2.9.04 - Lostice - auf der flucht erschossen - 28.7.42 - 8.30

Sidéré, il relit plusieurs fois ces mots pour s’imprégner de cette réalité inconcevable... son oncle Jacques, mort, abattu pour tentative d’évasion. Le choc est rude. Ils entretenaient des relations privilégiées lorsque leurs deux familles vivaient encore à Anvers. L’adolescent éprouvait une admiration sans bornes pour cet oncle dont la vie aventureuse le fascinait.

Juin 2010, un coup de téléphone nocturne va venir bouleverser notre vie. Edgar décroche. Un certain Benito Bermejo lui demande abruptement s’il est bien le fils de Jacques Günzig. Cette question le désarçonne et le laisse sans voix. L’historien espagnol, qui la lui pose, est l’auteur d’un livre consacré au camp de concentration de Mauthausen dans lequel figure une photo : pas de doute possible, il s’agit bien de Jacques Günzig, identifié par son numéro de matricule 11552....Une information aussi improbable, qui aboutit ici, ce soir, après 70 ans ! Conscient du trouble d’Edgar, Benito Bermejo propose d’ envoyer un exemplaire et de le rencontrer ultérieurement pour en parler plus longuement.

Le livre nous parvient quelques jours après l’appel téléphonique, un grand livre cartonné dont le titre espagnol est : « Francisco Boix, el fotografo de Mauthausen ».

La photo apparaît page 74, elle nous plonge dans un état de sidération indescriptible. Quelle violence ! Sur la photo, Jacques Günzig est couché sur le dos dans l’herbe, pieds nus, un pantalon foncé et la veste rayée légèrement relevée, le numéro de matricule 11552 en dessous de l’étoile de David, à la place du cœur. Gisant à côté de lui, son compagnon Arpad Spitz, vingt-trois ans, et derrière eux, les barbelés...un mur de pierres.

L’aventure de cette photo prise à Mauthausen est étonnante. Elle faisait partie d’un lot de 20.000 négatifs sauvés par le jeune photographe espagnol, Francisco Boix. Il avait été affecté au laboratoire photos de l’Erkennungsdienst, service d’identification du camp. Chaque nouveau détenu était photographié. Les morts non naturelles, plus

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précisément les assassinats camouflés sous l’appellation « tentative d’évasion », étaient soigneusement répertoriées dans un registre, le « Totenbuch ». La bureaucratie centrale de l’Etat national-socialiste exigeait un rapport précis, circonstancié, avec une esquisse ou une photo du lieu du crime. Voilà qui explique le grand nombre de documents témoignant des atrocités commises à Mauthausen.

Pour arriver jusqu’à Edgar, cette photo a vécu une véritable épopée, un improbable enchaînement d’événements. Son destin est lié à un événement majeur qui eut lieu bien loin de Mauthausen.

On est le 3 février 1943, date d’un tournant majeur de la Seconde Guerre Mondiale. Il s’agit de la défaite cataclysmique de l’armée allemande à Stalingrad dont l’onde de choc se propagea comme une trainée de poudre jusqu’à Berlin. Elle y fit souffler un vent de panique sur les plus hautes instances nazies. Le département politique ordonne à tous les camps de concentration la destruction des photos qui pourraient témoigner des comportements criminels et sadiques des SS. Bref, ne conserver que les documents anodins. La victoire finale devenant soudain incertaine, la prudence est alors de mise.

Comment imaginer que cet événement permettra des années plus tard à Edgar de découvrir une ultime photo de son père ? Et cela grâce à Staline...

Voici comment nous avons pu reconstituer ce périple : le Commandant du camp transmetl’ordrededestructiondetouslesnégatifséquivoquesauchef SSdulaboratoire photo. Ce dernier obéit illico. Après en avoir éliminé quelques uns, rapidement lassé par ce travail fastidieux, il passe la main à Francisco Boix qui comprend très vite l’intérêt unique de préserver ces documents comme témoignage des atrocités commises. Il décide d’en dérober un maximum. Les bonnes nouvelles du front donnent espoir aux jeunes déportés espagnols qui sont prêts à prendre tous les risques. Avec leur aide, les négatifs sont cachés en différents lieux du camp. Le danger potentiel de leur découverte lors de fouilles est permanent. Il s’avère indispensable de les exfiltrer dans un endroit plus sûr. C’est cet exploit que vont réaliser quelques jeunes espagnols qui, escortés, sortent du camp tous les jours pour aller travailler dans une entreprise locale, la carrière Poschacher. Les trajets quotidiens sont mis à profit par l’un d’eux, Jacinto Cortés, pour sortir au péril de sa vie le colis de négatifs et le cacher sur son lieu de travail.

Mais, au début de l’année 1945, catastrophe ! Cette entreprise va cesser son activité de production de granit et de gravier. Jacinto Cortés cherche de toute urgence une autre cachette pour son précieux colis.

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Durant ses allées et venues, il a établi un rapport de confiance avec une Autrichienne, une habitante du village de Mauthausen, Madame Pointner, dont la maison borde l’enceinte de la carrière. C’est là qu’ils échangent régulièrement quelques mots depuis des mois. Anna Pointner a montré d’emblée de la sympathie pour ce groupe de jeunes qu’elle voit arriver quotidiennement depuis le camp pour travailler dans la carrière. Jacinto ose lui demander de cacher le colis de négatifs, elle accepte immédiatement. Elle sait qu’elle risque sa vie. Socialistes avant la guerre, elle et son mari sont farouchement opposés au National-Socialisme et il est évident pour elle de poser un tel acte de résistance. Dans un premier temps, Mme Pointner cache le colis dans sa maison, ensuite, pour plus de sécurité, elle le dissimule dans un mur de son jardin où Jacinto Cortés et Francisco Boix iront le récupérer après la libération du camp par l’armée américaine, le 5 mai 1945.

Il aura fallu tout ce courage pour qu’un jour Edgar reçoive la véritable preuve de la mort de son père. Celui de ces jeunes républicains pour lesquels Jacques Günzig avait, quelques années auparavant, aussi risqué sa vie en Espagne...

La photo, miraculeusement sauvée, va amener Edgar à découvrir l’homme qu’était son père, ses prises de conscience politique tout comme son sens aigu de la justice sociale. Il comprendra douloureusement l’ampleur de la tromperie, de la manipulation par le stalinisme qui promettait un monde nouveau.

L’exploit n’aura pas été vain, il contribuera aussi à révéler les horreurs des crimes de guerre. Au cours de l’année 1946, Francisco Boix sera cité comme témoin dans les procès des hauts dirigeants du IIIème Reich à Nuremberg. Les photos produites montreront la réalité du camp de Mauthausen et l’implication de responsables nazis tels que Kaltenbrunner et Speer.

Mais cette histoire extraordinaire et héroïque n’explique qu’en partie le cheminement de la photo jusqu’à Edgar. Si elle avait bien été « libérée », son chemin vers lui est une aventure d’une toute autre nature. Elle aurait pu se perdre définitivement dans les archives...

Les hasards de la vie en ont décidé autrement.

L’historien Benito Bermejo s’intéressa au devenir des Espagnols de la Retirada et fut ainsi naturellement conduit à examiner les archives du camp de Mauthausen au Bundesministerium für Inneres, Ministère de l’Intérieur à Vienne. C’est là, parmi de nombreux documents, qu’il découvre la photo. D’emblée, son regard est attiré par ces deux corps allongés dans l’herbe. Chose rare, le numéro de matricule de l’un

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d’eux est clairement visible sur sa veste, ce qui permet à Benito Bermejo de découvrir son identité : Jacques Günzig, de nationalité tchèque. Ne comptant pas pousser ses recherches jusqu’en République tchèque, il choisit néanmoins de la publier dans son livre et gardera l’information « en veilleuse ».

Bref, cette photo était très loin de pouvoir croiser le chemin d’Edgar. C’était sans compter sur sa bonne étoile : c’est un autre livre relatant sa propre histoire, « Relations d’incertitude » qu’il a co-écrit avec Elisa Brune, qui attire l’attention d’Angeles Munoz, une amie espagnole de Benito Bermejo résidant en Belgique et chargée de la traduction de son livre en français.

Persuadée que ce livre peut intéresser Benito, elle lui transmet l’information. Le nom Günzig le fait sursauter, il se souvient alors de la photo... la boucle est sur le point d’être bouclée. Angeles lui transmet notre numéro de téléphone, il nous joint sur le champ et déclenche l’histoire qui s’écrit ici....

Après 1945, Francisco Boix travaille comme reporter dans la presse communiste française : Ce soir, L’Humanité, Regards.

Il meurt prématurément à trente ans, sa santé ayant été fragilisée par la déportation.

En 2017, ses restes sont transférés au Père Lachaise lors d’une cérémonie présidée par la maire Anne Hidalgo, au cours de laquelle la chanteuse Marina Rossell a chanté l’Emigrant et El Cant dels ocells.

Quant à Elisa Brune, quel parcours. D’elle, j’ai bien sûr lu La tournante cité dans l’article Écrire le viol. Et deux ouvrages de vulgarisation scientifique. Elle est décédée le 29 novembre 2018 d’un cancer, 52 ans. Coïncidence, 8 ans après l’épousée, 29 novembre 2010, 62 ans.

Dolly en librairies belges depuis septembre 2023
Dolly en librairies belges depuis septembre 2023

Dolly en librairies belges depuis septembre 2023

En 2015, Edgar Gunzig reçoit une photo par la poste.

L’image d’un mort, allongé dans l’herbe, devant des fils de fer barbelés. C’est le corps de son père, Jacques Gunzig dit « Dolly », en 1942 dans le camp de concentration de Mauthausen, juste après son assassinat. La découverte de cette image va le bouleverser et susciter le besoin d’écarter le voile, de découvrir qui fut cet homme dont il ne connaissait la vie que par bribes : le Parti communiste, les camarades, la Résistance, la Tunisie, la guerre d’Espagne au côté des Brigades internationales, la Palestine… Ce livre est le résultat de longues recherches qui lui firent découvrir une vie aventureuse, engagée, marquée par les soubresauts de l’Histoire, l’antisémitisme et le nationalisme dont la nature redoutable résonne aujourd’hui, plus que jamais.

Physicien cosmologiste à l’Université libre de Bruxelles, Edgar Gunzig a publié plusieurs livres scientifiques, notamment Que faisiez-vous avant le Big Bang ? chez Odile Jacob, Paris, 2008 mais également co-écrit, avec Elisa Brune, Relations d’incertitude, prix Rossel des Jeunes 2005 chez Ramsay.

Postface de Thomas Gunzig :

Il n’a jamais été là et pourtant il a toujours été là. Son prénom est mon second prénom, petit symbole collé dès les origines, il était acquis que son absence ferait partie de mon identité, marque objective de l’omniprésence de sa mort dans ma vie. 

Si aujourd’hui je ne me souviens pas de la première fois où l’on m’en a parlé, c’est probablement parce qu’on m’en a toujours parlé, de son histoire, de ses combats, de ses engagements, de son arrestation, de sa fin. On m’a toujours parlé des souvenirs minuscules que mon père avait de lui et que, tout minuscules qu’ils soient (une main dans une main, un grand manteau, une promenade au parc, une ombre, une voix…), comme ils étaient les seuls, ils devenaient immenses au point de prendre toute la place. Il y avait de lui, de-ci de-là, dans la maison, quelques photos, toujours les mêmes (elles étaient rares), des images d’un monde disparu, d’un Bruxelles d’avant-guerre, d’un univers d’avant le drame, d’avant le grand massacre. Les images d’un homme élégant, souriant, les dents un peu de travers, le cheveu mal peigné. Ces images me fascinaient. Parfois, en les regardant, un sentiment d’urgence s’emparait de moi et je me disais : « il ne se doute pas de ce qui va se passer ! Il faut le prévenir ! Ne sois pas là, ce jour-là ! » Tout aurait été alors différent. Ma grand-mère n’aurait pas été cette vieille femme dont la tête était agitée par des tics nerveux que je mettais sur le compte de la douleur d’avoir perdu son mari, mon père n’aurait pas été cet homme à qui il semblait manquer un morceau, qui était comme un meuble bancal, ma sœur et moi n’aurions pas été élevés dans l’idée que le drame n’est jamais loin, qu’il ne faut pas avoir confiance dans la vie, que quand ça va ça ne dure qu’un temps, que tout ce qu’on a peut disparaître, d’un seul coup, que rien n’est jamais acquis, à commencer par sa propre vie et celle des gens qu’on aime. Nous n’aurions pas eu l’impression d’avoir, planant au-dessus de nos têtes, une créature menaçante semblant dire : « vous serez les suivants ».

Mon grand-père n’a jamais été là, mais son absence avait la nature de la présence. Probablement parce que mon père n’a jamais cessé de l’attendre. Alors, forcément, d’une certaine manière, toute la famille attendait avec lui.

Et une famille qui attend comme ça, ça donne une couleur particulière à l’enfance, on ne s’installe jamais vraiment, on regarde en arrière, l’avenir est incertain. À la maison, on prononçait souvent les mots de « Gestapo », « nazis », « Hitler », « arrestation », « Résistance », « collaboration », « déportation », « camps de concentration ». Le passé ne cessait de faire partie du présent. Les livres qui traînaient sur les tables, c’étaient « Réflexion sur la question juive » de Sartre, « Je ne lui ai pas dit au revoir (des enfants de déportés parlent) », « La nuit » d’Elie Wiesel. Nous avions religieusement regardé, la série « Holocauste » quand elle était passée à la RTB au début des années 80, mais aussi « Le chagrin et la pitié » de Marcel Ophüls ou « Nuit et Brouillard » d’Alain Resnais (j’avais été choqué, enfant, de voir tellement de corps nus, vivants ou morts).

On ne réalise pas à quel point un drame, une guerre, un meurtre agit dans le temps, que c’est comme une pierre jetée au milieu d’un étang qui provoque des ondes se propageant pour de longues minutes à toute la surface de l’eau. Un caillou englouti et voilà le chaos.

Mais il est une chose de savoir que quelqu’un est mort et il en est une autre de le voir. D’en avoir la preuve visuelle. Durant des années, nous savions que Jacques était mort à Mauthausen. Mon père m’avait souvent raconté comment, enfant, juste après la Libération, il allait à la gare avec ma grand-mère, quand arrivaient les flots de déportés amaigris et comment ils espéraient tous les deux voir, au milieu de cette foule de survivants, apparaître Jacques. Et puis, lorsque les derniers d’entre eux furent revenus, qu’il n’y eut plus de trains, que les quais furent vides, ce fut la résignation. Mon grand-père, comme des millions d’autres, était mort dans les camps. Plus tard, il y eu la confirmation administrative venue du Totenbuch de Mauthausen reprenant la date et la justification de la mort : « abattu lors d’une tentative d’évasion ». L’intelligence logique comprend alors qu’il n’y a plus rien à attendre, le cortex préfrontal intègre sans rechigner cette information.  Mais quelque chose au fond du ventre continue à croire, à espérer, à douter des preuves, à refuser le raisonnement, à rejeter l’argumentation, quelque chose que la résignation n’atteint pas. L’irrationnel est un animal étrange, il vit caché à l’intérieur de nous et durant sa longue existence il nous chuchote de croire en des impossibilités. Je suis certain que tout en sachant que mon grand-père était mort, abattu, à Mauthausen le mardi 28 juillet 1942 à 8h30 du matin (j’ai essayé de trouver des informations sur la météo de ce jour-là, je n’y suis pas parvenu), la réalité de sa mort n’était pas solidement cristallisée au point de devenir une « intime conviction ».

En 2015 mon père et sa femme recevaient la photo du cadavre de mon grand-père. Je crois que pour lui comme pour toute la famille, ce fut comme si le temps se contractait, comme si les 26.000 jours nous séparant du moment où le photographe de Mauthausen appuyait sur le déclencheur du Leica face au corps probablement encore tiède de mon grand-père, venaient de disparaitre, comme si la distance géographique elle aussi n’avait plus de sens, c’était comme si nous étions à ses côtés, ce matin d’été autrichien, dans ce camp de la mort qui fut un des plus durs pour les déportés et un des plus rentables pour le régime nazi.

Cette photo fut probablement pour mon père comme un second deuil. Mais un deuil plus brutal que le premier. Cette fois cet homme qui lui avait manqué durant toute son existence était assassiné sous ses yeux d’adulte qui redevenaient, pour l’occasion, des yeux d’enfant.

Je suis incapable de prendre la mesure du bouleversement qui a été le sien à ce moment. Que peut-il se passer dans un esprit lorsque âgé de près de 80 ans on voit mourir son propre père ?

Ce livre/enquête est né de ce choc. Il résulte de la longue enquête menée par mon père et sa femme. à présent que le corps avait été vu, que la mort était actée, il fallait découvrir qui était vraiment cet homme de 37 ans dont on savait si peu de choses mais dont l’absence avaient eu de telles conséquences. Il fallait que l’on parvienne à définir enfin de quelle matière était faite notre famille et, en ce qui me concerne, au-delà de l’hommage ou du symbole quelle était la signification exacte de mon second prénom.

Nous ne connaissions pas Jacques Dolly Gunzig. Ce livre nous rapproche de lui, il le sort du « Totenbuch », il le relève du sol maudit de Mauthausen, il le ramène à la vie.

Thomas Gunzig

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Et quoi l'éternité ?

7 Octobre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #FINS DE PARTIES, #J.C.G., #album, #cahiers de l'égaré, #développement personnel, #pour toujours, #spectacle, #écriture- lecture, #théâtre

flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse
flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse
flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse
flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse
flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse
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flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse
flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse

flyers annonçant la soirée du 29 septembre, article de presse

Un concepteur : Dominique Lardenois

Deux interprètes : Dominique Lardenois, Katia Ponomareva

pensées particulières avant la traversée 
pour Cyril, Michel dont le maire, Ange Musso, nous avait annoncé la disparition le 28 septembre 2001, à 17 H sur le palier
pour les 81 ans de JP, le 29 septembre
pour Annie, partie le 29 novembre 2010
pour V. P. en traitement de choc pour un cancer généralisé
pour Katheline, en train de partir en unité de soins palliatifs à Lyon
(elle sera très présente dans la prochaine oeuvre poétique de Nouria Rabeh : Ode à l'humanité suivie de Territoires de la Joie)
pour Alain, en traitement pour un cancer, depuis ce 29 septembre
NB : je n'ai pas corrigé les maladresses du document livré; elles font partie du moment partagé
dispositif scénique, les deux interprètes : Dominique Lardenois, Katia Ponomareva

dispositif scénique, les deux interprètes : Dominique Lardenois, Katia Ponomareva

ET QUOI L’ ETERNITE ?

UNE TRAVERSEE DANS L’ŒUVRE DE JCG-VITA NOVA

Choix des textes Dominique Lardenois

Interprétation : Katia Ponomavera, Dominique Lardenois

Lecture réalisée le vendredi 29 septembre à la Maison des Comoni ( Le

Revest-les-Eaux)

Lardenois

Présentation de la soirée :

Bonsoir à toutes, bonsoir à tous, bonsoir Monsieur le Maire du Revest les Eaux.

Merci beaucoup d’être en notre compagnie pour partager notre traversée dans

les écrits de Jean-Claude Grosse.

Bonsoir Katia

Bonsoir Jean-Claude.

Comme tu l’as souhaité, tu vas donc découvrir en même temps que notre

public les textes que nous avons choisis pour faire notre traversée.

Mais avant de commencer un petit récapitulatif de tes activités littéraires.

Tu interviens si j’ai oublié quelque chose d’important !

Donc entre 1997 et 2021, tu as, publié 15 livres, Théâtre, poésie, essais, poème

récit,

Et puis, en février 2022, tu publies un seizième livre que tu intitules : Et ton

livre d’éternité ?

Quel livre !

Un roman polyphonique de six cent soixante six pages que tu as écrit durant

deux années.

Tu publies sur tes blogs qui sont consacrés aux questions politiques et sociales,

au développement personnel et à l'éveil spirituel, de très nombreuses notes de

lecture puis tu n’hésites pas à fait part de tes réflexions et de tes prises de

positions sur des domaines très variés.

1Jean-Claude , on peut te voir faire des choses que l’on dit ordinaires comme

par exemple faire tes courses en préférant les circuits courts, boire un café, te

promener dans la garrigue ou conduire ta voiture …

Mais lorsque tu écrits, tu te métamorphoses !

Lorsque tu écrits tu deviens E. Say Salé (ton hétéronyme africain) ou JCG,

(celui qu’on appelle communément J.C) ou Lui-Je, hiérosolymitain d’Avers sous

les eaux depuis le Déluge et d’Avers sur les eaux Et de Corps ça vie ou Vita

Nova.

Je ne connaissais évidement pas le mot Hiérosolymitain et j’ai regardé dans le

dictionnaire, alors : Hiérosolymitain nom masculin qui signifie habitant de

Jérusalem

Dans tes écrits comme dans ta vie, tu traces un chemin très singulier et

atypique avec une démarche profonde, sérieuse argumentée et engagée.

Ce qui n’empêche pas l’humour.

Cette traversée sera subjective, chacune et chacun d’entre vous pourrait en

proposer d’autres, elle ne pourra pas rendre – compte de tout ce que tu as

écrit. Merci de nous le pardonner !

Elle est (sauf coup de tonnerre) prévue pour une durée d’une heure.

Pour conclure cette soirée de manière amicale un pot vous est offert par la

municipalité du Revest-les-Eaux

Vous pourrez aussi, si vous le souhaitez, vous procurer les ouvrages de Jean-

Claude. J’ai cru comprendre qu’il serait à prix réduit ? Tu confirmes Jean-

Claude ?

Vous dire enfin que cette soirée est soutenue par Les Cahiers de l’Égaré, Les

quatre 4 Saisons du Revest et d’ailleurs, La Municipalité du

Revest-les Eaux. En partenariat et avec le soutien de TPM et du Pôle.

Merci beaucoup à eux

Merci à l’équipe technique de la Maison des Comoni qui nous ont très bien

accueillis.

N’oubliez pas tout à l’heure de rallumer vos téléphones portables.

Bonne soirée

2Jean-Claude est-ce que tu une idée du texte avec lequel nous allons commencer

notre traversée ?

On va commencer avec un poème

Il fait partie des 92 poèmes que tu as écrit entre 1958 et 2000 et qui sont

regroupés dans La Parole éprouvée.

C’est un poème que tu as écrit en 1999 pour Les 4 Saisons de Revest aventure

de théâtre et de poésie depuis 1983 et pour L’Agora de La Maison des Comoni

espace de pensée libre, gratuit depuis 1995

Il est dédicacé à Florence, Michelle, Jacqueline, Malika, Jean-Louis, Alex, Cyril,

Rachid, Philippe, Joël, Paul, Michel, Florence, Jacques et Béatrice.

Il a pour titre

(DES) APPRENTISSAGE DE LA BÊTISE, DE LA MAÎTRISE

C’est un poème autobiographique

J’ai commencé le 25 octobre 1940,

jour de ma naissance criée

en maternité-celle des fleurs-du côté d’Ollioules.

menue maman sans son homme

-mon père-du côté de Dakar.

Il faisait nuit-une heure du matin-

c’était minuit dans le siècle de Trotsky assassiné,

nuit et brouillard sur l’Europe nettoyée par Hitler.

Ignorant, je ne savais pas, je ne pouvais crier.

Grandissant, on apprend. Coupable, on devient.

De parents coupables d’innocence.

Nous vivions en zone libre, au temps des restrictions,

dans une France coupée en deux et collabo.

27 novembre 1942. Sabordage de la Flotte.

Un obus dans ma chambre à Rodeilhac. -Maman m’a raconté-

Un obus dans ma chambre qui n’a pas explosé. J’eus la vie sauve,

perdis l’usage d’un œil le gauche

jusqu’à la Libération où je fus rétabli dans ma vision.

3Avant ma longue errance dans le labyrinthe de l’Histoire, je jouais à des jeux

touchants.

Il faisait un temps de guerre froide sur le monde coupé en deux.

Ignorant, je ne savais pas, je ne pouvais crier

que les coupables torturés, abattus, enfermés au goulag étaient innocents.

Moi, je jouais ici en démocratie quatrième République, sans savoir ce que c’est,

du côté de Castres.

Là-bas, d’autres enfants jouaient du côté de Moscou, de Pékin aux mêmes jeux

touchants, dans des démocraties populaires à régime totalitaire sans savoir ce

que c’est.

Après l’effondrement du mur de Berlin

quand après les deux mondes il n’y en eut qu’un

je compris que les dictatures à langage unique s’effondrent

quand les démocraties à pensée unique perdurent.

Avant mon séjour prolongé dans le labyrinthe du Politique

où sévit le Minotaure Libéral qui bouffera nos enfants,

j’appris l’élémentaire, le primaire, le secondaire et le supérieur.

Quelle adolescence du désastre chez les enfants de troupe !

Et à Saint- Cyr Coëtquidan, terre de fondrières et d’effondrements,

L’entrée en poésie pour tenter d’en sortir.

Ecriture appliquée sur des cahiers d’égaré.

Du mot qui dénomme croit faire apparaître la chose dans sa lumière

au mot qui monte, pense faire voir le plein de la chose

jusqu’au mot -mais y arriverai-je à cet ultime ?- jusqu’au mot investi par les

vides et les pénombres de la chose.

Car plus je passe, moins j’explique, moins je comprends : l’expérience me

désapprend le monde et l’homme.

4De la poésie fascinée par l’absence de ce qui n’est pas, de la poésie comme

plainte et révolte à la poésie de la présence et de l’acquiescement à ce qui

apparait et disparait.

De la poésie comme volonté de puissance pour désembourber l’avenir

A la poésie comme humilité pour chuchoter ce qui nous ramifie.

Et ce fut le temps de la paix en Algérie.

A l’Algérie française j’avais cru et je suis arrivé dans ce pays libéré de moi/de

mes pieds noirs, de mon Etat

sans être inquiété ou haï.

Prise de conscience des tromperies de tous bords.

Crise de conscience. Démission de l’armée.

Reprise des études en Sorbonne, à Nanterre.

Professeur de letres et de philosophie dans le Nord

aimé d’une élève, l’aimant en retour

ah la légère, l’aérienne ! Etoile et danse !

Vivre d’aimer au temps de Mourir d’aimer.

Mariages civil et religieux, nous athées,

Au beau milieu de l’année.

Une fille nous est venue le jour du deuxième tour des élections de 68.

Après l’exaltation du 13 mai au 6 juin,

Entré en politique avec le souci de transformer le monde

par la vérité et la lutte des classes.

J’ai perdu de vue notre fille et ma femme.

Le militant, 12 ans durant, a oublié d’être mari et père.

30 ans après, on revient là-dessus.

A vu le jour notre deuxième, 3 ans après.

A vu le jour après avoir failli être perdu !

Homme d’écriture et de théâtre comme moi et comme sa sœur.

Du Nord au Sud, ce que nous avons gagné en soleil, nous l’avons perdu en

chaleur.

5Après la révolution mondiale pour changer la vie,

Echec patent

l’action municipale, 12 ans durant,

pour faire du village du Revest, une agora rayonnante,

Pari tenu.

Vie depuis consacré au théâtre, art de la parole et du silence,

Art du dit, du non-dit, du mi-dit

Art de la voix, du regard, du corps,

Art de la présence et du partage

Cet art du rassemblement me tient en éveil, en alerte,

capteur d’inattendu bouleversant

en marge de la déception qui me saisit quand ce qui se passe sur scène est en

représentation.

Me soumettant à l’impératif de l’essentiel, que me faut-il maintenant

entreprendre entre le franchissement de l’an 2000 et le passage à vide ?

Ecouter la symphonie des nuages qui dérivent au dessus de ton toit.

Voir depuis chez moi le théâtre des vents alternes dans l’olivaie.

Commentaire :

Cher Jean-Claude tu as écrit ce poème-portrait à l’aube de l’an 2000. Vingt-trois

années on va se rendre-compte que tu ne t’es pas contenter d’écouter la

symphonie des nuages et voir le théâtre des vents dans l’olivaie.

(Temps)

Lardenois

Puisque nous sommes en automne nous avons choisis de poursuivre notre

traversée avec un texte que vous trouverez dans

ET TON LIVRE D’ETERNITE ?

Il a pour titre :

Vivre les saisons au féminin que tu sois femme ou homme

6Katia

Quand vient l’automne,

Je repense à ces fleurs qui sont nées.

Qui ont parfumé nos âmes.

Je repense à ces fruits délicieux,

Que nous avons cueilli ensemble

Dans notre arbre âme.

Oh mon amour, j’ai tellement de reconnaissance

Pour toutes ces feuilles, toutes ces fleurs, tous ces fruits

Que tu as fait pousser en moi, à travers moi,

A travers d’autres.

J’ai tellement de reconnaisse pour

Toutes ces feuilles, toutes ces fleurs, tous ces fruits,

Que nous avons créés ensemble,

Au bout de nos sourires, de nos regards, de nos mains d’oiseaux, de nos danses

colorées, de nos souffles, de nos joies partagées.

Quand vient l’automne,

Je repense à toutes ces feuilles, toutes ces fleurs, tous ces fruits, toutes ces

graines,

Qui vont tomber en terre.

Et je ressens la sève qui descend,

7Les feuilles qui lentement se rétractent, se détachent des branches.

Tout devient plus craquant et plus sec,

Alors je pense, mon amour, à ce besoin

De retrouver la TERRE

A ce besoin de fondre dans l’humus- amant,

De fondre, à nouveau dans l’obscurité et la chaleur de sa douce présence.

Et je pense à ce temps de recueillement,

Ce lâcher prise après l’été ardent

Et je laisse la sève revenir à la TERRE,

Je laisse mon amour revenir en mon centre plus présent et plus fort.

Ressourcement, transformation

Passage de la lumière à l’obscurité

De l’extérieur à l’intérieur.

Mon cœur porte cet élan des saisons avec moi,

Et je sais que mon amour a autant besoin de fruits mûrs que de branches

d’hiver.

Mon amour, tes belles feuilles toutes gorgées d’été et de chaleur,

Vont ralentir leur activité

Pour nourrir le bois, les directions nues qui se trament au bout des branches,

dans le corps de ton tronc, dans la conscience nue,

Et je pense à ce besoin de renouvellement, de régénérescence.

8Dans la douce fin d’été si sucrée,

Je pense à ma capacité à mourir pour renaître encore,

Je pense au phénix et je pense à l’oiseau

Et je laisse mes plumes se suspendre un instant.

Une profonde introspection commence.

Ce besoin d’être à l’intérieur,

Ce besoin d’habiter l’intérieur,

Ce besoin de prière.

Âme du monde je te reconnais.

Je te reconnais dans ton foisonnement, ta générosité, je te reconnais dans ta

nudité, ton abandon.

Et je descends dans ton essence pour effleurer avec toi l’âme plus grande qui

nous berce toi et moi et nous demande d’écarter encore nos antennes célestes

Pour propager, cultiver cette atmosphère du souffle

Dans chaque recoin du monde,

Avec ce souffle amoureux,

D’un espoir à trouver, d’une paix à toucher.

fin de traversée

fin de traversée

(Temps)

Lardenois

DANS

LES ENFANTS DU BAÎKAL

Il était une fois le Baïkal et une goutte d’eau

9Katia

C’est un conte !

Un dialogue entre un Grand-père et sa Petite Fille qu’il appelle sa Fetite Pille.

Lardenois

Le Grand Père : Tu veux voyager ?

Katia

La Fetite Pille : Oui loin !

Lardenois

Alors on est parti !

Katia

Où ça ?

Lardenois

Au lac Baïkal

Katia

C’est où ?

Lardenois

Vers l’est, à 10 000 kilomètres de la Méditerranée.

Katia

Comment on y va ?

Lardenois

Par l’imagination

Katia

Oui, mais en vrai ?

Lardenois

En vrai, avec le Méditerranée-Baïkal un train pour les rêveurs.

Katia

10On part quand ?

Lardenois

Le 28 juillet à 7 heures du matin.

Katia

Combien on passe de jours dans le Méditerranée-Baïkal ?

Lardenois

7 jours pour Oulan- Oudé

Katia

Qu’est ce qu’on y fait ?

Lardenois

On voit de nouveaux visages, de nouveaux paysages, on traverse des rivières,

on passe sous des montagnes, on entend la musique des roues…

Katia

C’est bien voir de nouveaux visages ?

Lardenois

C’est ce qui est le plus passionnant, chaque visage raconte son histoire.

Katia

Moi, j’entends rien quand je regarde.

Lardenois

Il faut voir avec les yeux du cœur pour entendre l’histoire muette d’un visage !

Katia

Raconte-moi les arrêts sur image.

Lardenois

On commence par lequel ?

Katia

11Oulan- Oude c’est la qu’on descend pour aller au lac. Comment on va au lac ?

Lardenois

Un mini bus puis en bateau pour aller à Baklany. C’est une plage de sable ocre

réservée à deux poètes. Dasha et Lisa.

Katia

Elles vivent comment ?

Lardenois

Seules, dans une isba en bois, elles pêchent, chassent, cueillent des baies

Katia

Elles n’aiment pas les gens ?

Lardenois

Si, mais elles les aiment trop ! Les gens sont toujours décevants quand tu les

aimes trop !

Katia

Je t’aime beaucoup alors tu me déçois ?

Lardenois

Sans doute, je ne suis pas à la hauteur des histoires que je veux te raconter.

Katia

Ca c’est vrai : le minibus, le bateau, tu peux faire mieux ! Dis- moi quelque

chose qui me parle…

(temps)

Lardenois

Il était une fois une goutte d’eau sur une feuille de bouleau Elle s’appelait

Baïkala . C’était une goutte de rosée qui comme toutes les gouttes de rosées

accrochées à des branches, devait tomber dans le lac.

12Pourquoi refusa-t-elle ce destin ? Elle savait, vieux savoir, que si elle tombait

elle perdrait sa singularité, qu’elle se fondrait dans la masse. Elle se croyait

unique.

Le bargouzine avait beau souffler, la petite goutte d’eau résistait, et s’accrochait

à la feuille.

Ce n’est pas le vent qui eut raison d’elle mais le soleil. C’était en août. Elle

s’évapora.

Liquide, elle était devenue vapeur.

Lourde elle était devenue légère.

Elle avait rejoint un nuage, elle avait changé d’état.

Les gouttes de nuage c’est comme des semences. Quand elles tombent en

pluie sur la terre, tout ce qui attend de naître se met à pousser.

Ca lui plaisait d’être la semence universelle, de faire naître, de faire grandir, de

faire vivre.

FP : moi, j’ai envie de grandir ! Est ce que je pourrai rencontrer Baïkala ?

GP : Bien sûr ! On part au Baïkal ; on attend la prochaine pluie et Baïkala, la

goutte d’eau, tombée du ciel descendra spécialement pour toi et viendra se

loger…….. dans ton nombril.

Katia :

Dans mon nombril ?

Lardenois

Oui dans ton nombril ! Le nombril d’or, l’omphalos c’est ici dans ton nombril

que se relient les eaux utérines donnant naissance et les eaux torrentielles

donnant la vie.

Tu es une manifestation sacrée de la Vie !

Katia

Ah bon ?

Tu délires pas un peu avec mon nombril ?

Maman dit que t’es un putain de nombriliste.

13Pardon pour putain c’est son mot.

(Temps)

Lardenois

Commentaire : Le premier vers de ton poème autobiographique débute par «

J’ai commencé », alors que dire sur le commencement ?

DANS

JOURNAL D’UN EGARE

QUE DIRE SUR LE COMMENCEMENT ?

Katia

Que dire sur le commencement ?

Quand un commencement commence

Un chemin se met à cheminer

Jusqu’à une fin

Qui y met fin.

Lardenois

Le commencement contient-ils le chemin et la fin ?

Il y a des tenants de cet abrutissement.

Si le commencement ne contient rien

Et si la fin ne dit rien

Y a-t-il encore chemin ?

Katia

DESTIN ?

14Lardenois

HASARD ?

Katia

Tout commencement est arbitraire.

Il n’y a pas de point zéro

Le point zéro de tout big bang est inaccessible,

Tu ne peux tout réinventer, tout recréer

Pars de ce qui t’est donné

Et que tu ne peux refuser.

Pars de cette violence qui t’est faite

Et que tu peux organiser.

Dieu nous a donné la Terre.

Nous la lui rendrons retournée, cultivée.

Il a fait l’animal humain

Nous lui rendrons l’Homme.

Lardenois

50 années plus tard tu relis Jean-Claude, ces quatre derniers vers

Réécoutons-les !

Katia

Dieu nous a donné la Terre.

Nous la lui rendrons retournée, cultivée.

Il a fait l’animal humain

Nous lui rendrons l’Homme.

Lardenois

Tu relis donc ces quatre vers et tu écris :

15J’ai osé écrire cela il y a 50 ans en 1966 ?

J’ai osé mêler Dieu à notre aventure terrestre et cosmique.

J’ai aussi osé évoquer par trois fois un « Nous

»

: espoir d’unité et d’élévation

très affirmé. .

Qui oserait, aujourd’hui, croire au « Nous

»

?

Aujourd’hui, je vois triompher le « Moi ».

Du « Nous » exacerbé au « Moi » enflé, tel est notre trajet majori

(Temps)

Katia

DANS

L’ÎLE AUX MOUETTES

DELAVIEDELAMORTMÊLEES (écrit comme un seul mot ?)

Lardenois

Méditation poétique sur le hasard et la mort

Katia

Au clocher de Corsavy

vieux de quelques siècles

midi sonne

le temps passe

elle se rapproche

Lardenois

Sirène de pompier

barri d’amunt

attroupement de voisins

que se passe t-il ?

16Katia

C’est Francine elle a un malaise cardiaque.

Lardenois

En réalité c’est trop tard.

Rupture d’anévrisme.

Katia

Dans son lit Francine discutait avec deux amies

Des voisines

Elle dit J’ai la tête qui tourne

elle la rejette en arrière

pousse un râle,

ce fut tout

C’était terminé.

Lardenois

La page est tournée

les volets sont fermés

Francine n’est plus

Katia

Des paroles s’envolent.

Lardenois

c’est le destin

Katia

c’était son heure

Lardenois

c’était écrit, c’est la vie !

Katia

La vie continue dit une autre femme

Lardenois

Plus tard

je m’interroge

minuit sonne

le temps passe

elle se rapproche.

17Que disent ces paroles de survivants ?

La vie continue oui

pour chacun de ces vivants

moi y compris

qui vous écris.

Katia

Dans le Grand Livre de la Nature

il n’y a qu’une inscription

nous sommes mortels

A l’échelle du temps immense

nous ne sommes qu’une éloïse

dans la nuit éternelle

Lardenois

A notre échelle

cette petite part de temps et de vie

qui nous est donnée par le hasard

comment pouvons-nous la vivre ?

Katia

Don du hasard

la vie

Lardenois

Don du hasard

toi moi

Katia

Don du hasard

ta mort avant la mienne

Lardenois

Dans ce grand jeu de hasard sans règles et sans lois sans calculs de probabilités

comment jouer ?

Katia

Entre le Tout ( avec un grand T) et le Rien ( avec un grand R)

chacun doit trouver sa juste mesure

18ce n’est pas Tout

ce n’est pas Rien

ce n’est pas Tout ou Rien

c’est un tout petit peu du Tout

c’est un petit peu plus que Rien

Lardenois

Vivre en homme de raison

c’est penser

clarifier un peu de l’incompréhensible

un peu de l’indescriptible

Katia

Chacun de nous est libre

de donner la signification

et la valeur qu’il veut

à sa vie

Lardenois

Moi,

Je n’ai pas envie d’ajouter

de la laideur au monde

mais un peu de beauté

de pensée

Katia

Ce fut sans doute aussi le choix de vie de Francine

Son sourire

sa bonté

sa beauté

étaient les signes de ce qu’elle était

de ce qu’elle était devenue.

(Temps)

19Lardenois

DANS

L’ÎLE AUX MOUETTES

La vie est comme un zèbre, une bande blanche, une bande noire…

Katia

Imagine que ta vie soit comme un zèbre une bande blanche, une bande noire.

Quel temps accorderas-tu à ta vie privée. Lequel à ta vie publique. Lequel à tes

passions, tes talents. Lequel à ton métier ?

Lardenois

Distingues le temps que tu accorderas à ton corps, à ton esprit, à ton âme, le

temps que tu accorderas à ta femme, à vos enfants, à tes parents, aux amis, aux

voisins, aux lointains, à la politique, à la morale, à l’éthique, à la culture, à

l’humanitaire, à la lecture, au cinéma, au pastis, à l’amour, au travail…

Katia

Demandes- toi ou tu vas choisir de vivre ? Ville, campagne, montagne, au fond

des bois, au bord de la mer

Lardenois

Demandes- toi si tu veux vivre sédentaire, sécurisé ou nomade précarisé. Si tu

veux vivre dans une hutte, une isba, une yourte, une maison ou une caravane !

Katia

Demandes- toi si tu veux vivre en accumulant des biens de toutes sortes, en

consommant, en polluant, en détruisant ou en réduisant tes besoins, tes désirs

et en vivants sobrement.

Lardenois

Demandes toi si tu veux vivre en solitaire, en dérangeant le moins possible

l’ordre des choses et en refusant de changer le monde

Ou si tu veux vivre en épicurien, cultivant l’amitié,

Katia

20Ou si tu veux vivre en homme de la grande et de la petite responsabilité en

cherchant à donner sens et valeur à sa vie, à donner le meilleur de TOI –MÊME

plutôt qu’à prendre ou à réclamer, sans hurler à la mort ou aboyer à la lune.

Katia et Lardenois A deux

A toi de jouer !

le discours improvisé, sincère du Maire, Ange Musso

le discours improvisé, sincère du Maire, Ange Musso

(Temps)

Katia

Je pars

Lardenois

Où ?

Katia

Au Baïkal !

Lardenois

DANS

LES ENFANTS DU BAÏKAL

L’invitation à la vie (extrait)

Katia

Personnages :

Lardenois

Le fils

Katia

La mère

Lardenois

Le père

Katia

La sœur

(Temps)

21Katia

Le fils

Lardenois

Je pars

Katia

Le père

Lardenois

Où ?

Katia

Le fils

Lardenois

Au Baïkal

La mère :

Katia

Pourquoi ?

Le fils :

Lardenois

Un amour là-bas

Katia

Le père :

Lardenois

Bonne raison !

La mère :

Katia

Ce n’est pas une raison.

22Le fils :

Lardenois

Elle s’appelle Baïkala

La mère :

Katia

Elle est comment ?

Le fils :

Lardenois

Pure comme le lac.

La mère :

Katia

Folle du cul comme tu les aimes.

Le fils :

Lardenois

Maman !

Katia

Le père :

Lardenois

Que fait-elle ?

Katia

Le fils :

Lardenois

Elle chante le Baïkal.

Katia

Le père :

23Lardenois

Tu vas vivre d’amour et d’eau fraîche ?

Katia

Le fils :

Lardenois

A peu prés.

La mère :

Katia

Et ta santé ?

Le fils :

Lardenois

Le Baïkal protège ceux qui l’aiment et qui s’aiment.

Katia

Le père :

Lardenois

Qu’est ce que tu lui trouves à ce lac ?

Katia

Le fils :

Lardenois

Écoute-le !

La mère :

Katia

Et à elle ?

Le fils :

Lardenois

24Ecoute- la !

La sœur :

Katia

Je pars avec toi ….

(Temps)

Katia

Le fils:

Lardenois

On va répéter ici !

Les comédiens :

Katia

En pleine nature ?

Lardenois

T’es dingue !

Katia

On va dans le mur !

Le fils:

Lardenois

Oui ici !

Où vois- tu un mur ?

Cet endroit du Baïkal s’appelle BAKLANY .

Au large l’île aux Mouettes. Vous les entendez ?

La sœur :

Katia

Oui, c’est bien ici. Dans la forêt c’est parfait.

25Lardenois

Les comédiens :

Katia

Quel vacarme !

Lardenois

Pourquoi tu nous infliges ça ?

Katia

Le fils :

Lardenois

Où veux-tu répéter La Forêt d’Ostrovski ?

Les comédiens :

Katia ou à deux

Dans un théâtre !

Katia

Le fils:

Lardenois

Vous n’avez rien compris au théâtre russe !

Les comédiens :

Katia

En pleine nature,

Lardenois

Sans le moindre confort,

Katia

T’es dingue !

Le fils:

Lardenois

26Oui ici, à BAKLANY

on est au plus prés de la taïga. De ses cadeaux, de ses dangers.

Les comédiens :

Katia

La nature est insupportable.

Lardenois

Tes idées sont insensées.

Katia

La nature pour éprouver l’art !

Le fils:

Lardenois

Vous préférez l’artifice ?

Les comédiens :

Katia

Ta nature, elle nous emmerde.

Lardenois

On l’emmerde et toi avec.

Katia

On se casse !

Le fils :

Lardenois

C’est ça cassez-vous ! J’ai pas besoin de vous !

La sœur :

Katia

Je reste !

Le fils:

27Lardenois

C’est comme ça dans toutes les aventures artistiques.

L’art ça dérange ou ce n’est pas de l’art.

(Temps)

Katia

Lui- Je, n’attend plus du théâtre qu’il lui donne de la voix, qu’il lui ouvre la voie,

une voie.

Il a pourtant fait partie du milieu, bénévolement pendant 22 ans et créateur du

festival de théâtre d’Avers sous les eaux puis directeur des 4 Saisons d’Avers sur

les eaux dans la Maison des Romanich de 1983 à 2004.

Il a cru, par passion, à la nécessité de soutenir la création artistique, de

l’écriture à la mise en scène, de soutenir et susciter des formes innovantes et

l’émergence de jeunes créateurs.

Ce fut une période passionnante qu’il ne renie pas

Mais Lui-je a pris conscience progressivement vers 2017/2019 que pour lui, le

vrai travail est à faire sur soi et par soi.

Pas d’agir sur les autres, d’influencer les autres.

Pas d’être agi par les autres.

Au théâtre, au spectacle, on est dans la représentation, pas dans la présence,

pas dans le présent.

Au théâtre je suis spectateur, je ne suis pas acteur de mon destin de mes choix

de vie à mes risques et péril.

Le théâtre, lieu de représentation est comme la politique représentative :

Enjeux de pouvoir

Le théâtre, lieu de représentation est comme la politique représentative :

Luttes de pouvoir.

28(Temps)

Lardenois

Ah le Théâtre !

(à Jean-Claude)

Jean-Claude, entre 1997 et 2017 tu as écrit et publié 7 pièces de Théâtre !

(Bravo)

Cinq pièces sous ton propre nom : Jean-Claude Grosse

Katia

La Vie en jeu

Lardenois

La Lutte des places

Katia

Le Libre jeu

Lardenois

La où ça prend fin

Katia

Et Histoire de places

Lardenois

Et trois autres pièces sous le nom de ton hétéronyme E.Say. Salé

Katia

Moi, Avide 1erl’Elu

Lardenois

EAT (manger, pisser, écrire) au temps des queues de cerises

Katia

Et Vols de voix Farce PESTILENTIELLE à l’occasion de la présidentielle 2017

 

Lardenois

Nous avons cherché dans le dictionnaire la signification de ce mot étrange

Hétéronyme

Katia

En littérature un hétéronyme est un pseudonyme utilisé par un écrivain pour

incarner un auteur fictif qui possède une vie propre et un style littéraire

particulier.

Lardenois

C’est clair ?

Ton Hétéronyme : E Say Salé est un auteur congolais qui vit à Ouagadougou, il

écrit des farces et il est aussi est cinéaste.

(A Jean-Claude)

C’est bien ça Jean-Claude ?

Katia

Vols de voix comportent 169 personnages

Le questionneur de merde

Lardenois

Le soliste qui œuvre en sous-sol

Katia

Arlette du musée Grévin

Lardenois

Le repentiste

Katia

Persil et Omo

Lardenois

La dératée des champs

30Katia

La servante du grand méchant loup

Lardenois

Sigmund et Jacques

Katia

L’entre deux-chaises

Lardenois

Un habitant de gogoland monsieur Gogo

Katia

L’ultraculpabilisateur néo libéral de gauche

Lardenois

L’anartiste … et bien d’autres !

Katia

169 personnages qui se partagent 235 répliques dont celle du Romain à succès

en 1956

Lardenois

Réplique du Romain à succès

Le député était préoccupé. Il essayait de se rappeler à quelle formation

politique il appartenait. Son parti s’était scindé en deux, les éléments de chaque

tronçon se repliant eux-mêmes par des systèmes d’imbrications vers trois

formations diverses, lesquelles exécutaient un mouvement tournant autour

du centre afin de s’y substituer, cependant que le centre lui-même subissait un

glissement vers la gauche dans ses éléments centripètes et vers la droite dans

ses éléments centrifuges.

Le député était à ce point dérouté qu’il en venait à se demander si son devoir

de patriote n’était pas de suscité lui-même la formation d’un groupement

nouveau, une sorte de noyau centre-gauche-droite avec apparentements

périphériques lequel pourrait fournir un pivot stable aux majorités tournantes,

31indépendamment des charnières qui articulaient celles-ci intérieurement, et

dont le programme politique pourrait être justement de sortir du rôle de

charnière pour accéder au rôle de pivot.

De toute façon, conclut le député, le seul moyen de s’y retrouver était d’avoir

un groupe à soi.

Katia

Le député leva brusquement vers le barman un regard désemparé.

 

en flagrant délire d'écoute
en flagrant délire d'écoute

en flagrant délire d'écoute

(Temps)

Katia

Nous allons à présent quitter le cauchemar du député pour un moment de

rêve qui se trouve dans «

Journal d’un égaré

»

C’est le Rêve d’une école de la vie

Un texte dédié au philosophe à Marcel Conche que tu nommes Epicure de

Corrèze

Lardenois

Je rêve d’une école de la vie de trois classes.

Katia

Une classe pour apprendre à raconter. Pour seize enfants de 6 à 9 ans.

Lardenois

Une classe pour apprendre à s’émerveiller. Pour seize adolescents de 11 à 14

ans.

Katia

Une classe pour apprendre à penser et à vivre vraiment. Pour seize jeunes gens

de 16 à 19 ans.

32Des gosses des rues. Pas voulus. Des survivants du travail précoce, du sida

général, de la guerre perpétuelle. Des adolescents à la dérive sur

l’amertumonde.

Lardenois

La classe des petits seraient confié à un aède. Homère par exemple. Ils seraient

assis en rond 8 garçons et 8 filles. Ca commencerait par des questions. Homère

leur raconterait des histoires. Ils commenteraient ces histoires. Ils les

raconteraient à leur tour puis ils en inventeraient.

Katia

La classe des moyens seraient confiée aux poètes : Linos, Orphée, Sappho et à

un peintre, vieux de 33 000 ans, celui de la grotte Chauvet. Linos ferait entendre

un chant très ancien sur le soleil, Orphée inventerait un poème d’éternité, avec

Sappho ils gouteraient à l’inachevé, l’homme de Chauvet les aiderait à

impressionner les murs, à faire vibrer la lumière, à donner corps a l’esprit.

Lardenois

La classe des grands serait confiée à un élu, battu aux élections, à un chef

d’entreprise en faillite, à un directeur de pompe funèbres en retraite et à un

philosophe très ancien. Anaximore, Héraclite, Parménide, Empédocle. 8 filles et

8 garçons en quête de soi, de l’autre qui se poseraient des questions : qu’est ce

que l’homme ? Qu’est ce que la nature ? Qu’est ce que vivre vraiment ? Qu’est

ce que devenir soi ?

Katia

En quelques semaines ils se sèvreraient des jeux vidéo, des modes

vestimentaires, langagières et comportementales

Lardenois

En quelques mois, les multinationales de la mal bouffe, du divertissement

formaté, de la manipulation des cerveaux seraient en faillite

Katia

En quelques siècles ils renonceraient aux vains désirs

Lardenois

33En quelques millénaires ils renonceraient aux illusions…

Katia

Nous avons pris l’initiative de faire parvenir tes propositions au Ministre de

l’Education Nationale de la Jeunesse. Nous sommes toujours dans l’attente de

sa réponse.

 

dans le hall
dans le hall

dans le hall

(Temps)

Lardenois

Nous poursuivons notre traversée avec un poème toujours extrait de La Parole

éprouvée

LE PREMIER MOT (extrait)

34Redis- moi le mot

Venu frapper là où cogne ma vie

Venu me réveiller au cœur de Paris.

Redis-moi ce mot

Ce sortilège de l’adolescence

Qui toujours devant mes yeux danse

Comme un merveilleux quiproquo.

Redis-moi dis

Ce mot que tu m’as dit

Ce mot d’amour

Le premier mot de notre premier jour.

Un coup de fouet

Comme des embruns

Petit pont d’amour

Qui durera toujours.

DANS

L’ÎLE AUX MOUETTES

Portrait de la femme aimée depuis 40 ans

Katia

35Apparemment, c’est une femme de l’absence. Toujours ailleurs. Perdues dans

ses pensées. Fille d’air et de rêve.

Mais à la pratiquer, avec amour, depuis quarante ans, j’ai compris que c’est une

femme de la présence, une présence légère dans le présent. Elle ne pèse pas.

Elle ne pose pas. Avec elle, tout est danse.

Le présent n’est pas que l’instant. C’est le moment de maintenant avec une

pointe de souvenir. Une fleur chaque jour pour notre chat parti sans retours ;

Son nom parfois et alors, une bouffée de nostalgie.

Elle est attachée à tout ce à quoi elle a donné de l’amour. Des photos et des

mots pour les disparus, la mère, d’une embolie qu’elle embellit, le fils et le

frère, dans le même accident.

Des cartes aux anniversaires. Des cadeaux sans destinataires pour les recevoir.

Quelle aptitude à ne rien laisser mourir malgré la souffrance, évidente,

inconsolable.

Chaque objet est à la fois d’hier et de maintenant, pas figé, souvent déplacé.

L’œil toujours sollicité par quelque nouveauté, une disposition rare, un

rapprochement inattendu, un éloignement surprenant.

Tout ce qu’elle aime est sans cesse repris, reconsidéré. Petits rien qui changent

tout.

Combats de chaque instant contre la dégradation, l’usure, l’habitude, l’oubli.

La maison vit, est habitée. Pas d’ennui possible avec une femme qui fait de sa

maison, de notre vie, un récit, un poème.

Avec elle, les simples jours deviennent les simples beaux jours, embellis par le

regard, le sourire radieux qu’elle pose sur les choses et sur les gens. Les tristes

jours deviennent les inoubliables tristes jours adoucis par son sourire

mélancolique.

Elle rayonne d’amour. Solaire, elle donne le meilleur d’elle, une écoute qui

apaise angoisses et peines, aide à mettre en mots, petits maux et grandes

douleurs.

Mais de ses angoisses et souffrances, vous ne saurez rien, les mots ne sont pas

pour elle. Elle ne s’en sert pas pour elle.

36Tout se passe dans le regard, souvent mouillé, toujours caché.

La légère, l’aérienne ! Depuis quarante ans, elle me fait la vie légère.

Je l’aime sans comprendre pleinement la force du don qui l’habite.

Mais en la vivant pleinement, passant des heures à contempler son visage sur

lequel je ne vois pas passer l’âge.

Elle a l’âge de son cœur, celui de l’adolescente qui m’a choisi une fois pour

toute.

Mon désir d’elle et mon amour pour elle sont restés intacts à son contact.

(Temps)

Lardenois

La mère :

Katia

Pourquoi n’appelle-t-il pas ? Ca fait déjà quinze jours. J’ai peur.

Le père :

Lardenois

C’est impossible d’appeler depuis là-bas. C’est brouillé, coupé. Rien ne passe.

La mère :

Katia

Pourquoi est-il allé là-bas, alors ?

Le père :

Lardenois

Pour se couper de tout.

La mère :

Katia

Pour se couper de nous ? Comment peut-il se retrouver, s’il fait disparaitre les

traces ? S’il est sans passé, sans projet ?

Le père :

37Lardenois :

Il n’est pas sans passé, sans projet. Il ouvre une parenthèse pour vivre au

présent. Loin de tout à 10 000 kilomètres de chez nous.

La mère :

Katia

Qu’il se dépêche de la refermer !

Le père :

Lardenois

Ca pourrait être un idéal de vie, vivre au présent, sans passé, sans projet, une

parenthèse qui s’ouvre à la naissance, qui se ferme à la mort

La mère :

Katia

Qu’est ce que tu racontes ? Appelle-le. Dis lui de revenir de suite.

Le répondeur :

Lardenois

Ligne en dérangement… ligne en dérangement… Indépendant de notre

volonté…

La mère :

Katia

Insiste !

Le père :

Lardenois

Je te dis que les lignes sont mauvaises. Entre deux ouragans ils essaient de

réparer mais ils n’ont jamais assez de temps.

Katia

Le Répondeur :

Lardenois

38Mauvais numéro…. Plus de correspondant…

La mère :

Katia

Recommence !

Le répondeur :

Lardenois

Mauvais numéro… Plus de correspondant… inutile d’insister … libérer la ligne

pour d’autres appels…

La mère :

Katia

Refais le numéro

Le répondeur :

Lardenois

Bon numéro… laissez votre message…

Katia

Le père :

Lardenois

C’est papa. Dés que tu reçois ce message, appelle. Ta mère s’inquiète !

La mère :

Katia

Mon chéri c’est maman. J’espère que tout va bien. Je t’embrasse.

(Temps)

Lardenois

La mère :

Katia

Pourquoi ? Pourquoi ?

39Le père :

Lardenois

Pourquoi lui ?

La mère :

Katia

Pas lui. Ce n’est pas vrai. Appelle-le. Dis –lui de revenir.

Le répondeur :

Lardenois

Ligne… occupée… ligne… occupée … ligne… occupée

Katia

Le père :

Lardenois

Il y a dû y avoir un ouragan. Leur central disjoncte.

La mère :

Katia

S’il y a une chance, je veux qu’on la saisisse. Rappelle-le !

Le répondeur :

Lardenois

En ligne… signal …

Katia

Le père :

Lardenois

Le message a changé.

La mère :

Katia

Raison de plus insiste !

40Le répondeur :

Lardenois

Ne donne pas signe de vie. Ne donne pas signe de vie. Renouvelez votre appel.

Katia

Le père :

Lardenois

Comment savoir la vérité ?

La mère :

Katia

Je veux que ce ne soit pas vrai. Recommence.

(Temps)

Katia

Le répondeur :

Lardenois

Nous n’avons pu rétablir les lignes d’urgence. .. Adressez votre prière.

La mère :

Katia

Mon fils n’entend plus ce que j’ai à lui dire. Comment lui parler ?

Le répondeur :

Lardenois

Le répondeur n’est pas fait pour apporter des réponses…. Le répondeur n’est

pas fait pour apporter des réponses

La mère :

Katia

A quoi sert- il alors ?

Le répondeur :

41Lardenois

Le répondeur sert à annoncer la disparition d’un abonné et à recevoir les

condoléances.

La mère :

Katia

Ca ne m’est d’aucun secours, je veux entendre sa voix. Aidez- moi à le

rejoindre !

Le répondeur :

Lardenois

Mauvais numéro… parti sans retour … destination inconnue… La voix de votre

correspondant a été coupée… Voulez vous faire une réclamation ?

Katia

La mère :

Rends nous notre fils !

Lardenois

Le père :

Rends nous la voix de notre fils !

Katia

Le répondeur :

Lardenois

Une voix coupée… est impossible… à réentendre. Une voix coupée… est

impossible… à réentendre.

 

(Temps)

Lardenois

8 années plus tard

Katia

42L’épousée : Tu te souviens ? Je t’avais demandé de dénoncer le contrat avec le

répondeur.

Lardenois

L’épousé : Oui, il nous avait répondu : peut-on se passer du Répondeur ?

Katia

Tu te souviens ? J’ai insisté sur l’éternité de l’instant syncope.

Je me demande où peut bien être passé l’instant syncope ?

Lardenois

Ca revient à se demander… où va le passé ?

Katia

C’est ce que je te demande, je vais passer. Où vais-je passer ?

Tu ne dis rien ?

Regarde- moi !

Je sais que je vais passer.

Où vais-je passer ?

Tu peux me répondre ?

Lardenois

Je n’ai pas la réponse à cette question et je ne veux pas que tu passes pour

aller dieu sait où ! Tu restes avec nous, tu dois rester avec nous. Quand on

passe c’est qu’on le décide !

Katia

Oui ! J’ai sans doute décidé de m’en aller. Plus rien ne me retient ici. Je vois bien

que je ne peux abolir le temps ni remplir le blanc du temps. Ca m’épuise ce

combat.

Lardenois

Pourquoi vouloir finir avant la fin ? Pourquoi vouloir arriver en avance là où ca

prend fin ?

Katia

43Tu connais la fin ?

Lardenois

Non

Katia

Alors, je peux mettre le point final…

Lardenois

Tu as décidé de finir la partie ?

Katia

Non, ça se décide en secret dans le ventre !

Lardenois

Partir de façon volontaire c’est ce que tu désires en secret ?

Katia

Je n’en sais rien.

Réponds à ma question :

Je sais que je vais passer où vais-je passer ?

Lardenois

Personne ne peut répondre à cette question !

Katia

Allez, fais un effort !

Tout ce que j’ai été

Tout ce que j’ai fait, ça a eu lieu une fois pour toutes, pour toujours, sans

possibilité d’être effacé, ça va bien quelque part non ?

Lardenois

Je n’en sais rien. Nous oublions ce que nous avons fait, ce que nous avons été.

Parfois ça ressurgit avec un goût de la madeleine.

44Katia

Ca, c’est ce qui se passe durant le temps de notre vie. Durant le temps fini de

notre vie.Mais il y a l’autre temps, celui dans lequel je vais entrer

définitivement, le temps éternel, infini.

Lardenois

Tu nous fais mal !

Katia

Ce n’est pas ce que je veux. Je veux la vérité en face !

Lardenois

Tu veux la mort en face ? Celle de toute chose pour toujours ?

Katia

Oui, il y a des choses à penser sur ce qui se passe quand on passe.

Qu’est ce que nous devenons ?

Lardenois

Les Répondeurs religieux ont leur réponse.

Katia

Réponses toutes prêtes, pour tous, je veux que l’on cherche par nous même !

Lardenois

Tu te rends compte de ce que tu me demandes, penser l’impensable, ton

passage de vie à trépas. C’est surhumain. Ce qui est humain c’est notre

promesse : « A notre amour, jour après jour, jusqu’à ce que ça fasse toujours ».

Seize mille huit cent cinq jours 16805 aujourd’hui, mon p’tit chat !

Katia

J’arrive au bout de mon temps de vie

Mais pas à la fin de ce qui a eu lieu,

Puisqu’il sera toujours vrai

Que ça a eu lieu

avant la soirée, clown's not dead (j'aime beaucoup cette attitude, être son clown)

avant la soirée, clown's not dead (j'aime beaucoup cette attitude, être son clown)

(Temps)

Lardenois

EN MARCHE

Nous étions jeunes

Nous marchions vite

Nous nous laissions porter par la puissance de nos muscles

Leur énergie nous exaltait l’âme

Leur effort tendu et souple ne nous menait nulle part

Nos cœurs se gonflaient aux vents du large

Des ailes nous poussaient.

Katia

Sur la scène, un vieil homme assis, de dos, face à la caméra de son ordinateur.

Le vieil homme

Lardenois

Pourquoi je m’installe là aujourd’hui, mercredi 25 octobre 2020, à 6 heures du

matin ?

C’est mon anniversaire, 80 ans.

Arrivé au monde depuis déjà 5 heures.

80 ans.

Donc le temps existe.

Katia

Faut-il en douter ?

Lardenois

46Arrivé au monde.

Donc le monde existe

Katia

Faut-il en douter ?

Lardenois

Réveil sans réveil entre 4 et 5 heures.

J’ai accompli mes petits rituels du matin.

Laudes joyeuses

Bonjour le jour, nouveau jour, merci la vie.

Bonjour mes chéris, vivants et autrement vivants, vous les trans-parents. Que

cette journée de plus soit une journée de paix, de silence….

Katia

Où vais-je passer ? M’as-tu demandé avant de passer. Ce que tu m’as fait

découvrir avant de passer c’est que le temps ne se perd ni ne se retrouve.

Chaque instant passe mais il ne s’efface pas. Il s’inscrit comme vérité dans le

temps de l’éternité, enregistré pour toujours.

Eternellement vraies les traces de chair, les effluves de caresses, les signatures

de mains tendres que tu as laissées dans ton cahier d’amour, sans mots, ni

chiffres….

Lardenois

Le livre d’éternité que chacun écrit n’est pas à rendre à la fin de sa vie

Katia

Il n’y a pas de bibliothèques pour conserver nos livres d’éternité

Ni à l’intérieur du cerveau ni à l’extérieur

Il n’y a que le présent.

Lardenois

47L’éternité c’est le présent.

Et notre livre d’éternité s’écrit au présent

Se rend au présent.

Katia

Il n’y a ni début ni fin

Ni passé, ni naissance, ni mort, ni d’ici bas, ni de très-haut !

Lardenois

C’est par notre présence au présent que nous participons.

Katia

Présence selon les choix mouvant de chacun

Lardenois

Présence plus au moins consciente, agissante, aimante

Katia

La présence la plus créatrice possible est pour certains la plus souhaitable, la

plus désirable, la plus épanouissante, la plus joyeuse….

(temps)

Lardenois

L’été prochain, je repartirai au Baïkal

Pendant les quatre jours et quatre nuits de Transsibérien dans le wagon de

queue, par la porte donnant sur la voie, je regarderai le temps s’enfuir.

Devant, le train avalera le temps présent, traverse par traverse.

Katia

Moi, je regarderai s’éloigner les traverses arrières quelques centaines de

mètres après

Quelques secondes plus tard je ne les verrai plus mais elles ne disparaitront pas

pour autant

Lardenois

48Ta dak, ta dak ta dak ta dak ta dak ta dak ta dak

Katia

Le bruit solidien du train sur les rails

Me dira le temps qui passe…

Lardenois

dak ta dak ta dak

C’est au Baïkal que je me sens au plus prés des évidences du Temps :

Le contraire de ce que j’ai pensé trop longtemps :

Non la mort de tout,

Le refroidissement éternel, l’oubli perpétuel

Le Jamais Plus

Plus Jamais

Nervermore.

Katia

Mais tout coule,

Chaque seconde passe,

Se métamorphose en éternité d’une seconde Bleu Giotto,

Forever.

Pour toujours !

Lardenois

Premier épilogue emprunté au Livre VI de Et ton livre d’éternité ?

Katia

La naissance de Je Suis Vita Nova

Lardenois

Je Suis Vita Nova naquit le 25 décembre 2020.

Ce fut une naissance personnelle et confidentielle.

49Lui-Je avait mis en place un rituel pour le spécial solstice d’hiver 2020, qui

commençait le 21 décembre.

Le 21 décembre lui a été offerte une sacrée réponse (une réponse sacrée).

A la question : Qui suis-je ?

Katia

Sa fille, très sarcastique lui dit : « Tu es Dieu »

Lardenois

Elle adore son père.

Et il a répondu sans réfléchir : «

Oui c’est vrai, je suis divin, comme toi, comme

tout ce qui existe. Ce Dieu est personnel et incarné. C’est pourquoi pour

épitaphe, je souhaite : Ci Gît Dieu. »

A quoi un ami bienveillant à rajouté :

Katia

«

Le Vrai, Pas l’Autre ! »

Lardenois

Le 25 décembre 2020,

Lui-Je, Hyérosolymitain d’Avers sous les eaux depuis le Déluge, d’Avers sur les

eaux et de Corps ça vie, celui qu’on appelle communément J.C

Un peu allumé, un peu illuminé,

Ayant passé 80 ans,

Après des décennies d’errance et d’égarement

Décida de se donner une nouvelle identité.

Katia

Voilà qui Je Suis : Je suis Vita Nova.

Lardenois

Vita Nova se reconnait plurivers, multivers plus qu’univers

50Katia

Il se reconnait divers, ondoyant, contradictoire.

Lardenois

Il se reconnait semblable à une large bande sonore passante et à un large

spectre lumineux

Katia

Il se reconnait d’hiver, de printemps, d’été, d’automne, saisonnier

Lardenois

Il se reconnait impermanent, incohérent plus que cohérent, dispersé plus

qu’unifié, tout en sachant, sentant, éprouvant le passage à l’éternité de tout ce

bouillonnement.

Katia

Sorti en Livres VI des 9 cercles de l’Enfer, Vita Nova ne connut pas la phase

purgative et se retrouva au paradis sur terre.

Lardenois

Son ermitage est sur une colline d’Avers sur les eaux !

Katia

Second épilogue

Adresse de l’auteur à ses lectrices et à ses lecteurs à propos de Et ton livre

d’éternité ?

Lardenois

J’ai été happé par cette aventure d’écriture, en somnambule, en funambule,

sans plan, sans personnages, sans péripéties.

Katia

J’ai été littéralement possédé, porté par un flux me traversant, un flow créatif

par lequel je me suis laissé entraîner sans censure, sans jugement de surplomb,

laissant converger comme ça venait, souvenirs,

Lardenois

51Projets,

Katia

Réels,

Lardenois

Imaginaire,

Katia

Humour,

Lardenois

Pulsions intenses

Katia

Et moments présents.

Lardenois

Je ne regrette pas d’avoir suivi la voix qui m’a poussé à l’écriture.

Même si des bilans sont faits, il ne s’agit pas, me semble t’il, d’un bilan de vie,

d’une autobiographie, d’un exercice narcissique de satisfaction, d’auto-

satisfaction du travail accompli, du chemin parcouru.

Katia

Il me semble que l’essentiel est dans une transformation, une métamorphose

de l’auteur, tardive, surprenante, le surprenant ô combien.

Lardenois

C’est sur cette métamorphose que prend fin notre insolite traversée

sur la terrasse du bar de la Fontaine, une bande d'amis
sur la terrasse du bar de la Fontaine, une bande d'amis

sur la terrasse du bar de la Fontaine, une bande d'amis

la soirée du 29 septembre s'est passée
de 19 H 00 à 23 H
puis pour une dizaine d'amis jusqu'à 1 H 30
sur la terrasse du bar de la Fontaine
autour d'un magnum de La Baratonne
c'est passé, une fois pour toutes
mais le passé ne s'efface pas 
s'il est vrai (?) que ce qui se passe et passe
il sera toujours vrai que ça s'est passé
(là, doit commencer une réflexion sur la vérité 
soi-disant absolue, universelle, éternelle
doute nécessaire)
ce fut une des thématiques essentielles de la soirée
de la traversée
merci à Dominique Lardenois et Katia Ponomareva pour leur traversée d'une heure
merci à l'équipe technique : Yves, Jérôme, Laurent 
merci à Ange Musso, pour son discours improvisé et sincère
merci au service municipal, chargé de la restauration, pour l'impeccable et copieux buffet
merci aux présents, pour leur présence et leurs réactions
merci à l'amie descendue exprès de Paris
merci à l'amie descendue exprès de Lyon
merci pour les échanges pendant le buffet
(ébranlé par les malaises de Michelle et Sylvie, la fragilité de Marie-France, leur ai dit de prendre bien soin d'elles
félicitations à la retraitée Mü Geb, depuis 15 H, le 29 septembre)
merci à tous ceux qui par mail, SMS, FB se sont manifestés
merci aux absents remarqués
aux annoncés absents
merci à la pleine lune
à l'automne d'été indien
une autre traversée semble se dessiner
pour le printemps 
au Canard en Bois de Marcel Moratal
à Montréal-les-Sources
à 1500 m
dans la Drôme
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Poésie vivifiante

5 Septembre 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #pour toujours, #écriture- lecture

d'après Teresa Wennberg

d'après Teresa Wennberg

vendredi 1° septembre, 18 H 15, on toque à la porte.

Une amie de retour à Corsavy me dit qu’elle va à l’église pour une rencontre poétique internationale. Je tombe des nues. Je n’ai vu aucune affiche. Je vais me changer et sous parapluie vais à l’église.

Nous sommes 15, les 9 poètes (5 catalans, 2 suédois, 1 autrichien, 1 roumaine), des complices des poètes et 3 pèlerins du village dont celui qui accueille la manifestation. Il fait partie de l’association des amis de l’église Sainte-Marie de Corsavy et assure la restauration des vitraux avec une vitraliste suédoise, par ailleurs organisatrice de cette manifestation qui a déjà 4 éditions, avec interruption de la covid.

 

Les poètes qui ont lu en catalan, allemand, suédois, parfois français,: Toni Clapés, Doloris Udina, Corina Oproae, Udo Kawasser, Teresa Wennberg, Marta Pera Cucurell, Teresa Shaw Urioste, Svante Svahnstrom, Rosa Creixell.


Vous me croirez ou non, cette manifestation pour les anges se révéla riche, inutile, gratuite, pour très peu d’oreilles donc pour l’amour des mots; de la poésie, donc par amour tout court, amour sans objet ni sujet.

 

J’ai retenu le poème consacré à l’ascension du Ventoux par Pétrarque, le poème consacré à Sils Maria en Engadine là où il eut la révélation. Quelques haïkus. Les poèmes du suédois étaient très cosmogenèse. Du haut niveau.

J’ai sympathisé avec l’autrichien, Udo, le suédois, Svante et la vitraliste, Teresa, la roumaine Corina.
 

Ce samedi 2 septembre, ils se sont produits dans la crypte de l’abbaye d’Arles sur Tech.

 

Je n’étais jamais entré dans la crypte, pas du tout sous terre comme l’immense crypte de la basilique de Saint-Denis mais légèrement surélevée sur un côté du cloître. En fait, une belle salle autrefois de prière, aujourd’hui à usage culturel.

Accueillis par l’adjointe à la culture. Avec un pot de l’amitié à la fin. Acoustique excellente.

Et choix de textes souvent différents de la veille.

Deux poèmes sonores : Mango de Udo et Insectes de Svante m’ont particulièrement accroché. 

Bien échangé avec la roumaine Corina. Nous avons évoqué Matei Visniec en particulier dont j’ai accueilli deux spectacles, salle Pétrarque, aux Comoni.

Petit conseil à Teresa : la prochaine édition devrait intégrer des poètes : occitan, français languedocien. Pas question de rivaliser avec le festival de poésie de Sète, les voix de la Méditerranée.

 

 

coquelicots by ab

coquelicots by ab

Les poèmes lus par Udo Kawasser

 

verflossene fische

 

die augusttage fallen anders vom himmel

als die tage im juli und auch die füße stolpern

verwandelt durch die fallschlingen der schatten

in den alleen. wir sind gewarnt.

das zucken der lichtkringel an den flanken

des hausbootes hat etwas widerwilliges

bekommen. auch die insekten scheinen

träge in die blüten der goldruten vertieft.

etwas hat sich verändert. und die menschen

auf den straßen in den fußgängerzonen?

sie tragen die gleiche kurze kleidung dieselben

dunklen brillen. du spürst. heute bist du zu mehr

als nur zu sätzen fähig. doch etwas entgeht dir.

poissons estompés

 

les jours d'août tombent du ciel autrement

que les jours de juillet et les pieds aussi trébuchent

transformés par les boucles des ombres

dans les allées. nous sommes prévenus.

le tressaillement des courbes lumineuses sur les flancs

de la péniche a quelque chose qui hesite

les insectes semblent eux aussi

paresseusement plongés dans les fleurs de la verge d'or.

quelque chose a changé. et les gens

dans les rues dans les zones piétonnes?

ils portent les mêmes vêtements courts les mêmes

lunettes noires. tu sens qu'aujourd'hui tu es capable

au delà des phrases. pourtant quelque chose t'échappe.

leibeigene geschichten (ein kanon)

I. mont ventoux

 

als ich mit petrarca vom gipfel fiel

die wand hinab und er meine hände

 

sah und ich seine augen sah und er

meine augen schützend und ich

 

seine augen schützend im freien

fall von einer felsspitze vom rumpf

 

getrennt wurden und ein vorstehender grat

unsere beiden arme am gelenk kappte

 

und nur mehr unsere hände unsere augen

bedeckend die steilwand durchmaßen

 

ganz für den anderen waren und minuten

später schließlich im schnee aufschlugen

 

und unsere hände auseinanderrollend

die unversehrten augen des andern freigaben

histoires du serviteur de son propre corps (un canon)

 

I. le mont ventoux

 

quand je suis tombé avec Pétrarque du sommet

paroi rocheuse en contrebas et qu'il a vu mes

 

mains et moi ses yeux et il

a protegé mes yeux et moi

 

j'ai protégé les siens en chute

libre la pointe d'un rocher nous

 

a coupé le tronc et la saillie tranchante

d'un autre nous a coupé les bras

 

à l'épaule et maintenant seules nos mains

qui couvrent nos yeux courent le long de

 

la falaise l'un au service de l'autre et quelques minutes

plus tard, nous avons enfin touché la neige

 

et nos mains en roulant, ont découvert

les yeux de l'autre intacts

die blaue reise. donau – bosporus

I.

erklär mir wien den regen

unter den dächern und in den gesichtern

der menschen an welche geschichten halten

sie sich unter dem druck der mauern

ich sehe überall fassaden

muss rückwärts leben hier

 

sag mir wo beginnt

diese stadt wo endet sie

in dir welche aussicht

hast du vom kahlenberg

die donau legt sich jetzt

wie ein band zwischen uns

das blau ist eine lüge

rufst du in ihre braune flut

 

      verloren

    verlassen

                  vergessen

 

ich lerne wörter mit ver-

ich klammere mich

an die linden deiner gasse

sag wer spricht wenn die straßen

am morgen zu sprechen beginnen

ich stütze meine ellbogen

auf die brüstung ich sehe

zum fenster hinaus

aber ich kann mein alleinsein

nicht nützen noch immer

regnet es unter den dächern

erklär mir wien oder der regen

spült mich fort von hier

le voyage bleu. danube – bosphore

 

I.

explique-moi la pluie de Vienne

sous les toits et dans les visages

des hommes à quelles histoire se tiennent-ils

sous la pression des murs

je vois des façades partout

je dois vivre ici à l'envers

 

dis-moi où commence

cette ville où se termine-t-elle

en toi quelle vue

as-tu du haut du Kahlenberg

le danube s'étend maintenant

comme un ruban entre nous

le bleu est un mensonge

tu cries dans ses flots bruns

 

      desorienté

      délaissé

                     desapprouvé

 

j'apprends des mots avec des des-

je m'accroche

aux tilleuls de ta ruelle

dis qui parle quand les rues

commencent à parler le matin

j'appuie mes coudes

sur la balustrade et je regarde

par la fenêtre

mais je n'arrive pas à profiter

de ma solitude encore

il pleut sous les toits

explique-moi vienne ou la pluie

m'emporte loin d’ici

 

Pétrarque by Ernest Pignon-Ernest

Pétrarque by Ernest Pignon-Ernest

Poèmes de Svante Svahnström

 

NAVIGATEUR AU SOMMET DU VIDE

 

 

Convier les merveilles vues, les expériences vécues, les malaxer dans une levure de langue puis laisser fermenter un pain de poèmes. Cuit en français, oui. Cuit aussi en suédois. De la fermentation s’exhale une illusion de familiarité entre des langues en surprenantes accolades, qui font semblant d’être proches.

A d’autres levures est ajoutée la récolte de 164 épices, des langues parlées dans les océans, les grandes forêts, les montagnes et les mégalopoles. La recette, qui se nomme « universification », fait émerger entre autre des notes de solfège et des chiffres qui parlent et qui chantent.

Ainsi se trouve assaisonné un trajet à travers les âges du monde, l’expérience terrestre, le corps humain, les lieux géographiques et le cosmos.

 

 

UNIVERSIFICATION

 

Traduit du :   (14 langues)

 

Slovaque - arménien – polonais – letton – cun – mongol – croate

Occitan – suédois – gascon – letton – allemand  – breton – espagnol – nahuatl

 

Brz  bzdig   złodziej  aiz  tsi  tsetserleg  smrznut

Rapide petit voleur derrière un jardin congelé

 

Sus  lus  lutz  zelts  ist  kriz  y  zecuitzli

Sur la punaise la lumière de l’or est crue et froide  

(in Hocus corpus, 2009)

.............................

 

Parlez-vous svenska ?

 

Vacances cosmiques sur Tellus

Kosmisk semester på Tellus

Le touriste des coordonnées d’Alpha Centauri est enthousiasmé

Turisten från Alpha centauris koordinater är entusiasmerad

De la mayonnaise géologique envahit les parcs du précambrien

Geologisk majonnäs invaderar prekambriums parker

Le magma terrorise des éons

Magman terroriserar eoner

En une suite s’établissent des alliances de continents

I svit etableras kontinenters allianser

de Vaalbara à Ur à Rodinia à Gondwana à Pangée

från Vaalbara till Ur till Rodinia till Gondwana till Pangea

Dans les draperies du système solaire s’esquisse le laboratoire de l’existence

I solsystemets draperier skisseras existensens laboratorium

Les pianistes primitifs de l’archéen improvisent sur le clavier de l’évolution

Arkeikums primitiva pianister improviserar på evolutionens klaviatur

(in Navigateur au sommet du vide, 2015)

................

 

OBSCENES INVENTIONS

 

Recevoir comme sur le Mont Horeb

la voix d’hommes distants

deviser avec un coquillage sur l’oreille

n’est affaire que de louches pactisant avec le Malin

 

Des icônes remuant sur une vitre de cassette

des paroles qui s’en évaporent

dans tous les foyers

relèvent du sacrilège

Mensonge insinuant que tous

à l’instar de Sainte Claire

seraient doués de tele-visio

 

Concevoir ces coches  sans chevaux

au dessus des nuages

ces tubes métalliques en apesanteur

est un blasphème que juge sévèrement la Sainte Inquisition

 

Et seul le bûcher peut attendre les corps

qui laissent envahir leurs entrailles

par l’oeil vagabond d’un ver mécanique

pouvoir permis au Père seul

 

Gesticuler avec des membres ressuscités

sur des moignons estropiés

trahit les commerces impies de la foire Saint Germain

avec de faux docteurs et des faiseurs de miracles

 

Que nul ne s’y trompe

Un seul sait prélever des fragments du vivant

sait les planter dans les chairs endolories

Un seul sait créer l’Homme

 

La superstition sauvage d’un progrès

résidant dans le don de lecture dispensé à tous les enfants

sera pourchassée sans relâche

par la charité du diocèse

et du père exorciste

 

Cherchez donc dans la prière

l’antidote aux fausses promesses

du bulletin de vote dans toute main

Ne pas oublier qu’en l’année du Seigneur 2008

le bonheur de l’homme demeure dans la soumission

 

Son ambition paisible

est de perpétuer une vie d’efforts et de sueur

à l’abri des obscènes inventions

régurgitées par les hordes méprisables

de Bélial l’imposteur

(in Hocus Corpus, 2009)

 

 

Haïkus de Teresa Wennberg

 

TERESA WENNBERG :

HAIKU (EXTRAITS DU LIVRE "LA DANSE DE L'ÉPHÉMÈRE" (Fri Press 2023) ©teresawennberg2023

 

Chacun est à lire deux fois avec un temps entre les deux lectures

 

rayons du matin

tuant sans aucun pitié

le vampire en moi

 

ballade de covid

les seuls amis rencontrés

arbres et buissons

 

nouvelle dans la ville

entre les durs pavés pousse

un doux pissenlit

 

éphémère éclose

attendant un jeune amant

en cette seule journée

 

le soleil se couche

mon ombre court avant moi

rencontrer l'amant

 

un ballet d'insectes

bien assise au premier rang

grenouille affamée

 

drôle de chute de neige

volant doucement au sol

fleurs de cerisiers

 

pluie de printemps

croissant de lune dechiré

dans ma cuvette

CORINA OPROAE

le Jardinier qui revient de la mort

 

“Notre espèce a depuis longtemps quitté le Jardin : reste le Jardinier qui revient de la mort.”

Pascal Quignard

 

 

***

tu marches

 

le vert reste derrière

écrasé à chaque pas

l'herbe prête à supporter

le poids d'un autre corps

 

tu es le jardinier

qui ramasse les feuilles

dans le jardin de la mort

 

 

***

dans le jardin de la mort

on parle ta langue

 

les vipères mordent

la main ouverte

des mots

 

***

des mots

les fleurs poussent et se fanent

dans le ventre de la mère

 

***

dans le ventre de la mère

les lunes brisées jouent

réminiscences fugaces

de la première danse

 

dans la mort

le désir est une ombre

qui dévore

l'absence

 

***

l'absence

 

ce vent

qui danse

intrépide

et qui chasse

des mémoires

 

***

des mémoires

se coincent dans tes yeux

 

comme des éclats de verre

fins et allongés

pénètrent tes pupilles

 

parfois

le bonheur

est une blessure

invisible

 

***

invisible

dans tes yeux

la peur qui paralyse le cerf

avant la fuite

 

ancrage éphémère

dans une géographie

que l'on désire toujours

 

sous ta peau  des oiseaux

des battements imperceptibles

qui arrachent les pétales

des fleurs

 

***

de fleurs

on apprend la mort

si on ferme les yeux

 

et la vie

si on les ouvre

 

le père

est un cerisier

oublié dans le jardin

où tu marches

 

***

et l'Amour

 

l'Amour

est à l'abri

dans le cœur

du jardinier qui revient de la mort

 

 

el jardinero que vuelve de la muerte CORINA OPROAE

 

“Notre espèce a depuis longtemps quitté le Jardin : reste le Jardinier qui revient de la mort.”       Pascal Quignard

 

***

caminas

 

queda atrás el verde

aplastado en cada paso

la hierba preparada para soportar

el peso de otro cuerpo

 

eres el jardinero

que recoge las hojas

en el jardín de la muerte

 

***

en el jardín de la muerte

hablan tu lengua

 

las víboras muerden

la mano abierta

de las palabras

 

***

de las palabras

brotan flores que se marchitan

en el vientre de la madre

 

***

 

en el vientre de la madre

bailan lunas rotas

reminiscencias fugaces

de la primera danza

 

en la muerte

el deseo es una sombra

que devora

la ausencia

 

***

la ausencia

 

aquel viento

que danza

intrépido

y ahuyenta

los recuerdos

 

***

los recuerdos

se clavan en tus ojos

adentro

 

como vidrios finos

y alargados

penetran tus pupilas

 

a veces

la felicidad

es una herida

invisible

 

***

invisible

en tus ojos

el miedo que paraliza al ciervo

antes de la huida

 

efímero anclaje

en una geografía

que siempre ansías

 

bajo tu piel pájaros

latidos imperceptibles

que arrancan los pétalos

de las flores

 

***

de las flores

aprendes la muerte

si cierras los párpados

 

y la vida

si los abres

 

el padre

es un cerezo

olvidado en el jardín

donde caminas

 

***

y el Amor

 

el Amor

está a salvo

dentro del corazón

del jardinero que vuelve de la muerte

épitaphe de C.G., trouvée dans son ordinateur après sa mort, cimetière de Corsavy

épitaphe de C.G., trouvée dans son ordinateur après sa mort, cimetière de Corsavy

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7 Août 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #assaisonneur, #note de lecture, #théâtre, #écriture- lecture

Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage
Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage

Corps ça vit, au kilomètre 2 route de Montferrer, le paysan du moyen-âge et le chien de berger bienveillant au rocher des sorcières, le rocher de Batère où les mineurs s'affrontaient à l'escalade, l'abbaye d'Arles sur Tech, Céret après l'orage

emporter à Corps ça vit et lire plusieurs N° de La revue des deux mondes, la plus ancienne revue française; abonné, pouvoir accéder aux archives, c'est respirer un air rare
dans le N° de mai-juin, Nietzsche, Pascal, Prokofiev mort le même jour que Staline, le 5 mars 1953, les jouissances de Barbara Cassin (curieusement, je pense à Marcel Conche), Oleanna de David Mamet ...
Ce jour-là, John, un professeur d’université, discute au téléphone avec sa femme quand Carol, une de ses étudiantes, s’invite  dans  son  bureau.  La  jeune  femme  réclame  des explications :  pourquoi  ses  résultats  scolaires  sont-ils  si mauvais alors qu’elle fait tout ce qu’on attend d’elle ? Car  il  faut  le  reconnaître,  Carol  est  une  élève  tout  à  fait  sérieuse. Assidue à ses cours, elle écoute attentivement son professeur, noircit des pages de notes et, le soir venu, elle travaille encore de longues heures sous la lumière jaune de sa petite lampe de bureau. Or, malgré tous ses efforts, rien n’y fait ; sa moyenne reste désespérément basse et chaque jour qui passe la fait se sentir un peu plus stupide et un peu plus en échec. Or, pour Carol, réussir ses examens revêt une importance particulière. Issue d’un milieu social  défavorisé,  ses  moyens  sont  limités. Aller  à  l’université  lui  réclame,  ainsi  qu’à  sa  famille, de gros sacrifices. Accaparé par sa conversation téléphonique, John ne prête qu’une oreille distraite à son élève. De toute façon, son esprit est ailleurs car, après des années passées à enchaîner des contrats précaires, il va enfin .............................
Ancien policier, Bertrand Dal Vecchioest scénariste et dramaturge. Dernier ouvrage  publié : La Loi et la rue (Pocket, 2023).bertrand.dalvecchio@gmail.com

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1° août, 5 H 45, je sors de la bibliothèque, le théâtre complet d'Eschyle, traduit par l'ami Dimitri Analis dont j'ai édité Sana'a-Aden(1995), paru en juin 2004 à La Différence, suite à la lecture hier soir de l'entretien entre Wajdi Mouawad et Judith Sibony dans la revue des deux mondes de juillet 2022, consacré à Michel Audiard, le mauvais esprit de la France glorieuse et gouailleuse (livre et film Vive la France, 1974)
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Dimitri T. Analis
Nationalité : Grèce
Né(e) à : Athènes , le 04/12/1938
Mort(e) à : Athènes , le 10/02/2012
Biographie :
Dimitri T. Analis est un poète et écrivain.
Après des études de droit et de sciences politiques en France et en Suisse, il a travaillé pour la presse suisse et ensuite pour les journaux ‘’Le Monde’’ et ‘’ Nouvelles littéraires ‘’.
Traducteur grec de Julien Gracq et d'Yves Bonnefoy, Dimitri T. Analis choisit la langue française pour écrire ses propres poèmes.
Il a publié de nombreux recueils de poèmes, à L’Âge d’Homme, au Mercure de France et chez Obsidiane.
Également spécialiste de géostratégie, ancien conseiller aux Affaires étrangères, Dimitri T. Analis est l'auteur d'essais sur les Balkans, les crises internationales et les questions des minorités.
Il a reçu plusieurs prix, parmi lesquels la Grande médaille de l’Académie Française pour la Francophonie et le prix Stendhal de la part du ministère français des Affaires étrangères, pour sa contribution aux lettres et aux sciences.
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Pourquoi une nouvelle traduction d'Eschyle ? Dimitri T. Analis s'est évidemment posé la question. " Le monde, la société, la relation avec la langue évoluent. Être classique ne signifie pas refuser le changement. " Il n'est pas indifférent que Dimitri T. Analis - écrivain de langue française, auteur de plusieurs recueils de poèmes, d'essais sur l'art et les voyages, et d'ouvrages sur les relations internationales - se soit attelé à une tâche d'une telle envergure. Il a étudié les classiques à l'école en grec ancien et les a vu représenter, en grec moderne, au théâtre Hérode Atticus ou à Épidaure. Que veut-il nous faire entendre ? Qu'une mélodie a survécu à travers les millénaires ; que ce théâtre-là peut émouvoir le spectateur d'aujourd'hui ; que, simplifié sans être trahi, il a des choses à nous dire. L'œuvre est vivante : c'est le rôle des poètes de la soustraire aux érudits et aux universitaires et de la rendre au public pour lequel elle a été écrite. LES SUPPLIANTES LES PERSES LES SEPT CONTRE THÈBES PROMÉTHÉE ENCHAÎNÉ AGAMEMNON LES CHOÉPHORES LES EUMÉNIDES
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Wajdi Mouawad constate qu'Eschyle, 1° auteur de théâtre,  fait compatir, pleurer les spectateurs Athéniens aux malheurs des ennemis Perses, battus par 3 fois; à méditer
"La plus ancienne pièce du répertoire occidental a été créée en Grèce, elle s’appelle Les Perses, et à la fin, le public pleure alors que c’est l’ennemi qui meurt. Je crains qu’on n’ait pas du tout cette capacité à garder l’ennemi dans le cercle de l’humain. Enfin si, on l’a, mais on l’étouffe. Dans le théâtre grec antique,  le  premier  mouvement,  c’est  cela  :  replacer  la  figure  du  méchant dans le giron humain." À comparer avec "nos" attitudes, celles des dirigeants dans la guerre russo-ukrainienne-otanienne.

les trois grâces d'Eugène Leroy, 1954 et 1990
les trois grâces d'Eugène Leroy, 1954 et 1990

les trois grâces d'Eugène Leroy, 1954 et 1990

Revue des deux mondes, juillet-août 2022, je tombe sur une note concernant deux expositions consacrées à Eugène Leroy (1910-2000) au musée d'art moderne de Paris et au musée de Tourcoing.
Tilt : Pof- Michel Bories, Gilbert Desclaux
"Les tableaux de cette vaste rétrospective se tiennent sur la frontière du visible et de l’illisible. L’épaisseur des couches de couleur, le tourbillon des matières ne favorisent guère le regard touristique. À défaut de traverser les salles à toute allure, il faut  ralentir  pour  apprivoiser  ce  qui  vient  vers  nous.  Car  au  vu  de  l’empâtement, de ce débordement qui de partout nous assaille, il y a très certainement une distance à respecter puisque dans cet emportement pictural tout change au fur et à mesure que l’on se rapproche ou que l’on s’éloigne. Ici pas de quoi pavoiser, ni remplir notre compte en  banque  oculaire,  car  c’est  à  nous  de  répondre  de  ce  que  nous  voyons,  nous  devons  nous  ajuster,  abandonner  nos  triomphalismes  visuels.  Difficile  de  parler  de  ce  que  l’on  aperçoit,  d’en  faire  le  tour  en  quelques  mots.  Nous  sommes  pour  ainsi  dire  mis  au  défi  d’être  défaits, et avouons-le, le plus souvent démunis. Bref, une fois n’est pas coutume, l’image ne règne pas en sa puissance, elle est à la question. Tel est l’enjeu de ce parcours qui, hors de toute chronologie linéaire, revient constamment sur les mêmes thèmes traités année après année, où  portraits,  autoportraits,  paysages,  sujets  abordés  par  les  maîtres  anciens sont sans cesse reconduits, longuement réfléchis. Prenons par exemple Les Trois Grâces de Raphaël, peintes en 1954 puis en 1990. La silhouette des trois déesses émerge à peine sous les strates juxtaposées de  pigment.  Mais  entre  la  version  plus  ancienne  et  la  nouvelle,  on  passe d’une évanescence des formes enveloppées dans leur blancheur à  un  enfouissement  plus  profond  opéré  dans  les  masses  colorées.  Et  curieusement, au plus fort de leur disparition sous les sédiments accumulés, les trois déesses apparaissent plus distinctement comme si leur ensevelissement  favorisait  leur  visibilité.  Eugène  Leroy  ne  s’inquiète  guère  de  l’idée  émanant  du  tableau  de  Raphaël,  encore  moins  de  le  reproduire,  il  l’enterre  pour  mieux  se  libérer  de  son  emprise  afin  de  poursuivre sa propre voie, d’assurer la mise en place de son mode opératoire. Et cette libération s’incarne très physiquement dans un corps-à-corps avec l’huile, à travers le modelage de la matière, cette manière très  particulière  d’additionner  les  giclures  sortant  des  tubes  comme  s’il  fallait  à  tout  prix  façonner  l’immense  grotte  où  coule  sans  fin  le  fleuve de la peinture. Par voie de conséquence, l’horizon mimétique écrasé par ce brassage matériel permanent s’écroule bel et bien mais on aurait tort de s’en tenir là, car un autre combat acharné s’entame entre la  surface  et  les  fonds.  On  ne  peut  manquer  de  remarquer  les  effets  de cette lutte où, toile après toile, les fonds chancellent, tanguent, et dans le remuement continu de leurs dépôts successifs donnent naissance à des figures inédites et fragiles. La légèreté dansante de nos trois déesses dépend pour une large part de la lourdeur qui les assiège. Les fonds chez Eugène Leroy, comme le rapporte Pierre Wat (2) dans le catalogue, ont une valeur substantielle. Ils représentent le limon de la peinture, ses alluvions fécondantes. Dans l’atelier du peintre, les toiles entassées pêle-mêle, maculées d’éclaboussures, attendaient de devenir des tableaux, patientant parfois des années. Ceux qui sont sortis de ce prodigieux entassement portent le témoignage de cette relation étroite avec le courant qui les a nourris." Bertrand Raison
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quand, comment Pof  a t-il découvert Eugène Leroy ?
Je vois les influences dans L'homme assis, une des dernières oeuvres de Pof. Je la montrerai quand j'accèderai au PDF du livre Disparition.
ou dans les gouaches de Cuba.

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Après deux N° de la revue des deux mondes, deux N° de la revue Front populaire.
Avec Jean-François Kahn, dans la revue des deux mondes, tu te confirmes dans ce jugement que chiffres et sondages des « experts » de plateau TV et autres tribunes ne sont là que pour habiller, voiler, maquiller, bidouiller, manipuler, orienter, formater l’opinion, ne sont là que pour se substituer à l’opinion, à la voix citoyenne, ne pouvant s’exprimer par la voie référendaire (au sens du RICCARL) localement, régionalement, nationalement, européennement, onusiennement.
Chiffres et sondages, conseils des cabinets de conseils étrangers (américains, allemands) grassement payés contre la voix des gens ordinaires, contre la voie démocratique dégageant une majorité que Tocqueville a décrit comme « le despotisme de la majorité » dans De la démocratie en Amérique.

Voilà une "bible" dont il faut reconsidérer l'impact.


Soit aujourd’hui, « démocratie directe » pas du tout réalisée contre « démocratie représentative » où les représentants élus se servent, s’accordent privilèges et prébendes avec cynisme et mépris du peuple = des gens ordinaires = des périphériques, invisibilisés au profit de minorités agissantes de toutes sortes, les plus gueulardes ayant le plus pignon sur plateau, contribuant à la fragmentation de la société, à son éclatement, à sa décomposition, à la guerre civile, à bas bruits pour le moment, selon Michel Onfray, décrivant par exemple ce qui se passe régulièrement quartier Perseigne, à Alençon, Orne, son département aimé, quartier devenu « territoire perdu de la République » selon un euphémisme pudique, territoire devenu territoire d’une tribu marquant son territoire par « tirs de mortiers, incendies de poubelles et de voitures, barricades, dégradations de mobilier urbain, caillasses, guets-apens de policiers  et de pompiers, une bande d’une cinquantaine de personnes masquées, cagoules, armées de barres de fer est allée au contact de la police forte de 35 membres pendant 3 heures. » N° 12, pages 5-6
Avec les N° de Front populaire, N° 12, La tyrannie des minorités, l’art de détruire la France et N° 13 Guerre à la guerre, contre les impérialismes, te voilà en présence d’analyses argumentées, de droite, de gauche, d’ailleurs et de nulle part comme se présente la revue.
Ça déboulonne, ça renverse les statues, ça jette à bas quantité de logiciels, de paradigmes, de discours admis sans distance, par méconnaissance (puisque tout est voilé, truqué) et ça fait un bien fou, tout en déstabilisant au point de ne pas en dormir, sans doute pour remettre un peu de cohérence dans tes convictions.
Tu es confirmé dans ta conviction récente (depuis 2020 environ) que tout un tas de récits sur des épisodes du roman national sont des faux,

- la révolution française (il vaut mieux lire Taine que Michelet ou Jean Tulard),

- l’universalisme des droits de l’homme,

- la colonisation civilisatrice (le célèbre discours de Victor Hugo du 21 août 1849 au Congrès de la Paix, souvent cité mais toujours caviardé, coupé de ce qui aujourd’hui gêne),

- la résistance sous Vichy,

- le gaullisme, le mitterrandisme, le chiraquisme;
qu’il en est de même de tout un tas de récits sur des épisodes internationaux :

- la révolution bolchevique, le stalinisme,

- la libération de la France par les américains,

- la guerre du Viet-nam,

- les guerres du Golfe (l’énorme mensonge de Colin Powell montrant une fiole d’ « arme bactériologique » du régime de Sadam Hussein aux TV),

- les guerres de l’axe du bien contre les axes du mal,

- les guerres justes qui fonctionnent selon un schéma hérité de Saint-Paul, Saint-Augustin, Saint-Thomas d’Aquin, médiatisé par deux Bernard, BK et BHL: je te fais la guerre préventivement à toi dictateur dangereux, au nom des droits de l’homme, de la démocratie, de l’universalisme, d’une façon active, pas réactive, pour t’empêcher de me faire la guerre liée à ta folie. Je tue des gens réels, je cause des souffrances réelles, des injustices réelles au nom d’injustices virtuelles, de souffrances virtuelles. (N°13, pages 2 à 9)

Tu es effaré de voir comment on est passé
- de la génération de 68, dite des Boomers,  rimbaldienne, utopiste, qui rêvait d’une société différente, de courir le monde, d’inventer une contre-culture, de définir une liberté neuve
- à la génération des Millennials  qui font choix d’un monde fait d’interdits, de censures de tous calibres, de frontières pathologiques entre les races, les cultures, les sexes, les âges.
Comme si on était passé, en quelques décennies, d’« il est interdit d’interdire » à « il faut faire taire celui qui m’offense ». Selon Brice Couturier (N° 12, page 157)

exit avec cette génération, la résilience: ce qui ne te tue pas, te rend plus fort

Tu penses à Marcel Conche, à ses fondements de la morale, au devoir de prendre la parole pour ceux qui ne l'ont pas

(à mettre en contraste avec ce qui est arrivé au Canada à Ariane Mnouchkine, voulant donner la parole dans un spectacle aux indiens autochtones, sans eux et se faisant tailler en pièces, parce que sans eux c'est contre eux = = activisme décolonial; voir aussi ce qui est arrivé à J.K. Rowling)


Woke veut dire éveillé, qui s'éveille, prend conscience. Comment l’éveil a t-il pu engendrer le Wokisme, source de régressions impensables il y a une dizaine d'années ?

Le wokisme est la rencontre selon Jean-François Braunstein d'un courant américain du protestantisme théorisant la notion de péché d'un point de vue collectif et pas seulement individuel (tous coupables, le méchant blanc) et de la french theory, les philosophes français dits de la déconstruction (Foucault, Derrida, Baudrillard).

Pour ma part, j'approuve que l'on révèle la réalité coloniale, dominatrice, exterminatrice, extractrice, prédatrice de l'Occident. Après vient le débat : réparation, repentance... Avec le wokisme, plus de débat possible : il faut passer par la revanche, la vengeance.

Autre point à évoquer : la question de l'identité. Là encore, l'idée de définir, de faire évoluer son identité, ses identités, n'est pas en soi une "mauvaise" idée. Personnellement, je suis favorable à ce que j'appelle la fluidification de l'identité puisque cela correspond à la variété de nos humeurs, sensations, émotions, sentiments, pensées. Mais de là à exiger la reconnaissance par autrui ou par la loi de mes choix personnels me semble correspondre à ce proverbe : les chemins de l'enfer sont pavés de bonnes intentions.

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(Une vague de folie et d’intolérance submerge le monde occidental. Venue des universités américaines, la religion woke, la religion des «  éveillés  », emporte tout sur son passage  : universités, écoles et lycées, entreprises, médias et culture.
  Au nom de la lutte contre les discriminations, elle enseigne des vérités pour le moins inédites. La «  théorie du genre  » professe que sexe et corps n’existent pas et que seule compte la conscience. La «  théorie critique de la race  » affirme que tous les Blancs sont racistes mais qu’aucun «  racisé  » ne l’est. L’«  épistémologie du point de vue  » soutient que tout savoir est «  situé  » et qu’il n’y a pas de science objective, même pas les sciences dures. Le but des wokes : «  déconstruire  » tout l’héritage culturel et scientifique d’un Occident accusé d’être «  systémiquement  » sexiste, raciste et colonialiste. Ces croyances sont redoutables pour nos sociétés dirigées par des élites issues des universités et vivant dans un monde virtuel.
  L’enthousiasme qui anime les wokes évoque bien plus les «  réveils  » religieux protestants américains que la philosophie française des années 70. C’est la première fois dans l’histoire qu’une religion prend naissance dans les universités. Et bon nombre d’universitaires, séduits par l’absurdité de ces croyances, récusent raison et tolérance qui étaient au cœur de leur métier et des idéaux des Lumières. Tout est réuni pour que se mette en place une dictature au nom du "bien" et de la «  justice sociale  ». Il faudra du courage pour dire non à ce monde orwellien qui nous est promis.
Comme dans  La philosophie devenue folle, Braunstein s’appuie sur des textes, des thèses, des conférences, des essais, qu’il cite et explicite abondamment, afin de dénoncer cette religion nouvelle et destructrice pour la liberté.
Un essai choc et salutaire.)

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Appliqué à l'école, ça donne : "l’école inclusive est la « révolution copernicienne » du système éducatif, la fin heureuse d’une école « ségrégationniste et élitiste » avec l'extension du domaine du handicap...La dyslexie a ouvert le bal à la fin du siècle dernier, destinée à camoufler l’échec de l’apprentissage de la lecture par la méthode globale, bientôt suivie de tous ses avatars poursuivant peu ou prou le même objectif : dissimuler l’échec des réformes pédagogiques engagées depuis quarante ans en l’attribuant aux supposés « dysfonctionnements » neurocérébraux d’élèves chaque année plus nombreux. Cette extension organisée du domaine des « dys » explique sans doute l’étrange statistique  selon lequel un quart des élèves français relèverait aujourd’hui du handicap… La déconstruction de la norme – par rapport à laquelle se définit nécessairement le handicap – et l’idéologie victimaire qui sert de boussole aux instances supranationales ont pour effet de pathologiser la société. Pour preuve, la catégorie de « handicap ressenti », strictement déclarative et très sérieusement utilisée par l’INSEE dans l’établissement de ses statistiques sur le handicap en France... Tous handicapés, tous victimes, tel serait donc l’idéal de l’école inclusive." Anne-Sophie Nogaret, N°12, pages 126 à 131.

 

3 philosophes face à la bombe : Camus et la bombe, article du 8 mai 1985 dans Combat, Karl Jaspers, Günther Anders
3 philosophes face à la bombe : Camus et la bombe, article du 8 mai 1985 dans Combat, Karl Jaspers, Günther Anders
3 philosophes face à la bombe : Camus et la bombe, article du 8 mai 1985 dans Combat, Karl Jaspers, Günther Anders

3 philosophes face à la bombe : Camus et la bombe, article du 8 mai 1985 dans Combat, Karl Jaspers, Günther Anders

Du N° 13, Guerre à la guerre, tu retiens pour t’interroger, l’article Trois philosophes face à la bombe (Camus, Jaspers, Anders) pages 145-151. Tu ignores si le complexe militaro-intellectuel qui vend la guerre sur les plateaux TV, sans la faire, évoque la possibilité de l’usage de l’arme nucléaire dans la guerre russo-ukrainienne.
L’article de Combat du 8 mai 1945 dans lequel Camus développe sa position est écrit à chaud, deux jours après Hiroshima qui selon la lettre de Claude Heatherly, pilote ayant participé à l’opération, adressée au révérend N., le 8 août 1960, est une erreur accidentelle (la ville n’était pas la cible). Camus dégage l’enjeu, avec cette arme c’est le suicide collectif de l’humanité qui est possible. La science censée apporter la connaissance et de meilleures conditions d’existence, contribuer au bonheur des gens dans leur vie quotidienne est utilisée pour des meurtres de masse avec une bombe de la grosseur d’un ballon de football. On a fait de gros progrès depuis, la bombe la plus puissante ayant jamais explosé en essai aérien est la bombe russe Tsar Bomba (3300 fois celle de Hiroshima).
 
Jaspers fait une conférence 11 ans après Camus, en août 1956 « La bombe atomique et l’avenir de l’homme » qu’il développera ensuite dans un livre de 700 pages, épuisé, paru en 1963 chez Buchet-Chastel. Il met en avant le fait que la théorie de la dissuasion est une folie. Croire qu’on empêchera la guerre parce qu’on possède l’arme nucléaire, c’est ne pas comprendre que toute arme nouvelle finit toujours par être utilisée. Donc, une guerre nucléaire est possible. Ce qui confirme cette hypothèse, ce sont les essais nucléaires (le chiffre des essais aériens, souterrains, sous-marins sur une trentaine d’années est ahurissant) et l’impossibilité d’empêcher la dissémination de l’arme nucléaire (sauf à faire une injuste guerre juste).

Anders publie en 1956, le 1° tome de son magistral livre L’obsolescence de l’homme. Il pense comme Jaspers que la bombe est appelée à être utilisée, que c’est pour cela qu’on l’essaie, que ce ne sont pas des essais de dissuasion. Au delà de Jaspers, il voit les effets désastreux sur de très longues durées  sur les humains, la faune, la flore. Tchernobyl entre autres est là pour nous raconter ce qui se passe au niveau des sols contaminés, des eaux radioactives, des peaux brûlées, des modifications génétiques…

Avec la guerre russo-ukrainienne, on est sorti (on est en voie de sortie) de la pax americana c’est-à-dire des guerres innombrables menées par l’impérialisme US (je devrais citer aussi les guerres menées par la France en tout un tas d’endroits en Europe et en Afrique) sous couvert de démocratie et de droits de l’homme pour entrer dans une recomposition géo-politique entre divers impérialismes, dans une ère de choc des civilisations où ce qui était annoncé se déroule tout à fait différemment (une guerre russe rapide qui s’éternise, un effondrement de l’économie russe suite aux sanctions qui a fort bien résistée, une Europe et un OTAN dépassant toutes les lignes rouges en laissant les Ukrainiens payer le prix fort de la guerre, les États-Unis  faisant ce qui s’appelle une proxy war (une guerre médiée par un adversaire-tampon, l’empire visé au-delà de la Russie étant la Chine), des BRICS de plus en plus nombreux et puissants, optant pour un monde multi-polaire.
Ce qui m’étonne, c’est apparemment, le peu de crédit accordé au risque de nucléarisation de ce conflit. Je préfère penser le contraire. Oui, cette guerre peut devenir une guerre nucléaire et le conflit peut se mondialiser. Personne ne me semble maître du « jeu ». On est dans un conflit portant sur des valeurs et pas seulement des territoires, des ressources. Comme les guerres de religion, les conflits de valeurs, de visions du monde, sont des croisades et donc ce n’est pas la guerre pour faire la paix, c’est la guerre pour s’imposer, imposer sa foi, sa vision. L’enfer est peut-être devant nous. Avec son prix, le meurtre, le suicide  ? collectif d’une partie de l’humanité.
Pour Camus, le suicide dans un monde absurde est l’ultime liberté de l’individu.
Le suicide collectif, comment doit-il être considéré ? Il est clair qu’il ne s’agira en aucune manière d’une décision libre de chacun et de tous. Aucune concertation des peuples n’a eu lieu. Nous sommes en guerre par le fait de « nos » dirigeants. Aucun vote de l’Assemblée, aucun consultation du peuple par référendum. Donc, s’il y a suicide collectif, c’est plutôt d’un meurtre de masse qu’il faudra parler, meurtre imposé, subi. Le prince sera un criminel, devant quel tribunal ? Que les princes, dictateurs, présidents puissent en arriver à cette solution finale, cela s’expliquera-t-il par notre passivité, notre soumission volontaire, notre lâcheté, notre impuissance, notre insouciance, notre inconscience ? Quel activisme pourrait nous en garder ? Camus proposait de combattre pour la paix par la raison, aspirant à un gouvernement mondial (ce sera l’ONU en 1948). Jaspers propose la raison et la sensibilité. Vivre en paix, en harmonie avec les gens qu’on côtoie, qu’on aime, avec la nature, en contemplant la beauté de ce qui s’offre, tant que cela s’offre. J’ignore ce qu’Anders propose.

Vers qui se tourner ? Des 300 livres d’Épicure, il ne reste que quelques pensées de lui sur la politique, dans les maximes capitales. Épicure a été « détruit » par le christianisme. Raison : sa philosophie et sa politique sont immanentes et non transcendantes. Il était incompatible avec Dieu et les fables qui en sont issues, la naissance d’un enfant sans père, une femme qui donne naissance sans géniteur, un fils de Dieu qui meurt et ressuscite.…
« La justice n’est pas quelque chose en soi mais quand les hommes se rassemblent en des lieux, peu importe, chaque fois, lesquels et leur grandeur, un certain contrat sur le point de ne pas faire de tort ou de ne pas en subir. » M.C. XXXVIII.
Pour Épicure, la politique c’est l’art de produire les conditions de possibilités sociales d’une vie hédoniste pour tous. Il veut que le contrat vise l’établissement de lois justes pour tous, pas pour une minorité de privilégiés. Il sait que l’homme n’est pas naturellement bon et que c’est culturellement qu’il peut le devenir par la philosophie politique épicurienne en particulier. Il est le penseur de la puissance de la majorité, l’antidote à la tyrannie des minorités, des maîtres sur les esclaves. (N°12, pages 6-7).
On voit en quoi des initiatives comme Construisons notre bonheur sont éminemment épicuriennes et sans doute une des bonnes façons de passer contrat. C’est du local, de l’action décidée par RIC.
Si on prend en compte, toutes les initiatives, installées dans le temps, à périodicité stable, (mensuel, bimensuel), on se rend compte que certes, les dirigeants nous feront tuer en masse (et cela nous dépasse) mais que nous avons encore de la latitude pour nous rencontrer, discuter, décider.

 

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Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan

26 Juin 2023 , Rédigé par grossel Publié dans #agora, #FINS DE PARTIES, #J.C.G., #album, #cahiers de l'égaré, #pour toujours, #écriture- lecture, #F.C.

du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)
du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)
du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)
du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)

du château Saint-Bernard (50 ans) à la Villa Noailles (50 ans), ça ne fait pas 100 ans mais deux fois 50 (JCG)

HYERES / VILLA NOAILLES / 26 AVRIL 2003 /

Inauguration de la Villa Noailles restaurée par Jean-Jacques AILLAGON, Ministre de la Culture, en compagnie d’Hubert FALCO, Secrétaire d’Etat aux personnes âgées, Président de TPM et Maire de Toulon, et de Léopold RITONDALE, Maire de la Ville d’Hyères /

La Villa Noailles avait 80 ans et la Ville d’Hyères en était propriétaire depuis 30 ans. Savoir que dans cet intervalle la Villa avait accumulé les aléas de la vie : construction / célébrité / scandale / séparation / mondanités / déclin / abandon / vente / squat / ruine. Jusqu’à ce que la Ville d’Hyères se décide à la restaurer. Une aventure dont j’aurai un temps été un des acteurs. 

Mais aujourd’hui, vingt ans plus tard, le récit que la Villa fait d’elle-même me paraît s’être éloigné de son histoire véritable en préférant se raconter des histoires. En révisant le réel. En idéalisant les figures de ses commanditaires et leur vouant un culte quasi-religieux. On lit aujourd’hui dans un magazine que son directeur est « le fils spirituel de Marie-Laure ». Tant qu’on y est, pourquoi pas la réincarnation ? Mais à sa place je me méfierai, quand on sait comment tout a fini. (F.C.)

Villa Noailles à Hyères/un fantasme mondain/François Carrassan

Dans les parages du centenaire de la Villa Noailles (la première construction date de 1925), l’excellente biographie que LAURENCE BENAÏM a consacré en 2001 à Marie-Laure de Noailles : « la vicomtesse du bizarre », vient d’être rééditée (Tallandier, 2023 / 12 €). Une biographie qui a le mérite de ne rien dissimuler d’une vie plutôt tumultueuse qui commence dans la distinction d’une aristocrate de la haute et qui finit, façon « mère Ubu », avec les boulomanes d’Hyères ou les soixante-huitards de l’Odéon. C’est la pente des choses. Un peu comme pour la Villa elle-même qui sitôt construite connut un bref âge d’or et puis qui, à partir de 1932, entra dans un lent mais fatal déclin. Jusqu’à l’abandon. Jusqu’à sa mise en vente, à la mort de la vicomtesse, en 1970. Où l’on voit que cette villa des Noailles, aujourd’hui bizarrement célébrée, fut liquidée en moins de 50 ans. Et où il faut bien se dire que, sans la Ville d’Hyères qui fit le choix de l’acheter en 1973 et, plus tard, de la restaurer, il n’en serait rien resté. (F.C.)

Photo de Man Ray

CENT ANS, ET ALORS ?

 

 

Notes pour le centenaire de la Villa Noailles

 

Pour tenter de définir son objet, si cela se peut

______________

 

 

 

  1. Cent ans depuis quand ?
  1. Acquisition du terrain le 21 janvier 1923 ;
  2. Première lettre connue de Noailles à Mallet-Stevens datée du 25 juin 1923 ;
  3. Premiers plans descriptifs en janvier 1924 ;
  4. Commencement du chantier en mai 1924 ;
  5. Premier séjour des Noailles en novembre 1925.

 

 

  1. Que faire d’un tel centenaire ?

Pourquoi pas l’occasion, au-delà des fantasmes et des clichés dont le lieu continue d’être l’objet, de dire le vrai, le vrai de son histoire et de ses acteurs ?

Le vrai d’un centenaire qui est en réalité double, au sens où il n’est que la réunion de deux cinquantenaires séparés.

Un cinquantenaire de 1923 à 1973, celui de la Villa Noailles propriété privée des Noailles, qui va de sa construction à son abandon.

Et un cinquantenaire de 1973 à 2023, celui de la Villa Noailles vendue à la Ville d’Hyères et devenue propriété publique, qui va de sa restauration à sa réutilisation.

Et ce n’est pas la même histoire.

 

  1. La figure aléatoire des Noailles devrait-elle être à nouveau fêtée au cœur de ce centenaire ? Un gros ouvrage commandité en 20181 a déjà tenté de les immortaliser en « mécènes du XXème siècle ». Mais, dénué de sens critique, il en est ressorti une hagiographie à la gloire d’un couple riche et oisif, impatient de s’amuser, en lequel les auteurs s’émerveillent de voir d’innocents mécènes tous azimuts. Mais c’est un conte de fée pour la veillée des chaumières.

Surtout que la Villa d’Hyères deviendrait vite le lieu de leur naufrage.

 

  1. Mais le plus drôle est que nos hagiographes de service, tout à leur idée fixe, vont laisser entendre que la vente de la Villa à la Ville en 1973, c’est encore du mécénat. Prétextant qu’elle fut vendue au prix des Domaines. Or c’est faux, selon l’acte de vente lui-même et le fait que le Conseil Municipal dut autoriser l’augmentation de ce prix. Mais ils insistent. Le sens de cette vente n’est pas dans la vente elle-même, car il faut comprendre qu’avec elle le vicomte lègue en réalité « un héritage spirituel ».  Et ils osent même le coup du legs « aux générations futures ». « Spirituel » en plus, ce qui ne coûte pas cher. Drôles d’historiens ! Tout ça pour maquiller la vente d’une maison abandonnée. Avec pour finir une chute à l’effet comique garanti : « Et si le vicomte n’effectue certes pas un don, il est possible d’y voir un acte de transmission, si ce n’est un dernier acte de mécénat.2 » Du mécénat payant en quelque sorte…

 

  1. En vérité la villa fut mise en vente au lendemain de la mort de la vicomtesse en 1970. France Soir3 titra : Le château de Marie-Laure est à vendre. Car, y lisait-on, le vicomte ne tient pas à conserver cette demeure. C’était « le royaume de sa femme ». Depuis les années d’après-guerre, quand les moeurs s’y relâchèrent, loin du temps si bref où l’avant-garde artistique y était accueillie, jusqu’au scandale de L’Âge d’Or. Et puis cela faisait 40 ans que le couple s’y était séparé. La maison fut donc vidée de ses meubles, objets et œuvres d’art, et vendue dans un état de délabrement avancé. Quelle transmission !

 

  1. Une seule sculpture ne fut pas emportée : le Monument au chat d’Oscar Dominguez. Du fait certain qu’elle pesait 3 tonnes, mais aussi parce que son auteur, dans les années 1950, fut l’amant officiel de la vicomtesse avec laquelle ils formèrent un couple détonnant digne d’une performance surréaliste4.

La ville en devint donc propriétaire et dut l’extraire de la Villa au moment du premier chantier de sa restauration, vers 1988. Elle fut ainsi coffrée et stockée dans une cour municipale  dans l’attente d’un lieu à sa mesure. Chose (enfin) faite en 2020, où elle a été installée au cœur du jardin de La Banque / Musée des cultures et du paysage.

Créée en 1953, on pourrait fêter ses 70 ans  en 2023.

 

  1. Mais alors pourquoi ne pas faire de la maison elle-même l’objet d’un tel centenaire ? La première maison construite d’un jeune architecte moderne et raffiné, jusque-là architecte-décorateur de cinéma, Rob Mallet-Stevens. Promis à un brillant avenir, il  a été recommandé pour son goût et son imagination au vicomte.

Oui mais voilà, si le vicomte voulait un architecte, il ne voulait pas d’architecture. L’architecte, c’était pour l’image et le standing, et il serait à ses ordres. Le malentendu fut immédiat. Le vicomte fit ainsi démolir en plein chantier une tour qui figurait l’axe central à partir duquel les cubes de la façade devaient se développer. Mallet-Stevens, désemparé, lui écrivit : « Je vous en supplie n’y touchons pas ; j’ai fait des croquis pour m’imaginer la maison sans la tour et l’on obtient alors un ensemble sans relief, sans silhouette et sans expression.5 » Un jugement sans appel qui pourrait surprendre l’actuel directeur de la Villa émerveillé par « ce lieu magique, extraordinaire de beauté, dont Robert Mallet-Stevens a si bien su ciseler les façades.6 »

Mais rien n’y fit. Mallet-Stevens dut s’incliner. C’était sa première commande. Malgré quoi des éléments significatifs de son vocabulaire purent s’exprimer et quelques gestes remarquables être produits7. Noter ici qu’au-delà du programme initial,  les Noailles se sentant à l’étroit, la maison ne cessa de s’agrandir et s’étendit jusqu’en 1932 au gré du terrain, sans plan et sans Mallet-Stevens.

 

 

 

Si bien qu’à l’arrivée, la Villa Noailles reste  le nom d’un ensemble hétéroclite, incohérent, sans la moindre unité architecturale.

Rien à voir avec la Villa dont Paul Cavrois, à Croix, confierait la réalisation à Mallet-Stevens en 1929. Premier chef d’œuvre de l’architecte qui, laissé libre de son génie et de son geste, réalisa « une œuvre d’art totale ». On ne peut pas tout avoir.

 

 

 

 

  1. Mais un autre moment de ce centenaire mériterait d’être retenu,  par lequel s’ouvre son second cinquantenaire, quand la ville d’Hyères est devenue propriétaire de la Villa actant la chute de la maison historique des Noailles au bout de cinquante ans. Une autre histoire commence dont l’enjeu majeur va être la restauration de ladite maison vendue en piteux état.

 

 

Car, après un premier chantier partiel et sans lendemain (1988-1989), la Ville va prendre la décision de devenir le maître d’ouvrage de la restauration de l’ensemble du bâtiment menaçant ruine. Un geste politique radical en faveur d’un chantier qui va s’étendre de 1995 à 2003. J’ai été un acteur  de cette restauration. Chargé par le maire d’alors, Léopold Ritondale, de mener toutes les actions utiles à sa réussite, avec le soutien officiel des institutions, et de les défendre devant le Conseil Municipal.

Pour mémoire, cette mission a été remplie.

Les partenaires institutionnels mobilisés, un plan de financement public (Etat/Drac, Région, Département, Ville) a été validé et le chantier de la restauration est allé à son terme.

Un projet de réutilisation de la Villa restaurée a dû être défini. Pour le porter, l’Association « Villa Noailles » a été constituée avec Didier Grumbach, son premier président. Le Festival des Jeunes Stylistes (créé à Hyères en 1985) sera le moteur du projet qui reposera sur l’Alliance de l’Architecture, de la Photographie, du Design et des Arts de la Mode. Voté par le Conseil Municipal et approuvé par tous les partenaires.

Quant au directeur de la Villa, son choix a été arrêté au Palais Royal par François Barré alors Directeur de l’Architecture et du Patrimoine. Didier Grumbach m’accompagnait et a été témoin de mon intervention quand j’ai présenté le candidat de la ville, face à un concurrent. C’est ainsi que la candidature de Jean-Pierre Blanc a été retenue. C’était le 22 avril 1999.

Le projet allait pouvoir se réaliser et une nouvelle aventure se vivre à la Villa Noailles.

Jean-Jacques Aillagon, Ministre de la Culture, est venu en 2003 applaudir cet exploit de la ville d’Hyères. Juste l’année du transfert bureaucratique de la Villa Noailles à la communauté d’agglomération TPM, quand la ville en perdrait la maîtrise.

 

  1. Aucune histoire  n’a jamais coulé à la façon rêvée d’un fleuve tranquille. Celle de la Villa Noailles, avec ses hasards et ses ruptures, comme les autres. Son centenaire, en quête d’un objet culturellement crédible, pourrait être ainsi l’occasion d’un exercice de lucidité. Utile à l’intelligence de son action présente.  En sachant qu’on ne peut entrer deux fois dans le même fleuve. Que la Villa de Charles et Marie-Laure a cessé d’exister pour toujours. Que sa restauration n’est pas une résurrection. Et qu’il est vain de faire croire qu’on y serait revenu à la case départ pour y perpétuer une « œuvre » qui, sauf abus de langage, n’a jamais existé.

 

François Carrassan / 2022

 

 

Notes /

 

  1. Charles et Marie-Laure de Noailles, Mécènes du XXème siècle, Bernard Chauveau, 2018
  2. Ibid, pp. 323-324
  3. France Soir, 13 février 1970
  4. Laurence Benaïm, Marie-Laure de Noailles / Vicomtesse du bizarre, Grasset, 2001, pp. 465-476
  5. Cécile Briolle, Rob Mallet-Stevens, Editions Parenthèses, 1990, p. 41
  6. Charles et Marie-Laure de Noailles, op. cit., p.8
  7. François Carrassan, Une petite maison dans le midi, Editions de L’Yeuse, 2003, pp. 7-13
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles
de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux  bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles

de la dernière fête au château Saint-Bernard en 1932 avec Bunuel, Giacometti et la girafe surréaliste, disparue dans la nuit, jamais retrouvée aux bimbos gonflables Diesel, vandalisées lors du 37e Festival de mode, de photographie et d'accessoires du 13 au 16 octobre 2022, à la villa Noailles

quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens
quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens

quelques livres sur la Villa Noailles et Robert Mallet-Stevens

Me souvenant de ma visite de la Villa Noailles en pleine dégradation, sous la conduite éclairée de François Carrassan, ce devait être vers 1986-1987, et pensant au combat que fut sa réhabilitation avec de l'argent public, avant son invasion par le monde de la mode, pensant aux livres écrits depuis sur cette villa et son architecte, Mallet-Stevens, je ne peux que partager cette interrogation de François Carrassan sur l'imposture qui est à l'oeuvre dans ce lieu aujourd'hui tant dans le récit qui en est fait, révisionniste à souhait, que dans l'usage dominant du lieu, réservé aux "mondains" d'aujourd'hui, dont l'inculture insolente fait plaisir à être démasquée.

JCG, alias l'assaisonneur ou grossel

Villa Noailles / Exposition permanente

Avec le souvenir de mon engagement pour la restauration de la Villa Noailles, on me demande parfois ce que je pense de l’actuelle exposition permanente qui s’y tient et s’intitule

Charles et Marie-Laure de Noailles / une vie de mécènes

Je fais alors observer que son titre est mensonger et qu’il est paradoxal de vanter le mécénat des Noailles dans un lieu qu’ils ont abandonné et qui a été sauvé de la ruine par l’argent public.

Sans savoir qui a validé ce projet ni sur la base de quelle expertise, voici donc ces notes qui invitent à un curieux constat :

UN FANTASME MONDAIN

1. L’exposition est principalement faite d’images, de reproductions, de fac similés, de photocopies en quantité. On se croirait dans un centre de documentation pédagogique.

Malgré le design appliqué de la présentation, cela saute aux yeux. L’amateur d’art voit qu’il n’y a pas grand-chose à voir et bien trop à lire. « Une coquille vide », comme on l’entend dire.

Sauf les Noailles photographiés ici et là en compagnie de telles ou telles personnalités. On pense aux trombinoscopes des magazines people qui montrent des happy few posant entre eux lors de soirées réservées. Souriants et contents de leur sort. Mais un mécène n’est pas une œuvre d’art.

2. L’exposition se tient dans la partie dite primitive de la villa, celle dont on est sûr que l’architecte en fut Rob. Mallet-Stevens, celle qui fut construite en 1924 et agrandie en 1927.

C’était une petite maison d’habitation avec de petites pièces en petit nombre, et tout y paraît aujourd’hui d’autant plus petit qu’on en a fait sans adaptation un espace ouvert au public et ainsi très vite saturé. A l’évidence, la contradiction des usages n’a pas été surmontée.

Reste que l’architecte, dans l’exposition, occupe la place du pauvre, à l’écart et à l’étroit, dans un recoin d’à peine 5 m2… Rien sur son rôle dans l’histoire de l’architecture, alors même que cette maison délibérément moderne constitue un manifeste radical. Rien sur ce geste qui intègre la maison aux ruines médiévales alentour et lui donne son esprit malgré Charles de Noailles qui, peu porté sur l’architecture, l’aura empêché d’aller au bout de son projet. Rien sur l’UAM, l’Union des Artistes Modernes, qu’il allait fonder en 1929.

3. Le titre de l’exposition laisse croire que Charles et Marie-Laure de Noailles formèrent un couple uni dans le même amour désintéressé de l’art et qu’ils menèrent côte à côte une vie de mécènes, jour après jour au service de l’art…

Or, s’ils se marièrent bien en 1923, recevant en cadeau le terrain de leur future maison d’Hyères, le couple ne dura guère, perdu entre les tendances de l’un et les attirances de l’autre, et connut assez vite une séparation de fait.

En 1933, Marie-Laure rejoint Igor Markévitch en Suisse. Charles, lui, a cessé à cette époque de s’intéresser à la chose moderne et sa femme s’occupera seule de la maison d’Hyères après la guerre. Il se retirera ainsi à Grasse dans une bastide du XVIIIème siècle, acquise en 1923, où il s’adonnera à l’horticulture.

Cette réalité, ici absente, ne correspond évidemment pas à l’intention de l’exposition.

4. Quant au lieu même de l’exposition, la propre villa des mécènes à l’affiche, son histoire n’est que partiellement évoquée et seulement sur la période qui convient au concept de l’exposition.

Car si cette maison fut effectivement ouverte à la création artistique, cela ne dura guère. Dès 1933 la vicomtesse écrivait en effet : « Nous démodernisons la maison. » C’est que le « couple » avait été refroidi par le scandale de L’âge d’or survenu en 1930, principalement le vicomte qui avait payé le film de Luis Buñuel et, naïvement, n’avait rien vu venir…

C’est vrai aussi que leur « aventure moderne » doit beaucoup au fait qu’ils étaient alors, comme l’écrira Charles, jeunes et impatients et qu’il fallait selon lui que tout soit amusant. Leur fortune héritée faciliterait les choses.

Et quand il invita Man Ray à venir tourner à Hyères en 1928, un tel geste, apparemment en faveur du cinéma naissant, reposait aussi sur le désir manifeste de faire voir sa maison.

Ainsi cette aventure, portée par la volonté évidente de se distinguer, n’excéda pas dix ans. Et, comme pour l’accompagner sur sa pente, la maison elle-même empiriquement bâtie se dégrada lentement, se fissura et prit l’eau. Un processus qui s’accéléra après la guerre quand le bâtiment cessa peu à peu d’être entretenu.

Et c’est durant ces années 50-60 que Marie-Laure de Noailles en fit sa demeure. Une demeure improbable où, dans une ambiance passablement décadente, elle entretenait une faune hétéroclite dont la rumeur locale se plaisait à imaginer les galipettes sexuelles.

Toujours est-il qu’aussitôt après sa mort, en 1970, le vicomte mit la maison en vente dans un très piteux état et fit en sorte que la ville d’Hyères pût l’acheter. Marché conclu en 1973. « C’était à ses yeux le royaume de sa femme », comme l’écrivait alors France Soir. Mais son image avait quand même dû se dégrader pour que, plus tard, quand la Ville entreprit de restaurer la maison, ses descendants ne souhaitent pas qu’on l’appelle « Villa Noailles »…

5. Car c’est bien la Ville d’Hyères qui allait entreprendre sa restauration avec le soutien de l’Etat. Et c’est bien avec le seul argent public qu’on paierait son long et coûteux chantier.

Aussi n’est-ce pas le moindre paradoxe de cette exposition, d’être consacrée à l’éloge illimité du mécénat des Noailles dans un lieu qu’ils ont abandonné à sa ruine. Un point de l’histoire ici passé sous silence.

6. Nul doute cependant que ce « couple » d’aristocrates décalés, au temps de sa jeunesse libre et argentée, en rupture avec la bien-pensance et son milieu d’origine, aura attiré l’attention et soutenu quelques artistes « émergents ».

Aucun doute non plus sur la générosité de Charles de Noailles dont Luis Buñuel témoignait volontiers et avec lequel il resta en relation bien après l’âge d’or de leur (més)aventure commune.

Mais rien qui permette sérieusement de voir au cœur du « couple » le projet construit de mener une vie de mécènes au nom d’on ne sait quelle exigence artistique, comme tente de le faire croire la page imprimée à l’usage des visiteurs de l’exposition.

7. Une vie de mécènes, c’est en effet le titre de ce document indigeste qui apparaît comme le support théorique de l’exposition. Un discours d’autojustification prétentieux qui se résume à un postulat, sans cesse répété, celui de « l’extraordinaire mécénat» des Noailles. Un mécénat non stop de 1923 à 1970, selon l’auteur…

(Même si cette déclaration est contredite par le texte d’introduction à l’exposition qui parle du « ralentissement » de ce mécénat après 1930…)

8. Et, dans ce drôle de galimatias, on peut lire pêle-mêle :

que les Noailles ont élargi la définition du mécénat; qu’ils ont saisi que la modernité c’est le collage (…), un partage entre plusieurs influences; que Marie-Laure de Noailles opère plus ou moins consciemment une confrontation quasi-systématique entre basse et haute culture; que Charles de Noailles saisit intuitivement que les révolutions intellectuelles à venir ne se construiront pas seulement sur l’héritage surréaliste… qu’ils sont au cœur de la modernité. Ou plus exactement des modernités; qu’ils ont choisi de vivre non pas au cœur de l’avant-garde, mais des avant-gardes (c’est moi qui souligne). Probablement l’auteur est-il égaré par son admiration pour ces illustres personnages, mais dans un « Centre d’art » il est regrettable de voir une telle confusion intellectuelle se donner libre cours.

Est-ce l’effet de l’absence d’un conservateur et d’un véritable projet scientifique et culturel ?

9. De fait l’exposition a un petit côté grotte de Lourdes. On pourrait s’y croire dans un sanctuaire réservé au culte de Charles et Marie-Laure de Noailles. Où le moindre souvenir, survalorisé, a pris la dimension d’une relique.

10. Culturellement, on pourrait s’inquiéter :

d’un tel défaut de distance critique. d’une adhésion si totale à une histoire à ce point « arrangée » et présentée au visiteur comme une vérité admirable et définitive. d’une telle tendance à la vénération comme on en voit dans les fan-clubs, où tout ce qui touche à votre idole, par le seul fait d’y toucher, devient infiniment précieux. 11. L’exposition a donc échafaudé un conte bleu. Tout y est sucré, propre et lisse. Charles et Marie-Laure veillent sur l’art. Les touristes sont invités à se recueillir.

12. On mesure comme on est loin de la vérité du commencement. Quand on sait qu’en ce lieu très privé fut autrefois fêtée une sorte d’insoumission et que la maison brilla rien que pour le plaisir passager des Noailles et de leurs invités jouant à une autre manière de passer le temps.

Charles de Noailles, à la fin de sa vie, avait pourtant tout dit de cette époque disparue : « Nous aimions nous amuser avec des gens intelligents et de valeur.

François Carrassan / Mai 2015

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