L'art c'est la vie - débat

dans Disparition aux Cahiers de l'Égaré
L'art c'est la vie
Éditorial d'un vieux numéro de la revue
(Art absolument)
Polémique : l’État et l’art contemporain_(l’état de l’art contemporain en France)
«… aussi intéressante soit-elle toute esthétique qui devient hégémonique produit ses suiveurs, ses “académiciens” et, de novatrice, devient non seulement normative mais répétitive – ennuyeuse…»
«… l’État n’a pas à faire prévaloir tel ou tel “réseau” d’influence, mais l’excellence là où elle se trouve. Surtout, il ne doit exclure aucun médium…»
Lorsque nous avons reçu la pétition L’art c’est la vie, qui circule parmi les artistes plasticiens, bien que nous soyons aux antipodes du vocabulaire employé, nous avons été frappés par l’exaspération non feinte dont elle témoigne, mais surtout par le fait qu’elle soit signée par plusieurs artistes que nous estimons et auxquels nous avons consacré un dossier important sur leur œuvre dans l’un de nos numéros.
Cette pétition qui, en substance, remet en question « la dérive de la politique de l’État français en matière d’art contemporain », nous a donné le désir d’interroger, par le biais d’un questionnaire plus global, quelques-uns des artistes signataires ainsi que des personnalités du monde de l’art (collectionneurs, galeristes, intellectuels, institutionnels) dont nous n’ignorons pas qu’elles sont suffisamment indépendantes d’esprit pour avoir leur propre point de vue.
Car, bien entendu, c’est par la pluralité des points de vue que nous parviendrons à faire un constat “objectif” de ce qui est à mettre au crédit de l’État en matière d’art contemporain, mais aussi ses dysfonctionnements, voire ses effets pervers.
Comme les lecteurs le savent, depuis le début de la création de notre revue en mai 2002, nous défendons les liens entre l’art du passé et celui du présent ; les artistes en France ; la diversité des médiums (peinture, sculpture, photographie, vidéo, installation), mais également des générations, des origines, des esthétiques… tous thèmes que les rédacteurs et les signataires de L’art c’est la vie abordent. D’où, pour nous, la nécessité de préciser notre position.
Nous sommes contre tout art “officiel” (déclaré ou implicite). Par éthique : l’art officiel fonctionne toujours par exclusion ; et par goût : aussi intéressante soit-elle, toute esthétique qui devient hégémonique produit ses suiveurs, ses “académiciens” et, de novatrice, devient non seulement normative mais répétitive – ennuyeuse. Y a-t-il un art “officiel” en France ? Vu du reste de l’Europe et des États-Unis, force est de constater que, à chaque fois que vous interrogez un conservateur ou un artiste de ces différents pays, il vous répond que non seulement les galeries françaises ne promeuvent pas suffisamment leurs artistes (où sont vos peintres ? Vos sculpteurs ? Vos photographes ?) mais que l’État français soutient presque exclusivement un art “critique et politique”, influencé par les conceptuels radicaux des écoles de New York et de Los Angeles des années soixante-dix (voix communautaires, féminisme, critique de la société de consommation, etc.), et que ce n’est évidemment pas avec ce courant – déjà inscrit dans l’histoire de l’art du XXe siècle – que nous parviendrons à émerger sur le marché international (notons, pour ceux que cela intéresse, que ce dernier privilégie depuis toujours la peinture, la sculpture, et depuis peu le dessin et la photographie dite “plasticienne”).
Que l’on ne se méprenne pas : notre revue est très impliquée dans la confrontation de l’art à l’histoire – aux tragédies de l’histoire. C’est bouleversant de voir comment les artistes qui les ont subies ou y sont sensibles répondent avec leurs faibles moyens – humainement, symboliquement – à la toute puissance de la barbarie. Mais de toute évidence, si Guernica est un chef-d’œuvre, c’est parce qu’il est autant une réponse au scandale du bombardement en 1937 de la petite ville basque espagnole qu’un renouvellement des formes produites par Picasso lui-même… Pour le dire autrement : à se satisfaire d’une simple dénonciation (encore que, en France, vous remarquerez que l’on ne dénonce pas grand-chose : il s’agit plutôt d’une “attitude”), l’art “critique et politique” n’est plus un art, mais un message : de l’information. Et si, aujourd’hui, nous pouvons voir l’œuvre d’un Malevitch, d’un Tatline, d’un Rodchenko, d’un Dziga Vertov ou d’un Eisenstein, c’est évidemment moins pour leur message qui, pour nombre d’entre eux, se voulaient propagandistes d’un avenir radieux inhérent à l’enthousiasme lyrique de la révolution d’Octobre, que par le formidable jaillissement de nouvelles formes nécessaires à l’efficacité de ce message : mais – autre leçon de l’Histoire – toujours dans l’exemple soviétique (on pourrait citer n’importe quel autre État totalitaire) – les “bureaucrates” ont tué soit physiquement soit psychiquement les “artistes”; et, cette lamentable mise au pas de leur propre avant-garde artistique par les tenants du Réalisme stalinien devrait en faire méditer plus d’un.
Cela dit, soyons clair : l’art n’est pas unidimensionnel. Si l’art “critique” a sa nécessité, il n’est pas le seul. L’art est, par définition, multiplicité, diversité, ouverture. C’est même ce qui différencie les grandes œuvres des autres. Si – aujourd’hui – vous pouvez relire Dostoïevski ou revoir Rembrandt, c’est parce qu’il y a plusieurs niveaux de lecture, plusieurs “régimes” du regard que vous percevez au fur et à mesure de votre propre expérience ; c’est parce que, bien qu’issues d’un contexte, surgies de lui, ces œuvres s’en affranchissent pour devenir nos contemporaines. D’aucuns diront : tout cela est dépassé (autre variante : du passé faisons table rase !). Nous ne leur rétorquons pas. Nous citerons Robert Storr, chef du département des peintures et sculptures du MOMA de New York et actuel directeur de la biennale de Venise : « Des confrontations sérieuses entre le travail des jeunes générations et celui toujours actif des précédentes, voilà où est l’avenir de l’art comme il l’a toujours été. » Et aussi : « Lancer des tendances, suivre la vague, voire flairer ou anticiper le goût ne m’intéressent pas beaucoup. Aujourd’hui, ce que font les artistes est tellement varié et si largement dispersé qu’il est réellement futile de se préoccuper comme jadis de “tendance artistique majeure”, ou même, pour être plus polémique, de vérité majeure. »
Il faut que l’État se méfie de sa propre tendance à l’instrumentalisation. Pour nous, outre son rôle prépondérant en matière d’infrastructures culturelles pouvant permettre de voir les artistes vivant en France (si nous ne défendons pas “nos” artistes, qui le fera ?) et en matière d’éducation artistique (nous y reviendrons dans un prochain numéro), il ne doit en aucun cas privilégier une esthétique au détriment d’une autre. Surtout, il ne doit exclure aucun médium : quels sont ceux qui – en France – ont décrété que la peinture et la sculpture étaient périmées alors qu’elles sont toujours d’actualité dans le reste du monde ? Au nom de quoi ? Au bénéfice de qui ? L’État n’a pas à faire prévaloir tel ou tel “réseau” d’influence, mais l’excellence là où elle se trouve. Il doit soutenir tous ceux qui promeuvent la diversité de l’art en France : d’une part, parce qu’à notre connaissance, il n’y a pas “d’art français”, et d’autre part, parce que comme ce fut le cas dans le foisonnement de l’entre-deux-guerres, une multitude d’artistes d’ici et d’ailleurs créent dans notre pays. Ce n’est pas seulement une réalité, c’est également une spécificité qui, si elle est mise en avant, peut – sans doute – emporter l’adhésion internationale (à ce sujet, une proposition : en complémentarité à ce qui est principalement montré depuis deux décennies dans les institutions muséales françaises, il nous semble qu’il serait judicieux d’organiser une grande exposition donnant à voir la peinture et la sculpture créée en France depuis les années soixante-dix jusqu’à nos jours…).
Encore un mot : nous ne prétendons aucunement détenir la “vérité”. Nous essayons simplement de répondre – avec nos propres moyens – au désarroi exprimé par les artistes eux-mêmes. C’est pour cela que, pour avoir une idée plus juste de la réalité de “l’état de l’art contemporain en France”, nous avons besoin de points de vue personnels (et indépendants). De ceux qui s’expriment ici et que nous remercions chaleureusement. Du vôtre – si vous le désirez – en rejoignant la rubrique Débats de notre site www.artabsolument.com. Notre souhait est que, par-delà les positions esthétiques de chacun, par-delà les inévitables (et souhaitables) divergences d’analyse, le débat ait lieu…

L’État et l’art contemporain en France
Pour ouvrir le débat, nous avons décidé d’interroger une quinzaine d’artistes et de professionnels de l’art (galeristes, collectionneurs, sociologues, institutionnels) dont nous sommes loin d’ignorer que, par-delà les effets de mode, ils ont su garder leur indépendance d’esprit.
De la différence entre un artiste et un créatif
1 | Qu’est-ce qu’un artiste pour vous aujourd’hui ? Doit-on faire un distinguo entre un créatif (dans le sens où un couturier de grand talent, par exemple, lorsqu’il présente sa nouvelle collection, la crée) et un artiste qui, certes, peut vendre ce qu’il produit, mais dont l’œuvre – l’enjeu symbolique – n’est pas directement liée à cela ? Autrement dit, doit-on faire une différence entre les “artistes” qui sont liés à une nécessité intérieure et les “créatifs” qui répondent le plus souvent à une commande extérieure ? Ou, au contraire, pensez-vous que, de nos jours, tout le monde est artiste et que de faire une distinction entre les arts majeurs et mineurs, les médiums de l’art (la peinture, la sculpture, la photographie, la vidéo, etc.), et la publicité, la mode ou le design, n’est pas pertinent ?
L’art et le public
2 | On sait que, de nos jours, aller au musée, voir de grandes expositions, s’intéresser à l’art, est devenu l’un des pôles symboliques de notre société. Nous ne pouvons certes que nous en réjouir. Cela dit, sans les clefs pour mieux percevoir l’œuvre, que se passe-t-il au juste ? Ne doit-on pas se défier de la tendance à “l’art spectacle”, au “divertissement”, au “zapping” que certaines manifestations dites grand public induisent ? Si oui, comment y remédier ? Par l’éducation artistique à l’école ? Par une plus grande place de l’art et de la culture dans les grands médias nationaux ?
L’art contemporain et l’État
3 | Quel rôle l’État doit-il jouer ? Quelle(s) réforme(s) l’État devrait-il entreprendre pour que la diversité des artistes vivant en France soit mieux représentée – à Paris, mais aussi en région, et ce, évidemment, quels que soient leur médium, leur génération ou leur origine ?
Y a-t-il un art officiel en France ?
4 | Y a-t-il le choix préférentiel d’une “esthétique” au détriment de toutes les autres par les principales institutions françaises (musées nationaux, centres d’art contemporain, FRAC, CulturesFrance, etc.) – une “esthétique” qui, au fil des ans, est devenue quasi officielle ? Si oui, laquelle ? Et pour quelles raisons ?
La place de la France ?
5 | Aujourd’hui, comme ce fut le cas dans l’entre-deux-guerres, des artistes de toutes origines résident en France. Comme on le sait, la diversité (Picasso, Brancusi, Chagall, Man Ray, etc.) a fait partie intégrante de la prépondérance de la France par rapport aux autres nations du marché de l’art. Or, aujourd’hui, les artistes de la “scène française” sont peu ou prou marginalisés. Quelles sont pour vous les priorités nécessaires pour leur reconnaissance ? Comment concevez-vous le rôle des galeries ? Des fondations ? Des collectionneurs privés ? Du mécénat ? Des foires d’art contemporain ?
Histoire de l’art
6 | Sans les cinéphiles, tout le monde ignorerait le cinéma d’auteur. Sans les lecteurs passionnés de littérature, les bons écrivains qui finissent par émerger de l’édition courante. Dans les arts plastiques, les tenants de “l’avant-garde” – en déniant toute validité au regard d’autrui (des autres artistes, des critiques, des conservateurs de musée, des collectionneurs, du premier cercle des amateurs d’art, du public éclairé, etc.) – semblent cautionner une amnésie générale de l’histoire des formes permettant la promotion de “nouveautés” déjà fort éculées. Autrement dit : l’histoire de l’art (c’est-à-dire la chronique des mouvements et des œuvres qui créent un avant et un après) continue-t-elle à se constituer malgré l’uniformisation esthétique produite par les inévitables effets de modes, ou est-elle vouée à disparaître ?
Son œuvre, qui fut l’une des premières à s’exposer dans la rue, mêle le dessin, l’affiche, la photographie et l’installation. Témoignant de combats sociaux, humanitaires et/ou poétique, elle allie l’élégance plastique à l’inscription ponctuelle dans un lieu. Incontournable. Signataire de la pétition.
« Flatter le sentiment de caste, d’être une élite d’avant-garde éclairée… Après “l’art qui interroge l’art”, ça se resserre : l’art qui ne parle qu’au milieu de l’art. »
1 | Vous avez raison de commencer par ça. Cette espèce de flou, de “tout égal”, “tout se vaut” qui s’est développé au début des années Lang est sûrement une des causes des dérives que nous connaissons aujourd’hui. C’est durant cette période – et ça n’a fait que s’aggraver – que l’on a assisté à la nomination de fonctionnaires culturels émergents qui ont instillé dans le domaine de l’art des comportements tendance venus de la communication et de la mode. Il y a quelques jours, un ami collectionneur qui venait d’acquérir un Rebeyrolle m’a raconté qu’un de ces inspecteurs de l’art lui avait dit : « Vous avez vingt ans de retard… » Ce n’est pas ce qui se porte cette année.
2 | Je doute que l’on puisse vraiment “y remédier”. Cet art que vous qualifiez “spectacle” ou “zapping” est naturellement sécrété et modelé par la marchandisation généralisée de la société. Face à ce constat – excusez-moi, j’anticipe sur la question suivante –, le rôle de l’État pourrait être d’œuvrer à rééquilibrer les choix dictés “hégémoniquement” par le marché et ses ramifications. Je pense par exemple à ce qui s’est passé pour les arts dramatiques. Si, face au théâtre privé et à sa nécessaire rentabilité, il n’y avait eu les maisons de la culture puis les centres dramatiques et les scènes nationales, des œuvres comme celles de Koltès ou de Vinaver auraient-elles pu atteindre une vraie audience ? Les propositions de Vitez, Françon, Lavaudant, Py ou Sivadier, trouver leur public ? Dans le domaine des arts plastiques, les représentants du secteur public ont servilement choisi de s’aligner sur les choix du marché international et des modes imposées qui l’accompagnent. Une anecdote récente et révélatrice pour étayer ce constat : la commission chargée de choisir les œuvres liées à l’installation du tramway à Nice a abouti à la décision d’implanter une œuvre de Jeff Koons sur la place principale de la ville. Peut-on faire un choix plus convenu, plus servilement subordonné ? Qui n’a pas son caniche ? Finalement, aux dernières nouvelles, l’œuvre était trop chère, la ville y aurait renoncé ! Pour revenir à la question, bien sûr il faut souhaiter un vrai projet de sensibilisation artistique à l’école. On y rencontre des expériences remarquables qui reposent beaucoup sur la générosité, l’enthousiasme, la culture des professeurs. Souvent, ça frise l’apostolat. Il faudrait une volonté politique, c’est-à-dire aussi des moyens. Mais la question reste le rôle, la fonction de l’art au sein de la société.
3 | À voir le bilan de quelques décennies de politique “arts plastiques”, la question n’est-elle pas plutôt : l’État (et son ministère de la Culture) doit-il jouer un rôle ? Récemment, Mme Tasca a déclaré que les arts plastiques étaient entre les mains d’une nomenklatura. Dommage qu’elle n’ait pas fait ce constat lorsqu’elle était rue de Valois ! Il s’est en effet constitué – et tous les ministres de la Culture depuis trente-cinq ans y ont contribué – un véritable quadrillage du territoire, un “normatage” à la fois bureaucratique et mondain de la création. En 1984 déjà, j’ai assisté à cette scène : un conseiller artistique disait au directeur d’une galerie municipale « Si tu ne fais pas les conceptuels Allemands, t’as plus un sou. » On peut, depuis, collecter une multitude de diktats de cet ordre.
Sans que rien dans leur parcours, leur expérience ne le justifient, des fonctionnaires décident de ce qu’est, de ce que doit être l’art d’aujourd’hui. Fonctionnaires parés de tout le confort et les sécurités que cela assure… Il leur faut paraître audacieux et subversifs ! Ce désir, conjugué à la naïve et narcissique obsession de n’avoir rien loupé, en fait des gogos prêts à avaler les plus indigentes transgressions et (en se promouvant), les promouvoir. On mesurera combien, conformisme en creux, ce fonctionnement est symétrique et, dans le fond, héritier de la bourgeoisie du XIXe siècle, refusant toute innovation. On a les Bouguereau que l’on mérite. Combien de ces expositions aux provocations convenues, qui n’avaient pour objectif implicite que les commissaires apparaissent eux-mêmes pour les créateurs. Le beurre, l’argent du beurre et…
Parce qu’il aboutit à des diktats, des radiations, des censures, qu’il porte atteinte à des principes démocratiques de base, qu’il participe de fait au rejet de l’art d’aujourd’hui et en fausse gravement l’appréhension, il est évident qu’il faut remettre en cause le pouvoir dirigiste et opaque octroyé au clergé autoproclamé de l’art contemporain. Je sais, bien sûr, que certains dans ces services ont une autre conception de leur rôle et qu’ils tentent de lutter contre ces dérives… mais la peau du pachyderme est épaisse. En même temps, on pourrait se demander si ce type de comportement, notamment cette propension à s’aligner sur les goûts (des) dominants, n’est pas comme la nature de cette fonction. Un responsable de la DAP m’a assuré récemment : « Tu sais, j’ai engagé des types qui n’étaient pas dans la ligne… Six mois après, ils faisaient les mêmes choix que les autres. » Pour limiter ces formatages que génèrent les dogmatismes bureaucratiques successifs, il serait nécessaire que les institutions œuvrent essentiellement à diversifier, à multiplier les sources de commandes, de propositions, de projets d’expositions et les sources de stimulation et de financement à tous les niveaux et dans tous les secteurs de la société (régions, communes, associations, entreprises, syndicats, comités d’entreprise). Qu’elles visent à favoriser l’éclosion du plus large éventail d’œuvres dans la plus grande diversité de formes, de technologies, de médiums. C’est-à-dire le contraire du “normatage” en cours.
4 | Une esthétique officielle exigerait des choix étayés, une pensée, des critères… C’est dire qu’on ne peut pas parler d’esthétique officielle, il s’agit plutôt de clans officiels, d’artistes officiels promus en fonction des modes et des stratégies personnelles, des plans de carrière de fonctionnaires au goût et à l’échine assez souples pour aimer ce qu’il faut aimer, quand il faut l’aimer… On pourrait répertorier un jour les passions successives de certains et leurs retournements de veste… se souvenir de ces spécialistes de l’art contemporain qui professaient que la peinture était une vieillerie dont il n’y avait plus rien à attendre et qui ont trouvé subitement génial tel peintre (méprisé la veille) dès lors qu’un collectionneur éminent – c’est-à-dire riche et influent – en avait acquis quelques œuvres. Le néo-académisme en cours (qu’est-ce que l’académisme, sinon l’art fait directement pour le musée ?) est adaptable. Il peut aller du presque rien à prétention conceptuelle au bric-à-brac étalagiste kitsch. L’objet trivial, le kitsch, la dérision sont tendance… pendants plastiques de l’idéologie “fin de l’histoire”. Ce ne sont pas des choix innocents… Il est bon aussi que les œuvres n’aient aucune résonance, aucun sens en dehors des systèmes de référence convenus, en cours dans le milieu. Flatter le sentiment de caste, d’être une élite d’avant-garde éclairée… Après “l’art qui interroge l’art”, ça se resserre : l’art qui ne parle qu’au milieu de l’art.
5 | Sachant que nos institutions sont notablement mieux dotées que celles des pays comparables, cette marginalisation dit assez l’échec de la politique menée. J’espère que d’autres répondant à cette question sauront donner le pourcentage d’artistes travaillant en France exposés au centre Pompidou…
6 | Comme pour le cinéma ou la littérature, il existe des passionnés d’art plastique, j’en ai la preuve chaque jour. L’uniformisation esthétique dont vous parlez ne concerne qu’une partie ciblée de la création, celle qui pour l’essentiel propose des œuvres fabriquées à dessein pour plaire et répondre à la demande du moment. Mais l’histoire a montré que les œuvres véritablement novatrices, exigeantes et chargées, qui ne parlent pas que d’elles-mêmes, mais de l’art, de notre temps, des hommes, de leur vie, de leur mort, sont rarement celles promues par les instances officielles de légitimation.

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D'autres réponses sur le site de la revue
Visite à Marcel Conche
du 6 au 9 juin 2017, visite à Marcel Conche (95 ans passés) avec François Carrassan;
le 6, bouchons et ralentissements grâce aux Pentecôtistes qui rentrent après un jour de plus pour éviter les bouchons; merci !
nous passons 2 H en fin d'après-midi avec Marcel (nous sommes à Treffort) qui continue à réfléchir et à écrire sur des questions qui l'interpellent (quelles traces son éducation chrétienne a-t-elle laissé dans son oeuvre ? la morale ?);
le 7 au matin, visite du monastère de Brou, deux bonnes heures, je m'attarde devant le retable de Marie appelé les 7 joies de Marie (le 1° juillet, je leur fais le coup des 7 joies de Madeleine aux écrivents de l'été du Léthé à La Coquette), je médite devant le crâne d'une cellule de moine:
cher Hamlet, tes questions to be or not to be ne sont pas mes questions, je ne suis qu'éloise dans la nuit éternelle comme dit Montaigne et ne mérite pas le nom d'être, tout apparaît pour disparaître selon la métaphysique de l'apparence absolue de Marcel, ta conception de la non-séparation entre dormir, rêver, mourir peut-être, je ne la pratique pas, mais il est vrai que depuis peu, je suis sensible à l'unité corps-esprit, à l'intelligence sous les automatismes et l'inconscient, à la permanence sous l'impermanence, à l'éternité sous le temps qui passe (je vais t'écrire plus longuement);
à la librairie, je tombe sur Hildegarde de Bingen et sa petite pharmacie domestique, un ensemble incroyable de remèdes naturels (ils auront droit à regarder les recettes le 1° juillet pour se guérir de leurs mots émaux);
à midi, repas en famille, longs échanges avec le petit-fils, je n'ai pas le réflexe de ramener Marcel au centre des échanges, il est un peu mis de côté, malaise; notre hôtesse est chaleureuse, elle a accueilli un couple de réfugiés kosovar, sans papiers, accueil un peu difficile jusqu'à ce que la maire du village les reçoive officiellement;
le soir, nous optons pour l'auberge bressane, face au porche de l'église du monastère de Brou, au soleil couchant; préparatif des soirées son et lumière, nous avons droit à des musiques sacrées et profanes, le service est impeccable, un peu surréaliste avec le maître d'hôtel, Jérôme, un tentateur des plaisirs de bouche, repas sublime avec des plats de grande classe et mignardises diverses accompagnés de Manicle, servi dans des verres armoirés AB, je déguste avec et pour AB1, AB2, une improbable AB3, jeux de quel inconscient ? nous avons choisi le menu du marché dit le jardin du pêcheur, je vais féliciter le chef Jean-Pierre Vullin, la chef pâtissière Ginette, je demande à Jérôme si je peux avoir un défilé de 3 calèches en 3D avec la comtesse qui dîne à côté de nous, ce sera pour la prochaine fois, répond-il, le prévenir 48 H avant;
le 8, direction le lac Genin sur demande expresse de Marcel, il y a amené Émilie, Pilar Sanchez, Catherine; promenade dans les herbes fleuries,
je m'essaie à dire, trébuche, je connais si peu les noms, je me contente de voir, savourer la biodiversité, je suis dans le vent et sous le vent, je n'ai pas mon portable, je ne l'emporte jamais et ne peux donc utiliser l'application permettant de reconnaître les plantes; je vais la chanter la biodiversité ne sachant distinguer bleuets, luzerne, trèfle, pâquerettes...;
au retour, nous passons 2 H 1/2 avec Marcel, le petit-fils est là; à un moment Marcel me demande: quand tu décides quelque chose, est-ce que tu sais ce que tu fais, courte réflexion, il me semble que non mais j'assume les effets pervers s'il y en a, eh bien je crois que quand j'ai décidé de partir en Corse, je ne savais pas ce que je faisais; tout le reste du temps a porté sur l'épisode Émilie, qu'est-ce qui l'avait fasciné chez elle, il le sait, le dit, le petit-fils conteste,
(le livre Le Silence d'Émilie édité aux Cahiers de l'Égaré, sorti en 2010, a obtenu le prix Jean-Jacques Rousseau, épuisé);
passionnantes nos interrogations permanentes sur nos amours qui restent toujours et pour toujours mystérieuses donc vivantes ?
passage au caveau du Revermont, caverne d'alcoolibabacool, achat de deux bouteilles de Bugey, un blanc, le spleen de Pauline qui sera là le 1° juillet, un rouge, l'ode à Madeleine, au centre de nos écritures ce jour-là, passage à la fromagerie de Treffort, inscrite sur la route du Comté, quelques chèvres, du comté, du bleu de Bresse;
le 9, retour sans problème de ralentissement; heureux de retrouver la maison, la chatte, les âmes et leurs ombres lumineuses; photos François Carrassan
Les entretiens d'Altillac 2 - Blog de Jean-Claude Grosse
Je rendrai visite à Marcel Conche durant le week-end de Pentecôte, les 11-12 et 13 juin 2011. J'aurai avec moi, le livre Avec Marcel Conche auquel ont contribué 28 auteurs et qui est sorti des ...
http://les4saisons.over-blog.com/article-nouvelles-de-marcel-conche-80523101.html
où il est question d'Émilie
/idata%2F0242346%2Fimagesblog%2FMarcel.jpg)
Note sur le silence d'Émilie/ J.C.Grosse - Les agoras d'ailleurs
Note sur le silence d'Émilie Je ne connais pas Émilie. Je ne connais que ses lettres à Marcel Conche, publiées dans Confession d'un philosophe et dans le Journal étrange. Je ne saurais pas dir...
où il est question du silence d'Émilie
La poésie en politique, dans la vie, à l'école
On a vu l'impact de la lecture de poèmes bien interprétés lors des réunions publiques de Jean-Luc Mélenchon, pendant la campagne présidentielle du 1° tour. Hugo, Eluard, Ritsos, Prévert et d'autres sont venus conclure ces réunions, donnant un souffle différent, élargissant l'horizon, faisant monter une autre émotion, quelque chose de moins éphémère que la parole politique, un moment d'éternité aussi intense que la minute de silence pour les noyés de la Méditerranée à Marseille (le seul à avoir eu un tel geste, merci).
La poésie dans la vie, c'est la lire, la dire, l'écrire. Elle accompagne, apaise, par exemple, il y a des poèmes de "deuil" magnifiques quand on a perdu quelqu'un, je pense à celui d'Elizabeth Frye:
Ne reste pas là à pleurer devant ma tombe,
Je n'y suis pas, je n'y dors pas...
Je suis le vent qui souffle dans les arbres
Je suis le scintillement du diamant sur la neige
Je suis la lumière du soleil sur le grain mûr
Je suis la douce pluie d'automne...
Quand tu t'éveilles dans le calme du matin, Je suis l'envol de ces oiseaux silencieux
Qui tournoient dans le ciel...
Alors ne reste pas là à te lamenter devant ma tombe
Je n'y suis pas, je ne suis pas mort !
Pourquoi serais-je hors de ta vie simplement
Parce que je suis hors de ta vue ?
La mort tu sais, ce n'est rien du tout.
Je suis juste passé de l’autre côté.
Je suis moi et tu es toi.
Quel que soit ce que nous étions l'un pour l'autre avant,
Nous le resterons toujours.
Pour parler de moi, utilise le prénom
Avec lequel tu m'as toujours appelé.
Parle de moi simplement comme tu l'as toujours fait.
Ne change pas de ton, ne prends pas un air grave et triste.
Ris comme avant aux blagues qu'ensemble nous apprécions tant.
Joue, souris, pense à moi, vis pour moi et avec moi.
Laisse mon prénom être le chant réconfortant qu'il a toujours été.
Prononce-le avec simplicité et naturel,
Sans aucune marque de regret.
La vie signifie tout ce qu'elle a toujours signifié.
Tout est toujours pareil, elle continue, le fil n’est pas rompu.
Qu'est-ce que la mort sinon un passage ?
Relativise et laisse couler toutes les agressions de la vie,
Pense et parle toujours de moi autour de toi et tu verras,
Tout ira bien.
Tu sais, je t'entends, je ne suis pas loin, Je suis là, juste de l’autre côté.
On comprend alors l'importance de la poésie à l'école.
J'ai édité en 2004 un livre de 400 pages, 1 Kg, Pour une école du gai savoir; il m'en reste; 3 auteurs (Philippe Granarolo, philosophe, adjoint à La Garde, Laurent Carle et moi-même); pages 247 à 252, on trouve des textes poétiques de jeunes et les deux dernières pages, 392, 393, sont deux poèmes d'élèves de 6°; le livre s'achève sur cette citation de Flaubert : la civilisation est une histoire contre la poésie;
Les Cahiers de l'Égaré ont édité aussi 5 Printemps des poètes dans les collèges du Var (2000-2004), livres présentant les poèmes obtenus par la BIP, brigade d'intervention poétique, une trentaine de poètes intervenant une journée dans 30 collèges; et puis, ça s'est arrêté; les sous, vous savez, il paraît que des fois, il n'y en a plus et puis, ça s'est arrêté l'année où j'ai été éjecté de la Maison des Comoni; c'était une opération financée par le Conseil Général du Var, à l'initiative de Rémy Durand, détaché et attaché culturel de l'IA du Var et de l'Académie de Nice; je faisais partie de la BIP. J.C. Grosse
Voici un vieil article d'Evelyne Charmeux sur ce sujet. Il date d'avril 2008. Comme quoi les blogs ont aussi leur éternité.
La mémoire : quel rapport avec la récitation ? Et avec la poésie ?
Georges Jean, immense poète et théoricien de la poésie en classe, disait : "Il faut tuer la récitation pour sauver la poésie". Apparemment, nos dirigeants n'ont pas lu Georges Jean, et n'ont sans doute ni lu, ni écrit beaucoup de poésie... Les nouveaux programmes qui, avec la démagogie qui les anime, réintroduisent ce terme familier (mais non dépourvu de connotations inquiétantes), nous amènent à réfléchir sur la poésie en classe et sur le rôle de la mémoire dans l'éducation de nos petits.
Parlons de poésie d'abord : on en parle si peu aujourd'hui !
Je voudrais commencer par donner la parole à ceux qui, en leur temps, ont dit des choses, bien oubliées aujourd'hui, mais essentielles sur la poésie et l'école. En commençant par rappeler le cri d'alarme poussé par Josette Jolibert, en 1971, à ce propos, sous le titre : "Il faut réconcilier poésie et pédagogie".
Nous sommes tous des sous-développés en poésie, comme lecteurs et comme créateurs .
Pour combien d’entre nous la poésie est-elle autre chose qu’un “supplément d’âme” occasionnel ?
Et quelle poésie,
plus récente que celle de Baudelaire,
et autre que celle qui “veut dire” quelque chose immédiatement ?
Pour combien d’entre nous René Char ou tel autre poète de notre temps sont-ils confrontation quotidienne?
Et combien d’entre nous écrivent ? créent ?
Prenons-en acte sans nous culpabiliser. C’est une situation historiquement datée. Il est facile de situer les responsabilités en posant ces questions :
quelle formation ?
quelle disponibilité ?
quel environnement culturel ?
quand a-t-on sollicité notre créativité ?
Quand on lit cela, on ne peut qu'être bouleversés : il y a trente-sept ans que ces choses ont été dites, et qu'y a-t-il eu de changé depuis ?
Pourtant, à cette époque, sous l'impulsion des propositions que Georges Jean avait développées dans le chapitre intitulé : "Poésie et approche de la langue poétique" du Plan de Rénovation de l'enseignement du français à l'Ecole Elémentaire, (dont il faut savoir qu'il devait devenir texte officiel, avec l'accord du ministre de l'époque, mais qui subit le veto absolu de Monsieur Georges Pompidou, nouveau président de la République), les propositions concrètes ne manquaient pas.
je souhaite ici faire connaître à nos collègues, quelques extraits au moins du texte de G. Jean, ne serait-ce que pour pouvoir les comparer à ce que disent les nouveaux programmes.
Il serait tout d'abord préférable de remplacer le terme de « récitation » par celui de « poésie ».
Non que la mémorisation des textes poétiques soit abandonnée mais parce que la "récitation" — la diction, plutôt — proprement dite n'est et ne doit être qu'un moment dans l'activité de poésie qu'il est souhaitable de voir instituer à tous les niveaux de l'enseignement élémentaire. (...)
La poésie est propre à rendre à l'enfance ce que l'enfance lui a donné. Et à susciter chez l'enfant le besoin de dire, enfin, tout ce que l'on a à dire, et à le faire partager.
La poésie aurait donc à l'école élémentaire la double fonction de «donner à voir» et de provoquer chez l'enfant le désir de rendre conscient l’inexprimable.
il serait bon d'introduire le plus souvent possible au cours de la classe, des lectures de un ou plusieurs poèmes, lectures faites par le maître ou par des enfants, que traverse la poésie.
Chaque semaine, le ou les textes ayant obtenu la plus grande audience ou celui qui plaît tout particulièrement à un enfant ou au maître, seraient plus spécialement étudiés en vue de la diction et éventuellement de la mémorisation.
Il s'agit d'une imprégnation plus globale qu'analytique et qui concerne aussi bien la sensibilité et l'imaginaire que la conscience claire des formes du discours. On ne cherchera pas à fixer des structures, mais à faciliter pour les enfants qui le désirent la constitution d'un « trésor » personnel de poèmes, susceptible de renaître à chaque appel. Cependant on n'oubliera jamais que la poésie est une langue « qui parle et qui se parle » et l'on accordera la plus grande importance à la perception par l'enfant de la respiration, de la prosodie, de l'accentuation, de l’articulation des textes poétiques. Le premier souci de celui qui dit un poème devrait être de faire entendre le poème, sans le trahir. En même temps, il devrait chercher à ne pas effacer l’originalité unique de sa voix. Car il ne s'agit pas de sacrifier la personnalité de chaque enfant à une perfection académique ou faussement expressive. On se gardera même dans ce sens d'imposer de l'extérieur une expression, une intonation qui ne peut provenir que du seul respect du texte. La plus grande difficulté résultant de cette orientation nouvelle concerne sans doute le choix des textes. « Le meilleur choix de poème est celui que l'on fait pour soi » disait Eluard. C'est-à-dire qu'il y a beaucoup à attendre dans ce domaine de la curiosité, de la sensibilité, de la culture des maîtres. Par ailleurs, il n'est pas vain de parler à ce sujet, « d'expériences poétiques », dans la mesure où le maître et les enfants «essaient» les textes les plus divers et retiennent ceux qui semblent convenir aux uns et aux autres, et même s'inscrivent dans certaines circonstances précises.
Je voudrais souligner, dans ce très beau texte, l'immense respect de l'enfant qui l'anime et le sens poétique profond qui s'en dégage.
Aujourd'hui, que trouve-t-on dans le projet de nouveaux programmes ?
1- Pour l'école maternelle : "Dire ou chanter une dizaine de comptines avec une bonne prononciation".
Il n'est pas précisé ce qu'est une "bonne" prononciation...
Il est vrai que dès la grande section, il s'agit d'avoir en plus "un ton approprié". On ne précise pas non plus ni à quoi doit être approprié ce ton, ni en quoi il consiste.
2- Au CP et au CE1 : "Dire de mémoire de courts poèmes ou des comptines, en mentionnant le titre et l'auteur, en respectant le rythme et en ménageant des respirations, et sans commettre d'erreurs (sans oublis ou substitutions)".
Avouez que c'est là une conception délicieusement romantique, et tout à fait propre à éveiller le sens poétique des enfants ! Josette Jolibert doit être rassurée...
3- Quant aux CE2, CM1 et CM2, ils devront "dire sans erreurs et de manière expressive, une dizaine de textes en prose ou de poèmes"
Comme plus haut, on ne précise pas ce qu'est une "manière expressive", mais on peut surtout remarquer que la sanction des erreurs prime de toute évidence le sentiment poétique... On est loin des "moments de poésie" ; on est loin du "trésor" personnel et de la langue "qui parle et qui se parle ", on est très loin de la culture.
Il est donc incontestable que le retour de ce terme de récitation a fait disparaître non seulement le terme de "poésie", mais tout l'esprit de cette "rose inutile et nécessaire" (G. Jean), dont le rôle dans l'éducation est une évidence démontrée depuis toujours.
Mais il y a plus grave.
Je vois dans l'utilisation de ce terme, — amalgame (encore un) entre mémoire et récitation —, une volonté, sans doute parfaitement consciente, de mise au pas des élèves.
Avez-vous remarqué que toutes les formes d'obscurantisme, religieux ou non, n'enseignent qu'avec de la récitation de textes appris par cœur ? Vous ne vous êtes jamais demandé pourquoi ?
C'est que, figurez-vous, pendant qu'on récite, on ne pense pas ! La récitation occupe tout le cerveau qui n'a plus besoin même de comprendre ce qu'il débite, et qui se laisse dévorer de l'intérieur par des mots étrangers à lui.
Rien à voir avec la mémoire, qui est nourriture de la pensée et qui se nourrit elle-même, non point d'apprentissage par cœur, mais de mille, cinq mille lectures. C'est en lisant et en relisant des poèmes chaque jour, avec le texte sous les yeux — parce que la poésie ne souffre pas que l'on ait des trous de mémoire, et parce que le vécu poétique n'a rien à voir avec un contrôle de mémorisation — que la mémoire se nourrit.
Qu'elle soit chose essentielle et qu'il faille la développer, cela va de soi.
Le problème, c'est que jamais le fait de "réciter" n'a développé la mémoire, ni quoi que ce soit d'autre, du reste.
Ce qui est essentiel, c'est de savoir par cœur des quantités de textes (pas une "dizaine"... !). Et ce n'est pas du tout pour les réciter : Ils servent, ces textes, à fabriquer le miel culturel de chacun, celui qui fait réfléchir, qui structure la pensée et qui équilibre la personne. La mémoire, il faut le répéter, n'existe et ne se développe que par des lectures, encore et toujours recommencées.
Est-il certain qu'une méthode syllabique d'enseignement d'icelle prépare bien à cela ?
Commentaires de Christian Montelle
Pour inspirer l'amour et non la haine des poèmes, le récital de poésie commence à être connu : il marche vraiment très bien. De nombreux collègues peuvent en témoigner.
Le récital de poésie
Bon ! la récitation ennuie à mourir beaucoup d’élèves, même si elle en réjouit d’autres. Comment la rendre attractive ? Imaginez-vous (souvenir…) en train de dire un poème devant des camarades qui ne vous écoutent pas, puisque tous connaissent déjà le texte par cœur, et à l’intention d’un professeur qui ne guette que vos oublis ; vous voilà donc en train de réciter un poème que vous n’aimez pas forcément et que vous avez plus ou moins compris. Cette perspective vous plonge-t-elle dans l’allégresse ou dans la morne acceptation d’une corvée inévitable ? Ne peut-on imaginer de donner vie de façon plus jubilatoire aux beaux poèmes de notre patrimoine ? Je veux en présenter une, parmi tant d’autres, et qui plaît beaucoup aux élèves : le récital. Avec mes élèves nous avons constitué au fil des ans des fichiers de poésie, un pour les 6e/5e et un autre pour les 4e/3e. Nous approchons des trois cents poèmes dans chaque fichier : que des beaux, des bons, des gouleyants, des signifiants, des qui nous plaisent (le maître participe au choix), en toute subjectivité. Fiches au format B5, poèmes collés proprement, et comprenant au verso une notice sur l’auteur.
Le travail sur la voix, évoqué plus haut, a été effectué, des poèmes étant lus par le professeur ou les élèves comme exemples. Le récital est annoncé avec quinze jours d’avance (ou un mois…). Des paquets de fiches sont distribués à chaque élève. Lecture silencieuse, choix du poème que chacun va « offrir » à la classe (ou à un auditoire plus large).
Le jour du récital arrive, réservé à la classe aujourd’hui. Consignes : après la musique de début (une musique qui reviendra de temps en temps lors des silences, une musique douce, un peu envoûtante : Suite pour violoncelle de Bach, par exemple), seule la poésie aura la parole. Aucun commentaire d’élève ou de professeur, mais tout le monde, y compris le professeur, pourra dire, lire, chanter, crier, psalmodier — en un mot donner voix — à un ou plusieurs poèmes, du lieu de la classe qu’il choisira, de la façon qui lui semblera convaincante. Le récitant doit articuler, prendre son temps, car les autres ne connaissent pas son poème ; il leur offre, d’amitié, le texte qui l’a conquis lui-même. L’écoute est maximale, le silence d’une densité incroyable. Il faut avoir vécu une de ces séances pour savoir l’émotion que peut engendrer un poème dit, vraiment dit, quand le silence est un berceau dans lequel la parole prend une vie nouvelle. La musique clora doucement la séance et permettra de revenir dans le monde de la classe où, toutefois, aucun jugement ne sera porté, aucune note ne sera donnée. En effet, cette prestation est tellement personnelle et authentique que ce serait juger la personne de façon terrible que d’ajouter quelque chose à la voix entendue. Ces récitals plaisent tellement aux enfants qu’ils sont une récompense : Monsieur, s’il vous plaît, on prépare un récital de poèmes ? Je ne rêve pas : essayez !
Bien sûr, un récital peut être donné à une autre classe qui rendra la pareille, à des parents lors d’une fête, mais cela est secondaire. Le premier objectif visé est l’émotion partagée qui fonde la classe, pas la représentation qui place le poème au second plan.
Une variante peut être amenée, en fin d’année, lorsque la diction est bien maîtrisée : c’est l’enregistrement au caméscope. Il est recommandé d’utiliser un micro de proximité de bonne qualité pour garder toute l’émotion contenue dans les voix. Une caméra qui fait des gros plans, qui tourne autour du récitant, qui glisse sur le public, voilà de bons exercices, assez faciles, pour mettre en pratique les études sur l’image. La cassette/CD/DVD audio ou vidéo pourra être dupliquée pour les familles, passée sur le circuit interne ou la radio du collège, proposée à quelque cyberjournal : offrir un poème à un enfant du bout du monde !
Extrait de :Christian Montelle, La parole contre l'échec scolaire, l'Harmattan, 2005
Chère Eveline,
Vous écrivez :
"Ce qui est essentiel, c'est de savoir par cœur des quantités de textes (pas une "dizaine"... !). Et ce n'est pas du tout pour les réciter : Ils servent, ces textes, à fabriquer le miel culturel de chacun, celui qui fait réfléchir, qui structure la pensée et qui équilibre la personne. La mémoire, il faut le répéter, n'existe et ne se développe que par des lectures, encore et toujours recommencées. "
En tout cas, je pense que le poème n'existe pas tant qu'il ne s'est pas envolé dans la parole. Le poème fait plus souvent ressentir que réfléchir. Ressentir par le fait qu'il ouvre de façon différente nos yeux sur le monde.
Le poème est aussi musique et, comme une partition, il a besoin d'être interprété. Quel plaisir peut-on éprouver à lire une partition bouche fermée ?
Chacun interprète le poème de façon différente et c'est un formidable plaisir de partager cette diversité qui enrichit chaque auditeur.
On peut lire, réciter, psalmodier, chanter les poèmes. Qu'importe si on leur donne des ailes ! Les ailes du désir. Les ailes du plaisir. Les ailes du partage.
Revenir à la récitation ancienne n'a pas tout à fait ces objectifs ! La récitation-corvée tuera encore un peu plus la poésie !
Cervantes-Shakespeare/Le Bugue/janvier 2017
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rencontre autour de Shakespeare et Cervantes au Bugue, en Dordogne ou Périgord noir, les 28 et 29 janvier 2017 avec Martin Walker sur Shakespeare, 5 écrivains de théâtre qui ont lu 16 textes ti...
https://www.youtube.com/watch?v=rDKT3nq7NTo&feature=youtu.be
montage de 7'47 sur la rencontre du Bugue autour de Cervantes et de Shakespeare
un dialogue imaginé par Pierre Petrus, Martin Walker sur Will, Pierre Petrus sur Miguel, le groupe de danse flamenco
Compte-rendu manifestation Cervantes-Shakespeare
au Bugue en Dordogne
27 et 28 janvier 2017
400e anniversaire de la mort de Cervantès et Shakespeare
Autour du livre « Cervantes-Shakespeare, cadavres exquis »
(éditions Cahiers de l’Égaré)
avec la présence de l'éditeur, Jean-Claude Grosse, artisan du projet
et des auteurs Moni Grégo, Marwil Huguet, Isabelle Normand, René Escudié
Trois associations ont contribué au succès de cette manifestation : l’Association Buguoise pour la Culture (ABC), Lire et écrire au Bugue et La Mouchette. Proposée sur deux jours en deux lieux, elle a réuni plus de 150 personnes. Il s’agissait de l’évocation de Shakespeare et de Cervantès 400 ans après leur mort qui a eu lieu le 23 avril 1616. Une curiosité soulignée, puisqu’il s’agit de la même date mais pas du même jour, l’Espagne ayant déjà adopté le calendrier grégorien, mais la Grande Bretagne étant encore au calendrier julien. Il y a donc un écart de dix jours entre leur disparition, que le temps a gommé.
Vendredi 27 janvier à 20h30 à la salle Eugène Leroy: conférence de Martin Walker sur "Shakespeare et l'Europe", proposée par l'association ABC. 80 personnes.
Samedi 28 janvier, à la Porte de la Vézère, proposé par l'association Lire et écrire au Bugue, deux sessions à 16h-17h30 et 18h-19h30 : cinq auteurs ont prêté leur voix à une dizaine d’autres pour deux séries de lectures de textes de théâtre faisant partie du livre publié en avril 2015 aux Cahiers de l'égaré, lectures entrecoupées par deux communications sur « Cervantès et son temps » par Pierre Pétrus, sur « les différents calendriers et la façon de compter le temps » par I. Normand, accompagnées par la guitare de Pierre Pétrus à 16h et la présentations de danses espagnoles par l’association La Mouchette à 18h. Environ 80 personnes également sur les deux sessions.
Excellent accueil du public qui a découvert des facettes originales de l’œuvre de Shakespeare ainsi que des textes originaux écrits par des auteurs vivants en réponse à l’appel à projet lancé par l’éditeur en 2015, autour de rencontres improbables entre les deux écrivains.
Martin Walker a ainsi retracé à grands traits la vie et l’œuvre de Shakespeare puis proposé trois beaux portraits de personnages de femmes françaises qu’on retrouve dans certaines pièces, Jeanne d’Arc, Marguerite d’Anjou et Catherine de Valois. Il a insisté sur la circulation des textes en Europe à cette époque des 16e et 17e siècles, ainsi que sur l’attrait de Shakespeare pour celle-ci, nombre de ses pièces étant explicitement situées en différents autres pays, Italie, Danemark, Autriche etc. En réponse aux questions posées par l’assistance, il a également fourni des renseignements très intéressants concernant la réalité du personnage Shakespeare dont l’existence a parfois été mise en doute. Dans une bibliothèque américaine consacrée à l’œuvre du dramaturge ( la bibliothèque Folger Shakespeare située dans le quartier de Capitol Hill à Washington), on a procédé à des analyses ADN de traces de doigts figurant sur différents manuscrits, dont certains provenaient sans conteste de Shakespeare (lettres à des proches) et elles sont toutes concordantes. Gérard Fayolle, qui assistait à la conférence, a apporté une précision sur la circulation des œuvres des différents auteurs en Europe, relevant même que des idées de Montaigne se retrouvent dans la pièce « La tempête »
Samedi 28, des extraits de plus d’une dizaine de textes ont ainsi été lus à plusieurs voix (ceux de Benjamin Oppert, Marc-Israël Le Pelletier, Bernadette Pourquié, Claire Ruppli, Benoît Révillon¸ Baptiste Moussette, Bertrand-Marie Flourez, Doris Guttierez, Carmen Losa, Vanessa Montfort, Veronica Musalem, Rex Mc Gregor, Moni Grégo, Marwil Huguet, René Escudié et Isabelle Normand).
Pierre Pétrus a fait revivre Cervantès et son temps, évoquant Don Quichotte comme le premier roman « moderne » qui cassait les codes du roman de chevalerie, puis a accompagné les textes de théâtre de quelques notes qu’on aurait souhaité plus longues. Isabelle Normand a balayé les différents calendriers en vigueur dans le monde et égrené des dates qui rythment autrement le temps pour d’autres, l’année 2017 du calendrier grégorien, qui est la référence mondiale aujourd’hui, étant aussi l’année 4715 pour les Chinois, l’année 1438 pour les musulmans, l’année 5777 pour les Hébreux, l’année 2559 pour les bouddhistes…
La salle de la Porte de la Vézère a ainsi résonné de voix habituées à dire, de mots, de musique et de rythmes enfiévrés pour entrainer l’assistance dans le sillage des écrivains et de leurs personnages revisités, Hamlet, Don Quichotte, Sancho Pança, Rossinante. La magie a joué tout au long de l’après-midi parce qu’au théâtre, tout est possible. Même les chevaux et les ânes se sont mis à parler dans des textes pleins d’humour et de poésie.
A 18h, Sophie de l’association La Mouchette a présenté brièvement l’origine du flamenco et les noms des différentes danses que les 14 danseurs allaient proposer tout au long de la session, avec changement de tenues entre chaque performance, et nous avons ainsi vu plusieurs sévillanes, aux éventails, deux par deux, avec châle, une rumba, une alegria, une solea avec falda de cola, une farruca, un tango, un paso doble…
Un pot de l’amitié a clôturé les deux temps de la manifestation, le vendredi et le samedi.
Pour la communication, il y a eu des articles dans Sud-Ouest et La Dordogne libre, ainsi que l’annonce enregistrée (I. Normand) diffusée sur France Bleu Périgord la semaine précédente lors de deux émissions à des horaires différents ainsi que la mise en place d’une cinquantaine d’affiches chez les commerçants du Bugue, effectuée par les membres d’ABC pour l’ensemble de la manifestation.
Il y a eu aussi un travail en amont avec le collège Leroi-Gourhan du Bugue, le CDI et un professeur d’espagnol (pour Cervantès) : sensibilisation sur Cervantès et Don Quichotte, classes de 5e, 4e et 3e ; concours d’affiches avec les 5e et 4e, soit 80 élèves, mises en ligne sur le blog du collège, deux affiches lauréates utilisées comme affiches pour la journée du samedi 28/01 autour de Cervantès.
Quelques livres ont été laissés par l’éditeur en remerciement en direction du collège et de la médiathèque municipale du Bugue.
Cette manifestation a donné lieu à une rencontre avec d’autres auteurs de théâtre d’Aquitaine qui ont fait le déplacement de Gironde (Président et secrétaire de l’association EAT, filiale EAT Nouvelle Aquitaine qui vient d’être créée) et de Dordogne (2 auteurs) en vue de l’organisation de nouvelles manifestations communes.
Isabelle Normand, initiatrice, organisatrice de la rencontre
bonjour,
le week-end au Bugue en passant par Monpazier (la bastide) à l’aller et par Lascaux 4 au retour (avec arrêt au Bistrot de l’Octroi à Sarlat pour un confit de canard extra) fut fabuleux
à l’aller le jeudi vers 15 H, orage de grêle vers Arles, Nîmes, aquaplaning une fois alors que je double un camion à petite vitesse, raidi sur le volant car surpris
7 heures avec arrêt déjeuner pour arriver au Bugue le vendredi, à 17 H en passant par la bastide de Monpazier, à ne pas rater si vous allez en Dordogne
le vendredi soir, 20 H 30, conférence de l’écrivain écossais Martin Walker sur Shakespeare, 80 participants
il nous parle avec passion de Shakespeare l’Européen et de 3 femmes françaises dans l’oeuvre de Will, Jeanne d’Arc, Marguerite d’Anjou, Catherine de Valois (dans Henri VI et Henri V)
le samedi matin, presque 3 H de mise en place des lectures
le samedi après-midi de 16 à 19 H 30, lecture de textes du CER-SHA en deux temps, belle écoute pour des diseurs inspirés
en introduction, présentation de Cervantes par Pierre Pétrus et intervention d’Isabelle Normand sur les calendriers existants, nombreux, dont le Julien et le Grégorien
intermèdes à la guitare, danses flamenco, 70 participants
150 personnes touchées en deux jours dans une ville de 3000 habitants
synergie d’associations, soutien de la municipalité, présence d’élus (maire, ancien maire, adjoints), bonne communication, intérêt des écoles, les ingrédients d’un réel intérêt
10 CER-SHA vendus, 8 offerts
belles rencontres avec des EAT de Nouvelle Aquitaine
restauration sympathique Chai Monique (ça s’écrit comme ça) et chez Oscar
le dimanche matin, Lascaux 4, de 9 H 30 à 12 H, très belle reconstitution, visite d’imprégnation
gaffe à ne pas laisser le discours des guides pervertir son regard
à 13 H, halte à Sarlat, découverte du Bistrot de l’Octroi et de son confit de canard, surclassant celui de Beaulieu sur Dordogne
on ne passe pas loin de Souillac et de la vieille prune de Louis Roque, dommage
JC Grosse
Dimanche 29 janvier 2017, visite de Lascaux 4, premier groupe, celui de 9 H 30, -1°. Le bâtiment en béton et verre, près de 11000 m2, est très fonctionnel. Les surplombs évoquent les abris, plus "confortables" que les grottes, qu'il suffisait de couvrir de peaux de rennes pour obtenir des abris "sains", non enfumés, aérés, moins humides... La reconstitution de la grotte est remarquable, 13°, éclairages évoquant les chandelles. Le discours de la guide est évidemment formaté, un mixte de remarques scientifiques et de considérations journalistiques au goût du jour comme s'il fallait absolument nous rapprocher de ces homo sapiens sapiens, nous dit-on mais si c'est vrai génétiquement, ce n'est qu'une vague parenté car nous échappe tout l'aspect culturel de ces sociétés nomades, petites en nombre. Apparemment, pas d'hommes pour orner ces grottes mais des adolescents, peut-être des femmes. Toujours est-il que même un groupe de 25, c'est déjà trop pour faire l'expérience sensible, immédiate des oeuvres réalisées, sans le filtre du discours guidesque. L'atelier à la sortie de la grotte dit atelier de Lascaux est remarquable car permettant de "voir" des détails, impossibles à visualiser dans la grotte. Le théâtre de l'art pariétal (en 3D, sans comédiens en chair et en os est triste à pleurer. Le cinéma 3D est peu convaincant, le diseur quasi-inaudible pour un speech, un pitch pauvre. L'atelier de l'imaginaire est une plaisanterie aléatoire de choix d'oeuvres modernes et contemporaines en "lien" avec l'art pariétal. La salle d'exposition temporaire ne m'a pas convaincu. Dans l'espace marchand, on trouve du whisky Lascaw, distillé dans la distillerie du Périgord. J'ai trouvé Le temps sacré des cavernes de Gwenn Rigal, chez Corti, novembre 2016, les hypothèses de la science. Dans l'article ci-dessous, j'aborde ces hypothèses.
J.C. Grosse, le 31 janvier 2017
Grotte Chauvet, 30/04/2010-16 et 17/10/2009 - Les Cahiers de l'Égaré
le panneau des chevaux mon texte de 1000 mots sur la grotte Chauvet et l'Ardèche, paru dans la Revue des deux mondes, hors-série novembre 2011, texte non rémunéré à cette étape Dimanche 29 j...
http://cahiersegare.over-blog.com/article-grotte-chauvet-30-04-2010-49798975.html
Le Chercheur/Lars Muhl/Flammarion
Le Chercheur
Lars Muhl
Flammarion 2017
C'est sur proposition de Flammarion que je me suis retrouvé lecteur en avant-première de ce 1° tome d'une trilogie de Lars Muhl, O manuscript, comprenant The Seer, The Magdalene, The Grail.
The Seer, Le Voyant, Le Chercheur a été publié en 2012.
Traduit pour la 1° fois en français, Le Chercheur, est le récit d'une série de rencontres initiatiques entre le narrateur et le Voyant. Ayant de lui-même renoncé à une carrière de musicien, ayant renoncé à la plupart des illusions auxquelles aspirent la plupart des gens, réussite, reconnaissance, argent, pouvoir, vivant solitaire et de peu, le narrateur semble avoir atteint le fond car il n'a pas encore pleine conscience de la fausseté des artifices et paillettes qui attirent la plupart.
Il entreprend un voyage en train depuis Copenhague jusqu'en Espagne, voyage décrit en plusieurs épisodes, alternant avec le récit des rencontres, des expériences et leçons données par le Voyant. Entre chaque épisode de ce voyage, des rencontres ou plutôt dans un premier temps, des réponses à des invitations.
Il se rend là où un mystérieux interlocuteur l'invite à se rendre, révélant ainsi une disponibilité propice à l'initiation. Il en a déjà fini avec d'innombrables freins et liens, avec d'innombrables peurs. C'est au pied de Monségur que le mystérieux personnage, le Voyant, va se montrer, lui faisant vivre des montées ardues et des rencontres annoncées.
En grimpant cette montagne réelle, il va découvrir ce pour quoi il est destiné, ce qu'il désire vraiment qui consiste à « être présent en tant qu'être humain », sacrée montagne, autrement plus ardue que celle de Monségur.
L'initiation passe par des expériences, celle du sac à dos que le Voyant charge de pierres réelles, métaphores ou symboles de poids psychiques dont il doit se libérer, se soulager.
Le Voyant a des « pouvoirs » extraordinaires mais prenons le mot « pouvoir » avec précaution puisque ce mot est récusé par le Voyant. Pour un lecteur n'ayant pas été initié, cela ressemble à des pouvoirs. En réalité, c'est parce qu'il se hisse à une conscience nouvelle, plus globale que les niveaux de conscience acquis et transmis, parce qu'il réussit à se rendre isogyne, seulement et pleinement humain, non-déterminé par le genre, non-personnalité, disponible sans limites qu'il est capable de modifier, de transformer l'état de celui qui fait appel à lui, en dernier recours, pour le guérir de sa maladie ou le sortir de son état moribond car il est d'abord malade, il se meurt de ses pensées nocives. Ce sont nos poisons qui nous empoisonnent. Et c'est parce qu'il est en harmonie avec l'univers, qu'il est synchrone avec le flux de la Vie qu'il peut aider l'autre, induire en lui cette harmonie. Il est responsable de cet autre qui se livre à lui. Et peut donc répondre concrètement à la question que puis-je faire pour lui ?
La question de Hamlet, être ou ne pas être, doit retrouver toute sa force de questionnement. Pour être, il faut savoir ce qu'on n'est pas, se purifier, se raffiner, se rendre invisible, gagner en élégance et en humour, (l'humour doit être désarmant et donc me désarmer, surtout quand je me heurte à un obstacle, à un échec ; de lourd, le rendre léger), développer attention et concentration, remplacer l'instinct par l'intuition, devenir un véritable artiste c'est-à-dire être à l'écoute de l'harmonie universelle, en harmonie avec les lois universelles, devenir un danseur cosmique. Ce qu'est sans doute la Dona, la gitane croisée à Malaga dont l'élégance naturelle (elle est l'élégance) éclipse toutes les beautés artificielles qui cherchent à se mettre en valeur sur la Promenade.
De Vinci est décrit comme un ambassadeur de visions, transformant ce qu'il recevait dans un esprit identique à celui contenu dans ce qu'il recevait. L'artiste a pour mission de transformer ce qu'il a reçu avec sa conscience qu'il s'est exercé à aiguiser, à rendre extrêmement sensible, venu de l'humain et du cosmique. Et de lui proposer l'exercice de visualisation de la flamme d'une bougie. Deux sortes de lumières sont évoquées, la lumière bleu gaz qui renvoie à toutes les énergies physiques, la lumière dorée qui renvoie à l'énergie spirituelle.
Pour quelqu'un qui est en recherche spirituelle, ce récit est nourricier. Nombre de leçons, de formules sont audibles, parlantes, incitatives à un travail de dépouillement. Évidemment, on sent des influences venues de l'étude de nombreux textes des traditions et de la mystique. Assez peu de considérations de nature scientifique. Quand cela se produit, ça ne m'a pas semblé convaincant, par exemple les 24 énergies présentes dans une pièce et représentant les mésusages antérieurs de « son » pouvoir par le Voyant.
Pour conclure, ce récit d'initiation n'est pas austère. Le narrateur comme le Voyant sont aussi de bons vivants, aimant bons plats, bons vins, aimant se promener, profiter des lieux comme des gens.
Lars Muhl est entré en 2013 dans la liste Watkins des guides spirituels, le Dalaï Lama en 1° position, Deepak Chopra en 4°, Lars Muhl en 90°. Paulo Coelho est 7°, Jodorowsky, 27°, Benoît XVI, 33°, Rupert Sheldrake, 87°. Aucun des "maîtres" français: Matthieu Ricard, Frédéric Lenoir, Laurent Gounelle, Christophe André, Alexandre Jollien, Jacques Salomé. Bizarre cette liste anglo-saxonne.
On trouve sur you tube des vidéos, hélas aucune en français. Ce livre édité par Flammarion vient donc à propos.
Jean-Claude Grosse
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The Gate of Light by Lars Muhl (new version)
Lars Muhl visits "the holiest place on Earth" - Cave 4 at Qumran, in the Judaean Desert of the West Bank, where most of the Dead Sea Scrolls were discovered. But it was also the place where Yeshua ...
https://www.youtube.com/watch?v=0GDEi7OuARw&feature=youtu.be
la porte de lumière
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de la part d'un gardien de phare bien à terre, un manuel de navigation sur l'immense mer dont il ne voit qu'une petite partie, paradoxe Petit manuel de navigation pour l'âme Sabrina Philippe ...
Je me modifie donc je suis
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" Je me modifie, donc je suis "
Cyril Fiévet (@cfievet) ne nous est pas inconnu. Ancien journaliste pour InternetActu de 2003 à 2006, il fut l'un des blogueurs français les plus prolixes du début des années 2000 avec son blo...
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Les nouvelles prédictions de Ray Kurzweil : l’avenir d’ici 2099
2019 - Les fils et autres câbles pour les appareils individuels et périphériques disparaîtront dans tous les domaines. 2020 - Les ordinateurs personnels atteindront une puissance de traitement ...
https://iatranshumanisme.com/2015/04/25/les-nouvelles-predictions-de-ray-kurzweil-lavenir-dici-2099/
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Encyclopédie de L'Agora | Google et l'immortalité transhumaniste
Dons reçus (2016-2017): 3 930$ Objectif (2016-2017): 20 000$ Nous avons reçu 18 600$ lors de la campagne 2015-2016. Nous vous remercions de votre générosité. Pour la campagne 2016-2017, notre ...
http://agora.qc.ca/dossiers/google_et_limmortalite_transhumaniste
un entretien avec Cyril Fiévet remontant à 2012 et qui permet de comprendre un peu ce qui se joue avec ce qu'on appelle le transhumanisme d'où les liens vers Ray Kurzweil, Laurent Alexandre, Philippe Vion-Dury
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Transhumanisme : interview Laurent Alexandre
Laurent Alexandre, chirurgien, expert en nouvelles technologies et créateur de DNAvision détaille l'histoire du transhumanisme de sa création jusqu'à aujourd'hui. Le transhumanisme, qu'est-ce q...
https://iatranshumanisme.com/2015/11/12/transhumanisme-interview-laurent-alexandre/
Naître enchantés/Magali Dieux
Le samedi 10 septembre 2016, de 10 H à 13 H, à la médiathèque d'Hyères, les petits déjeuners de la médiathèque organisés par Les Colibris du Revest-Ollioules et Les 4 Saisons d'ailleurs ont accueilli Magali Dieux pour la projection du film Naître enchantés, suivie d'un débat qui a largement débordé puisque la séance s'est terminée à 13 H
Si j'écris cet article, c'est parce que ce film, en DVD, qui accompagne le livre est particulièrement émouvant et prenant
et que la capacité à transcender et à transmettre l'expérience vécue par Magali Dieux, un enfantement dans une voiture avec une petite fille de 6 ans comme témoin, est stupéfiante. De ce qui aurait pu être un traumatisme, Magali Dieux a fait une méthode où la vibration, l'état d'esprit et du corps: être ouverte, dans le sourire et la joie, sont au coeur de l'enfantement, le mot est important, enfanter, pas accoucher. Avec 5 enfantements oeuvrés car c'est faire oeuvre qu'enfanter ainsi, dont un enfant mort avant terme, Magali Dieux sait ce qu'elle a vécu et ce qu'elle transmet et partage.
J'ai connu Magali, lycéenne, fréquentant l'atelier théâtre du centre culturel L'Escaillon à Toulon, je l'ai vue devenir comédienne, auteur, metteur en scène, j'ai accueilli deux de ses spectacles aux Comoni au Revest: Mignonne, allons voir et Zap ta tête et prends le nord. Elle fut du 1° spectacle du Revest en juilllet 1983, Le gardien de musée par une compagnie belge. Je l'ai suivie quand elle a perdu par mort subite du nourrisson un de ses enfants et qu'elle a réagi immédiatement par une nouvelle grossesse.
La retrouver un soir de Noël, à la Mahakali, à Châteauvallon, il y a 2 ou 3 ans, fut un grand plaisir et c'est ainsi que j'ai découvert et le livre et le film et retrouver la femme, épanouie, chaleureuse qu'elle est devenue, coach en développement personnel, après avoir été coach de chant pour The Voïce.
Il me semble que cette façon d'enfanter où les parents se réapproprient l'événement est d'une humanité, d'une bientraitance, d'une bienveillance qui méritent d'être connues, diffusées. Je pense aussi que cette capacité de transcender un événement fortuit avec sérénité, maîtrise est exemplaire. Chacun est sans doute porteur un jour ou l'autre d'un événement qui peut être transmis. L'attitude de Magali qui est une philosophie de la vie, ouverture du corps en lien avec l'ouverture d'esprit, l'accueil de la vague comme il est dit dans le film à un moment, est bien sûr une attitude, une philosophie qui vaut pour tout instant de la vie et jusqu'à la fin de vie.
Merci à Magali Dieux d'être devenue ce qu'elle est devenue.
Naître enchantés est aujourd'hui un collectif de médecins, sages-femmes et artistes qui ont mis en place le Label Naître enchantés pour toutes les maternités ayant à coeur d'humaniser les techniques de soins et la mise au monde de l'être humain de demain.
Dernier point: voilà avec Naître enchantés, un thème d'écriture pour femmes et hommes peu exploré me semble-t-il (ce n'est pas le cas des fins de vie). Des écritures enchantées nous changeraient des écritures dites du réel, écritures sur le bruit du monde dont on se lasse tant ce monde est violent et le restera, indifférent aux écritures qui le dénoncent. Quel auteur, quelle autrice des EAT (Écrivains associés du théâtre) lancera un projet pluriel sur ce thème. La vidéo de l'enfantement de Zoé par Magali est un support extraordinaire.
Présentation du livre:
Jamais les femmes françaises n’ont été aussi bien assistées médicalement qu’aujourd’hui pour mettre au monde leur enfant. Comment expliquer alors le nombre grandissant d’accouchements pathologiques ? Pendant que Patrice Van Eersel, journaliste, enquête sur le sens de la naissance dans notre société, Benoît Le Goëdec, sage-femme, explique clairement qu’une naissance ne peut être simplement confiée à un contexte médical, lequel, potentiellement, dépossède et dépersonnalise. Et c’est là qu’intervient Magali Dieux qui découvre avec ses cinq accouchements qu’une vibration spécifique émise en pleine conscience pendant les contractions fait traverser les douleurs psychiques et physiques de l’accouchement. Pendant dix ans, elle développe sa philosophie, affine sa méthode “Naître enchantés par l’expression vocale ajustée”, devient professeur de chant et thérapeute, à la rencontre des scientifiques et des hôpitaux. Sa méthode donne aux femmes et aux couples qui le désirent la possibilité de rester acteurs de leur accouchement, en lien avec l’équipe médicale et leur enfant, quelles que soient les conditions techniques (déclenchement, péridurale, césarienne, etc.). Dans cet ouvrage, Magali Dieux propose une préparation du couple à la naissance et à la parentalité pour accompagner l’arrivée de son enfant dans la joie.
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Naitre enchantes, une autre voie: Magali Dieux à TEDxToulon
Comment le témoignage filmé d'un enfantement suscite l'engouement de milliers de femmes du monde entier ? Quand courage et poésie sont une solution de santé publique pour nos enfants d'aujourd'...
https://www.youtube.com/watch?v=5Boc7iRozeo&feature=youtu.be
une rencontre TEDx à Toulon: la naissance fortuite de la méthode dans une voiture
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Naitre Enchantée, un film de Magali Dieuxflv
Uno de los videos que mas me inspiraron cuando Bruno avisaba su llegada, que lo disfruten..¡¡¡
https://www.youtube.com/watch?v=IXuUdmeLsL4&feature=youtu.be
la naissance de Zoé à domicile, à découvrir sans a priori, pleinement ouvert comme Magali
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PORTRAIT DE FEMME AVEC MAGALI DIEUX DEF
Cette semaine, notre Portrait de femme est consacré à Magali Dieux. Toulonnaise, comédienne et coach en développement personnel, elle présente son parcours éclectique pour tv83. Magali a déc...
https://www.youtube.com/watch?v=Lvq5qJD2Rq8&feature=youtu.be
un beau portrait de femme
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Naître enchantés à l'hôpital - la double gageure (Extraits)
Ce que les parents ayant appliqués Naître enchantés à l'hôpital en disent...
https://www.youtube.com/watch?v=OltPLWvSdZU&feature=youtu.be
témoignages pouvant servir pour des écritures dramatiques où beauté et sérénité seraient les moteurs de l'écriture avec le fameux switch quand le corps s'exprime par-dessus le contrôle de la vibration ajustée
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# 4 Naître enchantés à l'hôpital - la double gageure
Quel humain pour demain ? Live d'un accouchement Naître enchantés à l'hôpital Les bébés enchantés sont plus "sécure". Les parents sont dans une plus douce et sereine responsabilité.
https://www.youtube.com/watch?v=XoKvQ-q9VZ4&feature=youtu.be
vers 11', le moment du switch après la vibration ajustée, le moment où le corps échappe au contrôle, s'exprime, conclue
le site de Naître enchantés
On ira voir la mer/Katia Ponomareva - Les agoras d'ailleurs
Ayant été impressionné, ému par la rencontre avec Magali Dieux à la médiathèque d'Hyères, le 10 septembre 2016, j'ai bien sûr fait le lien avec le spectacle créé en 2010, repris en 2011 ...
http://agoradurevest.over-blog.com/2016/09/on-ira-voir-la-mer-katia-ponomareva.html
le spectacle de Katia Ponomareva (2010-2011) sur la grossesse et l'acoouchement
On ira voir la mer/Katia Ponomareva
Ayant été impressionné, ému par la rencontre avec Magali Dieux à la médiathèque d'Hyères, le 10 septembre 2016, j'ai bien sûr fait le lien avec le spectacle créé en 2010, repris en 2011 par L'Ensemble À Nouveau dans une mise en scène de Katia Ponomareva : On ira voir la mer.
Katia avait sollicité Magali Dieux pour utiliser la vidéo de son accouchement. Le contact n'a pas eu lieu. C'est donc le petit film de Stan Brakhage, Window water baby moving de 1959 qui a été utilisé par fragments.
Voici la présentation de On ira voir la mer par Katia Ponomareva :
Accouchement, surgissement de la vie, c’est d’abord de cela dont il s’agit et des bouleversements qui accompagnent la naissance, pour le nouveau-né arraché à une forme de tranquillité omnisciente, pour les parents confrontés à des choix fondamentaux, à une révélation possible du sens de l’existence, un retour sur mémoire. Pour tous, une solitude habillée de crainte ou d’exaltation, et une question lancinante : et après? Sur le plateau se dressent des portes. Derrière ces vitres, d’étranges lueurs font peur aux uns, fascinent, en appellent d’autres. Eclats de la lumière du jour quand le ventre de la mère s’ouvre à la naissance de l’enfant, souvenir fugace ; soubresauts lumineux d’une mémoire qui peine à revenir, à s’ordonner autour d’un « qui suis-je ? » ; reflets d’un possible qui s’échappe comme une aurore approchée trop rapidement. Y a-t-il au bout du chemin, pour chacun d’entre nous, une lueur ? Une mer que nous pourrions aller voir ? … pour se ressourcer, chercher à se découvrir, inviter à un voyage où l’on rêve et se cogne, où l’on apprend ou réapprend à consentir et à aimer face à l’immensité … une mer, source de vie et d’inspiration, où l’on pourrait se tenir la main pour continuer, ensemble … à nouveau.
Katia Ponomareva
Espérons que ces deux articles sur la naissance donneront l'idée d'un projet pluriel pour des écritures enchantées.
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Héritons-nous de valises à la naissance ?/JCG-MPC - Blog de Jean-Claude Grosse
Pause-philo: Héritons-nous de valises à la naissance ? La pause-philo du 20 mars 2010 au Comédia à Toulon, consacrée aux valises dont nous héritons à la naissance a été bien suivie, riche ...
une pause-philo très riche au Comédia à Toulon, le 20 mars 2010
bande-annonce de on ira voir la mer; l'image de la Pieta est magnifique
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Stan Brakhage - Window Water Baby Moving (1959) Part 1
A record of the birth of his first child. Part 1. Enjoy!
https://www.youtube.com/watch?v=-drSrvTtZ1k&feature=youtu.be
film de stan brakhage sur la naissance d'un de ses enfants
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Naitre Enchantée, un film de Magali Dieuxflv
Uno de los videos que mas me inspiraron cuando Bruno avisaba su llegada, que lo disfruten..¡¡¡
https://www.youtube.com/watch?v=IXuUdmeLsL4&feature=youtu.be
film de magali dieux sur la naissance de zoé
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Naître enchantés/Magali Dieux - Les agoras d'ailleurs
Le samedi 10 septembre 2016, de 10 H à 13 H, à la médiathèque d'Hyères, les petits déjeuners de la médiathèque organisés par Les Colibris du Revest-Ollioules et Les 4 Saisons d'ailleurs on...
http://agoradurevest.over-blog.com/2016/09/naitre-enchantes-magali-dieux.html
Ecrire le bruit du monde
3 livres sur les auteurs dramatiques du jour, ceux du matin, celles de la nuit, ceux du petit bonheur la chance, celles des grands malheurs des autres
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Les écritures dramatiques aujourd'hui/J.C. Grosse - Les Cahiers de l'Égaré
LES ÉCRITURES DRAMATIQUES D'AUJOURD'HUI au théâtre Denis à Hyères (L'exposé qui suit doit beaucoup à ma connaissance des auteurs vivants en tant qu'éditeur et à deux livres: Anthologie en ...
avec un extrait de Voïces de Jean-Yves Picq, dit par JC Grosse
Écrire le bruit du monde
actes du Colloque des 7 et 8 avril 2014
L'oeil du souffleur, 2016
La 4° de couverture de ce livre de 192 pages, paru en mars 2016 à L'Oeil du souffleur, est alléchante : une vingtaine d'auteurs de tous horizons, des chercheurs pour les interroger, deux éditeurs, « un document qui dresse un passionnant état des lieux de l'écriture dramatique contemporaine », à travers 5 tables rondes consacrées au tapage des images, aux échos du silence, aux résonances du plateau, aux bruits de la langue, à la question de la transmission qui leur ont permis « d'échanger de façon particulièrement féconde leur riche expérience entre pairs ».
J'ai lu en totalité, dans le désordre des tables rondes, certaines m'accrochant ou me parlant plus que d'autres. Chaque table ronde repose sur le même principe : présentation du thème par un chercheur, présentation des auteurs choisis pour cette table ronde, questions, réponses puis lecture d'extraits d'un texte ou lecture précédant les questions-réponses, éventuellement réactions du public.
Principe répétitif. Les extraits de textes occupent une place importante, 56 pages sur 150, la dernière table ronde n'en comportant aucun. Ces extraits constituent une coupure par rapport à l'oralité des échanges, témoignages et commentaires d'ailleurs plutôt qu'échanges, un moment à part, pour le lecteur, qui reçoit plus ou moins bien ces extraits ou ce qui les entoure. Préférence pour le texte ou le méta-texte, cela dépend de chacun.
Ce qui retient c'est que chaque auteur témoigne de son écriture à tel moment. Ces témoignages montrent que le sujet, choisi ou de commande, l'écriture, le choix du thème, le travail sur la langue, forme et contenu sont intimement liés, souvent trouvés intuitivement, de façon assez peu pensée, peu élaborée, en lien avec des questionnements, des doutes, des hésitations, des contextes, des moments, des situations. Pas de théorie de l'écriture dramatique dans ce livre.
Un exemple : l'impact de ce qu'on voit dans la réalité ou à la télé, qu'on entend dans le réel ou à la radio, sur l'envie, la pulsion d'écrire et sur l'écriture. Le métro, les rues fournissent tant du banal que de l'extraordinaire, à profusion. La vie est théâtre, les faits divers font théâtre. La matière est là, abondante, écrasante. La pulsion scopique qui pousse à tout voir, tout enregistrer est aliénante mais on la croit délivrante, source. En présence de ces flux, restent à trouver la bonne distance, la manière d'écrire, soit l'objectivité du constat, du documentaire, soit la révolte de la dénonciation... Évidemment, se posent à certains des questions, de nature éthique, métaphysique même : est-elle nécessaire cette écriture distanciée ou pas des flux incessants qui nous assaillent, que nous accueillons, estimant qu'on est bien vivant quand on sait regarder, entendre le métro et ses bruits ? Je crois que chaque auteur, c'est ce que je retiens de ce livre, fait comme il peut. C'est un cheminement personnel qu'il n'y a pas lieu de juger. Simplement se dire par exemple, ce n'est pas mon cheminement, je veux être économe, ne pas ajouter au bavardage du monde, au vide du trop plein, je veux saisir le flux de la Vie (donc de la mort aussi), pas le bruit du monde, je boycotte radio, télé, applications de portable..., je ne veux pas saisir les échos du silence assourdissant des aveuglements, ni les bruits des langues de bois et des langues de vent...
Intéressants aussi les rapports très variables et variés au silence, à la langue, au plateau, à la transmission. Chaque lecteur-auteur sera tenté par tel ou tel témoignage, d'explorer, de questionner son propre travail. Disons que ce livre peut être comme un miroir qui nous est tendu et dans lequel nous pouvons construire, reconstruire notre image d'auteur en travail. Par exemple, le maître secret que se choisit Louise Doutreligne quand elle écrit et qui n'est jamais un auteur de théâtre, voilà qui renverse la question de la transmission, j'écris en pensant à toi, mon maître secret, moi, ton élève ou ton disciple pour ce projet.
Pour ma part, deux maîtres secrets m'habitent quand j'écris et même dans ma vie, Orphée, tenter d'aller vers les morts, vers ce qui meurt (voilà ce qu'on ne peut connaître, aucun savoir sur la mort, peut-on la penser ?) pour les ramener vers la Vie avec le risque de la pétrification, Hélène pour qui deux hommes s'étripent, entraînant deux peuples dans la guerre, deux maîtres même si d'Hélène, que sait-on ?, un homme et une femme puisque nous sommes les deux.
Une absence notoire à propos du bruit du monde, l'absence des enfants, les enfants des migrants, ceux qu'on photographie, noyés sur une plage. A-t-on écrit, va-t-on écrire pour les enfants qui ne sont pas les nôtres, pour les enfants victimes de nos complicités par servitude volontaire ? Mais peut-être ne pouvons-nous pas, ne devons-nous pas accueillir toute la misère du monde, juste notre part ? laquelle ?
Ce livre m'a renvoyé à l'Anthologie, de Godot à Zucco, sous la responsabilité de Michel Azama, chez Théâtrales en 2004 et où par exemple Michel Corvin met en perspective le Théâtre, vigie de l'Europe, être sur le qui-vive, à la fin du tome 3.
J'ai été aussi renvoyé aux Controverses d'Avignon, au 3° tome consacré aux écritures scéniques, controverses avec les auteurs, chez L'Entretemps en 2000 et où je suis intervenu. Je m'aperçois que depuis 2000 où je disais Sortir de la chaîne de production publique (je parlais comme auteur sur commande, comme éditeur, comme directeur de théâtre), il y a une constante : le constat que le théâtre subventionné ne donne pas du « grand » théâtre, du théâtre en prise avec son temps, en lien avec les peuples qui cherchent, pas toujours bien inspirés d'ailleurs, aspirés pour certains par des dérives, des impasses, des égarements. Mais c'est ainsi. On est joué, jouet plus qu'acteur. Je ne crois plus à l'Histoire s'écrivant selon un sens de l'Histoire, dont le moteur serait la seule lutte des classes. Je fais le même constat 16 ans après, la situation s'est dégradée d'ailleurs avec la diminution des moyens, la régression des politiques culturelles des collectivités locales, territoriales et étatiques et par la coupure entre les artistes et le plus grand nombre en train de s'extrême-droitiser. Voici des définitions de mots que j'ai proposées à l'époque puisque on me le demandait :
Le mot "public" ? Celui ou celle engagé dans le travail sur lui ou elle-même avec le souci de l’élévation (de lui, de l’autre, des autres, du monde), donc toujours singulier, forcément rare, se sortant du troupeau parce qu’il le veut et s’en donne les moyens.
Le mot "langage" ? À trop élargir son extension (pour certains tout est langage), ne perd-on pas son sens : outil d’expression et de communication ?
Le mot "territoire" ? Mot de sédentaire ayant perdu de vue qu’il fut, qu’il est nomade, de passage, en transit, en exil.
Le mot "représentation" ? Mot d’intellectuel ayant perdu le sens de la présence.
Le mot "imaginaire" ? Mot d’artiste, d’autiste ayant perdu le sens du réel.
Le mot "mémoire" ? " si les anges volent, c’est parce qu’ils se prennent à la légère " le travail de mémoire n’accouche pas de la vérité ; il remplace une falsification par une autre.
Le mot "esthétique" ? Mot écran pour tenter de rendre opaque, l’évidence de la beauté. Mot alibi permettant de proclamer l’émergence permanente de créateurs et d’esthétiques toujours nouvelles quand évidemment on n’a affaire qu’à d’habiles copieurs, transposeurs…
Le mot "censure" ? Mot servant à rassembler les résistants.
Le mot "subversion" ? Mot servant à rassembler les collaborateurs.
Mon mot ? Le nombril n’est pas le centre du monde (ou l’inverse). Attention à ne pas finir moitrinaire !
Je suis convaincu que notre politique aux EAT, politique pour une reconnaissance « officielle » comme chambre professionnelle est mutilante. É. Say Salé dans EAT (manger, pisser, écrire) au temps des queues de cerises est lucide sur les effets des liens incestueux avec la SACD et avec le Ministère.
L'hauteur – en étant inféodé à la SACD et au Sinistre qui sont nos deux subventilateurs, on s'interdit toute écriture séditieuse, toute écriture licencieuse comme le voulait Saint-John Perse
L'hautaine – vous vous interdisez toute action exemplaire, toute écriture d'éclat, vous vous circoncisez le gland pour ne pas déplaire aux puissants
L'hauteur – oui, on perd notre liberté ; je suis pour Con d'Orsay, pour la libre circulation des idées, des oeuvres, je suis pour le pillage car on se pille mutuellement ; le copier-coller c'est ce qu'il y a de plus fréquent chez les pisseurs d'encre et l'avouer c'est honnête ; les idées, les thèmes sont dans l'air.
Cette « politique » nous empêche d'être de celles et ceux qui irriguent, qui cherchent, proposent, innovent. Je relève dans le forum des EAT, cette intervention d'un auteur après le témoignage du collectif À mots découverts sur Nos voisins les migrants des Jardins d'Éole, évacués le 6 juin :
Je suis très heureux d'avoir pris connaissance du communiqué de À mots découverts.
L'action qu'ils ont faite est nécessaire et indispensable à l'heure actuelle au vu de ce qu'il se passe.
Le CA des EAT pourrait s'en inspirer pour inventer une action visible et forte digne de nos engagements pour l'humain.
Bien sûr si le CA initiait, ce serait très bien mais on n'a pas besoin de son autorisation. C'est ce que fait la Brigade d'auteures à l'usage des migrants. Ou l'atelier des écritures nomades. Et peu importe que ce soient ou pas de grands textes qui sortent de ces mobilisations, de ces manifestations concrètes de solidarité. C'est ce qui est évoqué par É. Say Salé :
L'hautesse – vous êtes satisfait des combats de vos chefs ? je dis combats mais je comprends que c'est du vent tout ça ; pouët ! pouëtt ! L'hauteur – oui, pouët ! pouëtt ! non je ne suis pas du tout satisfait de ce qu'on fait puisqu'on ne fait rien, pas la moindre flash’mob, contre l'état du monde, contre le moche monde sur lequel on écrit ; plus il est moche, plus ça nous convient ! Les droits d'auteur du Beau Marché vous savez, ce n'est pas ma tasse de thé ; je vous l'ai dit, je préfèrerais qu'on soit des héritiers de Con d'Orsay.
C'est ce que j'ai tenté aussi de proposer en juin 2015 pour les élections à la présidence des EAT, sans succès bien sûr, ce qui me fait dire qu'il ne faut pas jeter la responsabilité du pouët ! pouëtt ! sur la seule direction qui n'est qu'à l'image du corps qu'elle représente :
Nous avons besoin de faire monter au CA des adhérents au fait des méthodes qu'inventent des indignés ou que pratiquent des artivistes. Les marges et le centre, débat essentiel à mener. L'histoire du théâtre est riche de formes qui bousculent. Désobéir par le rire. Investir l'espace public, lieux inhabituels pour nous fréquentés par des publics dont nous ignorons tout, avec des formes interactives. Ne pas imposer de formes, faire participer, pratiquer. Notre champ d'intervention ne peut se limiter aux théâtres, aux médiathèques, librairies, salles de classe, prisons, tous lieux où se diffuse la culture de reproduction. Nous devons aussi aller là où le théâtre peut faire mal et pas seulement là où il éduque, console. Pas d'illusion dans sa force.
Bande son de Je peux, de Marina Damestoy, 5’13, lu au Grand Parquet le 5 juin, Hauts- Parleurs
http://audioblog.arteradio.com/post/3071813/je_peux/
Évidemment notre responsabilité éthique est engagée par ce qu'on appelle le choc des images, le grand écart entre les images; elles parlent (voir les 4 photos ci-dessous), on peut les faire parler, on peut rajouter au bruit du monde, notre compassion, notre indignation.
Qu'est-ce que j'ajoute, retranche au bruit du monde en écrivant ? le silence ne serait-il pas la vraie réponse à ce monde ? ne pas agir sur le monde, agir sur soi.
De plus en plus de personnes sont persuadées que c'est sur soi qu'il faut travailler, que c'est perte de temps et d'énergie que de s'indigner, se révolter. Seule la compassion trouve grâce à leurs yeux.
Une autre piste est aussi possible : la tentation de la Beauté, tenter de dire la Beauté de la Vie, de la Nature, tenter de dire l'infini, l'éternité, nous qui vivons dans le temps rétréci, le temps du projet, le temps du souci sachant que tout passe, ce qui a de la valeur comme ce qui n'en a pas... Évidemment, pour parler d'éternité et d'infini, pas besoin des EAT. Il n'y a rien à revendiquer, tout s'anéantit devant l'infini et l'éternité.
Je donne pour conclure le lien de deux articles récents de Jean-Louis Sagot-Duvauroux dont on lira par ailleurs l'essai sur la gratuité. Textes qui font écho à mes propres réflexions et propositions : Art et culture, Pour un service public de la culture
https://jlsagotduvauroux.wordpress.com/2016/06/06/refonder-les-politiques-culturelles-publiques/
https://jlsagotduvauroux.wordpress.com/2016/05/18/avignon-fabrique-de-la-classe-dominante/
Jean-Claude Grosse
ce qu'on appelle le choc des images, le grand écart entre les images; elles parlent, on peut les faire parler, rajouter au bruit du monde; la responsabilité de l'auteur est pleinement engagé: qu'est-ce que j'ajoute, retranche au bruit du monde en écrivant ? le silence ne serait-il pas la vraie réponse à ce monde ?
/https%3A%2F%2Fmarinadamestoy.files.wordpress.com%2F2016%2F06%2Fdsc_0080.jpg%3Fw%3D540)
Restitution de la résidence à Calais et Grande Synthe de La Brigade d'auteures, un collectif ouvert, au service des nouveaux arrivants et des citoyens mobilisés. Nous prenons le parti de créer ...
https://labrigadedauteures.wordpress.com/author/labrigadedauteures/
des textes sur, avec les migrants des Jardins d'Éole; ils étaient entre 1200 et 2000, évacués le 6 juin 2016, au petit matin
Les sans papiers de la Chapelle
Écritures Nomades
http://ecrituresnomades.weebly.com/les-sans-papiers-de-la-chapelle.html
des textes sur les sans-papiers de La Chapelle; ils étaient 400 en mai 2015
/https%3A%2F%2Fjlsagotduvauroux.files.wordpress.com%2F2016%2F06%2Fclaude-baillargeon-un-poete-graphiste.jpg%3Fw%3D371%26h%3D498)
REFONDER LES POLITIQUES CULTURELLES PUBLIQUES
Une grosse fatigue s'est abattue sur l'appareil culturel public français, si prometteur à ses débuts, si abondant. Par quelle alchimie un système pensé et financé pour répandre les joies de ...
https://jlsagotduvauroux.wordpress.com/2016/06/06/refonder-les-politiques-culturelles-publiques/
un article important qui fait écho à mon propre texte Pour un service public de la culture
du petit crétin au méchant con / Laurent Carle
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Georges Brassens - Quand on est con
Quand ils sont tout neufs Qu'ils sortent de l'œuf Du cocon Tous les jeunes blancs-becs Prennent les vieux mecs Pour des cons Quand ils sont d'venus Des têtes chenues Des grisons Tous les vieux ...
https://www.youtube.com/watch?v=dPGU-zLPaHo&feature=youtu.be
Du petit crétin au méchant con
à travers l’enseignement d’un supposé solfège de la lecture
Jean-Paul Brighelli, La Fabrique du Crétin. La mort programmée de l'école, Collection Folio documents, Gallimard
Alain Bentolila, Comment sommes nous devenus si cons ? First Éditions
« Partir de la musique pour en découvrir le langage et ses techniques est plus formateur qu'une étude analytique abstraite, élément par élément, desséchante par définition, dont l'usage démontre qu'elle tourne souvent le dos au but à atteindre : la connaissance et l'apprentissage de la musique » (Ministère de la culture, texte de la réforme du solfège, 1977).
Réussir à l’école. Y réussir sa vie ou s’y perdre.
Appeler les électeurs aux urnes un jour par an ne suffit pas à faire une démocratie. Le droit de vote à 18 ans ne fait pas un démocrate. La démocratie demande des citoyens adultes et formés à la vie sociale. L’école du XXIe siècle est loin d’être devenue ce qu’elle devrait être depuis toujours, une institution où l’on apprend ensemble parce qu’on est plus intelligent à plusieurs et que le but d’une communauté éducative républicaine est de former des citoyens plutôt que des consommateurs. Hélas, pour les prédicateurs de l’élitisme à la française, religieusement écoutés, l’école serait plutôt le temple sacré hors sol de la consécration des concurrents méritants, les premiers de classe, dont la victoire s’arrache dans le silence du travail solitaire, dépouillé de toute interaction entre pairs. « Chacun pour soi, le maitre pour tous » serait la formule appropriée pour un système scolaire public « républicain ». La citoyenneté n’y est pas au programme, la fraternité, encore moins. Elles fausseraient les classements. Quand on exhorte les élèves au travail et à l’effort ce n’est jamais pour les inciter à la recherche en équipe, encore moins au partage. Au sommet du mat de cocagne, l’accès aux privilèges « républicains », promis aux gagnants. Selon ces objectifs on forme des dirigeants et des chefs sélectionnés d’après leurs performances de consommateurs de savoirs. Le système récompense les chalands zélés qui ont su remplir sans aide le chariot de leurs emplettes. Si on est l’heureux élu, de la Grâce, gagnant prédestiné, on y rencontre les dieux et un destin épique, sinon on passe à côté de la chance, nommée ascenseur par les gardiens du temple. Quel que soit le résultat, on n’y rencontre pas ses semblables. Sélection et formation aristocratiques des élites passent avant l’enseignement démocratique pour tous.
Dans ce centre commercial distributeur de savoirs, à quel entraineur sélectionneur, sur quel créneau horaire et dans quel espace, confier l’éducation à la citoyenneté et à l’altruisme ? Les moralistes des conduites d’apprentissage nous en dissuadent. Ce serait du pédagogisme, voire du droitdel’hommisme, une insulte intolérable faite aux familles patriciennes qui gèrent en bon père de famille la transmission de leurs privilèges, de génération en génération. Si on confrontait les potaches en général, et en particulier ceux qui se laissent aller, à plus d’exigences, les clercs idéologues nous promettent qu’on augmenterait significativement, par une mystérieuse alchimie mathématique, le nombre de gagnants, comme si le nombre de places de premiers était extensible au-delà de un et si celui des postes aux concours pouvait être défini et adapté en fonction des « résultats scolaires ». Et tant pis si, les mal classés n’étant pas « bons élèves », on produit ainsi une forte culpabilité chez les perdants, ce qui ne change rien à leurs performances mais les plonge dans la confusion de l’ignorance coupable. Tant pis si on pollue l’intelligence à tous les niveaux du système scolaire, y compris chez les bons élèves. Les classes préparatoires ne peuvent accueillir tous les Français. Sinon ce ne serait plus ces aréopages d’excellence que le monde nous envie. Il va de soi que, dans un système ultra sélectif, éliminer les faibles avant le début de la compétition, permet d’effectuer la sélection en fin de tournoi sur un nombre réduit de concurrents. La stratégie consiste donc à fermer la porte du stade aux enfants les moins équipés en compétences de base. Le verrouillage des portes se nomme « méthode de lecture » pour élèves de CP. La « méthode » présente la lecture comme une oralisation, une mise en sons des lettres de l’alphabet que les mots de la langue utilisent comme matériau pour se coucher sur papier. Les manuels de « lecture » scolaires homologués portent en filigrane le sous-titre : « Lire, c’est réveiller les sons dormant sous les signes ». Les professionnels du solfège ne disent pas le nom des consonnes mais leur bruit prononcé dans le souffle afin de persuader le jeune enfant naïf et ses parents crédules que les lettres n’ont pour fonction que l’émission de bruits. Ceux qui se cassent le nez sur ces portes sont, hasard curieux de la naissance, les enfants des classes populaires dont les parents ne maitrisent pas l’écrit en général, la lecture en particulier. Chez les enfants de parents lecteurs, la culture se transmet par héritage. Chez les enfants de pauvres, c’est l’enseignement scolaire de la « lecture » qui propage l’illettrisme. Aucun adulte proche ne pouvant leur souffler comment tricher avec les règles et le « code » de déchiffrage enseignés, on peut leur faire avaler cette énorme couleuvre : « Ne devine pas, déchiffre sans chercher le sens de l’écrit ! Tu comprendras quand tu sauras lire. » Cette injonction lui donne à entendre que :
lire ne peut se faire qu’après avoir appris la « méthode », méthode qui enseigne la lecture comme un procédé d’envoi du signal écrit, de façon mécanique et sous forme sonore, dans les oreilles ;
ce n’est pas le lecteur qui met du sens sur les mots, c’est le bruit de ses lettres.
Car, dans l’école à la française, la lecture s’enseigne mais ne s’apprend pas. Son apprentissage est repoussé à l’extérieur et en dehors des heures de classe, de sorte que les enfants, venus s’instruire, s’égarent dans les consignes de la « méthode », bible officielle de la nomenclature des sons et des règles d’oralisation des signes, excluant la conquête de l’écrit pour ce qu’il est, une langue qui se lit avec les yeux. Devenu à son insu, par obligation professionnelle, censeur de lecture, le maitre, aussi candide que l’enfant, croyant faire la chasse à la « devinette », interdit à l’apprenti de penser l’écrit. Le résultat ne se fait pas attendre, en fin d’école primaire un élève sur quatre ne sait pas lire et, par conséquent, y répugne. L’abus didactique sur mineur de 6 ans est consommé. Plus tard, au collège, le prof de français succédant au censeur, se fera directeur de lecture des textes au programme, réclamant une lecture réfléchie que l’école primaire avait interdite par respect des consignes de déchiffrage. Directeur de conscience naïf du secondaire, il tentera vainement d’imposer la lecture à l’élève qui, ne sachant pas lire, s’affole à la perspective de déchiffrer un livre entier. Qui ne sait pas lire n’accède ni aux savoirs enseignés, ni à la culture des bibliothèques. Éliminé d’office, il est perdant désigné, perdu à l’écrit, exclu du jeu démocratique, futur abonné pour télévision à publicité qui offre des cerveaux réceptifs aux annonceurs.
Cette politique « éducative » ne fait pas que dégager, au profit des privilégiés, les pistes qui mènent à la voie royale du pouvoir, elle prive de culture et de compétence sociale, et politique, les déshérités, un quart de la population. C’est une chose de tenter d’apprendre le déchiffrage au CP, puis de s’embourber jour après jour dans les ornières de la « méthode » jusqu’en dernière année d’école primaire. C’en est une autre d’y entrer lecteur précoce et de se promener avec aisance dans les « livres de lecture » et les leçons quotidiennes données par le maitre. Deux mondes s’y côtoient sans se connaitre. Les premiers, bernés, ne savent pas que les textes, opacifiés par la « méthode », sont lisibles directement à l’œil nu ; les lecteurs ignorent que leurs camarades sont égarés dans un brouillard artificiel. Les uns et les autres ne seront jamais renseignés par l’école sur la fonction de l’intelligence dans l’acquisition de la lecture. Même chez les seconds qui apprennent à lire en lisant, parce qu’ils sont nés dans une famille de lecteurs, avoir été entrainés à mettre leur intelligence en veilleuse pour « installer des mécanismes » laissera des traces psychiques : penser uniquement quand c’est expressément demandé et payé (noté). Et encore… ! Les premiers ne sauront jamais ce qui les a empêchés d’apprendre à lire, les seconds, qu’ils ont appris malgré la méthode. Ces ignorances additionnées partagent les Français entre lecteurs autonomes et déchiffreurs handicapés, dits illettrés, mais les réunissent dans le même brouillard pédagogique que la prolifération des manuels, dits « méthodes », et des publications de travaux « scientifiques », validant a priori leur efficacité didactique, épaissit d’année en année. Dans lequel de ces deux groupes se trouvent les enseignants, les fabricants de méthodes, les conseillers en didactique, les écrivains, les philosophes, les experts, les chercheurs en science de la cognition, les théoriciens de la dyslexie ? La réponse se trouve dans la question. Pourquoi l’enseignement et les pratiques de lecture scolaire n’ont-il pas évolué depuis deux siècles et comment se fait-il que la pédagogie de la lecture, la vraie, soit bannie de l’école ? Même réponse. L’enseignement programmé de la syllabation est plus qu’une source d’échec et d’élimination, c’est une catastrophe nationale. Les médiocres résultats des Français aux tests PISA de l’OCDE ne semblent pourtant pas alerter les gens de pouvoir. L’intérêt national passerait-il après celui des classes dominantes ? Pourquoi la pédagogie de la lecture inspire-t-elle moins les pouvoirs publics que celle de la musique ?
Dans cette brume épaisse où on se perd avec une boussole, on ne distingue pas lire de déchiffrer, ni apprendre d’enseigner. Nul ne sait si la « méthode », choisie par le maitre, est un outil pour celui qui enseigne ou pour celui qui apprend. Quelques opportunistes malins, pas si cons que ça, savent tirer profit de ce flou tenace, des lamentations sur la « baisse du niveau » et la perte des « valeurs », des jugements moraux justificatifs de l’inégalité républicaine, qui enfoncent définitivement dans l’opprobre, par qualificatifs appropriés, les « mauvais élèves ». Les champions de l’égoïsme scolaire, requalifié « élitisme républicain », tirent leur épingle du jeu en se faisant passer pour secouristes. Comment ?
Vendre des méthodes de « lecture », fautrices d’échec, qui servent de béquilles en didactique de la lecture, clefs en mains, aux enseignants sans formation, arnaqués,
Vendre des gadgets pour « mauvais lecteurs » dans la société de consommation, du chacun pour soi, de « l’ascenseur républicain », l’alibi, et du « mérite », la bonne conscience des chantres des inégalités sociales, en rabâchant que celui qui ne fait pas d’effort n’aura rien,
Accepter des « missions d’étude » pour trouver la réponse marchande à l’illettrisme (sans lequel il n’y aurait pas d’élites), agréée par le ministère.
On gagne sur tous les tableaux en faisant commerce de remèdes pour les poisons qu’on commercialise dans la même boutique, avec l’agrément des pouvoirs publics. Trois sources de revenus confortables et de célébrité.
On pourrait penser que les « pédagogues de l’instruction et de l’élitisme pour tous » (tous premiers !), pour qui l’école fut un parcours de gloire, s’emmêlent les pinceaux dans leurs contradictions. Mais non, ils se nourrissent de la confusion qu’ils engendrent. Proposer des solutions de rebouteux aux problèmes que l’on a créés, ça marche toujours. C’est la clef du succès des bateleurs.
Quelle alternative à l’inégalité ?
La vocation première et naturelle, mais ignorée depuis toujours, d’une institution éducative laïque est de fonder sa philosophie et ses pratiques quotidiennes sur ces qualités, spontanées chez les enfants, que sont l’empathie et l’altruisme, sur leur besoin d’aider les camarades et de coopérer à une tâche commune. Développer les compétences sociales des petits humains est la seule parade efficace contre la compétition individuelle stérile et sa conséquence logique, l’échec scolaire de masse, préjudiciable autant à la nation qu’aux perdants. Or, l’école à la française a fait de l’entraide et de la mutualité des délits répréhensibles, des maladies dont il faudrait guérir les enfants. En fait, ce sont simplement des situations pédagogiques contraires aux valeurs bourgeoises. La France serait un immense terrain de sport où les individus s’affrontent à armes égales. On s’y prépare dès le Cours « Préparatoire ».
On pourrait former les enseignants à la socio-pédagogie :
comment gérer sa classe en coopérative de production et de consommation de savoirs
et créer un climat mutualiste d’échanges, d’entraide, de travail en équipe et de travaux de groupe.
Instaurer la démocratie scolaire dans une école sociale : liberté, égalité, fraternité, rien de tel pour prévenir l’échec des plus lents, des plus fragiles, démunis et naïfs ! Oui, mais sans échec, pas d’élimination, pas de sélection, dans un système scolaire où la compétition en vue du recrutement dans les grandes écoles commence à 6 ans. La sélection « au mérite » nécessite la compétition et la compétition interdit le « copiage ». Pour que les gagnants l’emportent, il faut des perdants et un juge arbitre rigoureux. Le plus tôt est le mieux. D’où les méthodes phonologiques de syllabation, avec « bons points », pour ceux qui, par miracle, arriveraient à lire par la voie indirecte : faire le bruit des lettres, comme recommandé par les experts, avant de chercher le sens des mots. Les didacticiens de la « phonologie », du « code » et du « décodage » font croire aux maitres de lecture et aux jeunes enfants que les lettres sont toutes porteuses d’un phonème unique, invariable, antérieur aux mots qui l’utilisent. Dans leurs méthodes de déchiffrage, il n’y a pas de son changeant, qui varierait selon le contexte de la phrase, ici et maintenant. Ni son changeant, ni lettre muette, ni majuscule, ni saut de ligne, ni saut de page. Pas d’implicite, point de « sous-entendu » entre les lignes et sous les mots ! La phonologie commande et passe avant l’intelligence. La lecture scolaire, même « silencieuse » après coupure du volume du son, est exclusivement sonorisée. Penser l’écrit avec les yeux est impensable parce que le cerveau humain, aveugle, ne percevrait que les messages sonores, obligeant le « lecteur » à se faire locuteur et auditeur de sa voix.
« Je me demande si les écoliers n’apprennent pas à lire lentement, par l’exercice de lire tout haut… C’est par les yeux qu’il faut penser, non par les oreilles. Il faut donc former l’enfant à cette lecture par les yeux. » Alain, Propos sur l’éducation.
Que lui répondent les savants modernes ? « Seul l’enseignement explicite du décodage graphophonologique est vraiment efficace. En 2000, par exemple, une vaste méta-analyse américaine montre que les enfants à qui on enseigne ces principes parviennent plus vite, non seulement à lire à haute voix, mais également à comprendre le sens de ce qu’ils lisent. » (Sic) Education et sciences cognitives: le coup de gueule
http://moncerveaualecole.com/education-et-sciences-cognitives-le-coup-de-gueule/
L’éducateur donne la priorité à l’enfant, à ses besoins, à ce qu’il sait déjà ; le « formateur », au sens littéral, ne se soucie que de la mise en œuvre de sa méthode sur d’anonymes individus dont il ne sait rien et ne veut rien savoir. Ni citoyen, ni personne, ni enfant, ni humain, juste un cerveau à l’école. Pour les savants à l’esprit « géomètre », réussir, ce n’est pas savoir lire - d’ailleurs, ils ne se posent pas la question : qu’est-ce que lire ? -, c’est être capable de faire ce que leur méthode préférée transmet : un enseignement systématique et structuré des correspondances entre les lettres et les sons. Ils confondent l’ordre et la raison. S’ils étaient experts en didactique de la bicyclette, ils diraient : « Non seulement ils parviennent à nommer toutes les pièces de la bicyclette montrées avec la baguette du magister sur une planche de mécanique, mais également à comprendre la destination de chacune. Faire de la bicyclette, c’est en démonter les pièces et les nommer à voix haute. » La mécanique acquise, ça roule tout seul.
Or, personne, sauf l’enfant floué, ne déchiffre les mots « avant de comprendre ce qu’il lit » comme l’enseignent Alain Bentolila, Stanislas Dehaene et leurs confrères méthodistes. Déchiffrer un écrit est la recette de l’échec en lecture. Car les lettres, enchâssées dans les mots, au service du sens, désobéissent sans vergogne au « code » : « Les vendeurs plient et emballent avec un lien en ruban les achats de leurs clients ». Si j’enlève une lettre à lient, j’ajoute un son : lien. Si j’ajoute une lettre à lient, j’ajoute deux sons : client. Apprendre les « règles de correspondance » entre les signes graphiques et des sons labiles fait dérailler. Naïf est qui s’y fie ! Les enfants égarés par la stupidité de la démarche d’apprentissage, préconisée par les phonistes et approuvée par la plupart des parents, finissent par renoncer à apprendre à déchiffrer… et à lire, puisqu’on leur dit que c’est pareil. L’école leur fournit alors deux réponses :
moralisation de l’apprentissage : « Tu ne travailles pas assez ! »,
médicalisation des rééducations du déchiffrage (faire plus de la même chose sous caution médicale).
C’est l’art de culpabiliser, puis de pardonner, les victimes de la tromperie, dans le but d’individualiser l’étiologie de l’échec, pour ne pas éveiller de soupçon sur la responsabilité de l’enseignement. Mais la mansuétude des thérapeutes de la « lecture » n’atténue en rien les effets délétères de la rééducation par le déchiffrage. A la satisfaction générale de ceux qui ne voient dans l’école qu’un musée des valeurs et dans l’enseignement de la lecture qu’une alphabétisation, aucune réponse ne met en question la stratégie unique de « lecture » enseignée. Car les idées reçues du XIXe siècle, faisant leur chemin en sous-sol, ont gagné la totalité de l’opinion publique. L’idéologie a fait son œuvre : la syllabation est aujourd’hui l’unique procédé de lecture reconnu par l’école. Pendant les quarante dernières années, dans leurs tentatives de démocratisation de l’école, Rouchette, Haby, Savary, Legrand, Jospin, pour s’en tenir à cinq réformateurs seulement, se sont heurtés successivement aux gardiens de la cité interdite. L’alliance du conservatisme et du corporatisme bloque tout progrès pédagogique quels que soient le contexte historique et la majorité qui gouverne. Si c’est toujours l’obscurantisme qui gagne, soit la démocratie n’est pas le projet social de l’école, soit l’école n’est pas l’émanation de la république, soit les élèves ne sont pas des enfants mais des adultes en miniature en conflit avec l’intérêt des majeurs.
Quand les réformateurs sont mis au ban, déchus de leur légitimité, les marchands installent leurs bancs dans le temple. Vendre des outils de réparation anesthésiants, qui apprennent à perdre plutôt qu’à apprendre, pour concurrents en panne d’apprentissage sur voie de garage, immobilisés sur la touche, à l’infirmerie ou à la porte du stade, est une aubaine pour les entrepreneurs du soin scolaire. Ils perdraient leurs sources de revenus et de popularité si l’école française devenait une institution républicaine, éducative, coopérative, d’entraide entre pairs. Car les enfants coopérateurs auraient tôt fait de s’apprendre à lire ensemble sans déchiffrer, fi des méthodes de « lecture » à l’unité élémentaire de langue, qui ne leur livrent rien, ni identification, ni sens. Identifiez les mots homographes « Nous portions les portions » sans les lire, par le seul bruit des lettres sonorisées avant lecture ! Avec gadgets et sentences morales, les méthodes sont là pour empêcher les enfants de coopérer et de lire.
Cette marchandisation de la transmission des savoirs friserait le ridicule si elle ne reproduisait dans un écho sans fin, de haut en bas de la pyramide sociale, les valeurs de l’idéologie dominante et, en bonne place, les préjugés sur l’ « échec » et la « réussite ». L’opinion publique, profane ou professionnelle, est convaincue que « le travail est le secret de la réussite à l’école ». « Travaille bien ! » est le refrain qu’entend tous les jours l’écolier qu’on dépose au portail de l’école. Les performances scolaires seraient la simple résultante de choix éthiques personnels, dont l’effort occupe le premier rang. Comme dans un sport de compétition, l’individu serait intrinsèquement responsable, volontairement ou involontairement, de son parcours scolaire, à la force du poignet. L’école – elle est parfaitement neutre, il n’y a rien à changer - ne ferait qu’enregistrer les conséquences de la volonté et des efforts de chacun, décidés par libre arbitre, en connaissance de cause. Le premier rôle d’un enseignant français pour « prévenir l’échec » serait d’exhorter à l’effort solitaire « l’élève sans volonté », le second, de lui coller « la note qu’il mérite ». Quand les gardiens du temple et leurs fidèles concèdent la part de l’école dans la production de l’échec, ils nous parlent d’enfants qui ont eu « la malchance de tomber sur des pédagogistes » qui pratiqueraient la méthode « globale » et enseigneraient la « théorie des genres » au lieu de faire travailler sur les cahiers d’exercices de la méthode, la bonne, l’alphabétique qui fait déchiffrer lettre après lettre.
Voir Bentolila, Brighelli, Onfray: tout fout le camp Véronique Soulé 15 septembre 2014
Telle qu’elle fonctionne aujourd’hui, dans sa promotion de la compétition comme seul stimulant et unique but de l’apprentissage, dans la sacralisation des valeurs du passé et l’immobilisme de ses « méthodes », l’école reste un frein à l’évolution de l’humanité. Les « valeurs » de la bourgeoisie marchande se sont imposées aux professionnels de l’enseignement aux dépens des valeurs humanistes que défendait Victor Hugo, un « utopiste », droitdel’hommiste, « pédagogiste » avant l’heure, qui réclamait l’éducation laïque pour tous et l’abolition de la peine de mort. Vivant de nos jours, il subirait les sarcasmes qui condamnent les boucs émissaires « responsables de l’échec scolaire ». Petits métiers à succès et produits commerciaux ou médicaux de dépannage fleuriront longtemps rue des écoles. La démocratie sociale, le bonheur d’apprendre en communauté, la vie, la vraie, attendront la disparition des écoles de prestige pour héritiers et de leurs classes prépa. Car, élevés dans le culte de l’égoïsme individuel et/ou de classe, une fois au pouvoir ou aux affaires, fils de bourgeois ou parvenus au mérite, bardés de diplômes, les élites, hostiles au partage, comme appris à l’école, ne ressentant aucune empathie pour ceux qui souffrent, en bas, se refusent à toute réforme qui démocratiserait l’enseignement. Ce serait démolir ce qui permet la reproduction de la division du travail au profit des dominants. Ce serait trahir l’éducation reçue, son clan et ses valeurs, que les politiques, de droite ou de gauche, par ignorance ou opportunisme, reprennent à leur compte de génération en génération. Il y a de l’avenir pour les vendeurs de gadgets et l’égoïsme de classe.
Laurent CARLE (mars 2016)